1927 - Demande d'indemnité d'éviction du meunier de Moguéric au papetier d'Odet
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Tout d'abord Louis Rospape n'est pas propriétaire du Meil-Moguéric : « <i>(par) acte du 3 septembre 1917, transcrit le 17 septembre de la même année, il (Bolloré) a acquis des époux Rannou, bailleurs de Rospape, la propriété ... appelée le Moulin de Moguéric</i> ». C'est donc en tant que locataire du propriétaire Bolloré qu'il exercera ensuite son métier jusqu'en 1927, et enfin, lorsque René Bolloré lui signifie son congé d'Odet, il doit signer un nouveau bail auprès du propriétaire du moulin de Troheir. | Tout d'abord Louis Rospape n'est pas propriétaire du Meil-Moguéric : « <i>(par) acte du 3 septembre 1917, transcrit le 17 septembre de la même année, il (Bolloré) a acquis des époux Rannou, bailleurs de Rospape, la propriété ... appelée le Moulin de Moguéric</i> ». C'est donc en tant que locataire du propriétaire Bolloré qu'il exercera ensuite son métier jusqu'en 1927, et enfin, lorsque René Bolloré lui signifie son congé d'Odet, il doit signer un nouveau bail auprès du propriétaire du moulin de Troheir. | ||
- | Il n'y a donc pas de cadeau, ni de transaction d'échange. Bien au contraire le meunier s'estime lésé et réclame même une indemnité d'éviction, conformément à la loi du 30 juin 1926 lorsque « <i>l'acquisition a eu lieu dans le but d'agrandir les locaux où s'exerce le commerce ou de fonder une succursale</i> ». Et il obtient un jugement favorable de la part du tribunal civil départemental de Quimper le 18 mars 1927. | + | Il n'y a donc pas eu de cadeau, ni de transaction d'échange. Bien au contraire le meunier s'estime lésé et réclame même une indemnité d'éviction, conformément à la loi du 30 juin 1926 lorsque « <i>l'acquisition a eu lieu dans le but d'agrandir les locaux où s'exerce le commerce ou de fonder une succursale</i> ». Et il obtient un jugement favorable de la part du tribunal civil départemental de Quimper le 18 mars 1927. |
- | Par contre le 12 décembre 1927 la cour d'appel de Rennes donne raison à René Bolloré, ce avec les arguments suivants : | + | Par contre le 12 décembre 1927 la cour d'appel de Rennes donne raison à René Bolloré en invoquant une série d'arguments qui nous semblent un peu spécieux : |
- | * ggg | + | * La proximité de l'usine n'est pas suffisante, bien que manifeste : « <i>les premiers juges, pour admettre le principe de l'indemnité font découler cette preuve de la situation du Moulin de Moguéric, ainsi que des fins industrielles auxquelles Bolloré le destine</i> » |
+ | * L'arrêt du moulin a permis de régler un problème de débit d'eau pour les bassins de décantation : « <i>il (Bolloré) a, par ce moyen, tenté d'assurer l'épuration des eaux résiduaires de son industrie restituées ensuite à la rivière, sans avoir à se préoccuper du droit du meunier à l'usage de la totalité des eaux de l'Odet pendant la période d'été. </i> » | ||
+ | * Dès qu'il s'agit de droit d'eau, ce qui est ici obligatoirement le cas pour le moulin et l'usine, on n'entrerait pas dans le cadre de la loi : « <i>l'expression « Locaux à usage industriel » employée par l'article 5 de la dite loi, quelque large qu'elle soit, ne peut comprendre un droit aux eaux d'une rivière, ni les aménagements effectués pour assurer l'exercice de ce droit</i> ». | ||
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[[Image:MeilMougueric.jpg|center|400px|thumb|La roue du moulin était sur le côté droit de la petite bâtisse, alimentée par un bief le long de la rivière de l'Odet]] | [[Image:MeilMougueric.jpg|center|400px|thumb|La roue du moulin était sur le côté droit de la petite bâtisse, alimentée par un bief le long de la rivière de l'Odet]] | ||
- | Dan ar Braz | + | Le moulin de Moguéric s'est arrêté, le bief et la roue ont été détruits, les bâtiments agricoles ont été réhabilités en logements d'appoint, et Louis Rospape a quitté les lieux pour s'installer au grand moulin du Troheir en Kerfeuteun. |
- | <spoiler text="Le Chant du Meunier"> | + | |
