Santez Ermengarde
Un article de GrandTerrier.
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Ermengarde d'Anjou (née en 1072 - morte le 1er juin 1146) est une princesse d'Anjou qui a été duchesse de Bretagne et la protectrice de l'abbaye de Fontevraud (Anjou, maintenant Maine-et-Loire).
Ermengarde d'Anjou naît à Angers en 1072 du mariage de Foulque IV le Réchin et d'Hildegarde de Beaugency. Ayant perdu sa mère assez tôt, elle reçoit une éducation très soignée et se montrera pieuse et soucieuse de réformation religieuse, en particulier pour lutter contre l'appropriation de biens d'église par les laïcs.
En premières noces, elle épouse en 1089 le jeune duc et poète, Guillaume IX Le Troubadour, mais celui-ci la répudie trois ans plus tard, pour épouser Philippie de Toulouse. Ce mariage n'est mentionné que par Guillaume de Tyr, et par aucun autre auteur contemporain, aussi est-il mis en doute. De plus ces deux prétendus époux étaient cousins germains, la mère de Guillaume IX était Hildegarde de Bourgogne, une demi-sœur utérine de Foulque IV le Réchin.
Son père la marie en 1093 avec le duc de Bretagne, Alain IV Fergent, probablement pour sceller une alliance contre la Normandie, alors dirigée par le fils de Guillaume le Conquérant. En 1096, son époux étant parti en Palestine pour faire la Première Croisade, elle assume avec autorité la garde du duché jusqu'en 1101.
Se plaisant peu à Rennes et dans l'Ouest du duché, elle préfère Nantes ou la région de Saumur et, séduite par le rayonnement de Robert d'Arbrissel, elle favorise l'expansion de l'abbaye de Fontevraud dans laquelle elle se retire deux fois comme simple moniale. Après la mort de son mari en 1095, elle revient en Bretagne soutenir le nouveau duc, son jeune fils Conan III.
Admiratrice de saint Bernard de Clairvaux, elle favorise la création d'abbayes cisterciennes. En 1117, à près de 50 ans, elle accompagne son fils à la Deuxième croisade. Elle retourne en Palestine dix ans plus tard et certains historiens pensent qu'elle a pu finir sa vie à Jérusalem comme moniale du couvent de sainte Anne.
Les nécrologies de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon et de Saint-Maurice d'Angers mentionnent cependant un décès en 1146 à Redon, où était enterré son mari.
Site Pennker / Vie des Saints d'Albert Le Grand :
LA VIE DE LA BIEN-HEUREUSE ERMENGARDE D'ANJOU
Duchesse de Bretagne, Fondatrice du Monastere de Buzay, le 25 septembre.
L' heureuse Princesse Ermengarde, fille de Foulques, surnommé Rechim, quarante-deuxiéme Comte d'Anjou, et de sa premiere femme Hildegarde, fille de Lancelin, Seigneur de Beaugency, nâquit au Chasteau d'Angers, l'an de grace 1057, sous le Pontificat d'Estienne X dit IX & l'Empire de Henry IV dit III ; regnant en Bretagne le Duc Conan II du nom. Elle fut soigneusement élevée par ses Parens, &, estant grandelette, fut mariée à Guillaume, Comte de Poitou, lequel, aprés l'avoir repudiée, deceda, la laissant veuve. L'an 1093, Constance d'Angleterre, fille de Guillaume le Bastard, Roy d'Angleterre, femme d'Alain IV, surnommé Fergent, Duc de Bretagne, estant decedée, ce prince, informé des vertus de la Comtesse de Poitou, la rechercha & épousa, en grande solemnité, au Chasteau de Nantes. Cette Dame estoit de mesme humeur avec son Epoux, adonnée à la pieté, justice & exercice de vertus ; c'estoit la vraye Mere de son Peuple, le refuge des affligés, le modelle & exemple de toute vertu. Le Pape Urbain II estant venu en France, l'an 1095, pour lever la Croisade contre les Infidelles qui occupoient la Terre Sainte, la Duchesse, postposant son aise & commodité à la Gloire de Dieu & recouvrement des Saints Lieux, persuada au Duc, son epoux, de se croiser avec les autres Princes François, & passer la mer en personne pour combattre les ennemis de Jesus-Christ.
