Sant Konwoion
Un article de GrandTerrier.
1 Fiche signalétique
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Site Bretagne.net :
Konvoion - Convoyon - Conwoïon
prénom masculin, fête le 5 janvier
Origine du prénom
Fondateur de l'abbaye bénédictine de Saint-Sauveur de Redon.
Il est le protecteur de Comblessac, en Ille-et-Vilaine.
Site VincNet1 :
"Conwoion", abbé-fondateur de l'abbaye de Redon en juin 832. Il est né vers 788 à Comblessac (35), évêché d'Aleth à l'époque. Il est le fils d'un certain Conan, de noble famille, et la tradition hagiographique indique même qu'il était de la noblesse "sénatoriale".
Il est d'abord prètre, comme l'indique la charte N° 212 (p 163) du cartulaire. Le GSR et la VC nous indique qu'il fut par la suite diacre dans l'évêché de Vannes.
Il semble que sa fonction et sa noblesse le destinait à devenir évèque de Vannes. Mais cette fonction, stratégique, restait dans les mains franques, à cette époque Régnier. Il avait alors des relations avec les Widonides, comtes de Vannes, et de la marche.
Il décide avec 5 compagnons, d'aller fonder un monastère, à l'extrémité de l'évêché de Vannes, à la frontière avec le royaume franc. Ayant eut successivement les autorisations du machtiern du lieu, Ratuili, de Nominoë et de l'empereur Louis le Pieux, et ayant décidé de suivre la règle monastique de Saint Benoît d'Aniane, Conwoion commence à accueillir de plus en plus de monde dans son monastère, et reçoit de plus en plus de donations.
L'abbaye de Redon commence à devenir, alors, un pôle important qui accompagne l'ascension politique de Nominoë. Après la bataille de Ballon en 845, qui a lieu à proximité de Redon, Nominoë prend du recul par rapport au pouvoir Franc, et aidé de Conwoion, à l'occasion s'un synode vers 849, il chasse les évêques francs des diocèses Bretons, et nomme des évêques bretons. Conwoion ira jusqu'à Rome justifier ce qui sera qualifié de schisme breton.
Après les invasions normandes qui attaqueront Redon dès 854, Conwoion, fondera, grâce à Salomon, un second monastère à Plélan. C'est là qu'il mourra à l'age de 80 ans le 05/01/868. Ses reliques seront transférées à Redon par son successeur et seront vénérées jusqu'à la Révolution.
Quelques interrogations sur le personnage :
Tout d'abord, il y a cette ascendence "sénatoriale", en effet cet honneur qui semble plus remonter à l'empire romain, est quasiment inexistant des hagiographies de l'époque. A-t-on voulu enjoliver le personnage, cacher une autre vérité, ou tout simplement y-a-t-il eu erreur de transcription d'un script ? Le problème, est que le texte original a été rédigé quelques années après la mort de Conwoion, (vers 880), et la transcription la plus ancienne serait du XI ème siècle, ce qui me permet de douter de l'erreur de transcription.
D'autre part, il est à noter que l'on donne le nom du père de Conwoion, Conan, ce qui peut être vrai si on note la même racine "Con-". C'est à cette époque, que commence à circuler en Bretagne, le mythe du premier roi Breton Conan Mérioadec. A-t-on voulu donner, sans le dire formellement, une ascendence royale à Conwoion ?
Mais peut-être que cette ascendance "royale" était vraisemblable
Conwoion, a été, le plus parfait complice de Nominoé, du moins jusqu'au synode de Cothleu en 849. Sachant que Nominoé a donné à son fils le nom de Conan, on peut imaginer que la complicité entre les deux personnages peut être due à un lien familial, Conwoion pouvant être le frère ou le beau-frère de Nominoé...
Site Pennker / albert Le Grand :
LA VIE DE S. CONVOYON ou CONNOYON
Confesseur, Abbé de S. Sauveur de Rhedon, le 5 Janvier.
