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Histoire de Lezergué et de ses occupants

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Catégorie : Patrimoine
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§ E.D.F.
« Une terre belle et bien bâtie, noble et des plus anciennes de l’Evêché de Cornouaille, qu’elle a été alliée par mariage en plusieurs maisons de Bacheliers [1] et Chevaliers … »

(Louis XIII en 1639 pour confirmer les droits de fief du sieur Guy Autret, seigneur de Lezergué).



Résumé de présentation de l'histoire du château de Lezergué, depuis les croisades jusqu'à la dernière restauration de la façade, en passant par les deux reconstructions aux 15e et 18e siècles.

1927, croquis de Louis Le Guennec
1927, croquis de Louis Le Guennec

[modifier] Les origines

On pense que Lezergué est très ancien, du moins du Haut Moyen Age avant l’an 1000, car Lez est un terme d'emploi fréquent au Haut Moyen Age, qui veut dire "cour seigneuriale". Ce terme a pu s'appliquer à une première construction défensive, d’une motte élevée sur une butte artificielle pour se défendre des envahisseurs ou des ennemis en général. Le fait qu’il précède le nom de la paroisse pourrait confirmer cette hypothèse, et du moins rend le lieu comme l’un des plus importants et anciens de la vieille paroisse Ergué qui regroupait Ergué-Gabéric et Ergué-Armel.
 

Les seigneurs de Lezergué sont connus, aux 12e et 13e siècles, sous le nom et patronyme des nobles gentilshommes Cabellic. Le blason des Cabellic, seigneurs de Lezergué, est associé maintenant à celui de la commune d’Ergué-Gabéric depuis 1980. Quoi de plus normal quand on constate qu’ils ont donné leur nom à Ergué-Gabéric, par déformation du C en G et du L en R, quand il y a eu au 13e siècle la division d’Ergué en deux paroisses. Des Cabellic de Lezergué on ne connaît qu’un évêque de Quimper, Yves Cabellic qu’on qualifiait d’ « Yvon bone vite », qui prenait sans doute la vie du bon côté, la bonne chère sans doute, à moins qu’en latin d’église ça ne veuille dire le contraire ?

Parmi les Cabellic il y a du y avoir un chevalier envoyé en croisade, par exemple celle de 1270, pour avoir le droit de faire figurer la « croix potencée » de Jérusalem sur ses armes, mais pour l’instant on a cité un certain Gossuin Cabilliau, mais on ne dispose pas à ce jour de preuves irréfutables.


[modifier] Première reconstruction

Ensuite Lezergué dut tomber en ruines à l’issue de la période confuse de la guerre de succession de Bretagne (1341-1364), ce qui expliquerait toute la difficulté rencontrée par Jehan de Coatanezre des Salles quand, à la fin des années 1400, après avoir rebâti le manoir, il voulut réunir les preuves lui permettant de restaurer à son profit, en qualité de seigneur de Lezergué, les droits et privilèges de seigneur prééminencier de la paroisse. La famille Coatanezre, héritière des Cabellic par alliance, fut la deuxième famille à détenir le château de Lezergué avant de tomber dans les mains de la famille Autret en 1552.

A la quatrième génération des Autret de Lezergué, on trouve l’érudit Guy Autret, historien, éditeur et généalogiste, qui écrivait en « à Lezergué je possédois en repos la plupart de mon loisir et de ma solitude sans solitude ; là ma vie se passoit dans un calme continuel, là entre toutes les estudes, j'avois heureusement faict eslection de celle de l'histoire, comme de la plus convenable à mes inclination ».

Guy Autret est connu notamment comme l’annotateur et éditeur de la seconde édition en 1659 de la Vie des saints de la Bretagne Armorique d’Albert Le Grand, l’ancêtre des Buhez ar Sent.

