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BAFFAIT Bernard - Le Chevalier Kerstrat, Chouans noirs

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BAFFAIT (Bernard), Le Chevalier Kerstrat - Chouans noirs (tome II), Pascal Galodé, Collection Grand West, Pulsio, 2014, ISBN 10-91468-58-9
Titre : Le Chevalier Kerstrat - Chouans noirs (tome II)
Auteur : BAFFAIT Bernard Type : Livre/Brochure
Edition : Pascal Galodé, Collection Grand West Note : sortie le 14 novembre 2014
Impression : Pulsio Année : 2014
Pages : 315 Référence : ISBN 10-91468-58-9

[modifier] Notice bibliographique

Couverture
Ci-dessus: « Henri de La Rochejaquelein au combat de Cholet », 17 octobre 1793, peinture de Paul-Émile Boutigny, Musée d'art et d'histoire de Cholet

Tome I

Dans la saga historique du Chevalier Kerstrat, « Chouans Noirs » est la suite du « Chouan des Lumières ». Dans le premier tome, Jean-Hyacinthe Tréouret [1] de Kerstrat évoluait parmi des compagnons animés par un idéal et un code de l'honneur. Dans le deuxième récit, le désastre de Quiberon a semé le découragement parmi les combattants du roi. Des chefs de guerre vont continuer cependant le combat, en pratiquant des trafics profitables, des chantages et des assassinats.

Et parmi eux Marie-Hyacinthe de Geslin du château de Pennarun en Ergué-Gabéric, dont la légende disait qu'il était resté en résistance sur ses terres familiales : « Il commande une bande de Chouans ; la rumeur dit qu’il a la main lourde. Il impose des prélèvements aux agriculteurs, un impôt aux gens de la ville, et gare à celui qui cherche à se défiler ! Il aurait du sang sur les mains ».

L'histoire commence en octobre 1795 par l'évasion imaginée du héros Kerstrat qui allait être fusillé à Brest par un peloton d'exécution suite à sa condamnation pour avoir « fait par­tie du Rassemblement armé contre la République ». Cet épisode nous permet de vivre avec lui les affrontements entre les Républicains et les Chouans noirs de la région d'Ergué-Gabéric, Briec et Gourin :

  • Tout d'abord, le point central du livre est situé sur Ergué-Gabéric, à proximité du manoir de Pennarun, l'habitation historique des Gélin, et d'où sont lancées les expéditions punitives contre les « patauds », les curés constitutionnels et les acheteurs de biens nationaux et, ce à Langolen, Querrien, Coray, Elliant ...
  • Le personnage de Gélin et son rôle de chef de division [2] [3] y sont précisément détaillés : « un homme proche de la trentaine, vêtu de hauts de chausse – ces culottes bouffantes qu’affectionnaient les paysans bretons – et d’une veste longue ouverte sur une chemise d’un blanc écru » ; « Le visage était marqué par la petite vérole [4]  » ; « Il avait une bonne amie au château de Québlen en Quimperlé. Mais il se terre comme un renard sur ses terres, et ses terres, c’est sur Ergué ! », et s'il était couramment appelé Gélin il portait aussi le surnom de Silvin [2] : « Mon nom ici est le Loup gris. Quel est le véritable nom de Silvain ? — Gélin. »
  • Les lieutenants et associés de Gélin ont une part importante dans les combats contre les escouades républicaines : Du Brieux (ami de Kerstrat), Jean-Baptiste Riou, et Lamarvet (décrit comme étant d'Ergué), sans oublier les autres de Briec et du centre finistère : Michel de Cornouaille, Frollo, Le Paige dit "De Bar" ...
  • Les autorités républicaines de Quimper ne sont pas oubliées, et notamment le procureur Abgrall, le commissaire Le Goazre, et l'agent du Comité de Salut Public Claude Royou, dit Guermeur. Il y a aussi l'évocation du juge de paix et député de Briec, Per Briant, qui reçoit la visite de l'émissaire du Directoire quimpérois, Salomon Bréhier (celui là même qui deviendra maire d'Ergué-Gabéric en 1808).
  • Et enfin les « tommerien », les chauffeurs en breton, des bandits qui sévissaient en pays glazik, et qui, parait-il, étaient « payés par les républicains pour jouer aux contre-chouans et terroriser les campagnes en se saisissant des paysans pour les faire avouer où ils cachaient leurs pauvres économies ». Leur méthode de torture : brûler les pieds de leurs victimes sur les braises ou sur une billig (plaque de cuisson de crèpes).