Saint Convoyon, premier Abbé du devot Monastere de S. Sauveur de Rhedon, estoit issu de parens Nobles & Illustres : Son Pere s'apelloit Conon, Senateur, homme de grande autorité et credit dans le païs, descendu de la race des parens de S. Melaine, Evesque de Rennes. Il nasquit en la paroisse de Comblessac prés la Ville-de-Guer, Diocese d'Aleth, à present S. Malo, où ayant passé les années de son enfance, il fut envoyé à Vennes, lors une des plus renommées & florissantes Villes de Bretagne, à cause que les Lieutenants de l'Empereur Louys le Debonnaire (qui dés l'an 817 avoit mis les Bretons en son obeïssance, ayant assisté en propre personne aux Estats) y demeuroient avec leur Cour ; là il étudia aux Humanitez, Philosophie & Theologie, menant une vie modeste & exemplaire, s'éloignant des occasions d'offenser Dieu, fuyant les compagnies vicieuses, s'adonnant à l'Oraison, lecture des saints Livres & à aprendre le Chant pour servir à l'Eglise.
II. Regnier (ou Regnauld), lors Evesque de Vennes, voyant les belles parties dont ce jeune homme estoit doué, le print en affection, & ayant reconnu qu'il estoit porté pour le service de l'Eglise, il luy confera les Ordres Mineurs & de Sousdiacre, lesquelles fonctions il exerça quelque temps, jusques à ce qu'estant parvenu à l'âge requis, il fut fait diacre par le mesme Prelat ; lequel connoissant son zele & erudition, luy enchargea l'Office de la Predication, le faisant Theologal de Vennes. Il commença donc à Prescher en la ville & aux champs, avec une ferveur extréme, reprenant le vice et persuadant la vertu, avec un grand fruit ; Estant Prestre, il contracta une sainte amitié avec cinq vertueux Clercs de l'Eglise Cathedrale de Vennes, trois desquels : sçavoir Condelok, Leomel & Winkalon, pour leur rare pieté, prudence & sçavoir, estoient fort bien venus & cheris de Neomene, Lieutenant de l'Empereur, & des Barons & Seigneurs du Païs. Ces saint personnages, considerans le peril auquel on est dans les villes, & au contraire le repos & tranquillité d'une vie retirée & solitaire, resolurent de quitter la ville & le monde, & de se retirer en quelque desert pour y servir Dieu en estant de plus grande perfection ; à condition que Convoyon (qu'ils nommerent tous unanimément) se voulût charger de leur conduite & direction.
III.Son humilité luy fit refuser constamment cette superiorité, mais les instantes suplications des cinq Confreres le presserent d'y donner consentement, voyant la volonté de Dieu estre telle ; Ils se deffirent de leurs Prebendes & Benefices, & ayant receu le congé & benediction de leur Evesque, qui regrettoit extrémement la perte qu'il faisoit de ces saint Hommes, la fleur de ses Ecclesiastiques, mais n'osoit les divertir de leur sainte resolution, crainte de resister à la vocation divine, ils sortirent de Vennes, & allerent se rendre sur le bord de la Riviere de Villaines, en une Forest épaisse, lequel lieu trouvant propre à leur dessein (pour estre retiré & éloigné de toute hantise des hommes), ils resolurent de s'y habituer. C'est pourquoy ils allerent trouver le Seigneur de cette Forest, nommé Ratwilus, lequel leur ordonna un canton de la Forest nommé Rhedon, & congé de prendre des materiaux en la Forest tant qu'il leur faudroit pour l'edifice & accomodation de leur Monastere.
IV. Cette permission obtenuë du Seigneur de la terre, S. Convoyon envoya à Vennes en obtenir le consentement & confirmation de Neomene, qui de bon cœur ratifia le tout au desir du saint, & luy donna autres revenus de son propre bien. Lors ils commencerent à se bastir l'an de grâce 826, ayans fait venir des ouvriers pour abattre du bois dans la Forest ; mais le diable, qui traverse perpetuellement les serviteurs de Dieu en leurs saints et pieux desseins, croignant ce qui arriva depuis, que ce lieu devint un Seminaire de saints Religieux qui lui feroient une guerre continuelle, incita quelques Seigneurs du Païs circonvoisin à s'oposer à l'establissement de ces bons Peres & à la construction de ce nouveau Monastere, pretendans ce lieu où ils bastissoient leur apartenir. S. Convoyon fut contraint d'avoir recours à son bien-faicteur Rathwilus, & au Lieutenant Neomene, vers lequel il dépescha le R. P. Lohemmellus à Vennes.
