Blog 05.02.2022
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[modifier] Vaisselle et accoutrements en 1572
05.02.2022 - Le plus ancien inventaire après décès (hors "aveux" nobles) conservé aux Archives départementales du Finistère : grand merci à Daniel Collet pour la transcription du document du XVIe siècle. Nota bene : la semaine prochaine les chroniques papetières du bicentenaire se poursuivent.
L'orthographe des noms des deux personnes de la dite succession est incertaine : la transcription littérale semble être « Bourreban / Kernehant », mais au regard des patronymes gabéricois habituels il s'agirait plutôt pour le mari de la variante « Bourrebau », couramment orthogra-phiée Bourrebao ou Bourbao, et « Kervehant » pour sa femme décédée. Il est question donc de la succession de la défunte Kervehant, prénommée Olive, au profit des enfants mineurs Guillaume, Olivier et Jean qui héritent des biens meubles de la maison parentale de Kerjestin. L'inventaire a pour but de « priser » (estimer) et totaliser la valeur des habits, meubles et vaisselles laissés après elle. À raison de 20 deniers pour un sou et de 20 sous pour une livre, on arrive à un total de 66 livres 17 sols et 4 deniers. Le mari veuf Yvon Bourrebau en conserve la propriété jusqu'à son décès moyennant le paiement à ses enfants de la dite somme (ou son reliquat).
De la sous-série B-253 à B-371, « Apposition de scellés, inventaires et ventes de meubles, faits en paroisse », des Archives Départementales du Finistère il s'agit du plus vieux inventaire après décès, si l'on excepte bien sûr les anciens aveux de domaines nobles. Pour le département du Finistère, le second des inventaires est daté de 1685 en la paroisse de Beuzec-cap-Caval, et à Ergué-Gabéric il faut attendre 1726 pour démarrer la séquence des autres inventaires.
À la lecture du document, ce qui frappe c'est la pauvreté de la défunte. L'inventaire semble un peu misérable par rapport aux documents de succession et de dot du XVIIe siècle d'Ergué-Gabéric que le mémorialiste Antoine Favé a étudié, la vaisselle et le vestiaire y étant bien plus conséquents en volumes et prix.
En 1572 Olive Kervéhant ne laisse que peu de meubles : une table « coulante » (couvrant un garde-manger), une seule armoire, quelques coffres et un « charnier » pour stocker la viande salée. Comme « accoutrements » (habits) elle n'a que deux jupons (« cotillons »), un tablier (« devanteau »), trois jupes (« cottes ») et trois coiffes (« courichiers »).
Et pour compléter l'affaire deux poêles de bronze (« airain »), deux plats d'étain, la poterie et faïences de Quimper ne se sont pas encore répandues dans les campagnes en cette fin XVIe siècle. Elle n'a pas de lit, mais sans doute son mari survivant en reste le propriétaire premier. Par contre il est surprenant qu'une charrue et son soc soient prisés en son nom.
La raison d'être de l'inventaire des biens meubles, excluant les biens immobiliers comme les bâtiments, est que l'exploitation de Kerjestin est régie sous le mode de « domaine congéable » . Ce mode de tenue est très courant en basse-Bretagne jusqu'au XIXe siècle, le propriétaire foncier noble restant propriétaire des éléments du fonds et pouvant congédier son domanier à sa convenance.
Le domaine de Kerjestin, en cette fin de XVIe siècle est détenu par les Rohan-Guéméné de Gié. Comme les Rohan sont proches du roi Henri IV et sont des résistants protestants, des « hérétiques » dit-on à l'époque, toutes les terres de Kerjestin seront confisquées en 1592 par la Ligue Catholique, avant d'être incorporées plus tard dans le domaine napoléonien de la Légion d'Honneur. .
En savoir plus : « 1572 - Inventaire de succession du ménage Bourrebau-Kervehant à Kerjestin »