Courrier et Progrès du Finistère : (en italique texte suppl. du Courrier)
Ergué-Gabéric. Pardon de N.-D. de Kerdévot
Je reviens de Kerdévot, pardon célèbre entre tous ceux de Cornouailles.
Ceux qui s'y rendent pour la première fois, s'étonnent devant les longues caravanes qui, depuis le petit jour, se dirigent vers la chapelle. Pèlerins isolés qui s'en vont pieds nus, le chapelet à la main ; familles au complet dans une voiture trop étroite que traîne la bonne bête de la ferme. Ici des groupes d'ouvriers : fidèles à la tradition, bravant la longueur de la route et les ardeurs du soleil, ils sont partis de bon matin. Le père pousse allègrement la petite voiture où repose, à moitié endormi, le plus jeune enfant. Aux relais, parfois le bébé passe sur les bras du papa ; un autre enfant prend un instant sa place pour se reposer et la mère à son tour pousse la voiturette.
Bientôt, on entend la plainte grossissante des mendiants qui implorent la pitié des pèlerins ; à chaque pas, des auberges rustiques sont dressées contre les grands talus. Nous rencontrons les pèlerins de la première heure, venus dans l'église de la Mère de miséricorde demander au prêtre le pardon de leurs fautes.
Grâce à Dieu, les vrais pèlerins sont nombreux. Depuis la première messe, l'église se désemplit pas. À dix heures, une sonnerie longue et joyeuse ébranle la flèche élancée ; la foule se presse pour la grand'messe.
L'église, très belle et très gracieuse par elle-même a été décorée avec un grand luxe. Le rétable doré brille au-dessus de l'autel. Les prêtres font leur entrée au chœur ; ils sont venus nombreux.
L'officiant, M. le chanoine Bargilliat, est assisté de M. l'abbé Picard, vicaire de Landudal et de M. l'abbé Brennéol, maître d'études à Saint-Vincent.
Après l'aspersion, la procession s'organise : les croix, les bannières et les statues sont confiées aux paroissiens et paroissiennes du Grand-Ergué. Tous s'honorent de cette distinction, et je ne doute pas que la Vierge et son Fils ne leur accordent en ce jour une bénédiction toute spéciale. L'attitude de la foule est bonne et recueillie. Derrière le clergé marchent le maire et ses adjoints, ceints tous trois de leur écharpe tricolore. Leur présence est un exemple pour tous et la preuve de la bonne entente du clergé et des magistrats municipaux, en même temps qu'une garantie de la bonne tenue générale.
La procession fait le tour du placitre [3] et rentre dans l'église. La foule assiste grave et recueillie au saint sacrifice, et l'on ne peut se défendre d'une certaine émotion en entendant tout ce peuple chanter avec enthousiasme, après le sermon, le magnifique Credo royal.
M. Orvoën, curé de Saint-Corentin, a été appelé à porter la bonne parole aux pèlerins de Kerdévot. Tous suivent émus les leçons que l'orateur dégage des vieux panneaux de chêne du rétable où se retrouvent retracées les principales scènes de la vie de la Vierge.
Ma messe finie, la foule, sans impatience, sort de la chapelle. Les familles se groupent sous les tentes ou bien à l'ombre des grands arbres et des taillis, pour y goûter de joyeuses agapes. Les vergers voisins fournissent, dit-on, à quelques enfants de la ville l'accessoire et le principal de leur repas.
L'heure des vêpres rassemble de nouveau la foule des pèlerins. La procession se reforme dans le même ordre que le matin, les riches costumes des porteuses d'enseignes brillent sous les rayons de soleil.
Si la foule des curieux a augmenté, les pèlerins aussi sont plus nombreux, et dans les rangs et sur le parcours, comme autour de la chapelle. Tous redisent avec entrain les couplets du naïf cantique à N.-D. de Kerdévot.
Après la procession, la bénédiction du Saint Sacrement clôt cette belle fête : ceux, bien nombreux qui n'avaient pu pénétrer dans l'antique chapelle, ont tenu, avant de rentrer dans leur famille, à venir faire aux pieds de la Vierge une fervente prière, que la bonne Mère aura sûrement bien accueillie.
