1927 - Epidémie de teigne tondante parmi les pupilles de l'oeuvre Grancher - GrandTerrier

1927 - Epidémie de teigne tondante parmi les pupilles de l'oeuvre Grancher

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-|width=55% valign=top {{jtfy}}|__NUMBERHEADINGS____NOTOC__<i>La lutte d'une institutrice contre la teigne infectant ses élèves pupilles et sa dénonciation d'un foyer d'infection dans l'école privée voisine.</i>+|width=55% valign=top {{jtfy}}|__NUMBERHEADINGS____NOTOC__<i>La lutte d'une institutrice contre la teigne <ref name="Teigne">{{K-Teigne}}</ref> infectant ses élèves pupilles et sa dénonciation d'un foyer d'infection dans l'école privée voisine.</i>
-Jeanne Marie Corentine Borrossi, née Le Bellec, a été de 1923 à 1936 institutrice et directrice de l'école publique des filles du bourg d'Ergué-Gabéric. Ses courriers à l'Inspecteur d'Académie et les réponses du Préfet et du Secretaire de l'Œuvre Grancher nous éclairent sur la « <i>lutte acharnée</i> » entre les écoles laïque et libre à Ergué-Gabéric dans les années 1920-30.+Jeanne Marie Corentine Borrossi, née Le Bellec, a été de 1923 à 1936 institutrice et directrice de l'école publique des filles du bourg d'Ergué-Gabéric. Ses courriers à l'Inspecteur d'Académie et les réponses du Préfet, du Directeur de l'Assistance publique et du Secretaire de l'Œuvre Grancher nous éclairent sur la « <i>lutte acharnée</i> » entre les écoles laïque et libre à Ergué-Gabéric dans les années 1920-30.
-En savoir plus : {{Tpg|J.M.C. Borrossi, née Le Bellec, institutrice de 1923 à 1936}}{{Tpg2|:category:Instits|Espace "Les Instits"}}{{Tpg|1935 - Ecole Communale des filles au Bourg}}{{Tpg|Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|1935 - Ecole Communale des filles au Bourg}}+Six lettres conservées aux Archives Départementales du Finistère (1 T 804).
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 +En savoir plus : {{Tpg|1908-1921 - Epidémies de grippe, rougeole, dysenterie et teigne dans les écoles}}{{Tpg|J.M.C. Borrossi, née Le Bellec, institutrice de 1923 à 1936}}{{Tpg|1925 - Suppression du poste d'institutrice adjointe à l'école de filles du bourg}}{{Tpg2|:category:Instits|Espace "Les Instits"}}{{Tpg|1935 - Classe de l'école Communale des filles au Bourg}}{{Tpg|Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|1935 - Ecole Communale des filles au Bourg}}
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 +L'oeuvre Grancher <ref name="Grancher">{{PR-Grancher}}</ref> était au début du 20e siècle une institution sociale qui avait des filiales dans tous les départements de France. C'est Jacques-Joseph Grancher <ref name="Grancher">{{PR-Grancher}}</ref>, médecin spécialiste des maladies respiratoires, qui l'a fondé dans le but de préserver de la tuberculose des enfants non contaminés, issus des milieux pauvres, en les plaçant dans des familles d'accueil ou des pensionnats.
 +Et à Ergué-Gabéric, où l'école publique des filles est désertée au profit de l'école privée ND de Kerdévot, la directrice institutrice, arrivée en 1923, propose ses services pour accueillir les pupilles de l'Œuvre Grancher dans son pensionnat laïc. En 1927, sur demande du préfet, l'Inspecteur primaire fournit les chiffres très faibles de l'effectif de son école, hors "enfants Grancher" : « <i>- 1ère classe : 8 élèves. - 2e classe : 2 élèves</i> ».
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 +Cette demande d'information du préfet fait suite au courrier de l'institutrice Jeanne Borrosso relatant les nombreuses affections de « <i>teigne tondante</i> » <ref name="Teigne">-</ref> affectant 7 de ses pupilles. La première enfant malade qu'elle reçoit provient de Douarnenez : « <i>La pauvre enfant née de mère alcoolique, avait le dos couvert de cicatrices... De plus, sa chevelure courte et rare à son arrivée ici m'avait assez intriguée</i> ».
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 +Et elle doit ensuite conduire à l'hospice civil de Quimper plusieurs pupilles pour leur isolement et soins : « <i>me rendant compte cependant que la maladie de l'enfant était la même que celle de ses compagnes, je l'ai fait conduire à l'hôpital, ainsi que sa jeune sœur</i> ».
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 +Et là commence l'enquête sur l'origine de la contagion. Jeanne Borrissi, en tant qu'institutrice laïque, a son idée : « <i>Je soupçonne fort l'école libre d'être le foyer de contamination ... Ne pourrait-on demander à M. L'inspecteur d'hygiène de passer dans cette école, pour vérifier si en effet des élèves sont atteints de teigne ?</i> ».
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 +Dans ces lettres, elle évoque les procédés des partisans de l'école privée pour diminuer les effectifs des écoles publiques : « <i>le propriétaire de la papeterie de l'Odet, M. Bolloré, engage une lutte acharnée contre l'école laïque, en enlevant à l'école de Lestonan 35 fillettes et en les faisant conduire tous les jours en auto jusqu'à l'école libre du bourg</i> ».
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 +Elle s'interroge : « <i>M. Bolloré soutenant si fort l'école libre, l'administration ne devrait-elle pas user des mêmes procédés</i> » ; et propose à l'Inspecteur d'Académie un plan aussi musclé :
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- +[[Image:BlogTeigne.jpg|400px|center]]
 +* Premièrement : « <i>forcer le secrétaire de mairie d'Ergué-Gabéric, neveu de M. le Maire, à envoyer sa fille âgée de 7 ans à l'école laïque et non à l'école libre</i> ».
 +* De même pour le « <i>cantonnier qui sans doute ne nous confiera pas sa fille non plus</i> ».
 +* Plus surprenant : « <i>Là où la cabine téléphonique municipale est installée, il y a également 2 fillettes fréquentant l'école libre. Cela est-il admissible ?</i> »
 +* Et enfin demander qu'une petite étrangère, « <i>la petite Italienne</i> » change d'école.
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==Transcriptions== ==Transcriptions==
 +<i>Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : <spoiler all='991,992,993,994,995'></spoiler></i>
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Monsieur l'Inspecteur, Monsieur l'Inspecteur,