V.Ces deux Seigneurs maintinrent les bons Peres en la possession & paisible jouïssance de la terre de Rhedon, & firent tant envers ces Seigneurs mal-contens, qu'ils desisterent de troubler les Religieux, & les laisserent en patience. Ils continuerent donc leur ouvrage, &, à l'aide des Païsans du voisiné, édifierent une petite Chappelle qu'ils dedierent à Dieu, sous l'invocation & patronage de S. Estienne premier Martyr, &, tout auprés, de petites Cellules en carré pour se loger, un petit Cloistre & quelques autres Officines. Le tout mis en estat, les Religieux s'y logerent & commencerent à mener une vie si sainte & admirable, que le bruit en vola en moins de rien, non seulement par la Bretagne, mais aussi jusques en Poictou, d'où un pauvre homme aveugle vint à Rhedon trouver S. Convoyon, disant avoir esté adverty par un Ange de le venir trouver pour recevoir de luy la veuë. S. Convoyon dit la Messe à son intention, puis luy faisant le signe de la Croix sur les yeux, luy rendit la veuë. Ce miracle ayant éclaté, plusieurs bons Prestres moyennez vinrent trouver le S. & luy demanderent humblement l'habit de la Religion, donnans leurs biens & revenus au Monastere, entre lesquels le premier fut un jeune Gentil-homme de grande maison nommé Winkalon, qui donna tout son patrimoine.
VI. Le Prince Neomene, qui lors estoit grandement aymé & chery de l'Empereur, obtint de sa Majesté quelques Paroisses és environs de Rhedon, lesquelles il donna à perpetuité à S. Convoyon. Le revenu de ce saint lieu estant extrémement augmenté par les dons & aumosnes de ces Seigneurs, ils desirerent bastir un Monastere plus grand & spacieux, & lors fonderent la devote & celebre Eglise de S. Sauveur de Rhedon, & placerent le maistre Autel en un certain lieu qui leur avoit esté revelé, (comme aussi la forme, symetrie & disposition de l'Eglise). Aprés avoir parachevé l'Eglise, ils bastirent le corps du Monastere ample & spacieux pour y loger grand nombre de Religieux, qui de toutes parts s'assemblerent en cette sainte Maison, pour y vivre au service de Dieu en la compagnie de ces saints Personnages, & sous la conduite de saint Convoyon. Leur bien-faicteur, Ratwilus estant veuf, se retira dans le Monastere de Saint Sauveur, desirant y finir ses jours au service de Dieu. Sur cette genereuse resolution, il tomba malade, &, en peu de jours, fut reduit à l'extremité. S. Convoyon, regrettant fort la perte de ce bon Personnage, remply de confiance mena ses Religieux au Chœur, & ensemble avec eux il fit Oraison pour la convalescence du malade, lequel tout sur le champ se leve sur pieds sain & gaillard, remerciant Dieu & son serviteur saint Convoyon, lequel, peu aprés, le vestit en l'habit de l'Ordre, où il vescut quelque temps, & mourut en opinion de sainteté.
VII. L'an de grace 826, l'Empereur Louys le Debonnaire ayant esté degradé & enfermé dans un Monastere, les Bretons qui, dés l'an 826, avoient offert la Couronne Royale de Bretagne à Neomene (laquelle il refusa) l'importunerent de rechef d'accepter le Royaume, & les affranchir de la servitude de l'Empire, ce qu'il accepta ; &, ayant esté proclamé Roy, pour premier exploict, bannit & chassa de la Bretagne tous les Agents & Officiers des Empereurs, cassa et annula toutes leurs Loix et Ordonnances, remettant le pays en son entiere et prestine liberté. Mais Charles le Chauve, à qui, par accord fait avec ses deux freres Lothaire & Louys, estoit écheu cette partie de France qui est entre la mer & Meuse, l'an 844, vint attaquer le Roy Neomene pour ravoir ce qu'il pretendoit luy avoir esté ravy en Bretagne. Le Roy Neomene le defit entre le Mans & Chartres, courut tout le Mayne & la Bausse, d'où il remporta un merveilleux butin qu'il donna au Monastere de Rhedon. Il vainquit le mesme Roy Charles le Chauve en Anjou, l'an 855, puis à la journée de Valon au Mayne, &, estant de retour en Bretagne, alla à S. Sauveur rendre grace à Dieu de ses victoires, & donna à l'Abbaye de Rhedon toutes les dépouilles de ses ennemis & le butin de ses conquestes.
