L'assassinat crapuleux d'un casseur de pierres à Niverrot, journaux de 1930-31 - GrandTerrier

L'assassinat crapuleux d'un casseur de pierres à Niverrot, journaux de 1930-31

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-<i>Où il est question de l'assassinat d'un vieillard en pleine campagne gabéricoise et du procès en assises d'un jeune domestique qui avait l'intention d'aller tuer sa maîtresse entre Dieppe et Abbeville.</i>+<i>Où il est question de casseurs de pierres près de Niverrot et de Kerdévot, d'un assassinat en plein champ de pommes de terre et du procès en assises d'un jeune domestique qui écope d'une peine de 15 ans de travaux forcés.</i>
-Autres lectures : {{ArticlesCrimeNiverrot}}+Coupures de presse d'octobre 1930 et janvier-février 1931 : L'Ouest-Eclair <ref name="OuestEclair">{{OuestEclair}}</ref> <ref>La coupure de presse Ouest-Eclair nous a été signalée par Mme Hélène Gille-Perrier.</ref>, La Dépêche de Brest <ref>{{DépêcheDeBrest}}</ref>, Le Petit Breton <ref>{{PetitBreton}}</ref>. Voir aussi la chronique de Louis Gildas sur cette affaire sur Radio Bleu Breizh Izel du 17.09.2018.
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 +Autres lectures : {{Tpg|GILDAS Louis - Faits divers en Bretagne - 2e saison}}{{Tpg2|Niverrot, Niverod|Village du Niverrot}}{{Tpg|Divers faits divers à Ergué-Gabéric, journaux locaux 1930}}
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-[[Image:OuestEclair1.jpg|center]]__NOTOC__+[[Image:Courbet_Casseurs-de-pierre.jpg|center|175px|thumb|Casseurs de pierres de Courbet]]__NOTOC__
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-Cette transcription de procès dans les colonnes de l'Ouest-Eclair <ref>Coupure de presse signalée par Mme Hélène Gille-Perrier.</ref> met en lumière la misère de nos campagnes en cette première moitié de 20e siècle, et la violence en est une illustration. L'assassinat du 12 octobre est relaté dans l'Ouest-Eclair en page Région le 17.10.1930, et le procès en assises à Quimper le 17 janvier suivant.+Les longs articles ci-dessous publiés dans les journaux « <i>L'Ouest-Eclair</i> », « <i>La Dépêche de Brest</i> » et « <i>Le Petit Breton</i> » illustrent parfaitement la misère et la violence en milieu rural pendant la première moitié de 20e siècle, au travers notamment des égarements des plus jeunes.
-L'accusé Louis-Marie Lizen, natif de Fouesnant de parents miséreux, est domestique pour 200 francs par mois (300 pendant la moisson) dans une ferme de Niverrot, après avoir été ouvrier verrier dans la région rouennaise. En 1930 il tue à coups de houe un casseur de pierres et lui dérobe ses 1660 francs d'économies. Pour commettre son délit il avoue avoir bu un litre de vin rouge et de l'eau-de-vie de cidre. Il est condamné à 15 ans de travaux forcés.+Les premiers articles de 1930 sont titrés « <i>Le crime d'Elliant</i> » parce que les premiers secours sont demandés par le maire d'Elliant, le décédé étant employé par le détenteur du moulin de Quénéhaye situé sur la rive elliantaise, mais le champ de ce moulin où a été commis le meurtre est bien de l'autre côté du ruisseau sur le territoire d'Ergué-Gabéric. Les articles suivants relatent l'affaire comme l'assassinat d'Ergué-Gabéric et l'Ouest-Eclair publie même la photo du village de Niverrot où sont domiciliés la plupart des protagonistes. Et l'acte de décès est bien déclaré dans ce village gabéricois <ref>Relevé Etat-Civil Décès - 12/10/1930 - Ergué-Gabéric (Niverrot). GOURMELEN François, Manoeuvre, âgé de 56 ans. Père : Jérôme, décédé. Mère : Marie SAUX, décédée. Conjoint : Marie Josèphe LE GOC. Témoins : Henri LE NERRANT 52 ans, cultiv. dom à E-Gab. signe. Notes : DCD à 16h. Acte du 13/10. Né à Tourc'h le 07/12/1873. Veuf de Marie Catherine QUEHERNO. Le décédé et son épouse, ménagère, sont dom. à Melgven.</ref>.
-La victime est Fanch (François) Gourmelen. Il a 56 ans et est qualifié de vieillard. Méfiant, il porte ses économies sur lui, dans son veston. Casseur de pierres, et non tailleur, pour le remblaiement des routes, il est employé par un meunier, et accessoirement journalier et ramasseur de pommes de terre.+L'accusé Jean-Louis Lizen, âgé de 19 ans, natif de Fouesnant de parents miséreux, est domestique pour 200 francs par mois (300 pendant la moisson) dans une ferme de Niverrot, après avoir été ouvrier verrier dans la région rouennaise. Le 12 octobre 1930 il tue à coups de houe un ouvrier agricole, casseur de pierres à l'occasion (tout comme son agresseur), et lui dérobe ses 1660 francs d'économies. Pour commettre son délit, Lizen avoue avoir bu un litre de vin rouge et de l'eau-de-vie de cidre.
-Les personnes citées à la barre et impliquées de près ou de loin dans cette affaire sont :+Le co-accusé est André Tanguy, 14 ans, est également domestique dans la même exploitation agricole de Niverrot. Orphelin d'un père alcoolique et avec une mère épileptique hospitalisée, il est pupille de l'Assistance publique (renvoyé de l'orphelinat Massé <ref>Alexandre Massé est un industriel et un inventeur français, né à Quimper le 15 février 1829 et mort le 13 avril 1910 à Plomelin (Finistère). Il est l'auteur d'une invention d'apparence modeste, mais qui est une innovation d'importance mondiale : le bouton de vêtement comportant quatre trous pour une meilleure fixation. Il se retire à Plomelin pour se consacrer à l'aide à l'éducation des orphelins auxquels, n'ayant pas d'enfants, il lègue toute sa fortune. Une fondation à buts sociaux, la Fondation Massé-Trévidy, héritière de la Fondation Massé-Peticuénot créée en 1894 pour gérer l'orphelinat de Quimper, perpétue ses œuvres.</ref> pour indiscipline) et placé dès ses 12 ans dans la ferme de Niverrot. Quand il était petit, son père l'obligeait à aller mendier son pain.
-* M Bourbigot, 31 ans, cultivateur à Niverrot.+
-* André Tanguy, 14 ans, domestique à Niverrot. Son père était un grand buveur et sa mère épileptique. Orphelin de son père, pupille de l'Assistance publique, renvoyé de l'orphelinat Massé <ref>Alexandre Massé est un industriel et un inventeur français, né à Quimper le 15 février 1829 et mort le 13 avril 1910 à Plomelin (Finistère). Il est l'auteur d'une invention d'apparence modeste, mais qui est une innovation d'importance mondiale : le bouton de vêtement comportant quatre trous pour une meilleure fixation. Il se retire à Plomelin pour se consacrer à l'aide à l'éducation des orphelins auxquels, n'ayant pas d'enfants, il lègue toute sa fortune. Une fondation à buts sociaux, la Fondation Massé-Trévidy, héritière de la Fondation Massé-Peticuénot créée en 1894 pour gérer l'orphelinat de Quimper, perpétue ses œuvres.</ref>. Quand il était petit, son père l'obligeait à aller mendier son pain. Il est acquitté de l'accusation de complicité du meurtre de Fanch Gourmelen.+
-* Jean-Louis Quéméré, meunier à Kernahaut en Elliant, patron de la victime.+
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-[[Image:Courbet_Casseurs-de-pierre.jpg|thumb|center|400px|Gustave Courbet, Les Casseurs de pierres, 1849]]+
-* Louis Barré, cultivateur à Kerlavian en Elliant.+
-* Jean-Marie Rioual, charretier de Trégunc.+
-* René Leroux, cultivateur de Kerdévot, et son fils Jean et le jeune Rannou, tous trois chasseurs.+
-* Laurent Le Grand, cultivateur à Menez-Kerdévot.+
-* Pierre Le Cam, dit "Tambour", domestique à Kergariou en Elliant. Alors qu'il était ivre allongé dans un fossé le jour du pardon de Kerdévot, il est victime de Louis Lizen qui lui dérobe son argent.+
-* M. Huitric, cultivateur à Niverrot, hébergeur de la victime.+
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-==Article - 17.01.1931==+Leur victime, le journalier François - ou plutôt Fañch - Gourmelen, est logé à Niverrot, a 56 ans et est qualifié de vieillard. Méfiant, il porte ses économies sur lui, dans son veston. Casseur de pierres pour le remblaiement de la nouvelle route de Kerdévot à Niverrot, il est aussi employé par le meunier de Quénéhaye comme journalier et ramasseur de pommes de terre. Il est présenté comme « <i>une physionomie plutôt sympathique. très sobre, il acceptait rarement à boire - il buvait de l'eau - ce qui, à certains points de vue, le faisait passer pour un original dans un pays où l'on ne recule pas devant la bolée. </i> »