-Les 7 élèves pupilles de l'Œeuvre Grancher qui m'ont été confiées devaient passer leurs vacances à Ergué-Gabéric. Le 24 juillet, je me suis aperçue que l'une d'elles était atteinte de teigne tondante. Je la conduis le 25 à l'hospice civil de Quimper, où elle est depuis en traitement. Inquiète, j'inspecte les autres pupilles. L'une présentait une légère tâche que le docteur Morvan (avenue de la gare) affirmait n'être rizn, le 28 juillet elle revient chez moi, et je la soigne. Le 13 août, le docteur Morvan consulte de nouveau, dit encore que l'enfant n'a rien ; des cheveux qui lui avaient été prélevés étaient reconnus sains au laboratoire de Quimper. Le 27 août, me rendant compte cependant que la maladie de l'enfant était la même que celle de ses compagnes, je l'ait fait conduire à l'hôpital, ainsi que sa jeune sœur. Là étaient déjà arrivées le 6 août 4 autres élèves, dont 3 étaient légèrement malades, l'autre suspecte.+Les 7 élèves pupilles de l'Œeuvre Grancher qui m'ont été confiées devaient passer leurs vacances à Ergué-Gabéric. Le 24 juillet, je me suis aperçue que l'une d'elles était atteinte de teigne tondante <ref name="Teigne">-</ref>. Je la conduis le 25 à l'hospice civil de Quimper, où elle est depuis en traitement. Inquiète, j'inspecte les autres pupilles. L'une présentait une légère tâche que le docteur Morvan (avenue de la gare) affirmait n'être rien, le 28 juillet elle revient chez moi, et je la soigne. Le 13 août, le docteur Morvan consulte de nouveau, dit encore que l'enfant n'a rien ; des cheveux qui lui avaient été prélevés étaient reconnus sains au laboratoire de Quimper. Le 27 août, me rendant compte cependant que la maladie de l'enfant était la même que celle de ses compagnes, je l'ai fait conduire à l'hôpital, ainsi que sa jeune sœur. Là étaient déjà arrivées le 6 août 4 autres élèves, dont 3 étaient légèrement malades, l'autre suspecte.
-<spoiler text="- En recherchant la cause de cette contamination ...">- En recherchant la cause de cette contamination, j'ai pensé d'abord que la première malade, venue ici de Douarnenez le 20 janvier, avait peut-être la maladie pour la 2e fois. La pauvre enfant née de mère alcoolique, avait le dos couvert de cicatrices, ce qui m'a bien étonnée quand je lui ai fait prendre son premier bain. De plus, sa chevelure courte et rare à son arrivée ici m'avait assez intriguée ; à son départ, elle avait une abondante chevelure.+<spoiler id ="991" text="- En recherchant la cause de cette contamination ...">- En recherchant la cause de cette contamination, j'ai pensé d'abord que la première malade, venue ici de Douarnenez le 20 janvier, avait peut-être la maladie pour la 2e fois. La pauvre enfant née de mère alcoolique, avait le dos couvert de cicatrices, ce qui m'a bien étonnée quand je lui ai fait prendre son premier bain. De plus, sa chevelure courte et rare à son arrivée ici m'avait assez intriguée ; à son départ, elle avait une abondante chevelure.
-Je la croyais donc la cause initiale de cette épidémie lorsque, il y a 8 jours, emmenant en promenade pour la première une petite Italienne, seule à la maison, venue demeurer à Ergué-Gabéric au mois de juin ou juillet, je m'aperçus que l'enfant avait aussi une tache de teigne fort apparente. <u>C'est sans aucun doute</u> à l'école libre <i>que l'enfant a fréquenté jusqu'aux vacances</i> qu'elle a contracté sa maladie. Elle y est retournée vendredi dernier, jour de l'ouverture des classes.+Je la croyais donc la cause initiale de cette épidémie lorsque, il y a 8 jours, emmenant en promenade pour la première une petite Italienne, seule à la maison, venue demeurer à Ergué-Gabéric au mois de juin ou juillet, je m'aperçus que l'enfant avait aussi une tache de teigne <ref name="Teigne">-</ref> fort apparente. <u>C'est sans aucun doute</u> à l'école libre <i>que l'enfant a fréquenté jusqu'aux vacances</i> qu'elle a contracté sa maladie. Elle y est retournée vendredi dernier, jour de l'ouverture des classes.
-Je soupçonne fort cette école d'être le foyer de contamination. Il y a 3 ou 4 ans, une élève en effet y était atteinte de teigne. « Mais, disait une religieuse de l'hospice à la mère d'une de mes élèves malades, les bonnes sœurs surveillent si bien les enfants, qu'il n'y a eu qu'un cas à l'école libre d'Ergué-Gabéric ». <u>Je crois avoir la preuve du contraire</u>. Une élève que j'ai pu enlever à cette école il y a 3 ans avait sur le corps des rougeurs que, par ignorance, je supposais n'être rien. Depuis j'ai eu à soigner mes élèves, qui, l'une après l'autre, avaient quelques dartres insignifiantes. Et les pauvres malades qui sont à l'hospice ont eu d'abord aussi des dartres. J'ose espérer qu'aucune élève de la commune n'a contracté la teigne. À cause de l'opinion publique, je demande que les 7 pupilles de l'Œuvre Grancher soient conduites dans une autre école.+Je soupçonne fort cette école d'être le foyer de contamination. Il y a 3 ou 4 ans, une élève en effet y était atteinte de teigne <ref name="Teigne">-</ref>. « Mais, disait une religieuse de l'hospice à la mère d'une de mes élèves malades, les bonnes sœurs surveillent si bien les enfants, qu'il n'y a eu qu'un cas à l'école libre d'Ergué-Gabéric ». <u>Je crois avoir la preuve du contraire</u>. Une élève que j'ai pu enlever à cette école il y a 3 ans avait sur le corps des rougeurs que, par ignorance, je supposais n'être rien. Depuis j'ai eu à soigner mes élèves, qui, l'une après l'autre, avaient quelques dartres insignifiantes. Et les pauvres malades qui sont à l'hospice ont eu d'abord aussi des dartres. J'ose espérer qu'aucune élève de la commune n'a contracté la teigne <ref name="Teigne">-</ref>. À cause de l'opinion publique, je demande que les 7 pupilles de l'Œuvre Grancher soient conduites dans une autre école.
