L'art poétique selon Jean-Marie Déguignet dans son panégyrique à ses écrits
Un article de GrandTerrier.
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<br>Parmi ces écrits sots, encombrants, inutiles | <br>Parmi ces écrits sots, encombrants, inutiles | ||
<br>Qui font le désespoir des bons bibliophiles.</tt> | <br>Qui font le désespoir des bons bibliophiles.</tt> | ||
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+ | Restez donc ignorés dans cette paix profonde | ||
+ | <br>Pour n'être pas blâmés par les sots de ce monde | ||
+ | <br>Car vous dites trop haut de bonnes vérités | ||
+ | <br>Pour n'être pas encore traités, de faussetés | ||
+ | |||
+ | Et n'être pas traqués par les gens à soutanes | ||
+ | <br>Lesquels viendront encore insulter à mes mânes. | ||
+ | <br>« Rien n'est beau que le vrai » nous a dit Despréaux [2] | ||
+ | <br>Mais rien n'est mieux pris non plus comme le faux. | ||
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+ | Oui, « le vrai seul est beau, seul il est aimable | ||
+ | <br>II doit régner partout, même dans la fable. | ||
+ | <br>De toute fiction l'adroite fausseté | ||
+ | <br>Ne tend qu'à faire aux yeux briller la vérité ». | ||
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+ | Tu parles bien mon vieux, p'est ainsi que tu fis | ||
+ | <br>Par d'adroites faussetés, briller ton grand Louis [3], | ||
+ | <br>Te comparant toi-même dans ta verve futile. | ||
+ | <br>Aux vieux chantres d'Auguste [4], au célèbre Virgile [5]. | ||
+ | |||
+ | De ton roi de sérail, ignoble Salomon [6] | ||
+ | <br>Tu fis un Jupiter [7], un Mars [8], un Apollon [9]. | ||
+ | <br>Tout chez lui, dragonnades, meurtres, Édit de Nantes [10] | ||
+ | <br>Deviennent en tes faux vers, des actions brillantes. | ||
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+ | Tu fis même, farceur, en vers dithyrambiques, | ||
+ | <br>Des horreurs de ce temps, des délices publiques. | ||
+ | <br>C'est ainsi qu'en tout temps les peuples sont trompés | ||
+ | <br>Par les belles fables des écrivains gagés. | ||
+ | |||
+ | Partout et en tout temps l'horrible fausseté | ||
+ | <br>Empêche de briller la pauvre vérité : | ||
+ | <br>Le vrai et le bon sens, lumière et raison | ||
+ | <br>Restent anéantis devant la fiction. | ||
+ | |||
+ | Mais j'allais m'égarer dans les écrits d'autrui | ||
+ | <br>Quand seulement des miens il s'agit aujourd'hui. | ||
+ | <br>Ces enfants qui sont nés de mes derniers amours | ||
+ | <br>Qui sont mes seuls bonheurs dans mes derniers vieux jours. | ||
+ | |||
+ | Dans ces écrits loyaux qui tombent de ma plumé | ||
+ | <br>J'étouffe mes ennuis et brave l'amertume. | ||
+ | <br>Et j'écoule mes jours en cette compagnie | ||
+ | <br>Sans honte, sans regrets, sans aucune envie. | ||
+ | |||
+ | Souvent en leur source, je bois, je m'enivre | ||
+ | <br>Et d'une seconde vie je me sens revivre | ||
+ | <br>Par ces enfants chéris issus de ma mémoire | ||
+ | <br>Je parcours le ciel, la terre et l'histoire. | ||
+ | |||
+ | Sans sortir de mon trou et sans aucun effort | ||
+ | <br>Je contemple le monde du Midi jusqu'au Nord | ||
+ | <br>Et par ma vision qui n'a rien d'étrange | ||
+ | <br>Je vois d'ici le Nil, l'Euphrate et le Gange [11] | ||
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+ | Des bords desquels jadis tant de peuples divers | ||
+ | <br>Sont partis par bandes ravager l'univers. | ||
+ | <br>Je vois sortir là-bas des fanges Mistides (?) | ||
+ | <br>Ostrogoths et Vandales et Goths et Gépides [12] | ||
+ | |||
+ | Qui apportent partout par le fer, la rapine | ||
+ | <br>La désolation, la mort et la ruine. | ||
+ | <br>Je vois sortir aussi de ces forêts germaines | ||