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-« Quimper. Aux Assises du Finistère. <b>Le crime de deux vauriens : pendant que l'un faisait le guet, l'autre assommait un vieillard à coups de houe.</b>+
-Quimper, 17 janvier (de notre rédaction). La dernière audience de la première session des Assises appelle l'affaire suivante :+Ce qui frappe à la lecture des comptes-rendus d'interrogatoires et d'audiences d'assises, c'est le fossé social qui existe entre d'une part les domestiques, jeunes et vieux, et leurs patrons agriculteurs d'autre part. Les premiers sont désignés par leurs patronymes - Lizen, Tanguy et Gourmelen -, très souvent sans leurs prénoms, et jamais sans les "Monsieur" qui caractérisent leurs patrons. Les domestiques et journaliers travaillent tous les jours, y compris le dimanche jour de crime, matin et après-midi, alors que leurs employeurs sont ce jour-là en sortie de chasse. Les domestiques sont logés très modestement, soit par exemple celle du meurtrier : « <i>la grange où, près des tas de paille, se trouvait sa chambre.</i> ».
-Louis Lizen, 19 ans, domestique de ferme à Niverrot, en Ergué-Gabéric, est accusé : 1° d'avoir, le 12 octobre 1930, tué un casseur de pierres, François Gourmelen, 56 ans ; 2° d'avoir volé une certaine somme d'argent au préjudice de sa victime et ce, avec préméditation.+Au procès d'assises le jury a longuement délibéré, et n'a pas manqué de constater la culpabilité avec vol et préméditation de Jean-Louis Lizen qui aurait dû écoper de la peine de mort.
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-André Tanguy, 14 ans, domestique de ferme au même lieu, est accusé de complicité.+
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-<center><b>Les faits</b></center>+
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-L'accusé, Louis-Marie Lizen, 19 ans, domestique de ferme chez M. Bourbigot, cultivateur au village de Niverrot, en Ergué-Gabéric, avait travaillé précédemment comme ouvrier verrier à Blangy-sur-Bresle <ref>Blangy-sur-Bresle, au coeur de la Vallée de la Bresle, à mi-distance de Dieppe et d'Abbeville, est au centre d’une vallée verrière mondialement connue « La Glass Valley » qui fournit environ 80% des plus beaux flacons de la parfumerie de luxe du monde.</ref> (Seine-Inférieure), où il avait laissé une jeune fille qui était, dit-il, devenue sa maîtresse. Au mois d'août 1930, celle-ci lui écrivit qu'elle était fiancée et que, dès lors, il eut à cesser sa correspondance.+
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-Lizen exala sa colère devant son patron et devant le jeune André Tanguy, âgé de 14 ans, comme lui domestique chez M. Bourbigot, et sur lequel il avait pris un certain ascendant, disant à plusieurs reprises que s'il avait de l'argent, il achèterait un revolver et irait la tuer.+
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-Un jour étant avec Tanguy, il s'arrêta à parler avec un casseur de pierres, François Gourmelen, âgé de 56 ans, qui venait de vendre des cailloux et qui montra à Lizen et à Tanguy la somme de 5 à 600 francs qu'il portait sur lui.+
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-Le même jour, Lizen projetant de voler cet argent dit à Tanguy : "Gourmelen est bon à faire", ce à quoi Tanguy répondit : "Si tu veux". Dans la suite, Lizen tenta de dévaliser Gourmelen qui passait pour porter toujours sur lui ses économies, mais celui-ci ne quittant pas son veston pour travailler, il ne put y travailler. Il décida alors de le tuer. Le samedi 11 octobre dernier, Lizen dit à Tanguy qu'il ferait "le coup", le lendemain, pendant que Gourmelen travaillerait à l'arrachage des pommes des terre, Tanguy acquiesça.+
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-Le dimanche 12 octobre, dans la matinée, Lizen vérifia si Gourmelen travaillait bien dans le champ. L'après-midi, après avoir aidé, avec Tanguy, à charger un tombereau de pierres, il l'envoya reporter sa fourche chez son patron et lui recommanda de revenir vite le rejoindre, en se tenant, pour faire le guet, dans le chemin qui longe le champ.+
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-Lizen s'approcha de Gourmelen qui travaillait et lia conversation avec lui. Il prit la houe qui était posée à terre et arracha lui-même quelques pieds de pommes de terre pour mettre Gourmelen en confiance.+
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-Au bout de quelques minutes, apercevant Tanguy qui, monté sur le talus, lui indiquait par signe que personne ne venait, Lizen porta à Gourmelen, alors que celui-ci était baissé, un violent coup de houe qui l'atteignait au front. Gourmelen tomba sans pousser un cri. Comme il remuait encore, Lizen lui porta sauvagement d'autres coups de houe. Ayant constaté que Gourmelen était enfin mort, Lizen fouilla ses poches et s'empara de son argent.+
- +
-Il rentra ensuite chez son patron, et dans le hangar qui lui servait de demeure, il compta la somme volée, 1.660 francs, a-t-il déclaré, et commença une lettre pour sa maîtresse. Quant à Tanguy, après avoir sur le talus fait signe à Lizen que personne ne venait, il s'était aussitôt enfin pour ne pas assister au crime et était revenu chez son patron où il s'était mis à jouer avec les enfants et avait pris une collation.+
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-Un peu après, tandis que Bourbigot averti de la mort de Gourmelen se rendait près du cadavre, Lizen mit Tanguy au courant de ce qu'il avait fait et lui offrit 600 francs, en lui recommandant de garder le silence. Tanguy refusa l'argent, disant qu'il n'en avait pas besoin. Lizen et Tanguy ont reconnu les faits.+
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-L'autopsie a établi que Gourmelen, frappé de plusieurs coups avec violence, avait succombé à une fracture du crâne.+
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-Lizen a été condamné pour vol, le 2 juillet 1929, à quinze jours de prison avec sursis. Il est représenté comme peu travailleur, dépensier et vantard.+
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-Tanguy n'a pas d'antécédents judiciaires. Orphelin de père et sa mère étant hospitalisée depuis cinq ans, il est pupille de l'Assistance publique. De bons renseignements sont fournis sur son caractère et ses habitudes au travail.+
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-<center><b>L'audience</b></center>+
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-Une nombreuse affluence se pressait encore hier samedi, à 13 heures, au Palais de Justice, pour suivre les débats de cette affaire qui causa dans la région quimpéroise une grosse émotion.+
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-Louis Lizen, au premier abord, ne parait pas avoir une mauvaise mine mais son regard sournois décèle un caractère peu commode. Il est correctement vêtu d'un imperméable jaune et, certes, son attitude générale ne donne pas l'impression d'un domestique de ferme ordinaire.+
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-Quant au jeune Tanguy, qui ne parait pas très à son aise, il jette un regard furtif de temps à autre sur l'auditoire en se tortillant les doigts.+
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-Me Jean Jadé et Me Alizon sont assis au banc de la défense.+
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-<center><b>L'interrogatoire de Lizen</b></center>+
- +
-Le jeune meurtrier répond tout d'abord d'une voix faible et, invité à s'exprimer, déclare : "Je ne me rappelle pas".+
- +
-Le président retrace alors les faits en un monologue coupé de temps en temps par cette question :+
- +
-- Est-ce bien cela ?+
- +
-- Oui.+
- +
-Lizen était employé chez M. Bourbigot, à Niverrot, à raison de 200 fr. par mois en temps normal et 300 fr. durant la moisson.+