-À l'heure où le propriétaire de la papeterie de l'Odet, M. Bolloré, engage une lutte acharnée contre l'école laïque, en enlevant à l'école de Lestonan 35 fillettes et en les faisant conduire tous les jours en auto jusqu'à l'école libre du bourg, ne pourrait-on demander à M. L'inspecteur d'hygiène de passer dans cette école, pour vérifier si en effet des élèves sont atteints de teigne. Dans l'affirmative, elle est un danger public. M. Bolloré soutenant si fort l'école libre, l'administration ne devrait-elle pas user des mêmes procédés pour forcer le secrétaire de mairie d'Ergué-Gabéric, neveu de M. le Maire, à envoyer sa fille âgée de 7 ans à l'école laïque et non à l'école libre ? À son exemple, il y a un cantonnier qui sans doute ne nous confiera pas sa fille non plus. Là où la cabine téléphonique municipale est installée, il y a également 2 fillettes fréquentant l'école libre. Cela est-il admissible ? - Je désirais avoir la petite Italienne comme élève. Ne devrait-elle pas fréquenter l'école laïque ?+À l'heure où le propriétaire de la papeterie de l'Odet, M. Bolloré, engage une lutte acharnée contre l'école laïque, en enlevant à l'école de Lestonan 35 fillettes et en les faisant conduire tous les jours en auto jusqu'à l'école libre du bourg, ne pourrait-on demander à M. L'inspecteur d'hygiène de passer dans cette école, pour vérifier si en effet des élèves sont atteints de teigne <ref name="Teigne">-</ref>. Dans l'affirmative, elle est un danger public. M. Bolloré soutenant si fort l'école libre, l'administration ne devrait-elle pas user des mêmes procédés pour forcer le secrétaire de mairie d'Ergué-Gabéric, neveu de M. le Maire, à envoyer sa fille âgée de 7 ans à l'école laïque et non à l'école libre ? À son exemple, il y a un cantonnier qui sans doute ne nous confiera pas sa fille non plus. Là où la cabine téléphonique municipale est installée, il y a également 2 fillettes fréquentant l'école libre. Cela est-il admissible ? - Je désirais avoir la petite Italienne comme élève. Ne devrait-elle pas fréquenter l'école laïque ?
Veuillez agrée, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de mes sentiments respectueux.</spoiler> Veuillez agrée, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de mes sentiments respectueux.</spoiler>
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Quimper, le 27 Septembre 1927. Monsieur l'Inspecteur, Quimper, le 27 Septembre 1927. Monsieur l'Inspecteur,
-Vous avez bien voulu me communiquer la copie ci-jointe d'une lettre adressée par Mme BOROSSI, Directrice de l'école publique d'Ergué-Gabéric, à M. l'Inspecteur primaire, relative aux cas de teigne survenus à son établissement parmi les petites Grancher qui y étaient placées.+Vous avez bien voulu me communiquer la copie ci-jointe d'une lettre adressée par Mme BOROSSI, Directrice de l'école publique d'Ergué-Gabéric, à M. l'Inspecteur primaire, relative aux cas de teigne <ref name="Teigne">-</ref> survenus à son établissement parmi les petites Grancher qui y étaient placées.
-<spoiler text="Depuis quelques temps déjà ...">Depuis quelques temps déjà j'avais pris les dispositions nécessaires en vie de diriger sur une autre école publique les fillettes placées à Ergué-Gabéric, ce qui sera chose facile en raison de l'ouverture du pensionnat de Plomeur. Mme BOROSSI a donc satisfaction sur ce point.+<spoiler id ="992" text="Depuis quelques temps déjà ...">Depuis quelques temps déjà j'avais pris les dispositions nécessaires en vie de diriger sur une autre école publique les fillettes placées à Ergué-Gabéric, ce qui sera chose facile en raison de l'ouverture du pensionnat de Plomeur. Mme BOROSSI a donc satisfaction sur ce point.
-Mais, des explications que donne Mme BOROSSI sur les conditions dans lesquelles nos pupilles ont contracté la teigne, il semble résulter que cette maladie ait été introduite à l'école publique par une fillette non Grancher précédemment élève de l'école publique d'Ergué-Gabéric. S'il y a encore des cas à cette dernière école, il est à craindre que tôt ou tard la teigne ne fasse sa réapparition à l'école publique. N'y a-t-il pas de contagion à craindre par l'emploi de la literie (couvertures par exemple) ayant servi à des enfants atteints de teigne. Une désinfection serait peut-être à envisager ?+Mais, des explications que donne Mme BOROSSI sur les conditions dans lesquelles nos pupilles ont contracté la teigne <ref name="Teigne">-</ref>, il semble résulter que cette maladie ait été introduite à l'école publique par une fillette non Grancher précédemment élève de l'école publique d'Ergué-Gabéric. S'il y a encore des cas à cette dernière école, il est à craindre que tôt ou tard la teigne <ref name="Teigne">-</ref> ne fasse sa réapparition à l'école publique. N'y a-t-il pas de contagion à craindre par l'emploi de la literie (couvertures par exemple) ayant servi à des enfants atteints de teigne <ref name="Teigne">-</ref>. Une désinfection serait peut-être à envisager ?
Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de ma considération distinguée et de mes sentiments dévoués.</spoiler> Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de ma considération distinguée et de mes sentiments dévoués.</spoiler>
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<br>Monsieur le Préfet, <br>Monsieur le Préfet,
-Suivant vos instructions je me suis rendu à ERGUE-GABERIC, le Lundi 3 octobre, pour rechercher s'il n'existait pas parmi les élèves des écoles des cas d'affections parasitaires du cuir chevelu et notamment de teigne, susceptibles de créer de petits foyers de contagion dangereux pour la population.+Suivant vos instructions je me suis rendu à ERGUE-GABERIC, le Lundi 3 octobre, pour rechercher s'il n'existait pas parmi les élèves des écoles des cas d'affections parasitaires du cuir chevelu et notamment de teigne <ref name="Teigne">-</ref>, susceptibles de créer de petits foyers de contagion dangereux pour la population.
-<spoiler text="Les renseignements d'ordre médical ...">Les renseignements d'ordre médical donnés par Mme BORROSSI, institutrice publique, sur les pupilles de l'Œuvre GRANCHER qui lui avaient été confiés pendant les vacances sont entièrement exacts. Sur les sept enfants conduits à l'hôpital de Quimper, quatre ont été reconnues malades. D'après les indications que j'ai recueillies auprès de l'Infirmière du Service, ils ont présenté : un cas de teigne tondante à microsporon et trois cas de trichophytie.+<spoiler id ="993" text="Les renseignements d'ordre médical ...">Les renseignements d'ordre médical donnés par Mme BORROSSI, institutrice publique, sur les pupilles de l'Œuvre GRANCHER qui lui avaient été confiés pendant les vacances sont entièrement exacts. Sur les sept enfants conduits à l'hôpital de Quimper, quatre ont été reconnues malades. D'après les indications que j'ai recueillies auprès de l'Infirmière du Service, ils ont présenté : un cas de teigne <ref name="Teigne">-</ref> tondante à microsporon et trois cas de trichophytie.
-Mais ces pupilles étaient étrangers à la commune et il semble que grâce à la vigilance de Mme BORROSSI et aux mesures rapides prises par elle pour éliminer les petits malades de l'école, il n'y ait pas lieu de redouter actuellement une propagation de la teigne aux autres enfants de la commune.+Mais ces pupilles étaient étrangers à la commune et il semble que grâce à la vigilance de Mme BORROSSI et aux mesures rapides prises par elle pour éliminer les petits malades de l'école, il n'y ait pas lieu de redouter actuellement une propagation de la teigne <ref name="Teigne">-</ref> aux autres enfants de la commune.