Et tous s'éloignent comme à regret, en se disant : Nous reviendrons.
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| Annonce dans le Progrès et la SR :
Ergué-Gabéric - Grand Pardon de N.-D. de Kerdévot, le Dimanche 10 Septembre. - Le samedi 9, à 4 heures du soir, premières vêpres ; procession suivie de la bénédiction du Très Saint-Sacrement.
Avant et après les vêpres, jusqu'à 6 h. 1/2, des confesseurs se tiendront à la disposition des pèlerins.
Le dimanche 10, à partir de 5 heures, les messes se succèderont sans interruption jusqu'à la grand'messe. À 10 heures, procession ; grand'messe chantée par M. le chanoine Bargilliat, aumônier de l'Adoration, à Quimper ; sermon par M. le chanoine Orvoën, curé-archiprêtre de Saint-Corentin.
À 3 heures, vêpres solennelles ; procession ; bénédiction du Très Saint-Sacrement.
N. B. Une indulgence [4] plénière, applicable aux âmes du Purgatoire, peut être gagnée (aux conditions ordinaires) par les pèlerins de Kerdévot : 1° aux deux Pardons, c'est-à-dire le dimanche de Quasimodo et le 2e dimanche de Septembre ; 2° le 4e vendredi du Carême.
Le lundi, lendemain du grand Pardon, on peut gagner la même indulgence [4] . On confessera, à Kerdévot, jusqu'à la dernière messe qui se dira vers 8 heures.
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Semaine religieuse :
Ergué-Gabéric. - Pardon de N.-D. de Kerdévot. - Je reviens de Kerdévot, pardon célèbre entre tous ceux de Cornouailles. La gracieuse chapelle à la flèche dentelée, son beau placitre [3] , sa fontaine et son calvaire, son rétable si merveilleux ont été souvent chantés, décrits et représentés. Les curieux y accourent en grand nombre, mêlés à la foule pieuse des pèlerins.
Ceux qui s'y rendent pour la première fois s'étonnent devant les longues caravanes qui, depuis le matin, se dirigent vers la chapelle : pèlerins isolés qui s'en vont pieds nus, le chapelet à la main ; familles au complet dans une voiture trop étroite. On entend bientôt la plainte grossissante des mendiants qui implorent la piété des pèlerins ; à chaque pas, des auberges rustiques sont dressées contre les grands talus. Nous rencontrons des pèlerins de la première heure : ils sont arrivés, dès la veille, pour prier N.-D. de Kerdévot et demander au prêtre le pardon de leurs fautes, pardon que l'on demande avec plus de foi et plus de contrition aux pieds de la Mère de miséricorde.
Ce ne sont pas des pèlerins, ils n'ont point fait leur pardon, ceux-là qui passent à Kerdévot sans s'agenouiller devant Notre-Dame et sans recevoir la sainte communion. Grâce à Dieu, les vrais pèlerins sont nombreux ; dès la veille, avant les premières vêpres, les confessions ont commencé, et les prêtres de la paroisse, aidés pourtant de nombreux confrères du voisinage, suffisent à peine à entendre tous ceux qui se présentent.
Le dimanche matin, les messes se célèbrent à toutes les heures, depuis cinq heures. De très nombreux pèlerins s'approchent de la Sainte Table et prolongent, après la communion, leur entretien avec Jésus.
Au dehors, avant la grand'messe, je me suis longtemps arrêté à considérer le spectacle édifiant des pèlerins de Kerdévot. Posté près du calvaire, je les vois passer sans interruption, faisant le tour de la chapelle bénie, un cierge à la main, en répétant leurs Ave Maria ; plusieurs marchent pieds nus. On leur fait place, personne ne se retourne ni pour sourire, ni pour railler.
Depuis la première messe, l'église ne désemplit pas. À 10 heures, encore, de vaillants pèlerins, confessés la veille, ont demandé la sainte communion. Les cloches sonnent la grand'messe ; la sonnerie, longue et joyeuse, ébranle la flèche élancée. La foule se pesse dans l'église, qui semble déjà remplie ; plusieurs suivront les cérémonies par les portes laissées ouvertes. L'église, très belle et très gracieuse par elle-même, a été décorée avec richesse ; le rétable doré brille au-dessus de l'autel.