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-- Vous saviez que le vieux Gourmelen portait son argent sur lui ?+
- +
-- Oui.+
- +
-Alors l'idée vint d'accomplir le crime dont le président retrace les péripéties que nous relatons plus haut. Il souligne les manœuvres de Lizen pour essayer de cacher son acte criminel, car déjà l'opinion publique unanime me désignait comme étant le coupable.+
- +
-- Reconnaissez-vous avoir commis le crime avec préméditation ?+
- +
-- Oui.+
- +
-- Pourquoi avez-vous fait cela ? Pour pouvoir aller rejoindre votre maîtresse ?+
- +
-- Oui.+
- +
-Lizen, en effet, avait appris que Mlle Paulette Galant, la jeune fille qu'il avait connue à Falancourt (Seine-Inférieure), allait se marier malgré leurs relations antérieures.+
- +
-- C'est alors que vous avez dit : "Si j'avais de l'argent j'achèterais un revolver pour aller tuer Paulette". +
- +
-- J'ai dit cela dans un coup de colère.+
- +
-- N'empêche que vous l'avez dit et que c'est sans doute à partir de ce moment-là que vous avez conçu l'idée de tuer le vieux Gourmelen.+
- +
-- Non, j'avais seulement alors l'intention de le voler.+
- +
-Les renseignements pris sur Lizen ne sont pas très bons. On le représente comme étant violent et surtout très vantard.+
- +
-Natif de Fouesnant, de parents misérables, il débuta comme tant d'autres hélas ! à l'âge de 13 ans, dans les verreries d'abord à Rouen, puis dans plusieurs autres villes de Seine-Inférieure. On sait ce qu'est l'existence des enfants embauchés dans ces établissements. Aussi si les jurés trouvent une circonstance atténuante quelconque en faveur de Lizen, c'est cette particularité qui, à notre avis, pèsera d'un grand poids sur leur détermination.+
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-Le président. - Qu'avez-vous à ajouter ?+
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-- Je regrette, monsieur le Président.+
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-- Est-ce vous qui avez été l'instigateur du crime ?+
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-- Oui c'est moi.+
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-Avant la fin de l'interrogatoire, un juré pose une question judicieuse :+
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-- Le 12 octobre, Lizen était-il sous l'influence de la boisson ?+
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-- Oui, j'avais bu un litre de vin rouge et de l'eau-de-vie de cidre.+
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-<center><b>Le jeune Tanguy</b></center>+
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-Le complice de Lizen est ensuite interrogé.+
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-De bons renseignements sont fournis sur son compte et son patron, surtout avant l'arrivée de Lizen, était très content de lui.+
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-« C'est Lizen, dit-il qui me confia quelque temps avant le crime, que le père Gourmelen serait "bon à faire". Le Matin du 12 octobre il me dit : "Ce sera pour cet après-midi ».+
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-Le président. - En somme, c'est lui qui vous a monté toute l'affaire ?+
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-- Oui.+
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-- Pourquoi êtes-vous parti quand Lizen allait frapper le vieux ?+
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-- Parce que je ne voulais pas assister au crime. Lizen m'a alors offert 600 francs pour ma part en me menaçant : "Si tu dis un mot, je te tuerai toi aussi". Mais j'ai refusé.+Le lieu du crime, un champ de pommes de terre près de Menez-Niverrot, à 150-200 mètres du moulin de Quénéhaye, au centre de la carte :
-Est-ce sous l'effet de cette crainte que le jeune Tangue dissimula la vérité au cours de l'enquête ? Il est permis de le croire, car il semble avoir été toujours terrorisé par l'autre.+[[Image:NiverrotQuenehaye.jpg||center|400px|]]
-« Il me menaçait de coups, dit-il ; si je ne l'aidais pas à commettre le crime ».+[[Image:DP-19310118-CrimeGourmelenPhoto2.jpg||center|400px|]]
-Tanguy, cependant, n'a pas toujours eu une conduite exemplaire ; c'est ainsi qu'il fut renvoyé de l'orphelinat Massé, pour indiscipline et méchanceté.+Mais le jugement relève des circonstances atténuantes qui, en temps normal, transforme la peine de mort en travaux forcés à perpétuité. Mais ici les jurés convainquent le président de réduire la peine à quinze ans, le célèbre avocat Jean Jadé ayant déclaré que « <i> son hérédité a pesé certainement sur son geste meurtrier</i> » et demandé de faire « <i>la part des responsabilité de la société dans l'abandon dont Louis Lizen a été l'objet depuis sa naissance</i> ». Et notamment le fait qu'il a été « <i>jeté dès l'âge de 13 ans, dans une de ces verreries de la Seine-Inférieure où trop d'enfants se livrent à un travail épuisant dans une lamentable promiscuité morale.</i> ».
-Son enfance a été malheureuse ; son père, qui avait 12 enfants l'envoyait mendier un peu de pain quand il était petit petit.+Son jeune complice André Tanguy dont la faute est d'avoir le guet avant l'agression est acquitté. Le journaliste du Petit Breton ajoute : « <i>Il y a, incontestablement, beaucoup à faire, au point de vue social, pour arrêter la jeunesse dans la voie du crime. C'est une tâche à laquelle il convient de suite de s'attacher. Le temps presse.</i> ».
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-<center><b>Les témoignages</b></center>+==Transcriptions==
 +<i>Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : <spoiler all='991,992,993,994,995,996,997,998,999,9910,9911,9912,9913,9914,9915,9916,9917,9918,9919,9920'></spoiler></i>
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 +<big>Dépêche de Brest du 16.10.1930</big>
-Le docteur Renault, médecin-légiste, paraît d'abord à la barre. Il fit l'autopsie du cadavre de Gourmelen et constata que ce dernier portait plusieurs blessures, mais seulement à la tête. L'une d'elles, particulièrement violente, intéressait la région frontale ; elle avait dû être donnée au moment où le malheureux était courbé, ramassant les pommes de terre. Les autres, dont une fracture à la base du crâne, avaient été portées l'homme étant à terre. En somme, Gourmelen avait été abattu comme un bœuf, puis achevé avec sauvagerie.+{{Citation}}
 +Le crime d'Elliant
-Le président. - Est-ce vrai, Lizen ?+<b>L'assassin, un ouvrier agricole de 19 ans, a été arrêté, hier, par la brigade mobile.</b>
-- Oui.+Sachant que Gourmelen portait toujours ses économes sur lui, il l'a tué à coups de houe pour le voler.
-Le docteur Lagriffe a examiné, au point de vue mental, le jeune Tanguy. Celui-ci, fils d'un buveur et d'une mère épileptique, est cependant normal, doué d'un esprit vif et éveillé. Le praticien croit qu'il a subi l'influence de Lizen.+Quimper, 15. - Depuis dimanche, de nombreux groupes de curieux venus des alentours, bravant le mauvais temps et les chemins boueux où l'on enfance jusqu'aux chevilles, sont venus aux abords du moulin de Kernac'hait s'entretenir avec les habitant du lieu de l'horrible crime qui a douloureusement surpris toute la région.
-L'adjudant de gendarmerie Cabellan, des brigades de Quimper, a pris l'enquête en mains dès le début. Lui et ses gendarmes, qui se dépensèrent sans compter dans cette affaire, furent tout de suite renseignées par l'opinion publique, mais il était difficile d'obtenir les aveux de Lizen ... Celui-ci s'indigna :+François Gourmelen, la victime, était une physionomie plutôt sympathique. très sobre, il acceptait rarement à boire - il buvait de l'eau - ce qui, à certains points de vue, le faisait passer pour un original dans un pays où l'on ne recule pas devant la bolée. Soit par goût, soit par calcul, Gourmelen évitait les dépenses superflues, étant d'un naturel très économe, ce qui d'ailleurs lui avait permis de mettre de côté de sérieuses économies.