Chez les élèves que j'ai examinées à l'école privée des filles, j'ai rencontré en effet des cas de pédiculose (poux) mais pas d'affections parasitaires du cuir chevelu, à champignons. Chez les élèves que j'ai examinées à l'école privée des filles, j'ai rencontré en effet des cas de pédiculose (poux) mais pas d'affections parasitaires du cuir chevelu, à champignons.
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Dans ces conditions, je me suis borné à attirer l'attention de la Directrice sur la nécessité de surveiller attentivement ses élèves pendant quelques semaines pour déceler les suspects s'il s'en présentait, et à lui recommander d'inviter les familles à détruire la vermine qu'elles laissaient prospérer, par manque de soins, sur la tête de leurs enfants. Dans ces conditions, je me suis borné à attirer l'attention de la Directrice sur la nécessité de surveiller attentivement ses élèves pendant quelques semaines pour déceler les suspects s'il s'en présentait, et à lui recommander d'inviter les familles à détruire la vermine qu'elles laissaient prospérer, par manque de soins, sur la tête de leurs enfants.
-La Directrice a reconnu avoir eu quelques cas de teigne dans son établissement, il y a 3 ou quatre ans, comme l'indique Mme BORROSSI dans sa lettre, mais n'avoir observé aucun nouveau cas depuis cette époque.+La Directrice a reconnu avoir eu quelques cas de teigne <ref name="Teigne">-</ref> dans son établissement, il y a 3 ou quatre ans, comme l'indique Mme BORROSSI dans sa lettre, mais n'avoir observé aucun nouveau cas depuis cette époque.
-Je dois ajouter qu'au point de vue épidémiologique il est souvent difficile de déterminer l'origine d'un cas de teigne surtout quand il est dû aux champignons parasites du genre Trichophyton, parce qu'à côté de la contagion inter-humaine, il y a la transmission par le bétail et les animaux domestiques, laquelle est fréquente dans les campagnes.+Je dois ajouter qu'au point de vue épidémiologique il est souvent difficile de déterminer l'origine d'un cas de teigne <ref name="Teigne">-</ref> surtout quand il est dû aux champignons parasites du genre Trichophyton, parce qu'à côté de la contagion inter-humaine, il y a la transmission par le bétail et les animaux domestiques, laquelle est fréquente dans les campagnes.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de mes sentiments respectueux.</spoiler> Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de mes sentiments respectueux.</spoiler>
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Désirant recevoir des pupilles de l'Œuvre Grancher depuis près de 3 ans, je me suis souvent étonnée que l'on m'en ait envoyé un si petit nombre : au total 10 élèves. Désirant recevoir des pupilles de l'Œuvre Grancher depuis près de 3 ans, je me suis souvent étonnée que l'on m'en ait envoyé un si petit nombre : au total 10 élèves.
-Comptant sur les promesses que me fit une infirmière-visiteuse, en janvier ou février 1925, je fis légèrement agrandir le dortoir de pensionnaires, modification que Monsieur le Maire voulut bien autoriser. J'attendais alors deux pupilles, Marie-Anne Le Roux, d'Audierne, et Suzanne Jégou, de Bannalec. Elles n'arrivèrent qu'en octobre 1925, <u>après avoir été envoyées à Huelgoat</u>, chez Melle Yvinec ; les parents des 2 petites, trouvant cette école trop éloignée, demandèrent qu'elles soient rapprochées de leurs demeures. C'est alors seulement que ces 2 pupilles vinrent chez moi jusqu'en avril et août 1925. En octobre 1926 arriva une fillette ayant 13 ans passés, Léonie Cornou (l'infirmière me disait qu'elle n'avait que 12 ans), une pauvre malheureuse, disait l'infirmière, à qui ses parents ne voulaient pas acheter le petit trousseau indispensable. Pour cette enfant l'Œuvre Grancher consentit une dépense de 400 f, afin de lui fournir les vêtements nécessaires. Par hasard, nous apprîmes de la nouvelle pupille que sa petite sœur était hospitalisée à Quimper depuis quelques temps <u>malade de la teigne</u>. Ignorant alors le mode de contagion de cette maladie, je n'y fis aucune attention.+Comptant sur les promesses que me fit une infirmière-visiteuse, en janvier ou février 1925, je fis légèrement agrandir le dortoir de pensionnaires, modification que Monsieur le Maire voulut bien autoriser. J'attendais alors deux pupilles, Marie-Anne Le Roux, d'Audierne, et Suzanne Jégou, de Bannalec. Elles n'arrivèrent qu'en octobre 1925, <u>après avoir été envoyées à Huelgoat</u>, chez Melle Yvinec ; les parents des 2 petites, trouvant cette école trop éloignée, demandèrent qu'elles soient rapprochées de leurs demeures. C'est alors seulement que ces 2 pupilles vinrent chez moi jusqu'en avril et août 1925. En octobre 1926 arriva une fillette ayant 13 ans passés, Léonie Cornou (l'infirmière me disait qu'elle n'avait que 12 ans), une pauvre malheureuse, disait l'infirmière, à qui ses parents ne voulaient pas acheter le petit trousseau indispensable. Pour cette enfant l'Œuvre Grancher consentit une dépense de 400 f, afin de lui fournir les vêtements nécessaires. Par hasard, nous apprîmes de la nouvelle pupille que sa petite sœur était hospitalisée à Quimper depuis quelques temps <u>malade de la teigne</u> <ref name="Teigne">-</ref>. Ignorant alors le mode de contagion de cette maladie, je n'y fis aucune attention.
-<spoiler text="C'était la seule pupille reçue ...">C'était la seule pupille reçue jusqu'en décembre 1925. Comme elle ne recevait ni lettre, ni visite de ses parents, <u>que mes élèves devaient se cotiser pour lui fournir</u> certaines petites affaires indispensables, je prévins Monsieur le Secrétaire-Trésorier de la Filiale Grancher que je retournais Léonie Cornou chez ses parents à la Noël, si je ne recevais pas d'autres pupilles. Immédiatement, 3 autres élèves m'ont été annoncées, qui sont arrivées passer les vacances de Noël et du Jour de l'An chez moi.+<spoiler id ="994" text="C'était la seule pupille reçue ...">C'était la seule pupille reçue jusqu'en décembre 1925. Comme elle ne recevait ni lettre, ni visite de ses parents, <u>que mes élèves devaient se cotiser pour lui fournir</u> certaines petites affaires indispensables, je prévins Monsieur le Secrétaire-Trésorier de la Filiale Grancher que je retournais Léonie Cornou chez ses parents à la Noël, si je ne recevais pas d'autres pupilles. Immédiatement, 3 autres élèves m'ont été annoncées, qui sont arrivées passer les vacances de Noël et du Jour de l'An chez moi.