Manifestement la série du chevalier Kerstrat de Bernard Baffait est une évocation très bien argumentée de la période révolutionnaire : ce n'est pas un roman historique de plus, c'est un véritable récit historique délicatement romancé. Tous les détails, les personnages, les situations y sont crédibles, au cœur de ce pays bas-breton, en contexte de guerre, de terreur, d'émigration et de chouannerie ...

Autres lectures : « BAFFAIT Bernard - Le Chevalier Kerstrat, Chouan des Lumières » ¤ www.baffait.fr ¤ « Marie-Hyacinthe de Geslin, chouan, seigneur de Pennarun et de Quimperlé » ¤ « PEYRON Paul - La chouannerie dans le Finistère » ¤ « BERNARD Daniel - Recherches sur la chouannerie dans le Finistère » ¤ « Le manoir de Pennarun » ¤ « Archives de Pennarun » ¤ « 1791 - Droits de rachat de la tenue de Squividan des enfants Gélin sous domaine royal » ¤ « 1792-1795 - Liste des citoyens absents et réputés émigrés » ¤ « An dommerien, les chauffeurs, Feiz ha Breiz 1908 » ¤ « La vision de Déguignet sur les apports et méfaits de la Grande Révolution » ¤ 

[modifier] Extraits

Page 34 :

Le paysan écoutait sans mot dire le récit du « monsieur blasonné ». Celui-ci termina en lui annonçant que l’organisation était par la force choses mise en sommeil. Il lui demanda s’il acceptait de servir de boite à lettres auprès des uns et des autres. Sur sa réponse affirmative, il l’informa que le comte de Guernisac était parti se réfugier près de Concarneau. Quant à lui, il s’était souvenu que le chevalier de Kerstrat avait contacté peu de temps auparavant un chef chouan, dans la région de Quimperlé, Marie-Hyacinthe de Geslin de Pennarun. Il envisageait donc de le retrouver. Il eut la surprise de voir un grand rire secouer le fermier.

— Geslin de Pennarun ? Mais il est par ici ! Le manoir de Pennarun est à la sortie d’Ergué-Gabéric. C’est à l’entrée est de Quimper-Corentin, à moins d’une lieue d’ici. Le manoir n’appartient plus aux Geslin, mais le jeune Geslin se cache dans le coin et il a des accointances avec les paysans. Je ne sais si je dois vous raconter les on-dit…

— Au contraire, Louch. Il vaut mieux me donner tous les éléments qui le concernent.

— Il commande une bande de Chouans ; la rumeur dit qu’il a la main lourde. Il impose des prélèvements aux agriculteurs, un impôt aux gens de la ville, et gare à celui qui cherche à se défiler ! Il aurait du sang sur les mains.

— Terrible époque que la nôtre ! Existe-t-il un moyen de faire la guerre proprement, dans l’honneur ? J’ai essayé jusqu’ici. J’en suis fier. Mais je crains que, avec nos adversaires et la masse d’indécis prêts à nous trahir à la moindre occasion, nous soyons peu-à-peu acculés à user des armes de nos ennemis : chantage, menaces de mort, et passage à l’acte.

Le paysan le regardait, silencieux, d’un air madré. Il le trouvait bien jeune, ce petit jeune homme blasonné, mais il apprenait vite, hélas.

— Si vous voulez rencontrer Geslin, je vais vous donner une ou deux adresses sur Ergué. On vous guidera ensuite, ou bien on préviendra Gélin, comme on l’appelle maintenant. Je sais bien que Gélin est allé à Quimper. Il avait une bonne amie au château de Québlen en Quimperlé. Mais il se terre comme un renard sur ses terres, et ses terres, c’est sur Ergué !

