La reconstruction et bénédiction de la chapelle de Cascadec, Kannadig 1927 - GrandTerrier

La reconstruction et bénédiction de la chapelle de Cascadec, Kannadig 1927

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Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.

Où il est question du transfert des pierres de la chapelle de Coat-Quéau en Scrignac vers Cascadec en Scaër où elles sont remontées par René Bolloré (1885-1935) pour le culte de sainte Thérèse.

Sources : 3 articles du bulletin paroissial « Kannadig Intron Varia Kerzevot » d'Ergué-Gabéric, publiés en juin, août et octobre 1927, incluant des photos d'époque et des croquis du mémorialiste Louis Le Guennec [1], et présentation de la statue de marbre sculptée par René Quillivic [2].

Autres lectures : « Les 131 bulletins paroissiaux des années patronage, Kannadig IV Kerzevot 1926-37 » ¤ « La vente de la chapelle et du calvaire de Coat-Quéau, Ouest-Eclair Illustration 1925 » ¤ « La chapelle de Coat-Quéau transportée à Cascadec, Courrier Illustration 1927-28 » ¤ « CAOUISSIN Youenn - Vie de l'abbé Yann-Vari Perrot » ¤ « René Bolloré (1885-1935), entrepreneur » ¤ « La chapelle Saint-René de la papeterie d'Odet » ¤ 

[modifier] Présentation

Depuis l'acquisition des pierres de la chapelle en ruine de Stanquéau en Scrignac, les journaux, L'Illustration et Ouest-Eclair en particulier ont été critiques comme le rappelle le premier article paroissial : « À cette occasion, plusieurs articles parurent dans la presse, qui critiquèrent l'acheteur d'avoir enlevé une église au culte !  ». Mais l'évêque, et l'abbé Perrot qui remontera le sanctuaire de Stanquéau, ont été plutôt bienveillants.

Ici, c'est aussi le cas, le rédacteur du Kannadig insiste sur l'état de délabrement du lieu saint : « Les photographies des ruines, que nous reproduisons ici, démontreront mieux que tous les articles, l'audace et la mauvaise foi de ce reproche ».

En tout état de cause, les pierres numérotées ont été reposées à 45 km de là, à Cascadec près de la papeterie Bolloré au bord de l'Isole : « La nouvelle chapelle a trente mètre de long, dix mètres de large, possède un bas-côté avec des piliers en pierres de taille |...] Il a suffi de huit maçons pour mener à bien ce grand ouvrage. »

 

Le deuxième article rend compte de la fin de reconstruction avec quatre croquis de Louis Le Guennec, deux de la nef intérieure et deux de l'extérieur avec quelques silhouettes aux abords. Avec un regret quant à l'absence d'un vrai clocher : « Pour le couronner il ne manque plus que la flèche du clocher. Les pierres hélas ! ont servi, il y a quelques années, à la construction d'un pont ! ».

Et le summum de l'opération est d'une part la bénédiction en grande pompe de la chapelle le 29 septembre 1927, et d'autre part la commande d'une statue monumentale : « Mr Bolloré a répondu victorieusement à tous ses détracteurs : de ruines destinées à disparaitre, il a bâti ce magnifique temple en l'honneur de la petite carmélite de Lisieux, sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, dont la statue en marbre blanc, sculptée par Quillivic [2], s'élèvera bientôt à droite du grand autel. »

René Quillivic [2] (1879-1969) est un sculpteur, peintre, graveur et céramiste renommé d'origine finistérienne, de Plouhinec. Il a notamment réalisé la statue de La Bigoudène qui marque la limite entre le Pays Bigouden et le cap Sizun, et le Monument des Forces françaises libres de l'Île-de-Sein.

La statue de sainte Thérèse de Quillivic fait environ 1m50 de hauteur, elle tient une croix de sa main droite et de sa main gauche quelques boutons de roses, et une rose repose aussi à ses pieds. Le socle porte l'inscription « Petite sœur Thérèse de l'Enfant Jésus ».

Lorsque la chapelle de Cascadec a été démolie entre novembre 2019 et février 2020, pour raisons d'insalubrité, la statue de marbre blanc de René Quillivic a été mise à l'abri dans la chapelle Saint René d'Odet, comme on a pu l'admirer lors du bicentenaire, ainsi qu'une autre statue polychrome de Sainte Thérèse et ses fameuses roses rouges.