-- Comment, on ose me soupçonner ?+Avant de s'embaucher au service de M. Quéméré, sur les terres du moulin, il s'employait avec deux autres manœuvres à casser du caillou sur la route de Kerdévot à Niverrot et cela depuis trois ou quatre mois. Il ne fit alors, pas plus qu'antérieurement, parler de lui. On ne lui connaissait pas d'ennemis. Les deux dimanches qui ont précédé le crime, il avait mis à profit son repos hebdomadaire pour aller voir sa fille à Rosporden. C'était là l'un des rares déplacements qu'il s'accorait. Au demeurant un brave homme sur la triste fin duquel on se montre unanime dans le pays à s'apitoyer.
-Et il donna l'emploi de son temps : déchargement d'une charretée de pierres avec Tanguy et M. Rioual ; puis, vers 14 heures, retour à la ferme, où il écrit une lettre à sa maîtresse.+<spoiler id="991" text="Comment fut découvert le cadavre …">{{CrimeGourmelen991}}
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
-Cependant, la gendarmerie s'apprêtait, devant de graves présomptions, à l'arrêter, quand la police mobile qui, entre temps, était entrée en jeu, obtint enfin les aveux des coupables.+<br><big>Ouest Eclair du 17.10.1930</big>
-M. Richard, commissaire à la brigade mobile de Rennes, retrace, lui aussi, les péripéties de l'enquête que lui et les inspecteurs principaux Le Gall et Le Poulennec menèrent en la circonstance.+{{Citation}}
 +Le crime d'Elliant
-Ce que les policiers avaient eu tout d'abord en vue, c'était de connaître l'endroit où Lizen avait caché la somme de 1.660 francs volée. Ils le suivirent et parvinrent à l'appréhender au moment où il changerait de place à l'argent. Le coupable était confondu.+<b>L'assassin, un jeune homme de 19 ans, est arrêté</b>
-Sur un propos, rapporté par le témoin, relatif à la préméditation, Me Jean Jadé demande des précisions :+Pendant qu'il accomplissait le crime, un gamin de 14 ans faisait le guet
-- Lizen, dit-il, a prononcé ces mots "Fanch est bon à faire". Bon à tuer ou bon à voler ?+La somme volée, 1.660 francs, est retrouvée dans un tas de paille.
-MM. les Jurés tiendront compte de cette observations.+Quimper, le 15 octobre. - (<i>De notre rédaction</i>). - L'enquête même, autour de l'affaire d'Elliant, a abouti ce soir à l'arrestation de deux jeunes gens dont l'un le principal coupable, Jean Lizen, n'a que 19 ans et l'autre, André Tanguy, 14 ans. Les deux arrestations confirment ce que nous avions toujours dit, à savoir qu'il fallait rechercher le ou les coupables parmi les familiers du journalier.
-Défilent ensuite ; MM. Jean-Louis Quéméré, 30 ans, meunier à Kernahaut, en Elliant, patron de Gourmelen, sur lequel il donne de bons renseignements ; Laurent Legrand, 29 ans, cultivateur à Menez-Niverrot, en Ergué-Gabéric, qui trouva, vers 15 h. et demie, le cadavre du vieillard dans le champ.+À vrai dire, l'affaire telle qu'elle se présentait à la perspicacité des enquêteurs, gendarmes et inspecteurs de la brigade mobile, constituait malgré les présomptions recueillies comme une énigme difficile à résoudre. Et cependant les investigations comme nous l'avons déjà dit devaient être limitées à un cercle restreint autour de la petite contrée entourant le moulin de Quénéhaye.
-M. Bourbigot, 31 ans, cultivateur à Niverrot, en Ergué-Gabéric, employait les deux accusés : "Sur le coup, dit-il, je n'eus aucun soupçon, car Lizen et Tanguy, mis en face du cadavre, demeurèrent parfaitement calmes et impassibles". Le témoin fut cependant troublé par des traces de sabots se dirigeant du champ vers la ferme et qu'il reconnut pour être celles de Tanguy.+Plusieurs piste sérieuses ont été suivies depuis le premier jour, tant par la brigade mobile que par la gendarmerie. L'une au moins que l'on croyait décisive n'avait pas donné hier les résultats qu'on en escomptait. Mais ce premier échec n'avait pas découragé les policiers et c'est ainsi qu'aujourd'hui ils ont repris leur travail avec plus de persévérance que jamais.
 +Parmi les nombreux témoignages recueillis, il en est qui avait plus ou moins d'importance. Les enquêteurs comme bien on pense ont interrogé tous les habitants de la région susceptibles de leur donner une indication quelconque. Parmi les plus intéressantes, il y avait par exemple celle de M. René Le Roux de Kerdévot, de son fils René et des deux frères Rannou. M. Le Roux et les trois autres chassaient dans l'après-midi du 12 octobre, à 14 heures 55 exactement. Ils se souviennent de l'heure parce que l'un d'eux regarda sa montre à de moment. Ils passèrent dans le champ même où Gourmelen, le journalier, travaillait à arracher des pommes de terre. M. Le Roux demanda à Gourmelen s'il y avait du gibier dans les environs. Celui-ci répondit négativement et les chasseurs prirent à travers champs la direction du village voisin de Niverrot.
-« Lizen, continua-t-il, était travailleur, mais seulement quand il se trouvait en ma compagnie. Quant à Tanguy, il a certainement été entraîné par l'autre ; c'est un excellent garçon que nous estimions tous. Je le reprendrais volontiers chez moi ».+Après qu'ils eurent parcouru 200 ou 300 mètres, les deux frères Rannou aperçurent un homme qui se dirigeait vers le champ où se trouvait Gourmelen. Ils semblèrent le reconnaître d'abord pour être un journalier agricole de Niverrot. puis l'un d'eux émit l'idée que ce devait être un domestique d'un village proche. Ils en étaient distants de 300 mètres environ. La taille de l'homme comme son signalement semblaient, en effet, indiquer qu'on avait plutôt affaire à ce dernier, un jeune homme de 19 ans, nommé Lizen.
-M. Louis Barre, 45 ans, cultivateur à Kerlavian, en Elliant, dépose pittoresquement en claquant les talons :+Ces témoignages des quatre chasseurs étaient, comme nous le disons plus haut, particulièrement précieux. On se souvient, en effet, que M. Le Grand retrouva le cadavre de Gourmelen vers 16 heures et encore chaud. Le coup avait donc été porté entre 14 h 55 et 16 heures et, vraisemblablement, peu après le passage de M. Le Roux et de ses trois compagnons. Le coupable était-il l'homme qui avait été vu, à ce moment, marchant à travers champs dans la direction du lieu où se trouvait le journalier ? Il y avait tout lieu de le croire et c'est vers cette piste surtout que gendarmes et policiers aiguillèrent leurs recherches.
-- J'ai vu Lizen près de la charrette de pierres, dit-il. C'est tout.+<spoiler id="992" text="Deux pistes abandonnées pour un instant ...">{{CrimeGourmelen992}}
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
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 +<big>Dépêche de Brest du 17.01.1931</big>
-- Vos enfants n'ont-ils pas prêté de l'argent à Lizen ?+{{Citation}}
 +Assises du Finistère. Audience du samedi 17 janvier. L'assassinat de François Gourmelen à Ergué-Gabéric.
-- Ah, mais non, pas un sou, car je les tiens, moi.+<b>Louis Lizen est condamné à 15 ans de travaux forcés. André Tanguy est acquitté.</b>
-M. Jean-Marie Rioual, 35 ans, charretier à Trégunc, qui était à Niverrot quelques jours, n'a pas entendu Lizen proférer des menaces contre le vieux.+Quimper, 18. - Les débats sont présidés par M. Bertin, conseiller à la Cour d'Appel de Rennes, assisté de MM. Dufour et Durand, juges. M. Lhéritier occupe le siège du ministère public ; M. Michard celui de greffier.
-Voici M. René Leroux, 45 ans, cultivateur à Kerdévot, son fils Jean, 15 ans et le jeune Jean Rannou, 15 ans. Tous trois chassaient dans l'après-midi du 12 octobre, à proximité de Niverrot. Tout à coup, vers 14 h. 50, le jeune Rannou vit un homme se diriger vers le champ où travaillait Gourmelen. "Tiens, voilà "Tambour", dit-il. "Non, répondit le fils Rannou, c'est le domestique de Niverrot".+<center><b>Les faits</b></center>
-Cette circonstance aida beaucoup à l'arrestation des criminels. +L'accusé Louis-Marie Lizen, 19 ans, domestique de ferme chez M. Bourbigot, cultivateur au village de Niverrot, en Ergué-Gabéric, avait travaillé précédemment comme ouvrier verrier à Blangy-sur-Bresle (Seine-Inférieure), où il avait laissé une jeune fille qui était, dit-il, devenue sa maîtresse. Au mois d'août 1930, celle-ci lui écrivit qu'elle était fiancée et que, dès lors, il eut à cesser sa correspondance.
