Blog 24.12.2016 - GrandTerrier

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[modifier] Souvenirs de Noël "Ar Pellgent"

Billet du 24.12.2016 - Pellgent, s.m. breton : aurore, évoquant la nuit de Noël, et par réduction la messe basse de minuit. « Oferenn ar Pellgent » : messe de Minuit ; « Nozvezh ar Pellgent » : nuit de Noël ; « Tad Kozh ar Pellgent » : grand père de l'aurore, ou Père Noël.

Autrefois la veille de Noël à Ergué-Gabéric n'était pas aussi "commerciale" que de nos jours, comme l'attestent nos deux témoins oculaires de cette semaine.

Dans son cahier de souvenirs « Koñchennoù - Histoires vécues de mon enfance » édités par Arkae en 2009, Lanig Rouz de Drohen nous raconte en breton comment la soirée et la messe dite du « Pellgent » se déroulaient au Bourg du temps de son enfance. Et René Le Reste de Garsalec, le fameux conteur bretonnant du groupe « Groupe Biskoaz - Kemend all » ou « Variétés villageoises », se rappelle bien également de cette même nuit du côté du patronage et de la chapelle de la papeterie d'Odet.

La formulation d'Ar Pelgent pour désigner la messe de minuit, et par extension la nuit sacrée entre le 24 et le 25 décembre, était encore bien usitée à Ergué-Gabéric dans les années 1940-50. Lanig Rouz précise : « Gwechall yae a pe brazoc'h deus an dud dar pellgent, an oferenn hanternoz e gouel Nedeleg » (autrefois, la plupart des gens allaient à la messe de minuit pour la fête de Noël). René Le Reste se rappelle qu'à Ergué « on ne prononçait pas le g de Pellgent : "mond d'ar Peillient" (aller à ...) », les lettres ll et g étant "mouillées".

Que ce soit au Bourg ou à Odet-Lestonan, les traditions étaient un peu les mêmes en cette soirée et nuit de Noël ; on devait patienter jusqu'à l'heure de minuit pour se réunir dans l'église ou la chapelle.

Au bourg les nombreux bistrots faisaient office de salles d'attente : « Barzh a vourc'h tam an ostaleri bennaked evit hortoz hanternoz, lod evit evan banniou a da gaozeal ; a re all evit da c'hoariet kartou. » (Arrivés au bourg, ils allaient dans les bistrots attendre minuit ; certains buvaient des coups et discutaient, d'autres jouaient aux cartes)

Pour la messe à la papeterie d'Odet, on se distrayait au patronage : « Il est vrai que je chantais en intermède à la soirée du patro de Kéranna, avant la messe de minuit, avec la chorale dirigée par M Salaün, notre maître et directeur de l'école, un chant sur les bergers justement ... Ensuite on descendait, tous ensemble, à la messe de minuit d'Odet qui démarrait vers minuit précisément et durait assez longtemps d'ailleurs. »

Au bourg les jeunes qui assistaient à la messe de minuit étaient un peu dissipés : « Barzh a c'horn an iliz, barzh a lec'h e oa ar baotred trouzus, en a selaoua ket koulz lavared tamm bet ar c'hanerien nag ar velleien, met ar gaoz a yae dro hag o vech dre var o mell taol c'hoarzhadig a lakei tout an dud, barzh an iliz, da zistroe deus war ho c'hadoriou ; a person koz a dennei ho zaoulagad kuit deus hi levr a daole o sell fuloret war traon an iliz.  » (Dans le coin de l'église où étaient les garçons turbulents, on n'écoutait pratiquement rien, ni les chants ni les paroles des prêtres. Mais on causait et de temps en temps ça riait, ce qui faisait retourner tout le monde dans l'église, le vieux recteur quittait son livre des yeux et jetait un coup d’œil furieux au fond de l'église.)

Par contre à Odet la discipline était de rigueur : « Les garçons de

  l'école avaient leur place réservée, plusieurs rangées de bancs près de la porte d'entrée à droite de l'autel, nos maîtres étaient à nos côtés. Les filles de l'école des sœurs, avaient aussi leur banc, mais de l'autre côté de l'allée centrale. Les dirigeants de l'usine avaient leurs places attitrées au premier rang et leur chaise à leur nom. J'ai le souvenir à chaque fois d'avoir vu une église bien remplie, bien chauffée et appréciée, une bonne animation. Minuit Chrétien, le chant traditionnel avait son chanteur attitré, Robert Padioleau ... »

Les conditions atmosphériques extérieures étaient à peu près les mêmes. Ainsi au Bourg : « Yen oa alies an amzer, avel fresk, an douar e oa skormad, a koulz lavared ech me ne oa ket morse ... A loar oa skler, an avel yen a c'hwezed deus an uhel » (Le temps était souvent froid avec un vent frais et la terre était gelée ; cependant il n'y avait pour ainsi dire jamais de neige ... La lune était claire, le vent frais soufflait du nord).

À Odet « il faisait froid bien sûr, nuit noire parfois, et pas de lumière après Lestonan, très peu de voitures heureusement, on ne trainait pas trop, près de 3 km ». Et ces années-là le dicton se vérifiait : « Pell-gent du, Blavez ed du » (messe de minuit noire, année de blé noir).

On peut se demander si la référence à l'aurore n'est pas un rappel des trois messes basses d'antan popularisées par Alphonse Daudet : la messe de la nuit (minuit), la messe de l'Aurore à 6H heures du matin, et la messe du jour de Noël.

Et les autres expressions bretonnes étaient « Nozvezh ar Pellgent », la nuit de Noël, et bien sûr le « Tad Kozh ar Pellgent », le grand père de l'aurore qu'on appelle aujourd'hui « Père Noël » en pays francophone.

En savoir plus : « Les souvenirs d'ar Pellgent ou nuits de Noël du siècle dernier »