En mars 1927, l'infirmière-visiteuse me demanda de prendre 2 toutes petites fille : 4 ans et 5 ans. Ce jeune âge me faisait pitié ; je craignais que chez moi ces enfants ne se portent pas bien et je refusais d'abord de les prendre. L'infirmière revint, me menaça de ne plus m'envoyer d'élèves, si je n'acceptais celles-là. Alors je l'accusai de ne me confier de pupilles que lorsqu'elle ne voulait pas en encombrer les autres écoles (par exemple pour Léonie Cornou). J'ai tout de même accepté les 2 petites Simon. 15 jours après 2 autres pupilles sont arrivées. En mars 1927, l'infirmière-visiteuse me demanda de prendre 2 toutes petites fille : 4 ans et 5 ans. Ce jeune âge me faisait pitié ; je craignais que chez moi ces enfants ne se portent pas bien et je refusais d'abord de les prendre. L'infirmière revint, me menaça de ne plus m'envoyer d'élèves, si je n'acceptais celles-là. Alors je l'accusai de ne me confier de pupilles que lorsqu'elle ne voulait pas en encombrer les autres écoles (par exemple pour Léonie Cornou). J'ai tout de même accepté les 2 petites Simon. 15 jours après 2 autres pupilles sont arrivées.
-Le plus grand grief que j'avais contre l'infirmière-visiteuse était d'avoir placé chez moi une enfant qui pouvait être la cause de la maladie dont ses pauvres compagnes ont été atteintes. Aujourd'hui mon ressentiment s'est évanoui ; en parlant à la mère d'une de mes élèves, que je priais d'examiner la tête de sa fille, j'ai appris que l'an dernier encore <u>des élèves de l'école libre</u> étaient atteintes de teigne, que quelques-unes ont eu les cheveux tondus. C'est sans doute de là que vient la contagion, où est-ce ce milieu qui le veut ? Aussi, vaudrait-il peut-être mieux ne plus m'envoyer de pupilles ? À moins que, arrivant en assez grans nombre, elles ne contribuent à relever complètement l'école.+Le plus grand grief que j'avais contre l'infirmière-visiteuse était d'avoir placé chez moi une enfant qui pouvait être la cause de la maladie dont ses pauvres compagnes ont été atteintes. Aujourd'hui mon ressentiment s'est évanoui ; en parlant à la mère d'une de mes élèves, que je priais d'examiner la tête de sa fille, j'ai appris que l'an dernier encore <u>des élèves de l'école libre</u> étaient atteintes de teigne <ref name="Teigne">-</ref>, que quelques-unes ont eu les cheveux tondus. C'est sans doute de là que vient la contagion, où est-ce ce milieu qui le veut ? Aussi, vaudrait-il peut-être mieux ne plus m'envoyer de pupilles ? À moins que, arrivant en assez grans nombre, elles ne contribuent à relever complètement l'école.
Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, l'assurance de mes sentiments respectueux.</spoiler> Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, l'assurance de mes sentiments respectueux.</spoiler>
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Notes : Notes :
<br><small>1er feuillet : En communication à monsieur Pontet. <br><small>1er feuillet : En communication à monsieur Pontet.
-<br>3e feuillet : En communication avec prière de retour. A titre de ... à M. Pontet : cette qui débute par l'étonnement de ne pas avoir de pupilles ce qui ... Faudrait-il peut-être ... un peu plus ... de pupilles ... Ma conclusion est qu'on peut toujours proposer des pupilles : Madame Borossi ... le moindre risque. 18 oct 1827 (signature).</small>+<br>3e feuillet : En communication avec prière de retour. A titre de ... à M. Pontet : cette lettre qui débute par l'étonnement de ne pas avoir de pupilles ce qui ... Faudrait-il peut-être ... un peu plus ... de pupilles ... Ma conclusion est qu'on peut toujours proposer des pupilles : Madame Borossi ... le moindre risque. 18 oct 1827 (signature).</small>
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Quimper, le 24 Octobre 1927. Monsieur l'Inspecteur, Quimper, le 24 Octobre 1927. Monsieur l'Inspecteur,
-J'ai l'honneur de vous retourner la lettre ci-jointe après en avoir pris connaissance. Cette pauvre Mme BOROSSI revient toujours sur les quelques malheureux cas de teigne qui se sont produits à son pensionnat, tantôt ce sont les petits Grancher qui sont cause de cette affection, tantôt ce sont les enfants de l'école libre.+J'ai l'honneur de vous retourner la lettre ci-jointe après en avoir pris connaissance. Cette pauvre Mme BOROSSI revient toujours sur les quelques malheureux cas de teigne <ref name="Teigne">-</ref> qui se sont produits à son pensionnat, tantôt ce sont les petits Grancher qui sont cause de cette affection, tantôt ce sont les enfants de l'école libre.
-<spoiler text="Je m'étonne toutefois ...">Je m'étonne toutefois que Mme BOROSSI présente que pour la pupille CORNOU ses élèves se soient cotisés pour lui fournir certaines petites affaires indispensables. En principe, le prix de pension servi aux établissements pour les petits Grancher doit couvrir toutes les dépenses occasionnées par nos enfants, mais dans le cas d'extrême indigence nous n'hésitons pas à prendre à notre charge les quelques dépenses qui peuvent être faites pour la vêture, voire même les menus plaisirs de l'enfant. C'est ainsi que je relève dans les notes de Mme BOROSSI :+<spoiler id ="995" text="Je m'étonne toutefois ...">Je m'étonne toutefois que Mme BOROSSI présente que pour la pupille CORNOU ses élèves se soient cotisés pour lui fournir certaines petites affaires indispensables. En principe, le prix de pension servi aux établissements pour les petits Grancher doit couvrir toutes les dépenses occasionnées par nos enfants, mais dans le cas d'extrême indigence nous n'hésitons pas à prendre à notre charge les quelques dépenses qui peuvent être faites pour la vêture, voire même les menus plaisirs de l'enfant. C'est ainsi que je relève dans les notes de Mme BOROSSI :
Léonie CORNOU, 22 Avril au 30 Juin : 2 mois 1/4 de blanchissage à 15 frs soit 1f x 2 1/4 ... 33 f 75 Léonie CORNOU, 22 Avril au 30 Juin : 2 mois 1/4 de blanchissage à 15 frs soit 1f x 2 1/4 ... 33 f 75
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§ E.D.F.
La lutte d'une institutrice contre la teigne [1] infectant ses élèves pupilles et sa dénonciation d'un foyer d'infection dans l'école privée voisine.