II. Le Duc, obeissant aux pieux avis de sa femme, laissa son Pays & Duché sous le gouvernement des Estats & de la Duchesse, &, ayant fait levée de bon nombre de soldats, se croisa avec Conan, fils du Comte Geoffroy, qui fut tué à Dol, Hervé, fils de Guillaume Comte de Leon, Raoul de Gaël, Alain, son fils, Riou de Loheac & plusieurs autres Seigneurs ; lesquels, s'estans joints à Robert Duc de Normandie, Estienne Comte de Chartres, Eustache frere du Duc de Lorraine, Rotrou Comte du Perche, le Comte de Flandres & Hugues le Grand, passerent à Duras, puis en Albanie, Macedoine, Thrace & de là à Constantinople, où ils furent bien recueillis de l'Emprereur Alexis, qui, au partir, les chargea de presens, & enfin allerent joindre l'Armée des Chrestiens campée devant Nicée en Bithinie, où ils firent monstre de six cens mille pietons & cent mille chevaux. Le Duc Alain demeura six ans, hors sa Duché, en cette sainte expedition & y fit de belles armes, ayant combattu vaillamment en trois memorables batailles rengées ; la premiere fut en ce Siege de Nicée, où Solyman, general des Turcs, qui estoit venu à grande puissance pour lever ce siége, fut défait & mis en pieces par l'armée Chrestienne ; l'autre fut le premier de Juillet 1097 sur le chemin d'Antioche ; la troisiéme au Pont-Ferré, où les Perses & les Parthes Mahometans furent mis en déroute, le Duc commandant en celuy des douze Bataillons de l'Armée Chrestienne qui attaqua le Bataillon du Satrape Corbagat. Il fut aussi en plusieurs assauts & prises des Villes, Chasteaux & Forteresses, & entra des premiers, par la bresche, en la ville de Jerusalemn lors qu'elle fut prise d'assaut. Tandis que le Duc faisoit merveilles d'armes en Orient, la Duchesse, comme un autre Moïse, passe tout son temps en oraisons & œuvres de pieté ; elle faisoit faire des Processions generales par toute la Bretagne, alloit de Monastere en autre recommander aux Religieux & Prestres le succez des armes Chrêtiennes, faisant faire des quêtes & cueillettes pour fournir aux frais de la guerre, dont les deniers & sommes elle faisoit tenir asseurément à l'armée.
III . Enfin, l'an 1101, les Princes ayans mis bonordre aux affaires de la Terre Sainte, le Duc s'en retourna, & arriva en Bretagne, au mois d'Aoust, au grand contentement de tous ses sujets, mais specialement de la Duchesse, laquelle, voyant que la Justice se manioit en Bretagne fort confusément, sans regle certaine, ny forme determinée, persuada au Duc, son mary, d'y donner ordre pour le soûlagement de ses Sujets ; ce qu'il fit, instituant deux Seneschaux en Bretagne ; l'un à Rennes, Juge universel du Duché, l'autre à Nantes pour le Comté Nantois seulement, & rétablit le grand Parlement de Bretagne, qui avoit esté long-temps interrompu par le moyen de guerres, où il s'assit en son Estat Royal ; à sa dextre, un peu plus bas, le Prince Conan, Comte de Nantes, Geffroy, Comte de Penthiévre, & Estienne, son frere ; aux pieds du Duc, le Chancellier ; à costé, le Seigneur de Guemené, tenant un coussin de drap d'or, &, sur iceluy, la Couronne Ducale à hauts d'or ; &, de l'autre costé, le grand Escuyer de Bretagne ; le Seigneur Blossac portant l'épée Ducale ; aprés, les Seigneurs du sang ; Bladric, Archevesque de Dol, suivy des Evesques de Rennes, Nantes, Saint Malo, Cornoüaille, Vennes, S. Brieuc, Leon & Treguer ; 22 Abbez ; les neuf Barons de Bretagne, à main senestre, & les Bannerets & Députez des Chapitres & bonnes Villes ; &, en cette Assemblée, il fit des Loix, Ordonnances & Edits trés-utiles jusqu'à l'an 1111 qu'étant tombé malade, il se fit porter en l'Abbaye de Saint Sauveur de Rhedon, pour se disposer à bien mourir parmi les Religieux qui y vivoient fort saintement. La Duchesse, ayant obtenu permission des Abbez & religieux de l'assister, luy rendit tous les devoirs & offices de bonne & loyale Epouse, & fit tant par ses prieres, aumônes & autres bonnes œuvres, que le Duc recouvra sa santé, &, par le cosneil de sa femme, se démit du Gouvernement du Duché és mains du Prince Conan, son fils, & se retira à Rhedon, se logeant prés le Monastere de Saint-Sauveur, vivant en grande tranquillité & quiétude, s'exerçant en l'Oraison & mortification jusques en l'an 1119 que Dieu l'apella de ce monde, & fut enterré audit Monastere, en presence des neuf Evêques de Bretagne, au grand regret de tous ses sujets. Il deffendit trés expressément qu'on ne fit aucune Pompe Funebre à ses obseques ; mais les Barons ne le voulurent endurer & luy firent autant d'honneur qu'à aucun de ses Prédecesseurs. A l'exemple de ce Prince, Benoît, Evêque de Nantes, son Frere, se défit de son Evêché, se rendit Religieux au Monastere de Sainte-Croix de Kemperlé & y vêcut, le reste de ses jours, en grande humilité & observance.