-Pierre Le Cam, dit "Tambour", 30 ans, domestique de ferme à Kergariou, en Elliant, vient expliquer que le jour du pardon de Kerdévot, il était totalement ivre et allongé dans le fossé. Profitant de cette circonstance favorable, Lizen lui allongea une volée de coups de trique et lui déroba un billet de 10 francs et deux pièces de 20 sous : toute sa fortune. L'infortune "Tambour", qui ne paraît pas avoir inventé la poudre, fait l'objet de soupçons au lendemain du crime.+Lizen exhala sa colère devant son patron et devant le jeune André-Marie Tanguy, âgé de 14 ans, comme lui domestique chez M. Bourbigot, et sur lequel il avait pris un certain ascendant, disant à plusieurs reprises que, s'il avait de l'argent, il achèterait un révolver et irait la tuer.
-- Oui, dit-il ; même que c'était bien embêtant. Aussi je demande, M. le juge, qu'on me verse 200 francs de dommages intérêts.+Un jour étant avec Tanguy, il s'arrêta avec un casseur de pierres, François Gourmelen, âgé de 56 ans, qui venait de vendre des cailloux et qui montra à Lizen et à Tanguy la somme de 5 à 600 francs qu'il portait sur lui.
-Cette prétention est accueillie par un rire général et notre homme s'en va tout confus.+<spoiler id="993" text="Le même jour, Lizen, projetant de voler cet argent ...">{{CrimeGourmelen993}}
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
-C'est chez M. Huitric, 30 ans, cultivateur à Niverrot, que Gourmelen prenait pension. « Il était très avare, dit-il. Un jour, - c'était après le crime de Gouézec <ref>Le crime de Gouézec, ou plus exactement de Men-Gleuz-ar-Pont près de Pont-Coblanc, date du 5 jullet 1930 : une jeune fille, une vieille femme et son fils assassinent un vieillard pour le voler.</ref> - je lui fis remarquer qu'il était imprudent de sa part de garder toujours son argent sur lui.+<br><big>Ouest Eclair du 17.01.1931</big>
-« Bah, me répondit-il, je n'ai jamais fait de mal à personne. Qui voudrait s'attaquer à un malheureux comme moi ? »+{{Citation}}
 +« Quimper. Aux Assises du Finistère. <b>Le crime de deux vauriens : pendant que l'un faisait le guet, l'autre assommait un vieillard à coups de houe.</b>
-<center><b>Le réquisitoire et les plaidoiries</b></center>+Quimper, 17 janvier (de notre rédaction). La dernière audience de la première session des Assises appelle l'affaire suivante :
-M. Lhéritier, procureur de la République, s'attache tout d'abord à démontrer que Lizen fut l'organisateur avant d'être l'exécuteur du crime. Il le montre doué d'une volonté consciente et opiniâtre, préparant son coup avec patience, aidé du jeune Tanguy.+Louis Lizen, 19 ans, domestique de ferme à Niverrot, en Ergué-Gabéric, est accusé : 1° d'avoir, le 12 octobre 1930, tué un casseur de pierres, François Gourmelen, 56 ans ; 2° d'avoir volé une certaine somme d'argent au préjudice de sa victime et ce, avec préméditation.
-Le procureur retrace la vie de Lizen, son caractère violent, son esprit vantard, puis il passe au jeune Tanguy lequel, selon lui, n'a été qu'un instrument docile entre les mains de l'autre.+André Tanguy, 14 ans, domestique de ferme au même lieu, est accusé de complicité.
-L'orateur termine en demandant aux jurés de rendre l'enfant à un milieu sain où oubliera qu'il aura été le complice d'un assassin. Quant à Lizen, il a commis un assassinat avec préméditation. Cette circonstance entraine la peine de mort. A vous de dire, conclut le magistrat, s'adressant aux jurés, s'il a vraiment mérité des circonstances atténuantes.+<center><b>Les faits</b></center>
-Me Alizon, dans un brillant exposé, va s'efforcer de disculper totalement le jeune Tanguy. Il montre le lamentable destin qui fut celui de ce jeune homme de 14 ans et sa misérable enfance sans tendresse. L'avocat arrivant aux faits demande à quel mobile a pu obéir Tanguy. Est-ce à son affection pour Lizen ? Est-ce l'amour de l'argent ? Non. Est-ce à la crainte ? très probablement. En tout cas il n'a pas participé au crime.+L'accusé, Louis-Marie Lizen, 19 ans, domestique de ferme chez M. Bourbigot, cultivateur au village de Niverrot, en Ergué-Gabéric, avait travaillé précédemment comme ouvrier verrier à Blangy-sur-Bresle <ref>Blangy-sur-Bresle, au coeur de la Vallée de la Bresle, à mi-distance de Dieppe et d'Abbeville, est au centre d’une vallée verrière mondialement connue « La Glass Valley » qui fournit environ 80% des plus beaux flacons de la parfumerie de luxe du monde.</ref> (Seine-Inférieure), où il avait laissé une jeune fille qui était, dit-il, devenue sa maîtresse. Au mois d'août 1930, celle-ci lui écrivit qu'elle était fiancée et que, dès lors, il eut à cesser sa correspondance.
-En terminant, Mr Alizon supplie les jurés de rendre cet enfant à son patron, qui est prêt à le reprendre dès ce soir.+Lizen exhala sa colère devant son patron et devant le jeune André Tanguy, âgé de 14 ans, comme lui domestique chez M. Bourbigot, et sur lequel il avait pris un certain ascendant, disant à plusieurs reprises que s'il avait de l'argent, il achèterait un revolver et irait la tuer.
-La tâche de Me Jean Jadé, avocat désigné d'office pour défendre Lizen, est certes très lourde. Mais l'éloquent avocat saura user de tous les arguments restant à sa disposition.+Un jour étant avec Tanguy, il s'arrêta à parler avec un casseur de pierres, François Gourmelen, âgé de 56 ans, qui venait de vendre des cailloux et qui montra à Lizen et à Tanguy la somme de 5 à 600 francs qu'il portait sur lui.
-Il se demande si la société n'a pas une lourde part de responsabilité dans ce drame commis par un jeune homme abandonné dès son enfance, puis confié, dès l'âge de 13 ans, à ces verreries où trop d'enfants se livrent dans une promiscuité morale à un travail épuisant. Son hérédité a pesé certainement sur son geste meurtrier.+<spoiler id="994" text="Le même jour, Lizen projetant de voler cet argent ...">{{CrimeGourmelen994}}
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
-Le défenseur termine en rappelant aux jurés la mission redoutable qui leur est confiée et en faisant appel à leur pitié.+<br><big>Petit Breton du 01.02.1931</big>
-<center><b>Le verdict</b></center>+{{Citation}}
 +<b>Après les assises du Finistère</b>
-Après une longue délibération, le jury rentre dans la salle d'audience. Son verdict en ce qui concerne Lizen est affirmatif sur toutes les questions. Les circonstances atténuantes lui sont cependant accordées.+La Cour d'Assises du Finistère a, au cours de la première session de l'année 1931, qui a été close samedi, jugé deux très graves affaires d'assassinat avec préméditation et vols, qui avaient causé une légitime émotion dans notre département, et tout particulièrement dans le monde agricole, qu'ils intéressaient d'une façon plus spéciale.
-Concernant le jeune Tanguy, le verdict est négatif.+<center>[...]</center>
-La Cour condamne Lizen à 15 ans de travaux forcés ; Tanguy est acquitté.+En ce qui concerne l'affaire qui est venue samedi devant la Cour d'Assises, M. Lhéritier, procureur de la République, n'a pas hésité, dans son réquisitoire, à demandé au jury de rendre un verdict impitoyable, c'est-à-dire portant condamnation à mort, pour l'assassin du casseur de pierres François Gourmelen, d'Ergué-Gabéric, le jeune Louis Lizen, âgé de 19 ans, originaire d'Elliant, domestique de ferme, à Niverrot, dans cette commune.
 + 
 +<spoiler id="995" text="La responsabilité de Lizen était, en effet, entière ...">{{CrimeGourmelen995}}
 +</spoiler>
 +{{FinCitation}}
-La session est close. 
|} |}
==Coupures de presse== ==Coupures de presse==
-<gallery caption="Ouest-Eclair 18.01.1931 page 7">+<gallery caption="Octobre 1930">
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-<gallery caption="Ouest-Eclair 17.10.1930 page 3 Edition Maine-et-Loire">+<gallery caption="Janvier-février 1931">
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Version actuelle

Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
  Image:Bullorange.gif [Développé]
§ E.D.F.

Où il est question de casseurs de pierres près de Niverrot et de Kerdévot, d'un assassinat en plein champ de pommes de terre et du procès en assises d'un jeune domestique qui écope d'une peine de 15 ans de travaux forcés.

Coupures de presse d'octobre 1930 et janvier-février 1931 : L'Ouest-Eclair [1] [2], La Dépêche de Brest [3], Le Petit Breton [4]. Voir aussi la chronique de Louis Gildas sur cette affaire sur Radio Bleu Breizh Izel du 17.09.2018.

Autres lectures : « GILDAS Louis - Faits divers en Bretagne - 2e saison » ¤ « Village du Niverrot » ¤ « Divers faits divers à Ergué-Gabéric, journaux locaux 1930 » ¤ 

Casseurs de pierres de Courbet
Casseurs de pierres de Courbet

[modifier] 1 Présentation

Les longs articles ci-dessous publiés dans les journaux « L'Ouest-Eclair », « La Dépêche de Brest » et « Le Petit Breton » illustrent parfaitement la misère et la violence en milieu rural pendant la première moitié de 20e siècle, au travers notamment des égarements des plus jeunes.

Les premiers articles de 1930 sont titrés « Le crime d'Elliant » parce que les premiers secours sont demandés par le maire d'Elliant, le décédé étant employé par le détenteur du moulin de Quénéhaye situé sur la rive elliantaise, mais le champ de ce moulin où a été commis le meurtre est bien de l'autre côté du ruisseau sur le territoire d'Ergué-Gabéric. Les articles suivants relatent l'affaire comme l'assassinat d'Ergué-Gabéric et l'Ouest-Eclair publie même la photo du village de Niverrot où sont domiciliés la plupart des protagonistes. Et l'acte de décès est bien déclaré dans ce village gabéricois [5].

L'accusé Jean-Louis Lizen, âgé de 19 ans, natif de Fouesnant de parents miséreux, est domestique pour 200 francs par mois (300 pendant la moisson) dans une ferme de Niverrot, après avoir été ouvrier verrier dans la région rouennaise. Le 12 octobre 1930 il tue à coups de houe un ouvrier agricole, casseur de pierres à l'occasion (tout comme son agresseur), et lui dérobe ses 1660 francs d'économies. Pour commettre son délit, Lizen avoue avoir bu un litre de vin rouge et de l'eau-de-vie de cidre.

Le co-accusé est André Tanguy, 14 ans, est également domestique dans la même exploitation agricole de Niverrot. Orphelin d'un père alcoolique et avec une mère épileptique hospitalisée, il est pupille de l'Assistance publique (renvoyé de l'orphelinat Massé [6] pour indiscipline) et placé dès ses 12 ans dans la ferme de Niverrot. Quand il était petit, son père l'obligeait à aller mendier son pain.

Leur victime, le journalier François - ou plutôt Fañch - Gourmelen, est logé à Niverrot, a 56 ans et est qualifié de vieillard. Méfiant, il porte ses économies sur lui, dans son veston. Casseur de pierres pour le remblaiement de la nouvelle route de Kerdévot à Niverrot, il est aussi employé par le meunier de Quénéhaye comme journalier et ramasseur de pommes de terre. Il est présenté comme « une physionomie plutôt sympathique. très sobre, il acceptait rarement à boire - il buvait de l'eau - ce qui, à certains points de vue, le faisait passer pour un original dans un pays où l'on ne recule pas devant la bolée.  »

Ce qui frappe à la lecture des comptes-rendus d'interrogatoires et d'audiences d'assises, c'est le fossé social qui existe entre d'une part les domestiques, jeunes et vieux, et leurs patrons agriculteurs d'autre part. Les premiers sont désignés par leurs patronymes - Lizen, Tanguy et Gourmelen -, très souvent sans leurs prénoms, et jamais sans les "Monsieur" qui caractérisent leurs patrons. Les domestiques et journaliers travaillent tous les jours, y compris le dimanche jour de crime, matin et après-midi, alors que leurs employeurs sont ce jour-là en sortie de chasse. Les domestiques sont logés très modestement, soit par exemple celle du meurtrier : « la grange où, près des tas de paille, se trouvait sa chambre. ».

Au procès d'assises le jury a longuement délibéré, et n'a pas manqué de constater la culpabilité avec vol et préméditation de Jean-Louis Lizen qui aurait dû écoper de la peine de mort.