VIII. Pendant l'absence du Roy Neomene qui avoit porté la guerre hors son Royaume, un saint personnage nommé Gerfredus ou Geffroy, Moyne de l'Abbaye de S. Maur sur Loire, qui menoit une vie solitaire en la forest de la Noë, entre les villes de Josselin & la Cheze (lors nommée forest Wennok), fut divinement adverty, d'aller à Rhedon trouver ces bons Religieux, desquels il fut tres-bien receu, & demeura deux ans avec eux pour les instruire & informer de la Religion du glorieux Patriarche S. Benoist, laquelle ils embrasserent unanimement, & lors S. Convoyon fut fait premier Abbé du Monastere de S. Sauveur de Rhedon, car avant avoir receu la regle de S. Benoist, encore qu'il eust esté toujours le Superieur, il ne s'estoit toutefois pas nommé Abbé. Nonobstant la sainte vie que menoient S. Convoyon & ses Religieux, il s'en trouva plusieurs lesquels, ne les pouvans endurer, les grévoient extrémement, & tâchoient de tout leur pouvoir de les déloger de Rhedon, entre-autres un riche et puissant Seigneur nommé Illok, lequel avoit juré de les chasser de ce lieu, ou les y saccager, sans en prendre aucun à mercy ; mais Dieu les détourna de cette meschante & pernicieuse resolution, par lemoyen que je vous diray.
IX. Un villageois d'auprés de son manoir, allant un matin à son champ charruer, devint tout à coup muet & perclus de tous ses membres, raporté au logis, le Seigneur Illok le vit, & jugea qu'il estoit incurable ; il fut porté à S. Sauveur (comme il monstra par signe le desirer), & fut posé devant le grand Autel. S. Convoyon prenant compassion de luy, le recommanda aux prieres de ses Religieux, & luy mesme pria pour luy, & le retint, cette nuict, au Monastere, &, lors que les Moynes chantoient à Matines le Pseaume Deus, Deus meus, ad te de luce vigilo, il se leva sur ses pieds sain & gaillard, remerciant Dieu & S. Convoyon. Illok, ayant veu ce miracle, deposa l'aversion qu'il avoit de ces bons Religieux, & leur fut depuis fort affectionné. Un jeune homme nommé Wrbicus estant un jour entré dans le jardin du Monastere, y remarqua quatre belles ruches d'Abeilles, &, ayant choisi son heure, en deroba une qu'il emporta sous son aisselle ; mais arrivé au logis, il ne la put oster de dessous son bras, de façon que tout confus & repentant il vint au Monastere, confessa sa faute, & ayant receu la benediction & absolution de S. Convoyon, la ruche se detacha de son aisselle, & fut rapportée en sa place.
X. Puis que nous sommes entrez au narré des Miracles que Dieu a operés par les merites de ce S. Abbé & de ses Religieux, j'en rapporteray encore quelques autres : Comme on travailloit à l'edifice du Monastere, un Gentil-homme nommé Ronwallon donna à S. Convoyon le boisage d'une sienne métairie, pour aider à l'édifice du Monastere. Le saint Abbé envoya le P. Lohomellus pour donner ordre à charger & charroïer ledit bois ; ce qu'ayant fait, comme les chartiers devalloient la descente de Beaumont (clivum belli montis Monasterio feré imminentis), au pied duquel est situé le Monastere, l'un d'eux nommé Joncunius tomba au devant de la charette, laquelle passa par dessus, laissant ce pauvre corps tout brizé & moulu de bras & jambes, en estat si miserable, qu'on n'en attendoit que la mort. Le P. Lohomellus, bien marry de cet accident, cependant qu'on retire le corps de dessous les rouës de la charette, se recollige, & ayant fait sa priere, ce pauvre homme se leve sur bout sain & dispos, au grand estonnement de tous ses compagnons, & conduit son charroy jusques dans le Monastere, où il rendit graces à Dieu, & au Pere qui, par sa priere, luy avoit obtenu la santé. Il arriva un jour que l'on fanoit en la prée d'Estriel (pratum stricti aëris), apartenante au Monastere de Rhedon ; le Pere, qui estoit en charge de Semenier, fut surpris du son de la cloche pour aller à la grande Messe, il se rend au bord de l'eau, & ne trouvant batteau pour passer la Riviere de Villaines (qui coule le long des murs du Monastere), marcha sur les eaux, & se rendit à temps pour dire la grande Messe, au grand estonnement de ceux qui voyoient l'eau ferme sous ses pieds.