Jeanne Marie Corentine Borrossi, née Le Bellec, a été de 1923 à 1936 institutrice et directrice de l'école publique des filles du bourg d'Ergué-Gabéric. Ses courriers à l'Inspecteur d'Académie et les réponses du Préfet, du Directeur de l'Assistance publique et du Secretaire de l'Œuvre Grancher nous éclairent sur la «  lutte acharnée » entre les écoles laïque et libre à Ergué-Gabéric dans les années 1920-30.

Six lettres conservées aux Archives Départementales du Finistère (1 T 804).

En savoir plus : « 1908-1921 - Epidémies de grippe, rougeole, dysenterie et teigne dans les écoles » ¤ « J.M.C. Borrossi, née Le Bellec, institutrice de 1923 à 1936 » ¤ « 1925 - Suppression du poste d'institutrice adjointe à l'école de filles du bourg » ¤ « Espace "Les Instits" » ¤ « 1935 - Classe de l'école Communale des filles au Bourg » ¤ « Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric » ¤ « 1935 - Ecole Communale des filles au Bourg » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

L'oeuvre Grancher [2] était au début du 20e siècle une institution sociale qui avait des filiales dans tous les départements de France. C'est Jacques-Joseph Grancher [2], médecin spécialiste des maladies respiratoires, qui l'a fondé dans le but de préserver de la tuberculose des enfants non contaminés, issus des milieux pauvres, en les plaçant dans des familles d'accueil ou des pensionnats.

