Action Libérale du 03.03.1906 :
Nouvelles départementales. Ergué-Gabéric.
À Ergué-Gabéric, l'inventaire devait avoir lieu hier vendredi, à 9 heures du matin. Il y a eu une résistance acharnée ; il a fallu outre les gendarmes un bataillon du 118e.
Nous donnerons tous les détails de cette superbe manifestation d'une population indignée dans notre numéro de mercredi.
L'inventaire n'a pu être fait qu'à cinq heures du soir les portes de l'église ayant été murées à l'intérieur.
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Action Libérale du 07.03.1906 :
Ergué-Gabéric. La persécution. - Récit d'une Ligneuse.
Le 2 mars, à 4 heures 1/2, l'église est quasi-pleine, les messes sont dites aussitôt. Les portes ont été solidement murées, sauf celle de la sacristie, qui est elle-même murée aussitôt les prêtres sortis. Un quarantaine d'hommes et un certain nombre de femmes sont enfermés.
À 7 heures moins un quart, les gendarmes arrivent ; il y en a à pied et à cheval ; ils cernent le cimetière, où il est très difficile d'entrer. Néanmoins, la foule y pénètre peu à peu en escaladant les murs, et bientôt 1.200 à 1.300 personnes entourent l'église. À 8 heures, l'Inspecteur, le Commissaire et les crocheteurs [5] arrivent et se rendent au presbytère ; là, ils sont reçus par M. le Recteur, ses vicaires et le Conseil de Fabrique [6] . M. le Recteur lit une magnifique protestation. À 9 heures, après les sommations d'usage, les crocheteurs [5] se mettent à défoncer la porte de la sacristie ; pendant ce temps, le tocsin sonnz ; on chante des cantiques dans l'église et dans le cimetière. Au moment de ces paroles du cantique Nous voulons Dieu
« S'il faut du sang pour ta défense,
Seigneur, nous serons tes martyres »
toutes les mains, tous les chapeaux se lèvent en signe de promesse. Pendant ce temps, les crocheteurs continuent leur besogne, hués et conspués par la foule. Enfin, la porte et le mur cèdent ; mais restent encore les barricades ; aussitôt qu'on y fait une brèche, les braves gens qui sont dans la sacristie la remplissent, de façon qu'on ne peut entrer.
La troupe arrive de Quimper ; quand les soldats paraissent, ils sont salués par le cri de : « Vive l'armée ! Vive la liberté ! ». Pendant les trois roulements de tambour, les gens qui sont dans l'église sortent par une fenêtre, pour qu'il n'y ait aucune arrestation. À 4 heures, tout est fini.
En route pour Kerdévot, il est 4 heures ; quand nous y arrivons, les gens d'Elliant nous y avaient précédées et chantaient le cantique de Notre-Dame de Kerdévot. Comme au bourg, tout est muré, barricadé. Quand ces messieurs arrivent, ils trouvent une foule aussi nombreuse qu'à la paroisse et sont reçus par les cris : « À bas les Francs-Maçons : Vive Dieu ! Vive Jésus-Christ ! Vive N.-D. de Kerdévot, préservez-vous de la rage des blocards [7] ! ». À 6 heures, on vient à bout d'une des portes, de manière que tout est fini pour 6 heures 1/4.
L'inventaire terminé, on entre dans la chapelle, on chante le Parce Domine et on dit une dizaine de chapelets. M. le Recteur nous a remerciés de notre bonne conduite et tout le monde est sorti en chantant le cantique de Notre-Dame de Kerdévot. On est rentré à 8 heures du soir, trempés et mouillés jusqu'aux os.
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Semaine Religieuse du 09.03.1906 :
A Ergué-Gabéric, l'église paroissiale et la chapelle de Kerdévot, dont les portes avaient été murées à l'intérieur, ont tenu en échec pendant une journée entière les crocheteurs [5] qui opéraient sous la protection de 40 gendarmes et un bataillon d'infanterie, appelé dans l'après-midi en prévision de troubles.
