Noces et danses bretonnes à Lenhesk, carte postale Villard, 1909
Un article de GrandTerrier.
| Une belle carte postale, postée le 12 mai 1909, éditée par le photographe Joseph-Marie Villard [1] et représentant des danseuses et danseurs de noces à l'auberge de Lenhesk en Ergué-Gabéric.
C'est l'occasion d'évoquer d'une part la décision de l'Unesco du 05/12/2012 de qualifier le fest-noz d'élément représentatif du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, et d'autre part le souvenir de Loeiz Roparz Autres lectures : « ROPARZ Jefig - Loeiz Roparz, Paotr ar festou-noz » ¤ « Les noces de perle de Loeiz Roparz, OF-LK 1987 » ¤ « 1900-1940 - Les plus beaux couples gabéricois en costumes bretons » ¤ « Lithographies de costumes et coiffes à capuche du Grand-Ergué » ¤ |
[modifier] 1 Danses, bombarde et biniou
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Tout d'abord une précision sur le nom de la danse telle qu'elle est mentionnée sur la carte. Il s'agit bien d'une gavotte dansée en quadrette, et non en chaîne, ceci malgré le fait les danseurs se tiennent par le petit doigt. Certes aujourd'hui, pour une gavotte de l'Aven ou des montagnes, on se donne la main, l'avant-bras droit couvrant l'avant-bras gauche du voisin de droite. Mais avant 1925, la tenue des bras des danseurs "traditionnels" n'était pas importante. Il n'y avait pas alors de spectacles, de fiches techniques... Tout le monde dansait ... pour se faire plaisir. Les normes n'existaient que dans les habitudes de la communauté qui dansait ensemble. Déjà en 1836, Alexandre Bouët notait dans sa rétrospective « Breiz-Izel, ou vie des Bretons de l'Armorique » (Volume 3, page 102) que la gavotte se dansait en se tenant les mains ou le petit doigt : « La gavotte, qui est l'ancien "red ann dro", a un mouvement très vif, et consiste à tourner d'abord en rond en se tenant par la main et le plus souvent par le petit doigt, et puis à décrire mille tours et détours, suivant le caprice ou l'habilité du meneur ». |
Au début du 20e, la gavotte était bien dansée en quadrette en pays glazik, la mode datant de la fin du siècle précédent. La forme par couple, en cortège, actuellement considérée comme "normale" dans la suite Glazig n'était pas encore installée à cette époque, à la différence du Pays bigouden Jean-Michel Guilcher Le pas de la gavotte est une phrase à 8 temps, avec une progression continue, latérale vers la gauche dans les chaînes, ou en avant dans les cortèges en quadrettes. Les costumes portés par les danseurs de Lenhesq sont sans doute de type « glazik » du pays de Quimper, bien que la couleur bleue soit difficile à extrapoler à partir des nuances de grisé de la carte postale. Les coiffes des danseuses sont également quimpéroises. Pour l'animation musicale, ce sont deux sonneurs, l'un de biniou |
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[modifier] 2 Lenhesq hier et aujourd'hui
A Lenhesq il y avait une auberge tenue par la famille Le Berre. Dès les années 1930 on trouve dans le journal Le Finistère des entre-filets y annonçant de grands bals : Les anciens se souviennent encore d'avoir été aux bals de noce chez Alice Le Berre, la fille de la maison, devenue plus tard l'épouse de Pierrot Roumégou. Les danses bretonnes n'avaient plus cours, elles étaient démodées. On préférait les « dansou Kof a Kof » (littéralement les danses ventre à ventre) : le passo, la valse ou le tango ... De 1964 à 1974 l'ancienne auberge est la maison et le domicile de la famille Quéau. En 1974 elle est transformée en discothèque sous le nom du « Balny », puis du « Joker » en 1981. En janvier 2005 elle est transformée en commissariat de police, tout en conservant avec ses lucarnes de toit son cachet d'antan. |
[modifier] 3 Fest-noz, patrimoine mondial
Dossier présenté par l'association Dastum :
