Blog 08.10.2022 - GrandTerrier

Blog 08.10.2022

Un article de GrandTerrier.

Jump to: navigation, search
Image:Right.gif Les billets récents du Blog de l'actualité du GrandTerrier

[modifier] Tristes suicides de 1918 à 1922

08.10.2022 - Comme l'a écrit Jean-Yves Broudic dans son livre « Suicide et alcoolisme au XXe siècle en Bretagne », le nombre important de suicides dans notre région peut s'expliquer par les effets traumatiques de la Grande Guerre : ces actes désespérés à Ergué-Gabéric entre 1918 et 1922 semblent l'attester.

À ce jour, on a repéré six suicides localisés à Ergué-Gabéric et évoqués dans la presse de l'époque, ce qui sans aucun doute est loin d'être exhaustif. Le plus étrange est que tous travaillent et/ou habitent dans les villages du secteur ouest de la commune de Poulduic à Odet, en incluant Kerdudal, Kerleur, Squividan et Meil-Poul.

La diversité d'âge et sociologique de ces personnes désespérées est notable :

Image:Right.gifImage:Space.jpgdeux fermiers, une fermière, un domestique de ferme, un ouvrier papetier et un vieillard.

Image:Right.gifImage:Space.jpgcinq hommes et une femme, âgé(e)s de 43 ans à 70 ans.

De même les modalités d'exécution et les causes connues de leur états psychologiques sont différentes également :

Image:Right.gifImage:Space.jpgquatre pendaisons, dont trois aux branches d'arbres (noisetier, châtaignier et pommier), une noyade et une défenestration.

Image:Right.gifImage:Space.jpgun pour raison d'alcoolisme, un pour sénilité, un pour délire paranoïaque, une pour neurasthénie dépressive, un pour congédiement de fermage.

Les effets de la guerre sont explicites pour l'un des suicidés, l'ouvrier papetier d'Odet qui habite Scaër : « il avait eu ses facultés ébranlées à la vue d'un train de blessés en se rendant aux armées en 1915 », « interné par l'autorité militaire en 1915, puis réformé n° 2 ».

Pour les autres, les raisons sont moins évidentes, et hormis l'alcool évoqué une fois, il s'agit plus vraisemblablement de la peur de l'avenir et de difficultés à survivre économiquement : « Le malheureux fermier, qui avait déjà cherché en vain à trouver une autre terre d'exploitation, fut très affecté de ce congédiement, et à partir de ce moment devint sombre n'adressant plus la parole à qui que ce soit. ».

Dans la plupart des cas, le non-dit familial est la règle, sans doute par honte et du "qu'en dira-t-on". Cela peut donner lieu, deux ou trois générations plus tard, à des tentatives d'explications sur la façon dont les évènements se sont produits : « Le curé de l'époque a bien voulu faire une messe pour les proches, mais sans le corps qui était resté à l'extérieur de l'église. » ; « n'a pas supporté ce que disait cette rumeur et a mis fin à ses jours » ; « la version de la chute dans le puits à laquelle croyaient fermement certains cousins ». Ou alors c'est l'ignorance complète et l'envie de comprendre 100 ans plus tard.

 

L'histoire la plus triste très certainement, donnant lieu à 5 articles de journaux, est celle de Jeanne Daniel, épouse Douguet, âgée de 48 ans, mère de 17 enfants, qui se pend en février 1921 avec son mouchoir (sic) à une branche de noisetier.

Avec son mari ils étaient fermiers locataires d'une ferme à Kerdudal, et leur bail se termine brutalement quelques mois plus tard le 29 septembre 1922. Corentin Douguet devra vendre matériels et bétail pour s'installer dans une petite maison à Ergué Armel.

Ce congédiement fait écho au propre malheur des propriétaires de Kerdudal 3 ans plus tôt : en avril 1918 Yves Salaün de Kerdudal qui avait construit avant guerre une grande ferme à Kerleur (et donc loué sa petite ferme de Kerdudal) se suicide en laissant une veuve et neuf enfants. Ces derniers mobilisés en 1915-15, il faut attendre 1922 pour que l'héritier de Kerdudal, grand blessé de guerre, ne revienne au pays.

Triste époque décidément !


En savoir plus : « Suicides suite au traumatisme de la Grande Guerre, journaux locaux 1918-1922 »