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Le voiage d'Alexandre de Rennes à Brest, et son retour de Brest à Rennes
Il n'est pas tard ? à la bonheur,
Il faut donc avant que je meure
Satisfaire à tous mes amis
Qui m'ont expressément commis
De réduire en vers le voyage,
Le chemin, le pèlerinage,
La route, les tours, et détours,
Que j'ay fait depuis plusieurs jours,
Je dirois bien plusieurs semaines
Avec les travaux, et les penes
Qu'ont en hyver les voyageurs
Ecoutez tous mes auditeurs
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Pour le soir ne m'en parlez pas
Je ne fais jamais grand repas ;
Mais marchons vers cette chapelle.
La Marche prens ton alemelle
Et moy je prendray mon baston,
N'oubly de porter un teston,
Car en de pareille assemblée
Faut boire quelque coup d'emblée,
Allons d'abord nous prosterner
Devant la vierge et luy donner
Nostre cœur, la priant sans cesse
Qu'elle auprès de Dieu s'intéresse
Pour nous obtenir le pardon,
De tout c'est là le meilleur don ;
Un prestre la messe commance,
Nous augmantons son assistance.
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La messe dite, nous sortons,
De ce lieu nous nous transportons
Pour voir ce grand amas de monde
Qui dans ce lieu ce jour abonde ;
Un nombre de processions
Font icy leurs incessions ;
Je me souviens de trois ou quattre,
Que je nommeray pour m'ébattre :
Ellian, et Landrevarzec,
Les deux Ergué, surtout Briec,
Qui vient enseignes déployées,
Tambour battant, cinq croix levées,
Est celle qui paroîst le plus.
Bref ce n'est qu'un flux et reflux
De processions qui arrivent,
De processions qui dérivent ;
Il est temps que nous alions voir
S'il ne pourroit point y avoir
Quelque morceau de boucherie
Dans une pauvre hôtellerie
Et goûter si le vin est bon,
À cecy tous disent bonbon,
Cinq ou six de la connoissance
De La Marche, font révérance
Et s'associent à nostre écot,
Disant vouloir donner leur pot ;
Nous nous fourrons dans une grange,
L'un de l'autre proche se range,
Guérot messager de Morlaix,
Prend proche de moy son relais,
Un autre près du sieur La Marche ;
Une pièce de bœuf l'on hache,
Aussi bien qu'un morceau de lard
Tirant par la queue le renard
Car vous scavez que telle viande
N'est pas ce que le cœur demande ;
Donc sortons de ce lieu sortons
Avecque l'hoste nous contons
L'escot n'est pas de conséquence,
La Marche en paye cette dépense,
La compagnie nous dit adieu,
Et à Dieu nous disons au lieu,
À Kerfors nous nous rangeons viste
Apprenant qu'estoit dans ce giste
De Kimper l'illustre baillif Mr de Lopaü
Qui n'est ny poussif, ny vetif,
Homme de robbe, homme d'espée
Demander comme fut sapée
Une bouteille à prime abord
Si je voulois faire rappord
De la vie qu'à Kerfors on meine
Tout le long de cette sepmaine
D"un an je ne serois au bout
On mange, boit, joüe, somme tout,
Les deux illustre gabetières
Passent deux journées presqu'entières,
Lopau, Kerligny, Karaval
Y passent cinq jours pas tant mal
D'autres dont je n'ay pas mémoire
Furent de compagnies à boire
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