Blog 21.04.2018 - GrandTerrier

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[modifier] Les mineurs de Kerdévot sont lockoutés ...

Billet du 21.04.2018 - « Lock-out, s.m. : du mot anglais signifiant "enfermer dehors" qualifiant une "grève patronale", une fermeture provisoire d'une entreprise, décidée par l'employeur pour répondre à une grève ouvrière ». Une double grève en 1927 analysée au travers des archives et des journaux.

Le dossier conservé aux Archives départementales du Finistère contient plusieurs rapports adressés au préfet par l'ingénieur en chef des mines et par le capitaine de gendarmerie de Quimper sur le lock-out de 1927. À la demande du Ministère du travail, un formulaire détaillé est aussi rempli par les services de préfecture en février 1928.

Les rapports portent sur les conditions de revendications des ouvriers se mettant en grève le 11 octobre à la mine d'antimoine de Kerdévot, sur le lock-out et les licenciements prononcés le 12, et sur les suites un mois plus tard lorsque la mine ré-ouvre avec de nouvelles machines.

Via le premier rapport de l'ingénieur on apprend que la mine de Kerdévot créée en 1913 a été remise en exploitation en avril 1927 avec un effectif de 10 ouvriers, avec une croissance de mois en mois jusqu'aux 46 de septembre, lequel personnel est essentiellement occupé au fonçage du puits principal qui a atteint les 21 mètres 75 de profondeur. L'ingénieur en chef émet un avis sur la nature de la grève : « Il semble qu'on soit en présence d'une grève de meneurs, plutôt que d'une véritable grève pour salaires ».

Dans le rapport d'octobre de la gendarmerie, les objectifs de la revendication salariale sont précisés : « Les mineurs ont demandé 36 francs par jour au lieu de 22 et les manœuvres 25 francs au lieu de 18 ». Et la décision de la direction d'un lock-out est sans appel : « Ce directeur, présent sur les lieux aujourd'hui, m'a déclaré avoir fermé la mine avec l'intention de reprendre le travail dans un mois environ ».

Le 2e rapport du capitaine, daté du 15 novembre, donne les conditions de reprise un mois plus tard avec 4 ouvriers de fond et 7 manoeuvres avec des salaires revus à la baisse : « Les manœuvres reçoivent le même salaire que précédemment, soit 18 francs par jour. Les mineurs subissent une diminution de 1 franc par jour et touchent 21 francs au lieu de 22. »

À titre de comparaison, on trouvera dans l'article un tableau statistique des salaires moyens journaliers versés en 1927 aux mineurs du nord de la France, lesquels sont de l'ordre de 32-33 francs, soit un tiers plus élevé que ceux de Kerdévot.

  Le rapport détaillé de 1928 précise les caractéristiques des nouvelles machines installées : « un moteur semi-diesel, une pompe électrique et un compresseur d'air qui ont permis de diminuer la main d'oeuvre dans une proportion importante ».

Image:Square.gif En savoir plus : « 1927 - Lockout suite aux revendications salariales aux mines d'antimoine de Kerdévot »

Les trois journaux L'Ouest-Eclair, Le Finistère et Le Progrès du Finistère, malgré leurs sensibilités républicaines ou catholiques respectives, abordent strictement de la même manière le mouvement de grève à la mine d'antimoine de Kerdévot devenant un lockout par décision de sa direction : « Quarante ouvriers de la mine d’antimoine de Kerdévot, en Ergué-Gabéric, ont menacé de faire grève si leurs salaires n’étaient pas relevés ... Le travail serait repris dans un mois environ. »

Le journal national L'Humanité par contre s'insurge et fait un vif plaidoyer de la cause ouvrière dans son édition du 16 octobre :

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgLes ouvriers, au nombre de 40, étaient payés jusqu'à ces derniers temps 17 fr. 20 par jour. Ce chiffre parait incroyable au moment où le prix de la vie est si élevé. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgUne augmentation de salaire qui devait porter à 4 francs le taux horaire de l'ouvrier du fond. Augmentation tout à fait justifiée qui aurait fait des journées de 32 francs, et non de 36, comme le disent les journaux locaux. »

Image:Right.gifImage:Space.jpg«Image:Space.jpgAux ouvriers, qui malheureusement n'ont pas encore compris la nécessité du syndicat, à s'organiser sans plus attendre. Tous unis, ils sauront imposer des salaires leur permettant de vivre. »

Image:Square.gif En savoir plus : « Lockout et revendications des ouvriers de la mine d'antimoine, journaux loc. Humanité 1927

En fait, en 1927, les luttes sociales sont nombreuses, notamment dans les ports du littoral sud-breton touchés par une grève des pêcheurs. À Ergué-Gabéric, les ouvriers sont majoritairement employés soit comme commis agricoles, soit comme carriers, et dans ces milieux ruraux l'esprit syndical n'a que peu d'emprise.

Les observateurs le précisent bien dans leurs rapports au préfet : « À aucun moment le calme n'a cessé de régner », « Il n'est pas à craindre que l'ordre soit troublé ».