Et à Ergué-Gabéric, où l'école publique des filles est désertée au profit de l'école privée ND de Kerdévot, la directrice institutrice, arrivée en 1923, propose ses services pour accueillir les pupilles de l'Œuvre Grancher dans son pensionnat laïc. En 1927, sur demande du préfet, l'Inspecteur primaire fournit les chiffres très faibles de l'effectif de son école, hors "enfants Grancher" : « - 1ère classe : 8 élèves. - 2e classe : 2 élèves ».

Cette demande d'information du préfet fait suite au courrier de l'institutrice Jeanne Borrosso relatant les nombreuses affections de « teigne tondante » [1] affectant 7 de ses pupilles. La première enfant malade qu'elle reçoit provient de Douarnenez : « La pauvre enfant née de mère alcoolique, avait le dos couvert de cicatrices... De plus, sa chevelure courte et rare à son arrivée ici m'avait assez intriguée ».

Et elle doit ensuite conduire à l'hospice civil de Quimper plusieurs pupilles pour leur isolement et soins : « me rendant compte cependant que la maladie de l'enfant était la même que celle de ses compagnes, je l'ai fait conduire à l'hôpital, ainsi que sa jeune sœur ».

Et là commence l'enquête sur l'origine de la contagion. Jeanne Borrissi, en tant qu'institutrice laïque, a son idée : « Je soupçonne fort l'école libre d'être le foyer de contamination ... Ne pourrait-on demander à M. L'inspecteur d'hygiène de passer dans cette école, pour vérifier si en effet des élèves sont atteints de teigne ? ».

Dans ces lettres, elle évoque les procédés des partisans de l'école privée pour diminuer les effectifs des écoles publiques : « le propriétaire de la papeterie de l'Odet, M. Bolloré, engage une lutte acharnée contre l'école laïque, en enlevant à l'école de Lestonan 35 fillettes et en les faisant conduire tous les jours en auto jusqu'à l'école libre du bourg ».

Elle s'interroge : « M. Bolloré soutenant si fort l'école libre, l'administration ne devrait-elle pas user des mêmes procédés » ; et propose à l'Inspecteur d'Académie un plan aussi musclé :

 
  • Premièrement : « forcer le secrétaire de mairie d'Ergué-Gabéric, neveu de M. le Maire, à envoyer sa fille âgée de 7 ans à l'école laïque et non à l'école libre ».
  • De même pour le « cantonnier qui sans doute ne nous confiera pas sa fille non plus ».
  • Plus surprenant : « Là où la cabine téléphonique municipale est installée, il y a également 2 fillettes fréquentant l'école libre. Cela est-il admissible ? »
  • Et enfin demander qu'une petite étrangère, « la petite Italienne » change d'école.

[modifier] 2 Transcriptions

Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher

Lettre du 19 septembre 1927

Ergué-Gabéric, 19 septembre 1927

Madame Borrossi, institutrice, à Monsieur l'Inspecteur Primaire.

Monsieur l'Inspecteur,

Les 7 élèves pupilles de l'Œeuvre Grancher qui m'ont été confiées devaient passer leurs vacances à Ergué-Gabéric. Le 24 juillet, je me suis aperçue que l'une d'elles était atteinte de teigne tondante [1]. Je la conduis le 25 à l'hospice civil de Quimper, où elle est depuis en traitement. Inquiète, j'inspecte les autres pupilles. L'une présentait une légère tâche que le docteur Morvan (avenue de la gare) affirmait n'être rien, le 28 juillet elle revient chez moi, et je la soigne. Le 13 août, le docteur Morvan consulte de nouveau, dit encore que l'enfant n'a rien ; des cheveux qui lui avaient été prélevés étaient reconnus sains au laboratoire de Quimper. Le 27 août, me rendant compte cependant que la maladie de l'enfant était la même que celle de ses compagnes, je l'ai fait conduire à l'hôpital, ainsi que sa jeune sœur. Là étaient déjà arrivées le 6 août 4 autres élèves, dont 3 étaient légèrement malades, l'autre suspecte.

§ - En recherchant la cause de cette contamination ...

Note 1 : Communiqué à Monsieur le Préfet à toutes fins utiles, en ce qui concerne le dernier paragraphe.

Note 2 : Je ne vois pas l'obligation à ce que l'Inspecteur d'hygiène aille vérifier les assertions de Mme Borossi. Il est certain que la lutte contre l'école laïque est extrêmement vive à Ergué-Gabéric. Quant au transfert des 7 pupilles de l'Oeuvre Grancher dans une autre école, je ne sais s'il est opportun. Il y aurait lieu d'en saisir l'administration de l'Assistance publique. 22 septembre 1927. L'Inspecteur d'Académie.

Note 3 : En communication à titre de renseignement à Monsieur le Préfet Quimper 29. Je désirerais connaître l'effectif des élèves inscrites à l'école des filles d'Ergué-Gabéric (1er Octobre. Quimper le 4 Oct. 1927. L'inspecteur d'Académie.

Lettre du 27 septembre 1927

Comité d'Hygiène sociale et de préservation anti-tuberculose du Département du Finistèe (Reconnu d'utilité publique par Décret du 7 Décembre 1923).

Quimper, le 27 Septembre 1927. Monsieur l'Inspecteur,

Vous avez bien voulu me communiquer la copie ci-jointe d'une lettre adressée par Mme BOROSSI, Directrice de l'école publique d'Ergué-Gabéric, à M. l'Inspecteur primaire, relative aux cas de teigne [1] survenus à son établissement parmi les petites Grancher qui y étaient placées.

§ Depuis quelques temps déjà ...

Le Secrétaire-Trésorier de la Filiale Grancher, (signature Pontet).

Lettre du 5 octobre 1927

Préfecture du Finistère. Direction de l'Assistance Publique. République Française.
Quimper, le 6 octobre 1927.

