Blog 14.02.2015
Un article de GrandTerrier.
Les billets récents du Blog de l'actualité du GrandTerrier |
[modifier] Leçons d'Histoire Bretonne
« L'histoire reste encore une matière de liberté intellectuelle ... Je persiste à penser que l'histoire de la Bretagne doit être moins manichéenne que celle qui fut longtemps écrite, soit par les défenseurs de la "liberté bretonne", soit par les thuriféraires de la "nation France" », Joël Cornette, Wikipedia.
Le livre-somme de 1450 pages de l'historien Joël Cornette, paru en 2005 aux Editions du Seuil, est « un chef-d’œuvre à la fois de science et de style », une lecture passionnante et une sélection de textes et de repères inédits qui illustrent si bien le propos. Et parmi ces archives on trouve entre autres quatre longues citations des Mémoires de Jean-Marie Déguignet, avec commentaire et analyse.
Attachons-nous à celle de la page 249 du tome 2, où il dit ceci : « Jean-Marie Déguignet a bien expliqué la réaction des agriculteurs bretons, en l’occurrence ceux de la région de Quimper, face à un "professeur d’agriculture". Il faut tenir compte, on le mesure bien ici, d’une autre logique que celle d’un capitalisme agraire, entreprenant et moderniste. »
Dans un premier temps, Déguignet défend les idées de modernité du professeur en se moquant gentiment de ses compatriotes paysans :
« Si c’eût été un paysan encore ! Mais un monsieur à chapeau haut et qui ne savait pas parler breton pouvait-il être cultivateur ? »
« Les paysans ne pouvaient admettre qu’un monsieur de la ville pût savoir couper la lande, retourner une motte de terre, faucher, moissonner, charger du fumier dans la charrette, ... »
« De la science agricole, ils n’en avaient cure. Ce n’était pas avec des livres qu’on pouvait faire de l’agriculture. »In fine, Déguignet ne pense pas que la révolution agricole préconisée par son professeur soit la solution et la réponse aux difficultés économiques de l'agriculture bretonne du 19e siècle :
les étables de la ferme modèle sont luxueuses par rapport aux étables habituelles : « elles avaient devant elles un râtelier et une mangeoire, choses incongrues dans nos étables bretonnes. »
finalement le contenu de l'enseignement délivré en français est démystifié lorsque Déguignet peut apprendre à lire et déchiffrer les cours : « Dès que j'eus appris l'alphabet, je pouvais facilement lire tout cela. Ce n'étaient tous que des copies des choses agricoles. »
et enfin, économiquement, le modèle ne pouvait être suivi par les paysans de la région qu'avec la perspective certaine de crever de faim : « tout cela était bon pour un monsieur qui était payé pour cultiver la terre, mais si les paysans faisaient comme lui, ils seraient tous allés chercher leur pain bien vite. C'était, du reste, ce que disaient tous les paysans. »Nous avons enquêté afin de savoir qui était ce professeur Clément-François Olive, originaire du Calvados, et quel fut l'impact de l'enseignement de sa Chaire d'agriculture de l'école confessionnelle du Likès. Soit par exemple en 1875 : le 1er prix d’excellence du cours d'agriculture est attribué à Jean Hénaff, futur fondateur de l’entreprise qui portera son nom.
En savoir plus : « CORNETTE Joël - Histoire de la Bretagne et des Bretons »,
« L'enseignement d'un professeur d'agriculture vu par un "potr-saout" »Billet du 14.02.2015