XI. Il fit bien paroitre le zele qu'il avoit envers Dieu et l'Eglise en la poursuite que par commandement du Roy Neomene, il fit contre quelques Prelats de Bretagne accusez de Simonie, lesquels il poursuivit si vivement en Breatgne, qu'aprés plusieurs apellations & longueurs il osta le scandale de l'Eglise, au contentement des gens de bien & deplaisir des vicieux, desquels il estoit non moins severe censeur, que zelé persecuteur. L'an de grace 855, le Roy Neomene dépescha un honorable Amabssade vers le Pape Leon IV, dont il fit Chef S. Convoyon, qui fut suivi de quarante, tant de Seigneurs que Gentils-hommes qui voulurent honorer cet Amabssade, & visiter les Saints lieux de Rome, où ils arriverent en peu de temps ; &, ayant obtenu audiance deux jours aprés leur arrivée, ils baiserent la pantoufle du Pape de la part de leur Maistre, & S. Convoyon fit sa Harangue en beaux & elegans termes Latins, exposant le sujet de son Ambassade, qui estoit 1 - Pour prester l'obeïssance et soumission au S. Siege, de la part de Tres-Haut, Tres-Noble et Victorieux Prince, le Roy de Bretagne son Maistre ; et de sa part presenter à sa Sainteté une riche Tiare ou couronne Papalle de fin Or, tres artistement élabourée, greslée et battue de Pierreries de prix et valeur inestimable. 2 - Qu'il pleust à sa Sainteté d'honorer le Roy et tout son Royaume des Reliques de quelque S. Martyr. 3 - Pour supplier sa Sainteté de faire justice des Evesques Simoniques, Protestant ne rien rechercher en cette poursuitte, que d'oster le scandale de l'Eglise en son royaume. S. Convoyon ayant fait sa Harangue, presenta les lettres & presens du Roy à sa Sainteté, qui les receut frot agréablement, & ayant satisfait à tous les points de l'Ambassade, accordant au Roy sa requeste, luy fit present d'une precieuse Relique, qui estoit le Chef de S. Marcellin, Pape & Martyr, & donna plusieurs autres Reliques à S. Convoyon, lequel, ayant receu la benediction de sa Sainteté, s'en retourna en Breatgne avec toute sa suitte. Les Amabssadeurs de retour, & ayans rendu raison de leur Legation, le Roy convoqua ses Estats à Rhedon, y cita tous les Evesques de son Royaume, & indiqua une solennelle Procession pour porter la Relique que le Pape luy envoyoit, au Monastere S. Sauveur, où elle fut mise en un Chef d'Or.