Après Guy Autret les suivants sont les La Marche, qui vont tenir seulement un siècle jusqu’à la Révolution, car le père et le fils durent s’enfuir jusqu’en Guadeloupe en tant qu’émigrés chassés par l’Armée Républicaine. Et l’un d’entre eux, un des derniers natifs du château Jean-François de La Marche qui était êvèque à St-Pol-de-Léon et parti en exil à Londres où il décéda. Il était qualifié en breton d’ « Eskop ar patates » car il avait favorisé l’introduction de la culture des pommes de terre en pays Léon (a priori le terme « avalou douar » était moins utilisé).


[modifier] Deuxième reconstruction

Avant, en 1771-72 les de La Marche firent une chose importante pour Lezergué : reconstruire et rehausser le château avec une façade imposante telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ils durent prendre des pierres sur les ruines du manoir voisin de Kerfors.

Voilà à quoi ressemblait le château au début du 19e siècle quand il avait toujours son toit. La façade est relevée aux extrémités de deux pavillons décorés de hautes cheminées et de frontons courbes en-dessous desquels on pouvait admirer de chaque côté les armoiries de la famille de La Marche. Une belle porte d’entrée en haut de quelques marches invitait les visiteurs à y entrer.

Voici comment étaient disposées les pièces au rez-de-chaussée :

En partant de la gauche il y avait le grand salon, avec en retrait la salle de billard, puis le petit salon, et à l’arrière l’office. A droite de la porte d’entrée, la petite salle à manger, avec à l’arrière une pièce baptisée lavoir, et ensuite à l’extrême droite la grande salle à manger, et à l’arrière la cuisine, avec une véritable cuisinière en pierre.

 

Mais le plus impressionnant était le grand escalier face à la porte principale ; le mémorialiste Louis Le Guennec écrivait dans les années 1920 : « Cet escalier forme comme un pont suspendu entre le perron du rez de chaussée et la galerie du premier étage, et la voute plate qui le supporte serait bien digne d'être étudiée par les architectes. M. le chanoine Abgrall m'a dit qu'il ne connaissait que deux autres escaliers de même genre dans le finistère : à la mairie (ancien évêché) de St-Pol-de-Léon et à l'ancienne abbaye de Ste-Croix, à Quimperlé. »

Le 1er étage ressemblait à ceci :

A savoir, de gauche à droite en façade, une chambre d’honneur, la chambre de Madame, deux toilettes et une lingerie, la chambre de Monsieur, et une deuxième chambre d’honneur. A l’arrière on décomptait cinq petites chambres et un deuxième escalier menant à la cuisine.

Devant le château, on devine les restes des escaliers en arc de cercle qui menait aux terrasses symétriques des jardins. Il y a sous le château des caves voutées et on raconte qu'il s'y trouvait un souterrain allant au manoir de Kerfors.


[modifier] Période poste-révolutionnaire

Revenons aux occupants après la fuite à la Révolution de Joseph-Louis de La Marche. Jusqu’en 1808 le manoir était occupé par Joseph Even, "lequel y demeurait en qualité de gardien seulement, sans bail authentique ni ferme annale". En 1808 le manoir est saisi par expropriation forcée et vendu à un dénommé Charles Liot, originaire de Normandie, qui vient s'y établir avec sa famille et qu’on appelait le sieur Charles Jean. C’était sans doute un chasseur car en 1810 il demande officiellement en mairie le droit de port d’armes, et décède en 1831.