[modifier] Transcriptions

Kannadig 8 de juin 1937

Ruines de Coat-Quéau

Le mardi de Pâques 1925, la commune de Scrignac mettait en vente publique la chapelle de Coat-Quéau et son calvaire. Monsieur Bolloré, industriel à Quimper, s'en rendit acquéreur.

À cette occasion, plusieurs articles parurent dans la presse, qui critiquèrent l'acheteur d'avoir enlevé une église au culte ! ... Les photographies des ruines, que nous reproduisons ici, démontreront mieux que tous les articles, l'audace et la mauvaise foi de ce reproche : la toiture effondrée depuis trente ans ; à l'intérieur de la chapelle, des arbres de 25 à 30 centimètres de diamètre et tout autour une véritable forêt vierge ...

On accusait aussi l'acheteur de vouloir consacrer ces ruines à quelque construction sans destination bien définie. Nouvelle calomnie, aussi grotesque que la première, puisque Monsieur Bolloré achetait la chapelle de Coat-Quéau avec l'autorisation de Monseigneur l’Évêque de Quimper, pour la rebâtir à Cascadec dans le même style et sur le même plan.

Au mois d'Août dernier, M. Malo, architecte des usines Bollor, après avoir fait numéroter et relever toutes les pières de la vieilles église, procéda aux travaux de démolition et de transport, avec le concours et la collaboration du maître-maçon Quéré Jean-Marie, des maçons Favennec et Quéré Jean, des camionneurs Gourmelen et Laz, d'Odet. (à suivre)


Kannadig 10 d'août 1927

Chapelle de Cascadec

Dans le Jannadig de Juin nous avons fait paraitre quatre vues des ruines de Coatquéau. Ce moi nous publions quatre photographies de cette vieille église, reconstituée pierre par pierre à l'usine de Cascadec. Elle servira désormais au culte d'une façon pratique et efficace pour les 600 ouvriers de la papeterie.

Voici quelques renseignement sur ce bel ouvrage, que l'on peut qualifier de vrai travail de Romains, si l'on considère les difficultés de transport et la distance qui sépare Scrignac de Scaër (45 kilomètres).

Le poids total des pierres de taille transportées a dépassé 600 tonnes, et il a fallu les prendre au-delà d'un ravin accessible seulement à un petit attelage de chevaux.

La nouvelle chapelle a trente mètre de long, dix mètres de large, possède un bas-côté avec des piliers en pierres de taille.

Moins de huit mois après le début des travaux, la chapelle se trouve couverte, et nous avons le ferme espoir qu'elle sera livrée au culte au mois prochain. Il a suffi de huit maçons pour mener à bien ce grand ouvrage.

Pour le couronner il ne manque plus que la flèche du clocher. Les pierres hélas ! ont servi, il y a quelques années, à la construction d'un pont ! ... Pourquoi ne s'est-il élevé alors aucune voix pour flétrir cet acte de vandalisme ? ...

Mr Bolloré a répondu victorieusement à tous ses détracteurs : de ruines destinées à disparaitre, il a bâti ce magnifique temple en l'honneur de la petite carmélite de Lisieux, sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, dont la statue en marbre blanc, sculptée par Quillivic, s'élèvera bientôt à droite du grand autel. La petite sainte, qui a promis de passer son ciel à répandre sur la terre une pluie de roses, fera descendre sur l'usine de Cascadec d'abondantes bénédictions.

 

Kannadig 12 d'octobre 19275

Bénédiction de la Chapelle de Cascadec

Le matin du 29 Septembre une quinzaine d'automobiles traversent Scaër et se dirigent vers la Papeterie de Cascadec ; elles s'engagent sur une large et belle route le long de la rivière grossie par les pluies qui serpente dans un paysage à visions pyrénéennes. Des groupes de jeunes filles avec leur coquette coiffure, les unes à pied, les autres à bicyclette, semblent se diriger vers un rendez-vous de fête, quelque pardon de Bretagne. Dans le ciel gris s'envolent bientôt les sons joyeux des nouvelles cloches, installées de la veuille dans ce site pittoresque de Cascadec.