XII. S. Convoyon s'estant acquitté de cette affaire demanda son congé au Roy, qui le luy donna. Ainsi il revint en son Monastere, où il fut bien receu de ses Religieux, & trouva qu'en son absence estoit decedé le bon Pere Lohomellus, ayant esté muet & paralytique cinq ans avant sa mort, on le tenoit en opinion de Sainteté, & son corps mort rendoit une souëfve & delectable odeur. Le Roy Neomene, ne se contentant des grands biens et revenus qu'il avoit donnés au Monastere de Saint Sauveur, fonda le Royal Prieuré de Lehon sur Rance, és faux-bourgs de Dinan, & en donna le fonds au Monastere de Rhedon. Il fit aussi rapporter, la mesme année 860, le corps de S. Magloire II, Archevesque de Dol, de l'Isle de Jarzay, où il avoit toujours demeuré depuis son decez ; &, l'ayant richement enchassé, le mit audit Prieuré de Lehon. Il fit aussi lever le corps de S. Wennal de Land-Tevennec, & luy donna une riche chasse d'argent doré. Ce Prince decedé l'an 862, Heruspée son fils fut sacré Roy, lequel n'affectionna moins S. Convoyon qu'avoit fait son feu pere ; l'an 865, luy donna la moytié de la bourgade de Brain. La mesme année, les Normands et Nortvegues vinrent sous la conduite du prince Sideric, Cousin du Prince bien surnommé Coste de Fer, fils de Lothrichk, Roy de Dannemarch, pour devoir prendre terre en Bretagne. Le Roy Heruspée leur alla au devant en armes, presenta à Sideric le traitté fait entre le feu Roy son pere & le Prince Bier, ce qu'ayant veu il se retira en haute mer ; Mais cette nation estant accoustumée au brigandage, quelques vaisseaux de la flotte entrerent en Loire, & firent le dégast en la Marche Nantoise. Le roy se plaint à Sideric, lequel, fasché que ses gens avoient violé la foy promise, entra dans la Loire avec 150 voiles, & mande au Roy qu'il y vint de son costé, & ainsi enveloperent ces pillards, desquels ils attraperent la plus part qu'ils saccagerent.
XIII.Ceux qui se peurent sauver de ce carnage, ayans ravituaillé leurs Navires, entrerent dans l'embouchure de Villaines, & vinrent jusques à Rhedon, bien resolus de saccager la Ville & piller le Monastere de S. Sauveur. En cette subite allarme & effroy, tous les Moynes, éperdus de crainte, ne pensoient qu'à quitter le Convent & à se retirer en quelque place forte pour évader la furie de ces Barbares ; mais S. Convoyon les retint, &, aïant fait sonner le Chapitre, les exhorta à subir constamment la mort, si besoin en estoit ; puis, les menant à l'Eglise, y passa la nuit avec eux en prieres & Oraisons. Sur le poinct du jour, les barbares jetterent hors leurs chaloupes & batteaux pour mettre du monde à terre, ce qu'ils firent en moins d'une heure, & se rengerent en ordonnance pour marcher vers la Ville, ayant laissé quelques soldats à la garde de leurs vaisseaux ; mais saint Convoyon & ses Religieux, redoublans leurs prieres, le Ciel tout subitement commença à leur faire la guerre, l'air se charge de nuages, une gresle pierreuse, meslée de foudre & d'éclairs, les martelle, les uns sont ecrasez du foudre, autres assomez de la gresle, autres pensans se sauver vers leurs vaisseaux, se jettent à la nage & sont engloutis dans la riviere, laquelle, émeuë extraordinairement de ses vagues ronflantes, attaque les Navires de ces pillards, rompt leurs cables & amares, pousse les uns eschoüer à la coste, brise les autres aux escueils prochains, & les autres, ayant servy de joüet aux vents et à la mer, furieusement battus de vagues, faisans eau de toutes parts, enfin coulent à fond & noyent tous ceux qui estoient dedans.
XIV. Les Chefs des Barbares, se voyans combattus par des ennemis à qui ils ne pouvoient resister, se douterent bien que le Dieu des Chrestiens, invoqué & devotement servy en ce Monastere qu'ils avoient resolu de raser, prenoit en main la defense de ses serviteurs, pour lequel apaiser, ils firent vœu de faire de riches presens au méme Monastere qu'ils vouloien tpiller ; lequel fait, la tempeste cessa ; ils camperent au méme lieu & deputerent une compagnie pour aller porter leur Vœu. S. Convoyon, qui estoit au Chœur en prieres avec tous ses Moynes, en eut la revelation & leur sortit au devant hors l'Eglise, leur defendit d'entrer dans l'enclos du Monastere, ny de faire tort à aucun, receut leurs Vœux, & les exhorta à quitter leur Idolatrie & recevoir le S. Baptesme, puis leur fit apporter quelques rafraichissements, &, ayans fait la collation, il les congedia leru defendant de plus ravager cette Coste ; ce qu'ils promirent observer, & s'en retournerent vers leurs Navires horsmis seize qui, estans entrez dans la cour du Monastere (contre & au mepris de la defense du saint Abbé) forcenerent et devinrent enragez.
