L'orgue Dallam du 17e siècle de l'église St-Guinal - GrandTerrier

L'orgue Dallam du 17e siècle de l'église St-Guinal

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Catégorie : Patrimoine
 Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.
Pendant longtemps on a ignoré le fait que l'église St-Guinal du bourg d'Ergué-Gabéric abritait un magnifique buffet d'orgues historique, conçu et construit par un illuste facteur d'orgues anglais. Hormis la qualité musicale de l'instrument on a aussi découvert la beauté de ses ornements de peintures d'anges musiciens.

Ce texte de présentation de l'orgue a été rédigé par Michel Cocheril pour l'Association des Amis de l'Orgue.

Autres lectures :« 1975-2011 - Arrêtés de classement de l'orgue Dallam d'Ergué-Gabéric » ¤ « Eléments classés et inscrits du patrimoine de la commune d'Ergué-Gabéric » ¤ « COCHERIL Michel - Les orgues de Bretagne » ¤ « 1980 - Discours d'inauguration de l'orgue Dallam restauré » ¤ « 1976-1982 - Les archives de la Commission Histoire d'Ergué-Gabéric » ¤ « Improvisations de Frédéric Munoz sur l'orgue Dallam d'Ergué-Gabéric » ¤ « KAUFFMANN Jacques - Orgue Thomas Dallam d'Ergué-Gabéric » ¤ 

Historique

On ne possède guère d'archives sur l'orgue d'Ergué-Gabéric, aussi devons-nous nous baser sur l'examen de l'instrument lui-même pour en reconstituer l'historique. Une date apparaît sur le buffet : 1680, et la comparaison avec les orgues de Ploujean, Saint-Melaine de Morlaix, Guimiliau, Sizun et Rumengol nous permet d'attribuer la paternité de cet orgue à Thomas Dallam, sieur de La Tour.

Ce facteur, d'origine anglaise, est né vers 1630, dans une famille catholique originaire du Lancashire. Son père, Robert Dallam, était déjà célèbre en Angleterre, mais il dut s'exiler au moment de la Révolution puritaine qui interdit l'usage de l'orgue dans les églises et se réfugia à Quimper en 1642.

Il fut chargé de construire le grand orgue de la cathédrale, et la famille Dallam garda longtemps des attaches avec Quimper. En 1660, à la restauration de la monarchie anglaise, Robert Dallam rentra dans son pays, mais son fils Thomas resta dans le Finistère où il s'établit et travailla sans relâche jusqu'à sa mort à Guimiliau en 1705. On lui doit les orgues déjà citées ainsi que d'autres disparus depuis.

 

L'orgue de Ploujean, près de Morlaix, fut commandé en 1677 et terminé en 1680 ; il est donc contemporain de celui d'Ergué, avec lequel il présente de nombreuses analogies : les deux orgues ne possèdent qu'un seul clavier à l'arrière du buffet, et tous deux se trouvent placés en bord de tribune, tels des positifs.

Restaurations

Ce qui fait l'intérêt de l'orgue d'Ergué-Gabéric, c'est qu'il fut très peu retouché au cours des siècles. Quelques réparations eurent lieu en 1845, consécutives à des dommages causés par la chute du clocher en 1836. Ces modestes travaux, réalisés par un artisan originaire du Morbihan, François Bardouil, permirent à l'instrument de poursuivre sa carrière jusqu'en 1902, lorsque les Wolf, facteurs d'origine suisse établis à Quimper, effectuèrent une intervention pour 1.200 F.

Quelques années plus tard cependant, il semble que l'orgue soit devenu muet et ce triste état devait durer jusqu'en 1980. L'instrument tricentenaire, classé Monument Historique, fut alors restauré par Jean Renaud sous la direction de Jean-Albert Villard. L'objectif était de revenir autant que possible à l'état de 1680. Les travaux portèrent sur la remise en état de la tuyauterie, de la soufflerie, du sommier, de la mécanique des claviers et des registres, ainsi que sur le buffet et la tribune.

Dans les années qui suivirent, il parut souhaitable de poursuivre cette restauration et d'y adjoindre une seconde tranche concernant la partie sonore c'est-à-dire les tuyaux et leur harmonisation. Cette deuxième tranche fut réalisée par Bernard Hurvy. La pression, d'abord fixée à un nivrzu élevé, fut ramenée à 85mm, mais le réservoir vraisemblablement posé en 1845 par F. Bardouil fut maintenu. Le diapason de l'orgue, que l'on avait cru plus bas d'un demi-ton par rapport au ton actuel, fut rétabli à un ton entier au-dessous, soit 387 Hz.