Page 45 :

Victor Du Brieux était arrivé à Ergué et il se rendit chez un paysan – Pêr Cariou – que Louch Le Bozec, du Stangala, lui avait recommandé. Celui-ci, d’abord indéchiffrable, et qui avait répondu brièvement à la salutation de Du Brieux, lut le mot d’introduction que lui tendit le jeune homme. Puis il se détendit et releva la tête pour détailler l’allure du voyageur. Il le salua alors à son tour plus chaleureusement, le fit entrer dans la grande salle et le pria de s’asseoir avant de lui proposer de se désaltérer.

Après avoir trinqué avec lui et exprimé son approbation pour la qualité de son cidre, Du Brieux lui exposa sa requête : rencontrer Gélin. L’autre lui demanda alors qui il était et pourquoi il voulait rencontrer Gélin. Du Brieux précisa qu’il avait reçu mission de recruter des hommes sur la région pour les envoyer dans le Morbihan et résuma les derniers jours ainsi que leur cortège de catastrophes.

Cariou opina au nom de Kerstrat. Oui, dit-il, tout le pays Glazik avait entendu parler du retour dans la région du jeune Kerstrat. Monsieur le comte, son père, était un notable respecté et estimé. Une rumeur courait depuis quelque temps : le Directoire de Montagne-sur-Odet, le paysan cracha à ce nom dont les Patauds avaient rebaptisé leur Quimper-Caourintin, recherchait activement le jeune noble. Une connaissance au sein de la police lui avait même murmuré confidentiellement qu’on avait dressé un portrait à partir de témoignages, et qu’il ne tarderait pas à être capturé. Si les Bleus l’avaient pris à l’aube, il devait être présentement incarcéré à Quimper.

— Je vais vous prier de demeurer ici une couple d’heures. Il me faut essayer de contacter des hommes de Gélin. Il se déplace beaucoup dans la région pour rester en sécurité. Vous savez que le manoir de Pennarun qui appartenait à sa famille a été vendu comme bien national il y a peu. Mais Gélin – comme on l’appelle depuis – a des fidèles, comme son meunier, ou des anciens métayers. On dit même que les nouveaux propriétaires tremblent devant lui ! Il va et vient comme il lui plaît mais, hélas, il faut aussi tenir compte d’une trahison toujours possible.

 

Page 47 :

Du Brieux resta seul. Il ne lui restait plus qu’à attendre le bon vouloir du chevalier Du Geslin. On était le 2 octobre et la température était déjà fraiche pour la saison. Il allait et venait dans le chemin qui permettait de rejoindre la route par laquelle il était venu. Finalement il prit le parti de s’asseoir sur la margelle du puits et tira sa pipe qu’il bourra soigneusement avant de l’allumer avec l’amadou rougeoyant de son briquet. Le chien vint se coucher à ses pieds en haletant. Les poules, qui s’étaient écartées devant cet inconnu, revinrent picorer autour du fumier. Elles couraient en caquetant avec colère devant le coq au plumage éclatant qui les poursuivait de temps en temps pour les plaquer au sol et les cocher brièvement avant de regagner le sommet du fumier en chantant tapageusement sa gloire.

Au bout d’une heure, un homme émergea du chemin et s’arrêta à l’entrée de la cour, balayant du regard la maison, le puits, la grange et les remises. Puis son regard s’arrêta sur Du Brieux qui le regardait également sans bouger. Il détailla la silhouette mince d’un homme proche de la trentaine, vêtu de hauts de chausse – ces culottes bouffantes qu’affectionnaient les paysans bretons – et d’une veste longue ouverte sur une chemise d’un blanc écru. Des guêtres de forte toile grise enserraient ses jambes et il avait de forts souliers de cuir aux pieds. Son visage allongé restait dans l’ombre d’un vaste chapeau rond qui avait perdu toute couleur. Au bout d’un moment, après avoir jeté un dernier regard circulaire, l’homme s’avança vers le chevalier. Celui-ci descendit de son siège improvisé et fit un pas vers l’inconnu en détaillant son visage. La large bouche était une fente étroite sur des lèvres serrées. Le nez était long et droit et les yeux bleus très rapprochés. Le visage était marqué par la petite vérole.