Deux haies de Bretons et Bretonnes aux gais habits de fête, dont plusieurs portent fièrement leurs décorations, médailles de vermeil, médailles d'argent du travail et de l'alliance syndicale, laissent apercevoir au fond une grande et belle église gothique du XVe siècle, avec son clocher largement ajouré, miniature de celui de Guimiliau. Et voici que cette foule se tait, les hommes se découvrent : c'est Mgr Duparc qui passe, bénissant les fronts courbés, accompagne de M. Le Chanoine Cogneau, vicaire général, de M. Le Chanoine Le Goasguen, directeur des Œuvres de Jeunesse ; à leur suite viennent l'abbé Fouet, doyen de la faculté catholique de Paris, le P. de la Chevasnerie, ami de M. Bolloré, le clergé de Scaër et d'Ergué-Gabéric.

La fête de ce jour a un caractère particulier : c'est la bénédiction de la chapelle de Coatquéau, transportée à Cascadec par les soins de M. Bolloré, et rebâtie au bout d'un an dans un nouveau cadre. Ce bel édifice, jadis en ruines, est un véritable témoin de notre foi et un précieux vestige de la belle architecture bretonne au XVe siècle. Les lecteurs du Kannadig ont déjà admiré, dans les vues que nous en avons données, la beauté de la maîtresse-vitre, la grandeur et les richesses architecturales de cette magnifique église, bâtie autrefois sur le territoire de Scrignac par les moines de notre vieille Armorique.

Dès son entrée dans la chapelle, Mgr procède à la bénédiction ; il passe dans l'assistance recueillie et nombreuse (un millier de personnes), asperge d'eau bénite les murs et les voûtes ; puis il bénit la statue de Sainte Thérèse qui devient la souriante et douce patronne de la nouvelle église. Tandis que la Chrorale de Scaër, habilement dirigée, chante à trois voix le cantique de Sainte Thérèse, l'Adoromp holl ha Kantik ar Baradoz, le P. de la Chevasnerie monte à l'autel pour célébrer la sainte messe, interrompue dans cette chapelle depuis cinquante ans. À l’Évangile, dans un langage simple et élevé, le Père retrace devant un auditoire attentif, charmé par cette voix claire et chaude, quelques traits de la vie de la petite Sainte de Lisieux : « qui, semble-t-il, n'a rien fait d'extraordinaire durant sa vie, mais qui a tout fait par amour pour le bon Dieu. »

Mgr Duparc remercie le prédicateur et félicite M. Bolloré et ses collaborateurs de cette belle et bonne œuvre ; il redit son espoir dans la protection de Ste Thérèse sur les familles de Cascadec et sur les entreprises de leur patron, pieusement inspiré, qui a voulu doter sa Papeterie de ce lieu de prières et de bénédictions.

À l'issue de la messe, un cordial banquet réunit autour de Monseigneur la famille Bolloré, le clergé qui vient d'assister à la cérémonie, les directeurs et contremaitres des usines d'Odet et de Cascadec.


[modifier] Les trois bulletins Kannadig


[modifier] Annotations

  1. Louis Le Guennec (1878-1935), originaire de Morlaix, a été bibliothécaire de la ville de Quimper. Il a accumulé une très riche documentation sur le Finistère et de multiples croquis réalisés lors de ses balades d'archéologue et de mémorialiste. Dès 1902, il adhère à la Société archéologique du Finistère ; il écrivit de nombreux articles pour le bulletin de cette société, ainsi que de nombreux comptes-rendus dans le journal La Dépêche de Brest. [Ref.↑]
  2. René Quillivic né le 13 mai 1879 à Plouhinec (Finistère) et mort le 8 avril 1969 à Paris est un sculpteur, peintre, graveur et céramiste français. Ses premières œuvres exposées au Salon des Artistes Français en 1905 puis au Salon des Indépendants en 1907 témoignent de son attachement à la Bretagne et de sa volonté de traiter des sujets inspirés par la vie quotidienne. A partir de 1919, on lui confie la réalisation de monuments aux morts (il en réalisera seize pour le seul département du Finistère). [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : janvier 2012    Dernière modification : 6.07.2022    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]