 

Le lieu du crime, un champ de pommes de terre près de Menez-Niverrot, à 150-200 mètres du moulin de Quénéhaye, au centre de la carte :

Mais le jugement relève des circonstances atténuantes qui, en temps normal, transforme la peine de mort en travaux forcés à perpétuité. Mais ici les jurés convainquent le président de réduire la peine à quinze ans, le célèbre avocat Jean Jadé ayant déclaré que «  son hérédité a pesé certainement sur son geste meurtrier » et demandé de faire « la part des responsabilité de la société dans l'abandon dont Louis Lizen a été l'objet depuis sa naissance ». Et notamment le fait qu'il a été « jeté dès l'âge de 13 ans, dans une de ces verreries de la Seine-Inférieure où trop d'enfants se livrent à un travail épuisant dans une lamentable promiscuité morale. ».

Son jeune complice André Tanguy dont la faute est d'avoir le guet avant l'agression est acquitté. Le journaliste du Petit Breton ajoute : « Il y a, incontestablement, beaucoup à faire, au point de vue social, pour arrêter la jeunesse dans la voie du crime. C'est une tâche à laquelle il convient de suite de s'attacher. Le temps presse. ».

[modifier] 2 Transcriptions

Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher

Dépêche de Brest du 16.10.1930

Le crime d'Elliant

L'assassin, un ouvrier agricole de 19 ans, a été arrêté, hier, par la brigade mobile.

Sachant que Gourmelen portait toujours ses économes sur lui, il l'a tué à coups de houe pour le voler.

Quimper, 15. - Depuis dimanche, de nombreux groupes de curieux venus des alentours, bravant le mauvais temps et les chemins boueux où l'on enfance jusqu'aux chevilles, sont venus aux abords du moulin de Kernac'hait s'entretenir avec les habitant du lieu de l'horrible crime qui a douloureusement surpris toute la région.

François Gourmelen, la victime, était une physionomie plutôt sympathique. très sobre, il acceptait rarement à boire - il buvait de l'eau - ce qui, à certains points de vue, le faisait passer pour un original dans un pays où l'on ne recule pas devant la bolée. Soit par goût, soit par calcul, Gourmelen évitait les dépenses superflues, étant d'un naturel très économe, ce qui d'ailleurs lui avait permis de mettre de côté de sérieuses économies.

Avant de s'embaucher au service de M. Quéméré, sur les terres du moulin, il s'employait avec deux autres manœuvres à casser du caillou sur la route de Kerdévot à Niverrot et cela depuis trois ou quatre mois. Il ne fit alors, pas plus qu'antérieurement, parler de lui. On ne lui connaissait pas d'ennemis. Les deux dimanches qui ont précédé le crime, il avait mis à profit son repos hebdomadaire pour aller voir sa fille à Rosporden. C'était là l'un des rares déplacements qu'il s'accorait. Au demeurant un brave homme sur la triste fin duquel on se montre unanime dans le pays à s'apitoyer.

§ Comment fut découvert le cadavre …


Ouest Eclair du 17.10.1930

Le crime d'Elliant

L'assassin, un jeune homme de 19 ans, est arrêté

Pendant qu'il accomplissait le crime, un gamin de 14 ans faisait le guet

La somme volée, 1.660 francs, est retrouvée dans un tas de paille.

Quimper, le 15 octobre. - (De notre rédaction). - L'enquête même, autour de l'affaire d'Elliant, a abouti ce soir à l'arrestation de deux jeunes gens dont l'un le principal coupable, Jean Lizen, n'a que 19 ans et l'autre, André Tanguy, 14 ans. Les deux arrestations confirment ce que nous avions toujours dit, à savoir qu'il fallait rechercher le ou les coupables parmi les familiers du journalier.

À vrai dire, l'affaire telle qu'elle se présentait à la perspicacité des enquêteurs, gendarmes et inspecteurs de la brigade mobile, constituait malgré les présomptions recueillies comme une énigme difficile à résoudre. Et cependant les investigations comme nous l'avons déjà dit devaient être limitées à un cercle restreint autour de la petite contrée entourant le moulin de Quénéhaye.

Plusieurs piste sérieuses ont été suivies depuis le premier jour, tant par la brigade mobile que par la gendarmerie. L'une au moins que l'on croyait décisive n'avait pas donné hier les résultats qu'on en escomptait. Mais ce premier échec n'avait pas découragé les policiers et c'est ainsi qu'aujourd'hui ils ont repris leur travail avec plus de persévérance que jamais. Parmi les nombreux témoignages recueillis, il en est qui avait plus ou moins d'importance. Les enquêteurs comme bien on pense ont interrogé tous les habitants de la région susceptibles de leur donner une indication quelconque. Parmi les plus intéressantes, il y avait par exemple celle de M. René Le Roux de Kerdévot, de son fils René et des deux frères Rannou. M. Le Roux et les trois autres chassaient dans l'après-midi du 12 octobre, à 14 heures 55 exactement. Ils se souviennent de l'heure parce que l'un d'eux regarda sa montre à de moment. Ils passèrent dans le champ même où Gourmelen, le journalier, travaillait à arracher des pommes de terre. M. Le Roux demanda à Gourmelen s'il y avait du gibier dans les environs. Celui-ci répondit négativement et les chasseurs prirent à travers champs la direction du village voisin de Niverrot.

Après qu'ils eurent parcouru 200 ou 300 mètres, les deux frères Rannou aperçurent un homme qui se dirigeait vers le champ où se trouvait Gourmelen. Ils semblèrent le reconnaître d'abord pour être un journalier agricole de Niverrot. puis l'un d'eux émit l'idée que ce devait être un domestique d'un village proche. Ils en étaient distants de 300 mètres environ. La taille de l'homme comme son signalement semblaient, en effet, indiquer qu'on avait plutôt affaire à ce dernier, un jeune homme de 19 ans, nommé Lizen.

Ces témoignages des quatre chasseurs étaient, comme nous le disons plus haut, particulièrement précieux. On se souvient, en effet, que M. Le Grand retrouva le cadavre de Gourmelen vers 16 heures et encore chaud. Le coup avait donc été porté entre 14 h 55 et 16 heures et, vraisemblablement, peu après le passage de M. Le Roux et de ses trois compagnons. Le coupable était-il l'homme qui avait été vu, à ce moment, marchant à travers champs dans la direction du lieu où se trouvait le journalier ? Il y avait tout lieu de le croire et c'est vers cette piste surtout que gendarmes et policiers aiguillèrent leurs recherches.

§ Deux pistes abandonnées pour un instant ...

 

Dépêche de Brest du 17.01.1931

Assises du Finistère. Audience du samedi 17 janvier. L'assassinat de François Gourmelen à Ergué-Gabéric.

Louis Lizen est condamné à 15 ans de travaux forcés. André Tanguy est acquitté.

Quimper, 18. - Les débats sont présidés par M. Bertin, conseiller à la Cour d'Appel de Rennes, assisté de MM. Dufour et Durand, juges. M. Lhéritier occupe le siège du ministère public ; M. Michard celui de greffier.

Les faits

L'accusé Louis-Marie Lizen, 19 ans, domestique de ferme chez M. Bourbigot, cultivateur au village de Niverrot, en Ergué-Gabéric, avait travaillé précédemment comme ouvrier verrier à Blangy-sur-Bresle (Seine-Inférieure), où il avait laissé une jeune fille qui était, dit-il, devenue sa maîtresse. Au mois d'août 1930, celle-ci lui écrivit qu'elle était fiancée et que, dès lors, il eut à cesser sa correspondance.

Lizen exhala sa colère devant son patron et devant le jeune André-Marie Tanguy, âgé de 14 ans, comme lui domestique chez M. Bourbigot, et sur lequel il avait pris un certain ascendant, disant à plusieurs reprises que, s'il avait de l'argent, il achèterait un révolver et irait la tuer.