+ | <br>Des tigres et des loups aux figures humaines, | ||
+ | |||
+ | Sauvages, sanguinaires et sans foi et sans lois | ||
+ | <br>Faire des champs de mort de tous les champs gaulois. | ||
+ | <br>Et ces moines fourbes sortirent de l'Orient | ||
+ | <br>Pour apporter la Croix, dans le vieil Occident | ||
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+ | Et forcer les peuples, par le fer et le feu, | ||
+ | <br>D'adorer un bandit qu'ils venaient de faire dieu. | ||
+ | <br>Je vois encore plus loin ; d'ici je vois Pergame [13] | ||
+ | <br>Dardanos [14], Ilion [15], et je vois Troie en flammes | ||
+ | |||
+ | Je vois le brave Hector [16] attaché par les pieds | ||
+ | <br>Traîné autour des murs, les membres déchirés. | ||
+ | <br>Je vois partir Enée [17] portant sur ses épaules | ||
+ | <br>Son père et ses dieux ayant encore des rôles | ||
+ | |||
+ | Plus grands que les premiers à jouer en ce monde ; | ||
+ | <br>Étant fils de Vénus [20] cette mère féconde, | ||
+ | <br>II avait à faire un grand voyage aux Enfers | ||
+ | <br>À rendre ses enfants maître de l'univers. | ||
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+ | Je vois encore ce grec nommé Alexandre [21] | ||
+ | <br>Mettre par sa folie toute l'Asie en cendres. | ||
+ | <br>Ce fougueux conquérant, qui de sang altéré | ||
+ | <br>Maître du monde entier, s'y trouvait trop serré, | ||
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Version du 22 janvier ~ genver 2018 à 17:11
La cahier manuscrit n° 20 de Jean-Marie Déguignet, publié en 2001 dans l'édition intégrale de ses mémoires « Histoire de ma vie » et dans l'édition partielle « Rimes et révoltes », contient un magnifique poème de 55 strophes introduit comme un « Petit panégyrique à mes écrits ».
Ce poème a été inséré dans l'anthologie de la Poésie française de Christian Tanguy et fait également l'ouverture de la nouvelle édition anglaise des mémoires du paysan bas-breton. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « TANGUY Christian - Florilège, anthologie de la Poésie française » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Memoirs of a Breton Peasant » ¤ |
1 Présentation
2 Le petit panégyrique
C’est à vous, mes écrits, qu’aujourd’hui je m’adresse,
Mais que deviendrez-vous hélas après ma mort
À faire des cornets chez l’épicier voisin
Si vous êtes mangés par les souris, les rats
Ou rester pourrir comme ces vieux grimoires
Ainsi que sont toujours les écrits les plus francs,
Tandis que des écrits comme les Évangiles,
Ainsi que ces écrits tout aussi mensongers
Vous seriez mal à l’aise parmi ces faussetés
Restez donc ignorés dans cette paix profonde
Et n'être pas traqués par les gens à soutanes
Oui, « le vrai seul est beau, seul il est aimable
Tu parles bien mon vieux, p'est ainsi que tu fis
De ton roi de sérail, ignoble Salomon [6]
Tu fis même, farceur, en vers dithyrambiques,
Partout et en tout temps l'horrible fausseté
Mais j'allais m'égarer dans les écrits d'autrui
Dans ces écrits loyaux qui tombent de ma plumé
Souvent en leur source, je bois, je m'enivre
Sans sortir de mon trou et sans aucun effort
Des bords desquels jadis tant de peuples divers
Qui apportent partout par le fer, la rapine
Sauvages, sanguinaires et sans foi et sans lois
Et forcer les peuples, par le fer et le feu,
Je vois le brave Hector [16] attaché par les pieds
Plus grands que les premiers à jouer en ce monde ;
Je vois encore ce grec nommé Alexandre [21]
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3 Annotations
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Février 2018 Dernière modification : 22.01.2018 Avancement : [Développé] |