Blog 04.03.2023 - GrandTerrier

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[modifier] Mangeurs de juifs et de libres-penseurs

04.03.2023 - L'évocation de notre paysan bas-breton préféré, à savoir Jean-Marie Déguignet (1834-1905), lecteur insatiable des journaux de son époque.

Tout au long des pages de ses mémoires (cf. les nombreux extraits de la version Intégrale publiés dans l'article en ligne), Jean-Marie Déguignet critique les positions les journaux qu'il peut lire, souvent en envoyant des courriers d'invective aux rédacteurs en chef des éditions nationales et régionales pour leurs positions sur des sujets comme notamment l'affaire de Panama, le procès Dreyfus ou les pensions de retraite.

Au niveau national, principalement dans Le Petit Journal, L'Intransigeant, La Croix et La Libre Parole, la première raison des colères du mémorialiste est le traitement de l'affaire Dreyfus dans les publications catholiques : « J'en voyais par ici de vieux messieurs décorés, sur les routes, lisant La Libre Parole qui souriaient dans leurs barbes blanches, pensant sans doute qu'ils allaient pouvoir encore manger du juif, du protestant, du franc-maçon, du libre-penseur et de l'athée, avant d'aller là-haut rejoindre ceux qui en mangèrent tant jadis durant l'Inquisition, la Saint-Barthélémy et les dragonnades.»

Et il enfonce le clou : « Les lecteurs du Petit Journal, si nombreux en France, n'eurent aucun doute, assurément, sur la culpabilité du juif, puisque le journal l'affirmait.  »

Le scandale de Panama est également souvent évoquée, à savoir « l'appel de Judet du Petit Journal, l'amorceur patenté de toutes les canailleries et qui reçut 630 mille francs pour ce coup d'amorce, un million d'imbéciles s'empressèrent d'aller vider leurs bas de laine dans les caisses du "grand français, Ferdinand de Leceps, Effel et compagnie".  »

La contestation de la politique du ministre Émile Combes, avec ses lois d'expulsion des religieuses des écoles privées en 1902, énerve aussi Déguignet, y compris dans le journal local catholique «  Le Courrier du Finistère »  : « J'ai sous les yeux un journal catholique, moitié breton, moitié français, dans lequel il est dit que Combes, le renégat et scélérat, serait, d'après la loi, leur loi à eux sans doute, passible de la Haute Cour »

Dans le même journal, il y a même une affaire personnelle qui touche l'auteur, la fermeture de son débit de tabac suite à pression médiatique : « Le Courrier du Finistère dont le rédacteur, le célèbre Nours Corentin, fut le premier à ameuter contre moi tous les gens de Pluguffan. »

Du fait de son engagement politique passé en 1870-71, seuls les journaux républicains comme «  Le Finistère » de l'homme politique et avocat Louis Hémon ou «  L'Ouvrier du Finistère » sont un peu épargnés et défendus, bien qu'il exprime beaucoup de déception qu'il exprime dans une lettre qu'il envoie au premier : « Monsieur le Député. Vous me connaissez de longue date : depuis ces époques mémorables et terribles où nous luttions ensemble pour sortir la France du précipice où l'Empire l'avait jetée ... ».

 

Il exprime un peu de reconnaissance positive pour « La Revue de Paris » où sont publiés ses premiers cahiers quelques mois avant sa mort : « Mais voici que Le Braz Anatole m'envoie un numéro de La Revue de Paris où j'ai l'agrément de voir mon nom figurer parmi les illustres écrivains. Oui, je lis en tête du numéro 24, 15 décembre : "Jean-Marie Déguignet, Mémoires d'un paysan bas-breton" ... Et il me souhaite de vivre assez longtemps, afin de jouir de mon triomphe littéraire, qui ira toujours grandissant. ».

Et enfin, il fustige le rédacteur de « L'Action Libérale de Quimper » qui combat les toutes nouvelles pensions de retraite : « "Enfin nos représentants ont voté cette loi philanthropique en un tour de main, qui vous donne envie d'être septuagénaire pour en profiter." Mais après, il se demande où pourra-t-on trouver de l'argent pour servir une pension à tous ces vieillards et invalides du travail. Je lui ai demandé où le gouvernement trouve de l'argent pour nourrir des milliards d'individus inutiles, qui ne font que du mal, sans avoir produit durant toute leur vie de quoi nourrir un moineau 24 heures. »

En savoir plus : « Les combats et les idées de Déguignet contre les journaux de 1870-1905 »