Un jour étant avec Tanguy, il s'arrêta avec un casseur de pierres, François Gourmelen, âgé de 56 ans, qui venait de vendre des cailloux et qui montra à Lizen et à Tanguy la somme de 5 à 600 francs qu'il portait sur lui.

§ Le même jour, Lizen, projetant de voler cet argent ...


Ouest Eclair du 17.01.1931

« Quimper. Aux Assises du Finistère. Le crime de deux vauriens : pendant que l'un faisait le guet, l'autre assommait un vieillard à coups de houe.

Quimper, 17 janvier (de notre rédaction). La dernière audience de la première session des Assises appelle l'affaire suivante :

Louis Lizen, 19 ans, domestique de ferme à Niverrot, en Ergué-Gabéric, est accusé : 1° d'avoir, le 12 octobre 1930, tué un casseur de pierres, François Gourmelen, 56 ans ; 2° d'avoir volé une certaine somme d'argent au préjudice de sa victime et ce, avec préméditation.

André Tanguy, 14 ans, domestique de ferme au même lieu, est accusé de complicité.

Les faits

L'accusé, Louis-Marie Lizen, 19 ans, domestique de ferme chez M. Bourbigot, cultivateur au village de Niverrot, en Ergué-Gabéric, avait travaillé précédemment comme ouvrier verrier à Blangy-sur-Bresle [7] (Seine-Inférieure), où il avait laissé une jeune fille qui était, dit-il, devenue sa maîtresse. Au mois d'août 1930, celle-ci lui écrivit qu'elle était fiancée et que, dès lors, il eut à cesser sa correspondance.

Lizen exhala sa colère devant son patron et devant le jeune André Tanguy, âgé de 14 ans, comme lui domestique chez M. Bourbigot, et sur lequel il avait pris un certain ascendant, disant à plusieurs reprises que s'il avait de l'argent, il achèterait un revolver et irait la tuer.

Un jour étant avec Tanguy, il s'arrêta à parler avec un casseur de pierres, François Gourmelen, âgé de 56 ans, qui venait de vendre des cailloux et qui montra à Lizen et à Tanguy la somme de 5 à 600 francs qu'il portait sur lui.

§ Le même jour, Lizen projetant de voler cet argent ...


Petit Breton du 01.02.1931

Après les assises du Finistère

La Cour d'Assises du Finistère a, au cours de la première session de l'année 1931, qui a été close samedi, jugé deux très graves affaires d'assassinat avec préméditation et vols, qui avaient causé une légitime émotion dans notre département, et tout particulièrement dans le monde agricole, qu'ils intéressaient d'une façon plus spéciale.

[...]

En ce qui concerne l'affaire qui est venue samedi devant la Cour d'Assises, M. Lhéritier, procureur de la République, n'a pas hésité, dans son réquisitoire, à demandé au jury de rendre un verdict impitoyable, c'est-à-dire portant condamnation à mort, pour l'assassin du casseur de pierres François Gourmelen, d'Ergué-Gabéric, le jeune Louis Lizen, âgé de 19 ans, originaire d'Elliant, domestique de ferme, à Niverrot, dans cette commune.

§ La responsabilité de Lizen était, en effet, entière ...

[modifier] 3 Coupures de presse

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  1. L'Ouest-Éclair est un ancien quotidien régional français, créé par deux Bretons chrétiens d'une sensibilité républicaine et sociale, l'abbé Félix Trochu, prêtre en Ille-et-Vilaine, et Emmanuel Desgrées du Lou, natif de Vannes, commissaire de la Marine, puis avocat. Les ventes décollent après la Première Guerre mondiale et, en 1930, le patron embauche son gendre, Paul Hutin, un Lorrain de 42 ans qui deviendra son gendre. Le journal rayonnait, à ses débuts, sur cinq régions, la Bretagne, la Normandie, l'Anjou, le Maine et le Poitou, comme Journal républicain du matin. En 1940, Paul Hutin, militant antinazi comme sa femme, souhaite que L'Ouest-Eclair ne paraisse pas sous le joug allemand et s'engage dans la Résistance. L'Ouest-Éclair sera interdit à la Libération pour acte de collaboration. Paul Hutin revient à Rennes, à peine libérée, le 4 août 1944 pour créer le Ouest-France. [Ref.↑]
  2. La coupure de presse Ouest-Eclair nous a été signalée par Mme Hélène Gille-Perrier. [Ref.↑]
  3. La Dépêche de Brest est lancée le 18 novembre 1886 avec des moyens très limités et succède à l’Union Républicaine du Finistère créée 10 ans plus tôt. Quotidien, il sera même biquotidien durant des périodes d’actualité forte, comme lors de la première guerre mondiale, avec une édition du matin et une édition du soir. Installé rue Jean Macé à Brest (à l’époque rue de la rampe), à l’emplacement des locaux actuels du Télégramme, La Dépêche de Brest poursuivit son évolution jusqu’au 17 août 1944. Ce jour là, en application de la nouvelle réglementation de la Libération, les biens de la Dépêche furent mis sous séquestre. L’ensemble du matériel est alors loué au Télégramme, nouveau titre autorisé par le Comité régional de l’information. [Ref.↑]
  4. Le Petit Breton (1920-1940) hebdomadaire de la Fédération des républicains démocrates du Finistère (Ligue nationale de la démocratie) ["puis" organe du Parti démocrate populaire "puis" organe du Parti démocrate populaire dans le Finistère]. Première année : n° 1 (3 oct. 1920) ; dernière année : n° 1070 (16 juin 1940) - Brest (impr. à Morlaix puis Rennes). [Ref.↑]
  5. Relevé Etat-Civil Décès - 12/10/1930 - Ergué-Gabéric (Niverrot). GOURMELEN François, Manoeuvre, âgé de 56 ans. Père : Jérôme, décédé. Mère : Marie SAUX, décédée. Conjoint : Marie Josèphe LE GOC. Témoins : Henri LE NERRANT 52 ans, cultiv. dom à E-Gab. signe. Notes : DCD à 16h. Acte du 13/10. Né à Tourc'h le 07/12/1873. Veuf de Marie Catherine QUEHERNO. Le décédé et son épouse, ménagère, sont dom. à Melgven. [Ref.↑]
  6. Alexandre Massé est un industriel et un inventeur français, né à Quimper le 15 février 1829 et mort le 13 avril 1910 à Plomelin (Finistère). Il est l'auteur d'une invention d'apparence modeste, mais qui est une innovation d'importance mondiale : le bouton de vêtement comportant quatre trous pour une meilleure fixation. Il se retire à Plomelin pour se consacrer à l'aide à l'éducation des orphelins auxquels, n'ayant pas d'enfants, il lègue toute sa fortune. Une fondation à buts sociaux, la Fondation Massé-Trévidy, héritière de la Fondation Massé-Peticuénot créée en 1894 pour gérer l'orphelinat de Quimper, perpétue ses œuvres. [Ref.↑]
  7. Blangy-sur-Bresle, au coeur de la Vallée de la Bresle, à mi-distance de Dieppe et d'Abbeville, est au centre d’une vallée verrière mondialement connue « La Glass Valley » qui fournit environ 80% des plus beaux flacons de la parfumerie de luxe du monde. [Ref.↑]
  8. Le crime de Gouézec, ou plus exactement de Men-Gleuz-ar-Pont près de Pont-Coblanc, date du 5 jullet 1930 : une jeune fille, une vieille femme et son fils assassinent un vieillard pour le voler. [Ref.↑]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : janvier 2011    Dernière modification : 5.01.2021    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]    Source : Ouest-Eclair 1931