Le Directeur départemental de l'Assistance publique, à Monsieur le Préfet du Finistère.
Monsieur le Préfet,

Suivant vos instructions je me suis rendu à ERGUE-GABERIC, le Lundi 3 octobre, pour rechercher s'il n'existait pas parmi les élèves des écoles des cas d'affections parasitaires du cuir chevelu et notamment de teigne [1], susceptibles de créer de petits foyers de contagion dangereux pour la population.

§ Les renseignements d'ordre médical ...

Le Directeur Départemental, (signature).

 

Lettre du 14 octobre 1927

L'Inspecteur primaire de Quimper (29) à Monsieur l'Inspecteur d'Académie du Finistère.
Commune d'Ergué-Gabéric. Effectif de l'Ecole des Filles du chef-lieu.

J'ai l'honneur de vous faire connaitre que l'effectif de l'Ecole des filles du chef-lieu d'Ergué-Gabéric est le suivant :

  • 1ère classe : 8 élèves.
  • 2e classe : 2 élèves.

Je vous signale, en outre, que Mme Borossi, directrice d'école, désirerait recevoir des pupilles Grancher, mais pas celles qu'elle avait l'an dernier, à l'exception pourtant des 2 petites Simon de Landudal qu'elle verrait revenir avec plaisir dans un ou deux mois, quand les risques de contagion que leur présence peut faire courir seraient définitivement détruits.

A Quimper, le 14 oct. 1927. L'Inspecteur primaire, (signature).

Lettre du 16 octobre 1927

Ergué-Gabéric, 16 Octobre 1927

Madame Borrossi, Institutrice, à Monsieur l'Inspecteur d'Académie.

Désirant recevoir des pupilles de l'Œuvre Grancher depuis près de 3 ans, je me suis souvent étonnée que l'on m'en ait envoyé un si petit nombre : au total 10 élèves.

Comptant sur les promesses que me fit une infirmière-visiteuse, en janvier ou février 1925, je fis légèrement agrandir le dortoir de pensionnaires, modification que Monsieur le Maire voulut bien autoriser. J'attendais alors deux pupilles, Marie-Anne Le Roux, d'Audierne, et Suzanne Jégou, de Bannalec. Elles n'arrivèrent qu'en octobre 1925, après avoir été envoyées à Huelgoat, chez Melle Yvinec ; les parents des 2 petites, trouvant cette école trop éloignée, demandèrent qu'elles soient rapprochées de leurs demeures. C'est alors seulement que ces 2 pupilles vinrent chez moi jusqu'en avril et août 1925. En octobre 1926 arriva une fillette ayant 13 ans passés, Léonie Cornou (l'infirmière me disait qu'elle n'avait que 12 ans), une pauvre malheureuse, disait l'infirmière, à qui ses parents ne voulaient pas acheter le petit trousseau indispensable. Pour cette enfant l'Œuvre Grancher consentit une dépense de 400 f, afin de lui fournir les vêtements nécessaires. Par hasard, nous apprîmes de la nouvelle pupille que sa petite sœur était hospitalisée à Quimper depuis quelques temps malade de la teigne [1]. Ignorant alors le mode de contagion de cette maladie, je n'y fis aucune attention.

§ C'était la seule pupille reçue ...

L'institutrice, J. Borrossi

Notes :
1er feuillet : En communication à monsieur Pontet.
3e feuillet : En communication avec prière de retour. A titre de ... à M. Pontet : cette lettre qui débute par l'étonnement de ne pas avoir de pupilles ce qui ... Faudrait-il peut-être ... un peu plus ... de pupilles ... Ma conclusion est qu'on peut toujours proposer des pupilles : Madame Borossi ... le moindre risque. 18 oct 1827 (signature).

Lettre du 24 octobre 1927

Comité d'Hygiène sociale et de préservation anti-tuberculose du Département du Finistèe (Reconnu d'utilité publique par Décret du 7 Décembre 1923).

Quimper, le 24 Octobre 1927. Monsieur l'Inspecteur,

J'ai l'honneur de vous retourner la lettre ci-jointe après en avoir pris connaissance. Cette pauvre Mme BOROSSI revient toujours sur les quelques malheureux cas de teigne [1] qui se sont produits à son pensionnat, tantôt ce sont les petits Grancher qui sont cause de cette affection, tantôt ce sont les enfants de l'école libre.

§ Je m'étonne toutefois ...

Le Secrétaire-Trésorier de la Filiale Grancher, (signature Pontet).

[modifier] 3 Originaux

Lieu de conservation :
  • Archives Départementales du Finistère
  • Série 1T, Quimper
 

Reférence, droit d'image :

  • Cote 1 T 804 (écoles d'EG 1898-1940)
  • Usage privé et restreint.

[modifier] 4 Annotations

Certaines références peuvent être cachées ci-dessus dans des paragraphes ( § ) non déployés. Cliquer pour les afficher : § Tout montrer/cacher

  1. La teigne, ou teigne tondante microsporique, est une infection des cheveux ou des poils. C'est une mycose provoquée par un champignon microscopique attaquant le cuir chevelu. La maladie fait partie des dermatophytoses. Cette dermatose atteint essentiellement les enfants d'âge scolaire de moins de 12 ans. La teigne n'est pas une maladie grave mais elle est particulièrement humiliante, irritante et inesthétique (Wikipedia). [Ref.↑ 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 1,11 1,12 1,13 1,14 1,15 1,16 1,17 1,18]
  2. L'association dite " Préservation de l'enfance - Oeuvre Grancher" plus connue sous le nom d'Oeuvre Grancher était une association loi 1901 fondée par Jacques-Joseph Grancher, médecin spécialiste des maladies respiratoires, proche collaborateur de Louis Pasteur. Cette institution de placement familial avait des filiales autonomes dans tous les départements de France. Par le décret du 11 avril 2001, elle est reconnue d'utilité publique et prend la dénomination de Fondation Grancher. [Ref.↑ 2,0 2,1]


Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric.

Date de création : Novembre 2015    Dernière modification : 3.04.2018    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]