§ Les prêtres font leur entrée au chœur ...
Les prêtres font leur entrée au chœur ; ils sont venus nombreux. L'officiant, M. le chanoine Bargilliat, est assisté de M. l'abbé Picard, vicaire de Landudal, et de M. l'abbé Brénéol, maitre d'études à Saint-Vincent.
Après l'aspersion, la procession s'organise : les croix, les bannières et les statues sont confiées aux paroissiens et paroissiennes du Grand-Ergué ; tous s'honorent de cette distinction, et je ne doute pas que la Vierge et son divin Fils ne leur accordent en ce jour une bénédiction spéciale.
L'attitude générale est bonne et recueillie, même chez ceux qui n'ont pas pris place dans le cortège. Derrière le clergé marchent le maire et ses adjoints, tous trois ceints de leur écharpe. La procession fait le tour du placitre [3] , contournant les auberges et les tentes. À un moment donné, du point où je me trouve placé, la chapelle disparaît, cachée dans un feuillage épais. La flèche semble s'élancer du tronc même du vieux chêne, rare débris du grand bois qui ornait autrefois le placitre [3] .
La foule est rentrée dans l'église ; elle assiste, grave et recueillie, au saint sacrifice. Il fait bon être là : les fidèles sont vraiment unis au prêtre qui prie pour eux. Ils chantent ; les chants de la foule sont beaux, quand on y sent une âme, et les chants religieux sont les plus beaux. Tout ce peuple enlevait avec enthousiasme le chant magnifique du Credo royal.
Après le prône de M. le Recteur, M. le chanoine Orvoën, curé de la Cathédrale, monte en chaire. Prenant pour texte les mots de l’Écriture : ego mater pulchrae dilectionis, il montre en Marie l'exemple d'un chrétien qui vit dans l'amour de Dieu par la pratique d'une dévotion vraie et sincère. il invite ses auditeurs à contempler les éloquentes sculptures du rétable de l'autel ; ils y voient retracées les principales scènes de la vie de la Vierge ... Tous suivent, émus, les leçons que l'orateur dégage de ces vieux panneaux de chêne, œuvre d'un artiste à la foi vive.
Le prédicateur est descendu de chaire, les yeux sont toujours fixés sur le rétable doré. Puis la messe se poursuit, sans interrompre la méditation commencée dans l'explication de ces tableaux.
La messe finie, la foule, sans impatience, sort de la chapelle. Je me plais alors à considérer cette multitude aux costumes si divers et si pittoresques. À ce moment, hélas ! la foire commence ; ce mélange de jeu populaire et profane à la note pieuse de nos pardons est trop dangereux pour ceux-ci ; et l'on ne saurait trop regretter cet envahissement de la terre sainte de nos pèlerinages. À Kerdévot, il faut le reconnaître, nos forains n'ont point troublé les offices ni la procession.
L'heure des vêpres rassemble de nouveau la foule des pèlerins ; le placitre [3] pourtant est moins silencieux. Le chapelle sera comble, les pèlerins ne font pas défaut. Dans le même ordre que le matin, et pour le même parcours, la procession se met en marche. Le diacre et le sous-diacre de la messe s'avancent au milieu des prêtres, portant le reliquaire vénéré de Kerdévot. Sur le parcours, les curieux sont plus nombreux. Près du calvaire, un peintre s'essaie à prendre un coin du pardon et même, dit-on, l'ensemble de la procession. Puisse-t-il sur sa toile donner la note vraie de ce pardon de Kerdévot.
Ni les mots, ni la peinture ne sauraient reproduire cette pénétrante et délicieuse impression que ressentent les pèlerins dans cette atmosphère si religieuse de nos Pardons bretons.
Que Notre-Dame de Kerdévot bénisse ses fidèles pèlerins ; que ceux-ci viennent, chaque année, plus nombreux et plus confiants implorer sa miséricorde !
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