Aucune violence contre les personnes ne s'est produite de la part de la population dont l'attitude, durant ces heures pénibles, a été d'une dignité parfaite ... À citer et à retenir cette parole d'un manifestant : « Nous sommes ici pour voir et pour nous rappeler, le moment venu ».
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Le Courrier du Finistère du 10.03.1906 :
Une des plus belles protestations faites dans toute la Bretagne contre les inventaires a eu lieu à Ergué-Gabéric, vendredi.
Dès quatre heures du matin il y avait foule près de l'église. À huit heures sont arrivés de Quimper cinquante gendarmes accompagnant le commissaire de police et l'Inspecteur de l'enregistrement. Mais les portes de l'église étaient murées, et à chaque coup que donnaient les crocheteurs [5] contre la porte de la vieille église, les fidèles enfermés à l'intérieur répondaient par une nouvelle barricade.
Au dehors la gendarmerie fut vite débordée par la population indignée, que s'efforçait de calmer le clergé de la paroisse.
À trois heures, la gendarmerie dut appeler à son aide un bataillon du régiment de Quimper. - Malgré cette force importante, le peuple d'Ergué entend résister et une première charge est vigoureusement repoussée.
La situation devient très grave - l'instant est poignant, il va certainement y avoir du sang versé.
M. de Servigny, conseilleur général, monte alors sur le mur du cimetière, et en breton dit aux catholiques d'Ergué : « qu'ils ont fait leur devoir, et que après huit heures de résistance, ils en ont fait assez pour montrer que le jour où on voudrait fermer leur église, ils auraient la victoire ».
Le calme se rétablit, et les crocheteurs [5] défoncent la porte devant toute cette foule, qui n'oubliera jamais cette scène impressionnante.
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La Dépêche de Brest du 03.03.1906 :
À Ergué-Gabéric. Les fidèles enfermés dans l'église. Les portes barricadées. Arrivée de troupes.
Ergué-Gabéric, 2 mars. Ce matin, dès la première heure, M. Roger, inspecteur de l'enregistrement à Quimper, s'est rendu à Ergué-Gabéric, accompagné de M. Judic, commissaire de police à Quimper, et de quelques gendarmes, pour procéder à l'inventaire de l'église du bourg de cette commune.
La matinée s'est passée sans qu'il puisse accomplir sa mission.
Depuis quatre heures, quantités de fidèles se sont, en effet, enfermés dans l'église et chantent des cantiques. Derrières les portes, ils ont entassé des pierres, de sorte qu'il est impossible de pénétrer dans l'église.
En présence de cette résistance, l'autorité administrative s'est vue dans l'obligation de réquisitionner la troupe.
À deux heures de l'après-midi, deux compagnies du 118e, placés sous les ordres de commandant Quentin, ont quitté la caserne La Tour d'Auvergne pour se rendre sur les lieux.
Les hommes, en tenue de campagne, ont apporté des vivres avec eux, car on pensait probablement qu'ils devraient passer la nuit et ne rentrer qu'après avoir coopéré à l'inventaire des autres chapelles restant dans la commune : Saint-Guénolé, Saint-André et Kerdévot.
Il n'en a rien été.
Écoutant les conseils qui leur ont été donnés, les fidèles enfermés dans l'église ont cédé.
L'inventaire de cette église et de la chapelle de Kerdévot a pu être fait sans aucun incident.
Les gendarmes et les compagnies du 118e sont repartis pour Quimper, où ils sont rentrés vers huit heures du soir.
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Le Finistère du 03.03.1906 :
La Séparation en Bretagne. Les inventaires des biens d'église.
Enfin hier, les opérations ont eu lieu à Ergué-Gabéric où un mur double, en gros moëllons, avait été construit ces jours derniers derrière la porte de l'église.
Les gendarmes n'ayant pas peu passer, firent appel à la troupe et une compagnie du 118e de ligne se rendit sur les lieux avec ses sapeurs. Il n'y a pas eu d'incident grave.
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