Un train, un cheval affolé et des passants renversés, Le Progrès du Finistère 1907 - GrandTerrier

Un train, un cheval affolé et des passants renversés, Le Progrès du Finistère 1907

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Catégorie : Journaux
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§ E.D.F.

Où il est question d'un cheval affolé par le passage du train entre Quimper et Ergué-Gabéric, et qui, avec son char-à-bancs, renverse plusieurs gabéricois qui passaient par là. C'est l'occasion de faire le portrait et rédiger l'histoire de ces victimes du progrès en ce début du 20 siècle.

Autres lectures : « 1905-1909 - La loi du 14.07.1905 et l'aide communale aux indigents et assistés » ¤ « 1540 - Aveu de François Lysyard, seigneur de Kergonan » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Dans l'édition du 14 Juin 1907 du Progrès du Finistère [1], en nouvelles départementales, on trouve cet entrefilet qui relate un fait-divers à l'entrée de la commune d'Ergué-Gabéric : un train venant à passer provoque l'affolement d'un cheval tractant un char à banc, lequel renverse des passants.

Ce fait-divers se passe en 1907, soit 44 ans après l'inauguration de la ligne Paris-Nantes-Quimper en 1863. À noter que le tracé du chemin de fer longe la frontière sud d'Ergué-Gabéric le long du Jet jusqu'à l'entrée dans Quimper. Et bien entendu à ces époques, les locomotives fonctionnaient au charbon et le sifflet à vapeur était actionné pour signaler leur passage.

L'accident se passe à Poul-ar-Raniket (la mare aux grenouilles), à la sortie est de Quimper en direction d'Ergué et de la vieille route de Rosporden. Ce quartier est connu entre autres pour être l'endroit où, dans son grenier, Jean-Marie Déguignet acheva en 1905 la deuxième édition de ses cahiers avant de mourir. A cette époque, les gabéricois allait y chercher occasionnellement leur pain blanc (« bara gwinnich ), qui était un véritable luxe par rapport au pain de seigle plus courant: « Wi oa kerhed bara da Poul ar Raniket, ban ti Lozac'h pennag. Ar re a ye all da gehed bara, gant charaban. A var graet kalz bara. » (Marjan Mao, 1982).

Les six personnes impliquées et citées par le journal sont toutes d'Ergué-Gabéric :

  • Mme Bihan de Kersaux conduisant le char-à-banc et accompagnée d'une dame Hémédy. En 1836 Louis Le Bihan, âgé de 60 ans, habitant déjà Kersaux, il doit s'agir ici de la brue d'un de ses descendants.
  • Jean Guénadou et sa fille. Jean Guénadou, né en 1866 au Quélennec, est aide-cultivateur à Ergué-Gabéric et à Ergué-Armel.
  • Jean-Louis Conan, 69 ans, agriculteur à Kerdilès, et sa fille Marie-Jeanne, épouse Corré.

Attachons-nous un peu à ces derniers, et par là aux Conan qui ont de tous temps été nombreux à habiter Ergué-Gabéric et les paroisses voisines. Jean-Louis Conan, est né en 1838 à Kerdilès [2]. Son père est né à Elliant, à Maner Botbodern où la famille est venue vers 1700, en provenance de Kergonan en Ergué Gabéric. Ils ont toujours vécu aux limites des deux communes, l'état civil se déclarant soit dans l'une, soit dans l'autre, sans trop tenir comte du domicile exact. Après son mariage en 1865 avec Marie Anne Manchec, il est agriculteur à la ferme de Kerdilès et ils auront 4 garçons et 4 filles.

 

Il est décédé le 11 novembre 1916 et la photo ci-dessous, près du puits de Kerdilès, a du être prise peu de temps avant. Sur la fin de vie il était presque totalement aveugle, suite à une dégradation de ses facultés visuelles sans doute due à une cataracte ou à un diabète. En 1908 il touche une allocation mensuelle de 10 francs au titre de la loi du 14 juillet 1905 sur l'assistance obligatoire aux vieillards, infirmes ou incurables.