XV. L'an 866, le Roy Heruspée fut tué au pied de l'Autel d'une Eglise, (où il s'estoit sauvé enfranchise), par les soldats du Comte Salomon, son Cousin germain, lequel se fit Couronner Roy. Le bon saint Abbé l'alla trouver, le reprit aigrement de ce meurtre & luy predit, d'un esprit prophetique, qu'en punition de cette cruauté, où son ambition l'avoit précipité, Dieu le paieroit en mesme monnoye, & seroit massacré par ses cousins germains, & la Couronne ne parviendroit à ses enfans, ce qui arriva de point en point. Dieu toucha le cœur de ce Prince, qui, se repentant de son peché, en fit depuis penitence, & retint S. Convoyon pour son Directeur. Les Normands & Danois continuans lerus courses & irruptions dans la riviere de Villaines, & nommément sur le territoire Rhedonois, au grand dommage & trouble des Religieux de Saint Sauveur, le Roy Salomon, qui avoit confirmé les dons des revenus & terres que ses predecesseurs avoient donnés aux Monasteres de Lehon & Rhedon, bâtit le Prieuré de S. Sauveur de Ploëlan, dans son Manoir de Brécilian, l'an 869, (c'est l'Eglise Paroissiale & Prieurale de S. Maxence), & en donna le fonds à l'Abbaye de Rhedon, y fit ensevelir la Reine Guihenec sa femme, et y choisit sa sepulture. Il desira que le bon S. Abbé Convoyon, déjà vieil et cassé, s'y retirast ; ce qu'il fit, ayant fait choisir pour son successeur Abbé à Rhedon, Rithrandus. Ce prince cherissoit grandement les Religieux qui estoient en ce Prieuré, avec lesquels il conversoit le plus souvent. Il leur donna le corps de saint Maxence richement enchassé, & le bras de saint Leon Pape, que le Pape Adrian II luy avoit envoyé.
XVI. Enfin saint Convoyon, remply de vertus & merites, tomba malade en ce lieu; &, ses forces se diminuans de jour à autre, receut ses sacremens, & ayant exhorté ses freres à l'amour de Dieu, & perseverance en leurs saintes resolutions, il rendit son esprit, le cinquiéme jour de janvier, l'an 872, le Roy le fit solennellement enterrer prés du sepulchre qu'il avoit disposé pour soy, où Dieu a operé plusieurs miracles en témoignage de sa Sainteté. Cette Eglise fut depuis razée par les Normands, & les Reliques des SS. Leon, Maxence & Salomon portée en divers lieux. Celles de S. Convoyon furent raportées en son Monastere de S. Sauveur de Rhedon, où elles sont reveremment gardées & devotement visitées. Ce Monastere de S. Sauveur de Rhedon est l'un des plus devots Pelerinages de Bretagne, grandement chery des anciens Princes Bretons, Roys & Ducs. Le Roy Neomene, son Fondateur y voulut estre enterré : Le Duc Allain IV du nom, surnommé Fergeant, tombé malade & desesperé des Medecins, se fit porter à S. Sauveur de Rhedon & y receut parfaite santé. Là mesme il servit Dieu en vie tranquille & privée s'estant demis de son Estat à son fils le Prince Conan, & y fut ensevely : là son Frere Benedict, Evesque de Nantes, homme vain et mondain en sa jeunesse, commença sa conversion, & ayant resigné tous ses Benefices, se rendit Religieux à Kemperlé. Les bons Religieux de ce Monastere furent Directeurs et Peres spirituels de la bonne Dame Ermengarde d'Anjou, qui depuis, de Duchesse de Bretagne, se fit Sœur Tierceline de l'Ordre de saint Bernard à Rhedon : Louis XI Roy de France vint en pelerinage à Saint Sauveur de Rhedon, l'an 1462, où il fit de grands presens ; la Reyne Anne & le Roy François I y furent aussi en exprés pelerinage.
Vies des saints de la Bretagne Armorique par Albert Le Grand (1636) - édition de 1901 - Quimper