Plusieurs surprises attendaient le facteur Bernard Hurvy lors des travaux de 1990. En effet, l'analyse de la tuyauterie révéla son hétérogénéité. Comme tous les tuyaux anciens étaient de Dallam (environ 450 sur les 750 que compte l'instrument, les autres étant des copies faites en 1980), il fallut conclure que le facteur, sans doute pressé, avait puisé dans ses fonds d'atelier. B. Hurvy s'interrogea sur les tailles insolites de certains tuyaux, provenant des jeux les plus divers, mais tous façonnés par Dallam, avec ses marques d'origine bien reconnaissables.

 

D'autre part le plein-jeu comportait, d'après les perces des registres, deux rangs à la Fourniture et trois pour la Cymbale, disposition inhabituelle alors que les marques des tuyaux indiquaient trois rangs à la Fourniture et deux pour la Cymbale, répartition classique. Autre énigme, les petits tuyaux placés en montre dans le soubassement. Ont-ils correspondu à un deuxième clavier disparu depuis ? Ont-ils jamais sonné ? L'examen le plus attentif n'a pas permis de répondre à cette question.

On le voit, l'histoire de ce petit instrument comporte encore des zones d'ombre, et mériterait d'être mieux connue, ainsi que les circonstances de sa construction. Tel qu'il est cependant, il représente surtout depuis 1990, un excellent exemple de la facture de Thomas Dallam et permet de retrouver des sonorités oubliés depuis bien longtemps.

Partie sonore et buffet

Composition actuelle
(conforme à la composition d'origine, 1680)
  • Clavier de 48 notes, Ut à Ut sans premier Ut#
  • Bourdon 8
  • Montre 4
  • Flûte 4 à cheminée
  • Nasard 2 2/3
  • Doublette 3
  • Tierce 1 3/5
  • Fourniture III
  • Cymbale II
  • Cornet V (de Ut 3)
  • Trompette 8 (en basses et dessus, coupure entre Ré# et Mi)
  • Voie humaine 8 (idem)

Le tempéramment est inégal, proche de celui préconisé par Schlick mais légèrement moins affirmé. La composition du plein-jeu est conforme à celle de l'orgue français classique, par exemple à celle de Dom Bédos, avec les reprises sur les Fa et Ut.

Les tailles des tuyaux sont homogènes par famille de jeux : une taille pour les principaux, une pour les jeux flûtés. Le bourdon 8 possède des tuyaux de plusieurs jeux anciens, bourdons ou flûtes. La trompette 8, de Dallam, n'a probablement pas été d'abord destinée à Ergué-Gabéric. Les tuyaux trop longs ne pouvaient trouver place dans le buffet, et elle parle mieux avec une pression légèrement plus basse que celle des autres jeux.

 
Les bouches sont assez basses. Beaucoup avaient été relevées au cours des siècles, mais il a été possible de retrouver la hauteur d'origine, en se basant sur quelques tuyaux témoins, pratiquement non retouchés depuis leur fabrication.

Le buffet a retrouvé sa polychromie et ses dorures anciennes, que le XIXe siècle avait camouflées sous une couche de peinture marron. La tourelle centrale a la forme d'une proue de navire, ce que l'on retrouve dans les autres buffets Dallam, les tourelles latérales, plus courtes, s'arrondissent au-dessus des encorbellements.

La décoration sculptée est des plus simples dans la partie basse, mais s'orne d'anges à la trompette dans les hauteurs. On trouve aussi des anges musiciens sur les fresques décorant la tribune avec l'inscription en latin "Laudate Dom in timpano et choro. Laudate Eum in chordis et organo". Ces panneaux peints, eux aussi restaurés en 1980, rehaussent le buffet de leurs chaudes couleurs.


Conclusion

Depuis quelques années, le Finistère peut s'enorgueillir de posséder trois orgues de Thomas Dallam en état de jouer, ceux de Ploujean, Guimiliau et Ergué-Gabéric, tous classés. Leur restauration a été confiée à des facteurs différents, mais on retrouve des caractéristiques communes dans les éléments constitutifs de leur sonorité, c'est-à-dire la forme des tuyaux, leur embouchage, le vent, la taille des gravures des sommiers, etc.

On ira donc à Guimiliau écouter un grand orgue Dallam de trois claviers et pédalier, pouvant interpréter avec raffinement toute la musique ancienne ; on ira à Ploujean pour écouter un Dallam de taille moyenne, à un clavier et pédalier ; on ira à Ergué-Gabéric pour écouter un petit Dallam à un seul clavier, aux riches possibilités malgré sa taille - et son ramage étant égal à son plumage, on goûtera le chatoiement de ses ors et de ses couleurs.


Extrait musical enregistré :

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Site Internet : www.orgues-cornouaille.org

Video-démonstration d'un organiste au clavier :

Article : « Improvisations de Frédéric Munoz sur l'orgue Dallam d'Ergué-Gabéric » ¤ 




Thème de l'article : Richesse du patrimoine communal

Date de création : 1995 ?    Dernière modification : 3.12.2016    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]