Jean-Louis Conan de Kerdilès, avant 1917
Jean-Louis Conan de Kerdilès, avant 1917

Il est vraisemblable qu'en 1907, à l'occasion de cet accident, il était déjà mal voyant. En 1900, sur la photo de mariage de sa fille Marie-Louise avec Jean-François Le Reste, on voit ses deux enfants poser leur main sur son épaule et son poignet, comme pour lui indiquer le temps de la pose photographique.

Cinq générations avant Jean-Louis, son aïeul François Conan était agriculteur à Kergonan, décédé en 1716 à l'âge de 50 ans. A défaut de registres gabéricois dans l'intervalle 1646-1677, il est difficile de remonter plus loin. Mais on note qu'en 1540 Guillaume Conan est déclaré comme habitant, en cohabitation avec un dénommé Yvon Guilou, les bâtiments du manoir de Kergonan [3], ce qui dénote la confiance du seigneur propriétaire François de Lisiart et une position privilégiée par rapport aux occupants des métairies.

[modifier] 2 Coupure de presse

ERGUE-GABERIC -- Accident de voiture. -- Samedi dernier, vers 4 heures du soir. Mme Bihan, cultivatrice à Kersaux en Ergué-Gabéric, revenait en char à bancs du marché de Quimper, accompagnée d'une dame Hemedy, habitant la même commune.

An moment où elles passaient le lieu-dit Poul-Raniquet, en Ergué-Armel, le cheval, entendant le sifflet d'une locomotive, eut peur et s'emballa.

Tous les efforts de Mme Bihan pour maîtriser la bête furent inutiles ; aussi, successivement, elle renversait le nommé Jean-Louis Conan, cultivateur à Kerdiles, en Ergué-Gabéric, qui fut quitte pour une contusion au bras droit, et sa fille, Marie-Jeanne Conan, mariée à Yves Le Corre, actuellement au Canada.

Cette malheureuse, qui est mère de dix enfants, dont le plus jeune n'a que cinq mois, fut violemment projetée à terre et se fit une blessure à l'œil gauche, de nombreuses ecchymoses à la figure et sur le corps. Un médecin, qui se trouvait heureusement sur les lieux, lui pratiqua des points de suture. Son état que l'on croyait d'abord très grave, n'inspire actuellement aucune inquiétude.

La bête, continuant sa course, renversa ensuite le nommé Jean Guénadou, également d'Ergué-Gabéric, qui s'en est tiré avec quelques contusions au bras ; mais sa fille, qui l'accompagnait, a eu toute la figure ensanglantée.

La voilure a versé un peu plus loin. Mme Bihan s'est relevée sans accident, tandis que Mme Hemedy se plaignait de douleurs à la jambe, au nez et au menton.

-- Un cavalier précoce. --

Le jeune Philippe, âgé d'une dizaine d'années, demeurant avec sa mère au bourg, voulait à tout prix grimper sur un cheval.

Dimanche dernier, il monta donc sur un jeune cheval qu'on conduisait a l'abreuvoir.

Ce poulain, peu habitué à être monté, ne se trouvant pas à l'aise, lança une ruade et notre pauvre petit bonhomme roula à terre sans grand mal.

Espérons qu'il ne recommencera pas de sitôt.

 
Le Progrès du Finistère, 1907
Le Progrès du Finistère, 1907

[modifier] 3 Annotations

  1. L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑]
  2. Naissance - 29/06/1838 - Ergué-Gabéric (Kerdiles) - CONAN Jean Louis, enfant de Guénolé et de Marie Louise LE GUYADER. Témoins : Hervé barré 30a jean pennanech 47a cultivateurs. Naissance de son père : Naissance - 19/09/1810 - Elliant (Botbodern) de CONAN Guenel, fils de Michel, âgé de 35 ans et de Louise LE DE. [Ref.↑]
  3. Transcription de Nathalie Calvez, « 1540 - Aveu de François Lysyard, seigneur de Kergonan » : « Item, congnoit, ledit seigneur de Kergonan, tenir ledit manoir, o les lieux esquieulx desmeurent Guillaume Conan et Yvon Guilou, oudit lieu de Kergonan ». [Ref.↑]


Thème de l'article : Revue de presse

Date de création : Mai 2006    Dernière modification : 21.01.2020    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]