IV. La bien-heureuse Duchesse Ermengarde ayant essuyé les larmes de son duëil, se donna entiérement au service de Dieu ; &, parés avoir assisté au Couronnement du Duc Conan, son Fils, se retira à Rhedon, où elle demeura six ans, vivant en grande Observance, sous la direction des Religieux du Monastere de Saint Sauveur. Sa maison estoit composée de personnes Religieuses & de bonne vie ; son train estoit petit, en ayant retranché la plus grande part ; elle distribuoit le revenu de son patrimoine & de son doüaire aux Eglises, Monasteres & Hospitaux ; elle entendoit devotement le Divin Service audit Monastere, & s'exerçoit en grandes austeritez & mortifications. Cependant qu'Elle s'occupoit à ces Religieux exercices, Dieu luy fit naître l'occasion d'aller visiter les Saints Lieux de la Terre Sainte, d'autant que les Seigneurs Chrêtiens, aprés la mort de Baudoüin, Roy de Jerusalem, apellerent le frere d'elle, Foulques, Comte de Touraine & du Mayne, pour Epouser la Princesse Meliscende, seule & unique heritiere dudit Baudoüin ; ce que la Duchesse ayant sceu, elle pria le Roy Foulques, son Frer, de l'amener en Terre Sainte, ce qu'il fit, l'an 1125 & y demeura 9 ans, s'occupant en visites des Saints Lieux, reparations d'Eglises, assistances des Religieux, Pauvres & Pelerins ; elle fit bâtir une magnifique Eglise sur le puits de Jacob, où le Sauveur parla à la Samaritaine, laquelle elle fit dedier à Saint Sauveur, & eut passé le reste de ses jours en cette contrée, si le Duc Conan, son Fils, & toute la Bretagne n'eussent importuné le Roy Foulques de la renvoyer, & elle de s'en retourner, ce qu'elle fit à son grand regret, aportant de precieuses Reliques en Bretagne, où elle arriva, l'an 1134 au grand contentement du Duc & de tout le Peuple.
V . En ce temps-là, le Glorieux Patriarche saint Bernard s'étant élevé contre les erreurs de maistre Pierre Abaëlard, Abbé de Saint Gildas de Rhuys, natif du Bourg Paroissial de Palets, Diocese de Nantes, fit plusieurs voyages vers le Duc Conan & la Duchesse Marguerite, Fille de Henry I, Roy d'Angleterre, pour se servir de leur autorité, afin de ranger cét homme (qui étoit leur sujet) à la raison, où il trouva la B. H. Ermengarde, nouvellement revenuë de la Terre Sainte, avec laquelle il contracta une sainte amitié, de sorte qu'elle luy ouvrit son dessein, qui étoit de se retirer du monde & passer le reste de ses jours au Service de Dieu en quelque Monastere, suppliant le saint Abbé de vouloir accepter une terre & les possessions qu'elle luy vouloit donner, pour fonder & bâtir un Monastere, comme il avoit fait à Begar, au Dioces de Treguer, à l'instance des Comte & Comtesse de Guengamp. Le S. Abbé accepta son offre, &, ayant pris des Religieux de Clairvaux, les amena en Bretagne, & vint trouver la Duchesse Ermengarde à Nantes, accompagné de Geffroy, Evêque de Chartres, Legat du Pape Innocent II en Aquitaine. Ils furent faire la reverence au Duc, lequel ratifia la fondation que sa Mere vouloit faire audit Monastere, en un lieu apellé Buzay, situé au bord de la Riviere de Loire, quatre lieuës sous Nantes. Pendant que S. Bernard étoit à Nantes, une pauvre femme s'adressa à luy, luy declarant qu'il y avoit 9 ans qu'un Diable incube abusoit d'elle toutes les nuits, & mesme estant couchée prés de son mary, sans qu'il en aperceut rien, commettant sur elle mille impuretez & actes lubriques ; enfin, que, la septiéme année, craignant que la mort ne la surprit en cét estat, elle s'estoit confessée à un Prêtre, &, par son conseil, avoit fait plusieurs pelerinages, aumônes & oraisons, sans que, pour cela, elle fust soûlagée ; au contraire, qu'elle en estoit plus vexée & importunée que jamais ; ce qu'étant venu enfin en évidence, son mary, abhorrant sa conversation l'auroit abandonnée ; de plus, que cét infame Démon luy