Quelques années plus tard le propriétaire occupant du château est le cultivateur Christophe Crédou (1797-1873). Sa fille Marie-Josephe Crédou se marie en 1848 à Jean-Marie Nédélec [2] et le château et l’exploitation resteront propriété de la famille Nédélec jusqu’aux années 1990 :

 - Christophe Crédou (1797-1873)
   x Marie-Barbe Le Roux
   ├
   └> Marie-Joseph Crédou
        x Jean-Marie Nédélec (1826-1886) de Kergoant
        ├
        └> Pierre-Marie Nédélec (1859-/1921)
            x Marie-Anne Le Roux
             ├
             ├> Jean-Marie-François Nédélec (1889-?)
             ├    x Marie-Renée Laurent
             ├    ├
             ├    └> Jean-Marie Nédélec (1922-?) dit Jean Lezergué
             ├         x Jeanne Jourdren
             ├         
             └> Marie-Josephe Nédélec (1891-?) x Jean Le Dé
 

Image:Right.gif En 1831 le conseil municipal vote une proposition de logement à Lezergé pour l'instituteur : « Le Métayer du château de Lezergué se propose de céder trois chambres  »

Image:Right.gif En 1848 quand Jean-Marie Déguignet décrit Christophe Crédou, métayer de Lezergué, il rappelle surtout son surnom « Christoc’h Du » car il avait la peau basanée et il était très autoritaire.

Image:Right.gif En 1920, Louis Le Guennec rend visite au Jean-Marie Nédelec d’alors, ce dernier vient d’aménager une maison avec les pierres de l’arrière-façade et des murs de refends [3] , et donc de déserter le château avant que les planchers ne s’effondrent.

Image:Right.gif En 1929 Jean-Marie Nédelec fait paraître une annonce « A VENDRE. Façade de vieux Château avec Escalier en pierres. ». Suite à une action collective de défense du patrimoine, les ruines de Lezergué sont inscrites le 9 décembre sur la liste des Monuments Historiques.

Image:Right.gif En 1985, quand le journaliste Laurent Quevilly interroge Jean Nédélec, qu’on appelait Jean Lezergué, ce dernier fait visiter les lieux envahis par les ronces : « Tenez ici c’était notre chambre à coucher. Et là celle des parents ». Et il ajoute : « Sûr qu’on pourrait en faire quelque chose ».

[modifier] Conclusions

A l’orée du 21e siècle, on a certes consolidé la façade pour éviter qu’elle ne s’affaisse davantage, mais peut-être qu’on pourrait faire plus et mieux ! Sans parler de restauration complète, une action communale pourrait être menée pour que le lieu reste un monument historique, c’est-à-dire un endroit témoin du passé de la commune, et que les générations futures puissent le visiter et s’en souvenir comme d’ « une terre belle et bien bâtie, noble et des plus anciennes de l’Evêché de Cornouaille ».


[modifier] Annotations

  1. Bachelle, s.f. : nom d’une terre qui, dans le système féodal, n’avait qu’un rang secondaire, et qu’on appelait aussi bachelerie. C’est de là qu’est venu, selon quelques historiens, le nom de bacheliers, que l’on donnait à de jeunes nobles qui n’avait pas encore reçu l’ordre de la chevalerie. Source Dictionnaire Godefroy 1880. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  2. La date d'acquisition par les Nédélec était réputée être 1930 (cf article Ouest-France de Laurent Quevilly), mais a été certainement plus tardive, la première naissance de ses enfants à Lezergué étant 1959. Jean-Marie née en 1826 a succédé aux fermiers-métayers Crédou, et a du se déplacer jusqu'à Nantes. Jean-Marie Déguignet évoque la présence de Christophe Crédou, dit « Christoc'h Du »dans les années 1840. Le précédent propriétaire connu, Charles Liot, étant décédé en 1831, il est vraisemblable que le propriétaire foncier dans les années 1831-50 était un investisseur demeurant en dehors de la région (à l'instar du comte de Dampierre propriétaire du village de Kerdudal). [Ref.↑]
  3. Mur de refend, p. ell., refend. Mur de soutien formant une séparation intérieure dans un bâtiment. [Ref.↑]


Thème de l'article : Monographie d'un lieu-dit de la commune d'Ergué-Gabéric

Date de création : août 2009    Dernière modification : 26.06.2021    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]    Source : article préparé par Jean Cognard et Jean Guéguen pour la visite du 21.08.2009 de l'Amicale des Retraités