Ergué-Gabéric. La persécution. - Récit d'une Ligneuse.
Le 2 mars, à 4 heures 1/2, l'église est quasi-pleine, les messes sont dites aussitôt. Les portes ont été solidement murées, sauf celle de la sacristie, qui est elle-même murée aussitôt les prêtres sortis. Un quarantaine d'hommes et un certain nombre de femmes sont enfermés.
À 7 heures moins un quart, les gendarmes arrivent ; il y en a à pied et à cheval ; ils cernent le cimetière, où il est très difficile d'entrer. Néanmoins, la foule y pénètre peu à peu en escaladant les murs, et bientôt 1.200 à 1.300 personnes entourent l'église. À 8 heures, l'Inspecteur, le Commissaire et les crocheteurs [5] arrivent et se rendent au presbytère ; là, ils sont reçus par M. le Recteur, ses vicaires et le Conseil de Fabrique [6] . M. le Recteur lit une magnifique protestation. À 9 heures, après les sommations d'usage, les crocheteurs [5] se mettent à défoncer la porte de la sacristie ; pendant ce temps, le tocsin sonnz ; on chante des cantiques dans l'église et dans le cimetière. Au moment de ces paroles du cantique Nous voulons Dieu
" S'il faut du sang pour ta défense,
Seigneur, nous serons tes martyres
toutes les mains, tous les chapeaux se lèvent en signe de promesse. Pendant ce temps, les crocheteurs continuent leur besogne, hués et conspués par la foule. Enfin, la porte et le mur cèdent ; mais restent encore les barricades ; aussitôt qu'on y fait une brèche, les braves gens qui sont dans la sacristie la remplissent, de façon qu'on ne peut entrer.
La troupe arrive de Quimper ; quand les soldats paraissent, ils sont salués par le cri de : « Vive l'armée ! Vive la liberté ! ». Pendant les trois roulements de tambour, les gens qui sont dans l'église sortent par une fenêtre, pour qu'il n'y ait aucune arrestation. À 4 heures, tout est fini.
En route pour Kerdévot, il est 4 heures ; quand nous y arrivons, les gens d'Elliant nous y avaient précédées et chantaient le cantique de Notre-Dame de Kerdévot. Comme au bourg, tout est muré, barricadé. Quand ces messieurs arrivent, ils trouvent une foule aussi nombreuse qu'à la paroisse et sont reçus par les cris : « À bas les Francs-Maçons : Vive Dieu ! Vive Jésus-Christ ! Vive N.-D. de Kerdévot, préservez-vous de la rage des blocards ! ». À 6 heures, on vient à bout d'une des portes, de manière que tout est fini pour 6 heures 1/4.
L'inventaire terminé, on entre dans la chapelle, on chante le Parce Domine et on dit une dizaine de chapelets. M. le Recteur nous a remerciés de notre bonne conduite et tout le monde est sorti en chantant le cantique de Notre-Dame de Kerdévot. On est rentré à 8 heures du soir, trempés et mouillés jusqu'aux os.
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