avoit prédit la venuë du saint Abbé & expressément defendu qu'elle ne se fust presentée à luy, autrement que, de son amy, il luy deviendroit son plus cruel ennemy, & que, quand le Saint s'en seroit allé, il la persecuteroit cruellement. Cette pauvre femme, disant ces paroles, tenoit les pieds du Saint embrassez & les arrousoit d'un torrent de larmes.VI . Le Saint la releva & la consola, luy donnant esperance de se voir delivrée en peu de temps, &, d'autant qu'il estoit déjà tard, luy enjoignit de la venir trouver le lendemain ; à quoy elle ne fit faute, & luy raconta que ce Démin incube l'estoit venu encore voir la nuit passée, &, aprés ses saletez accoustumées, l'avoit menacée de terribles persecutions. Le Saint, l'ayant écoutée, luy dit : "Allez-vous-en, ma fille ; prenez mon baston que voicy & le mettez en vostre lit & ne vous souciez de rien ; que l'ennemy fasse ce qu'il pourra". La femme prit ce baston, & s'allant coucher, estant munie du signe de la Croix, le mît sur son lit, &, tout incontinent, le Démon entra dans sa chambre, la menaçant de la faire repentir, quand le Saint se seroit retiré ; mais il n'osa plus approcher d'elle, ny même de son lit. Le Dimanche suivant, S. Bernard pria Brice, Evêque de Nantes, de faire assembler le Peuple dans l'Eglise Cathedrale de Saint Pierre, &, à l'Offerte de la grande Messe, il sortit du Chœur, assité desdits Evêques de Nantes & de Chartres, de tout le Clergé & du Peuple, ayans tous des cierges allumez en leurs mains ; &, montant en Chaire, il fit une belle prédication, déclarant publiquement les vexations que cette pauvre creature avoit enduré de ce Démon incube, lequel, de l'autorité de Jesus-Christ & des Prelats là presens, par l'intercession de tous les Saints & les prieres du Peuple fidelle qui estoit present, il anathematiza cét esprit immonde, luy deffendant desormais, d'approcher de cette femme, ny d'aucune autre ; &, ayant dit cela, il éteignit son cierge & en fit faire autant au Clergé & au Peuple, &, par même moyen, toute la puissance du Démon fut éteinte & amortié, &, depuis, il ne retourna plus vers cette femme ; laquelle, s'estant confessée au Saint, reçut la Communion & s'en retourna en son logis, remerciant Dieu & son serviteur saint Bernard. L'année même 1136, le 26 juin, ledit Monastere de Buzay fut fondé par ladite Duchesse Ermengarde & les Religieux y establis par S. Bernard, sous la direction de S. Jean (depuis Evêque de Saint-Malo, surnommé de la Grille) lequel il fit venir du Monastere de Begar, où il estoit Abbé.
VII . La B. heureuse Ermengarde, aprés l'establissement des Religieux à Buzay, y fit quelque sejour, recevant les instructions du S. Abbé Jean, & meprisa tellement le monde, qu'elle ne voulut plus retourner en la Cour du Duc, son fils, quoy qu'elle en fut importunée, méme pressée par plusieurs grands Seigneurs, lesquels, s'offençans de son refus & du genre de vie qu'elle vouloit, desormais, mener, en tinrent peu de compte & la mépriserent ; mais la B. H. Princesse, bien ayse d'estre méprisée pour l'amour de Jesus-Christ & de la vertu, se retira en sa ville de Rhedon, qui estoit membre de son doüaire, &, ayant receu l'habit de l'Ordre de Cisteaux de la propre main de S. Bernard, acheta une grande & spacieuse maison, prés le Monastere de S. Sauveur, où, ayant amassé quelques filles pieuses, elle passa le reste de ses jours au service de Dieu, jusques à l'heure de son trespas. S. Bernard faisoit estat de la vertu de cette B. H. Princesse & la consoloit souvent par lettres ; deux lesquelles se lisent dans ses œuvres [...].
Enfin, la bonne Dame ayant longuement perseveré au Service de Dieu, mourut à Rhedon, & fut inhumée prés du Duc son mary, l'an de grace 1148.
Vies des saints de la Bretagne Armorique par Albert Le Grand (1636) - Vè édition de 1901 - Quimper