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« Aujourd’hui, le fest-noz est au centre d’un intense bouillonnement d’expériences musicales et a généré une véritable économie culturelle. De nombreuses rencontres ont lieu entre chanteurs, musiciens et danseurs de Bretagne et de diverses cultures. En outre, beaucoup de nouveaux habitants de villages bretons utilisent le fest-noz comme un moyen d’intégration, d’autant qu’il participe fortement au sentiment d’identité et de continuité des Bretons ». Décision 7.COM 11.13 du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco : Le Comité décide que [cet élément] satisfait aux critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme suit :
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[modifier] 4 Héritage de Loeiz Ropars
Quelques témoignages :
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[modifier] 5 Annotations
- Joseph Marie Villard (1868-1935), fils du photographe Joseph Villard (1836-1898) qui avait déjà un créé un fonds très important de plaques photographiques (avec des monuments et des sujets pittoresques de Bretagne), épouse Marie Françoise Ferron dont le père était éditeur à Quimper. Ce mariage de la photographie avec l'édition en fait un photographe éditeur, rue Saint François à Quimper. Photographe des costumes mais aussi des scènes de rue et des paysages, il sera le créateur de la célèbre Collection Villard bien connue des collectionneurs de cartes postales (trois millions de cartes vendues par an). Ami de Théodore Botrel ils travailleront l'un pour l'autre, Villard illustrant ses chansons, Botrel lui écrivant des légendes pour ses clichés. Son fils Joseph-Henri-Marie (1898-1981) prendra sa suite. Son frère Paul, Docteur, aura un fils, Jean Albert, qui sera organiste à Poitiers. [Ref.↑]
- Louis Ropars, Loeiz Roparz en breton, est un chanteur traditionnel né en 1921 à Poullaouen et mort le 3 novembre 2007 à Quimper. Pendant plus de 50 ans, il fut animateur de festoù noz, moniteur de danses et sonneur, en plus de sa carrière d'enseignant. Il est l'un des artisans essentiels du renouveau des festoù noz en Bretagne et « passeur de mémoire » avec les chants de kan ha diskan. Il est à l'origine de la création du cercle celtique et du bagad de Quimper. [Ref.↑]
- Festnoz, sf., plur. festoù-noz : mot breton signifiant « fête de nuit », par opposition au fest-deiz pour « fête de jour », fête dansée, bal qui initialement était un rassemblement festif de la société paysanne qui ponctuaient les journées de travaux collectifs et qui ont disparu dans les années 1930. La renaissance des festoù-noz peut être attribuée à Loeiz Roparz dans les années 1950. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2]
- Explications sur les formes anciennes de gavottes fournies par Christian Graindorge, de la confédération des cercles celtiques Kendalc'h. [Ref.↑]
- Jean-Michel Guilcher, né en 1914, est ethnologue et maître de recherches honoraire au CNRS. Il est connu pour ses recherches sur les danses traditionnelles en France, notamment ses enquêtes de terrain en Basse-Bretagne, puis sur la quasi-totalité du territoire français, qu'il réalise en compagnie de sa femme Hélène. L'ouvrage qu'il publie en 1963, « La Tradition populaire de danse en Basse-Bretagne », définit sa méthode d'enquête et établit les bases de l'étude scientifique d'un répertoire populaire. Yvon Guilcher, ayant suivi ses parents au cours de leur enquête de terrain dans les campagnes bretonnes des années 1950, sera maitre de danse et l'un des fondateurs du groupe folk Mélusine [Ref.↑]
- Biniou, sm. : désigne en breton une cornemuse, mais peut désigner trois instruments différents : le biniou kozh, ou vieille cornemuse, joué traditionnellement en Basse-Bretagne ; le biniou braz, ou grande cornemuse, autre nom de la Great Highland bagpipe introduite en Bretagne à partir des années 1950 ; le biniou nevez, ou nouvelle cornemuse, copie de la cornemuse écossaise, fabriquée par Dorig Le Voyer des années 1930 aux années 1950. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
Thème de l'article : Mémoires et portraits de nos anciens Date de création : décembre 2008 Dernière modification : 6.11.2016 Avancement : |