Jean-Marie Déguignet, s'il vivait aujourd'hui, serait surpris de savoir qu'au moins deux pièces et représentations contemporaines sont consacrées à ses réflexions autobiographiques et philosophiques, l'une composée par un professionnel médico-social et passionné de linguistique, et l'autre jouée par un comédien français reconnu.
La première est un drame historique en 3 actes écrit par Benoit Corriol : 1. L'empire, 2. La guerre, 3. La paix. La référence au libre-penseur Jean-Marie Déguignet n'est pas explicite, mais on peut naturellement y reconnaître une libre interprétation de ses « Mémoires d'un paysan bas-breton ».
Le personnage principal lui-même est prénommé François Marie, fils de Jean Marie, comme s'il y avait eu un dédoublement de personnalités entre le « père prévoyant et prométhéen » et le fils « plutôt fragile et malingre » et « solide et résistant durant sa carrière militaire ». Parmi les autres personnages, on notera entre autres l'apparition intéressante d'un Le Bras en « ami fidèle d'enfance ».
La force et valeur de cette pièce de théâtre sont intrinsèquement dans les déclamations incantatoires d'un véritable « conquérant du XIXe siècle » :
La 4e de couverture est tout simplement un poème d'inspiration Homérique : « - Heureux qui comme lui a fait un long voyage - Et comme celui là qui conquit sa liberté - Dans la folle mer, au prix de sa sérénité - Le feu, le sang ; le chemin devint sauvage ... »
La croyance de François Marie en les bienfaits de la science est très ancrée : « La science, elle est en toute chose, bien plus sûrement que Dieu ... Peut-être qu'en comprenant les mouvements des abeilles, nous comprendrons la marche du monde. »
Ses colères contre le religieux sont réécrites avec force : « Les écrits fripons de vos cardinaux soupèsent la doctrine de la foi au regard des pièces d'or. La sainteté vendue comme les indulgences. »
Néanmoins une espérance positive transparaît au moment du testament réadapté au public de la pièce : « Je vois les lumières de l'électricité et de la lune se refléter dans les flaques de cette place goudronnée. Moins de pavé pour défendre la république. Le peuple saura bien faire vivre la démocratie comme nous l'avons fait, les générations avant eux ... »
La seconde représentation est un spectacle conçu en 2008, s'inspirant directement des « Mémoires d'un paysan bas-breton » :
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| fils de mendiant, il s’engage dans l’armée de Napoléon III et s’intéresse aux religions qui n’ont jamais cessé de s’affronter ; de retour au pays, il se marie et exerce le métier potier et essaie de trouver le sens du monde et de sa vie.
Quant au titre, on ne peut pas s'empêcher de penser aux « Rêveries du promeneur solitaire », ouvrage inachevé de Jean-Jacques Rousseau rédigé entre 1776 et 1778, où l'auteur délivre des réflexions autobiographiques et philosophiques.
Le potier parle, de ses voyages et des religions, tout en activant son tour de potier et montrant ses poteries d'argile :
« Quel Jésus ? Il a vécu là autrefois à Jérusalem. Il parait qu'autrefois cet homme-là il disait qu'il était le Fils de Dieu ... »
« À peu près dans la même région, quelques siècles plus tard, voilà qu'un arabe, un certain Mohammed, se met à faire à peu près les mêmes discours à propos de Dieu ... »
« Alors c'est la guerre, tout simplement la guerre. Les religions pour qu'elle se fassent reconnaître et se faire respecter, ça a toujours été par la violence ... »
« Heureusement il n'y a pas que de la colère, il y a aussi de la beauté. C'est vrai, la religion catholique, elle est ce qu'elle est, mais quelle beauté artistique elle a engendrée ... »
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