Une pierre insolite, Le Télégramme 1973
Un article de GrandTerrier.
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Autres lectures : « GIOT Pierre-Roland - Machines à laver, pressoirs à cidre ou pierres gravées ? » ¤ « KERVAREC André - L'ancêtre de la machine à laver » ¤ « Patrimoine rural et utilitaire » ¤ « Inventaire gabéricois des pierres de granit pour bailles à buée » ¤
[modifier] 1 Transcription
Regardez bien cette pierre ! et essayez d'en déterminer son utilité ! Nous en appelons à votre sagacité. Allons ! Vous donnez votre langue au chat n'est-ce pas ? Cette pierre en forme de disque d'un mètre de diamètre et épaisse de 20 centimètres environ comporte, en effet, quelques particularités : À quelques centimètres de la bordure se trouve taillée une cannelure ou, si vous préférez, une rigole assez profonde. De plus, diamétralement et perpendiculairement deux autres rigoles divisent cette insolite dalle circulaire en quatre parties égales. Et tout ce réseau rejoint un bec d'évacuation. Toujours aussi perplexes ? M. Taboré, d'Ergué-Gabéric, possesseur de cette rareté, éclaire nos lanternes. Car cette dalle n'est qu'une partie d'un engin qui s'utilisait voici encore 50 ans. Elle constitue un fond de récupération d'eaux salées. Sur cette assise s'adaptait une baille tirée d'une barrique dont on avait ôté le fond. Seules subsistaient les douelles. Et tout cela donnait une machine à laver - l'ancêtre de la machine devenue indispensable dans tout ménage moderne. Quand et comment s'en servait-on ? Il était de tradition, dans les exploitations agricoles, en dehors du lavage hebdomadaire des effets d'usage constant, de faire deux fois l'an la grande lessive : l'une au printemps, l'autre à l'automne. C'était toute une préparation et l'on avait recours aux femmes du voisinage. Donc la baille était juchée sur la fameuse dalle. |
Dans un foyer avoisinant, on allumait un grand feu et l'on faisait bouillir de l'eau. Ceci prêt, on mettait au fond de la baille une première couche de linge, draps, etc ... , pas des draps modernes, mais de la solide toile de ménage en lin de Bretagne, comme il en existe encore dans bien des maisons de la contrée et que nos mamans conservent jalousement. Il n'y avait encore ni savon ni lessive Le Breton n'est jamais à cours d'idées. C'est un homme pratique. Il eut recours à la cendre de bois (« Ludu tan » en breton), gorgée de potasse. Donc le bois servait à chauffer l'eau et sa cendre était ensuite employée comme lessive. N'était-ce pas rationnel ? La première couche de draps au fond de la baille, on soupoudrait de cendres, puis on versait de l'eau très chaude. Et ainsi de suite, jusqu'à la limite permise de notre machine. Petit à petit, l'eau et la cendre faisaient leur travail, toute la crasse s'en allait. L'eau sale dégoulinait dans un récipient, ou était versée dans une auge. Et tenez-vous bien ! Elle constituait un engrais potassique, que l'on appelait « ar cloag » et que s'arrachaient les maraichers. Voilà toute l'histoire de cette pierre. Tout ce qui au départ avait été utilisé se retrouvait réemployé sous une autre forme. Il existait, nous a-t-on dit, dans le quartier de Pondigou, une lavandière (précurseur de nos blanchisseries modernes) qui employait un semblable système, mais beaucoup plus grand. Qu'est devenue cette pierre ? O.R. |
[modifier] 2 Coupure de presse
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Thème de l'article : Patrimoine communal Date de création : juillet 2009 Dernière modification : 20.11.2022 Avancement : [Fignolé] Source : Télégramme 11-12 août 1973 |