[...]

— Je connais bien Georges. À mon tour de me présenter : Marie Hyacinthe de Geslin, pour vous servir, chevalier.

Page 56 :

Gélin leva alors son pistolet et tira un coup de feu en l'air, ce qui rétablit aussitôt un silence apeuré.

— Voilà le sort réservé aux traîtres et aux dénonciateurs ! Il n'est pas besoin de votre guillotine !

Il se tourna vers le chouan qui avait décapité le greffier :

— Va rendre le sabre à la famille !

De Bar lança ensuite de sa grosse voix :

— Le jugement a été exécuté. Rompez les rangs !

Page 77 :

Ils avaient aperçu sur le haut de la colline un manoir à la sobre architecture, entouré de communs, que Victor Du Brieux lui nomma. C'était Pennarun, classé « bien national » puisque le propriétaire avait émigré, et vendu à un « vollotin » couard comme un lièvre, fermant très fort les yeux pour ne pas voir les chouans rôder sur ses terres.

En bas de la colline coulait un important ruisseau qui alimentait une retenue d'eau. Le moulin y puisait son énergie ...

Page 219 :

— Mais où as-tu pêché tous ces renseignements ? Ce n'est quand même pas dans ta campagne d'Ergué !

— Apprenez, mossieu, que notre pays d'Ergué n'est pas aussi perdu dans la basse Bretagne que ces pays arriérés de Trohanet, Briec et Langolen ! Non, pour parler sérieusement, je fais des sauts à Quimper de temps en temps. On y trouve de l'excellent tabac ! Il n'y a qu'une heure et demie de marche pour y parvenir. On trouve souvent, d'ailleurs, une carriole sur la route, dont le conducteur propose de lui tenir compagnie. Et à Quimper, les gazettes adorent livrer à leurs lecteurs des détails croustillants !

[modifier] Annotations

  1. Les Tréouret de Kerstrat étaient domiciliés dans le manoir de Trohanet de Briec, trêve de Langolen. Jean-Hyacinthe Tréouret de Kerstrat (1774-1795) sera condamné à mort comme « émigré rentré » et fusillé le 16 vendémiaire de l'an 4 . [Ref.↑]
  2. Dans son enquête sur la chouannerie dans le Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie, Paul Peyron présente un document (pièce 94) signée de trois officiers de l'armée catholique et royale de Bretagne : « Quimper : chef de division. Silvin : chef de division. Lamarvet : officier secrétaire ». [Ref.↑ 2,0 2,1]
  3. Dans son étude « Recherches sur la chouannerie dans le Finistère » publiée dans les Annales de Bretagne de 1937, Daniel Bernard note que lors de la traduction devant le conseil de guerre à Brest le 11 avril 1797 (29 germinal an V) de Jean-Baptiste Riou, celui-ci rapporte que sa troupe de chouans « était dirigée par Geslin et Victor du Brieux ». Citation reprise également dans le livre de Jean-François Douguet (« Elliant et Tourc'h : Deux communautés dans la révolution »). [Ref.↑]
  4. Dans son article « La chouannerie, documents pour servir à son histoire dans le Finistère » publié en 1910 et 1911 dans le Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie, Paul Peyron présente un document (pièce 64) datée de septembre 1795 et incluant des signalements sur les chouans, dont celui-ci : « Hyacinthe Geslin, de Quimper, 24 ans, 5 pieds 5 pouces, figure marquée de petite vérole, cheveux et sourcils bruns très fournis, chapeau rond, petite veste et pantalon brun » [Ref.↑]


Thème de l'article : Fiche bibliographique d'un livre ou article couvrant un aspect du passé d'Ergué-Gabéric

Date de création : Novembre 2013    Dernière modification : 10.01.2015    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]