+ | Louis aura trois enfants : Marie, épouse Gouiffès ; Yves ; Anne, épouse Le Braz, qui reprendra la succession du moulin de Troheir pour en faire une boulangerie industrielle. Le fils Dan ar Braz, artiste et grand guitariste, a peut-être pensé à ses ancêtres meuniers quand il a, avec Clarisse Lavanant, fait une reprise de la chanson enfantine galloise « <i>Can y Melinydd</i> » en trançais : | ||
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+ | <tt>Dans le silence des pierres | ||
+ | <br>Vient résonner un air | ||
+ | <br>Comme les vents aiment tourbillonner | ||
+ | <br>Sous le chant du meunier | ||
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+ | Refrain : Moulin à vent moulin à eau (bis) | ||
+ | <br>Tournez plus fort tournez plus haut | ||
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+ | L'hiver dans ces lieux | ||
+ | <br>Discret et mystérieux | ||
+ | <br>Entre la farine et les grains | ||
+ | <br>Chérissait son moulin</tt> | ||
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+ | <spoiler text="Le Chant du Meunier, texte complet"> | ||
LE CHANT DU MEUNIER | LE CHANT DU MEUNIER | ||
<br>Dan ar Braz et Clarisse Lavanant, Comptines celtiques et d'ailleurs, 2009 | <br>Dan ar Braz et Clarisse Lavanant, Comptines celtiques et d'ailleurs, 2009 |
Version du 5 novembre ~ miz du 2016 à 09:15
| Le meunier de Meil-Mogueric, Louis Rospape, réclame une indemnité compensatrice suite à l'arrêt de son bail par René Bolloré, l'entrepreneur papetier d'Odet.
« Et c'est depuis ce jour, Qu'on raconte alentour, Qu'automne hiver, printemps été, Le moulin est rompu. Dans le silence des pierres, Vient résonner un air, Comme les vents aiment tourbillonner Sous le chant du meunier » (Dan ar Braz et Clarisse Lavanant, Comptines celtiques et d'ailleurs, 2009) |
Autres lectures : « Les Rospape, boucher, épouses de forgerons, et meuniers de père en fils » ¤ « Quatre moulins à farine et un moulin à papier du côté d'Odet » ¤ « 1919 - Déversoir et bassins de décantations de la papeterie d'Odet » ¤ « Toponymie d'Odet et de Meilh-Odet » ¤ « Cartographie d'Odet » ¤
1 Présentation
Louis Rospape, qu'on appelait localement « Louch », fils du meunier du moulin du Temple en Edern, était depuis les années 1910 meunier du moulin de Mogéric, situé à Briec sur la rive droite de l'Odet, et attenant au manoir Bolloré et à l'usine de fabrication de papier d'Odet. L'idée répandue était que, dans les années 1930, l'industriel papetier René Bolloré fit gracieusement don à Louis Rospape du moulin de Troheir en Kerfeunteun, en échange de celui de Mouguéric qui devait s'arrêter. Le présent jugement de la cour d'appel de Rennes rétablit une vérité bien différente. Tout d'abord Louis Rospape n'est pas propriétaire du Meil-Moguéric : « (par) acte du 3 septembre 1917, transcrit le 17 septembre de la même année, il (Bolloré) a acquis des époux Rannou, bailleurs de Rospape, la propriété ... appelée le Moulin de Moguéric ». C'est donc en tant que locataire du propriétaire Bolloré qu'il exercera ensuite son métier jusqu'en 1927, et enfin, lorsque René Bolloré lui signifie son congé d'Odet, il doit signer un nouveau bail auprès du propriétaire du moulin de Troheir. Il n'y a donc pas eu de cadeau, ni de transaction d'échange. Bien au contraire le meunier s'estime lésé et réclame même une indemnité d'éviction, conformément à la loi du 30 juin 1926 lorsque « l'acquisition a eu lieu dans le but d'agrandir les locaux où s'exerce le commerce ou de fonder une succursale ». Et il obtient un jugement favorable de la part du tribunal civil départemental de Quimper le 18 mars 1927. Par contre le 12 décembre 1927 la cour d'appel de Rennes donne raison à René Bolloré en invoquant une série d'arguments qui nous semblent un peu spécieux :
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Le moulin de Moguéric s'est arrêté, le bief et la roue ont été détruits, les bâtiments agricoles ont été réhabilités en logements d'appoint, et Louis Rospape a quitté les lieux pour s'installer au grand moulin du Troheir en Kerfeuteun. Louis aura trois enfants : Marie, épouse Gouiffès ; Yves ; Anne, épouse Le Braz, qui reprendra la succession du moulin de Troheir pour en faire une boulangerie industrielle. Le fils Dan ar Braz, artiste et grand guitariste, a peut-être pensé à ses ancêtres meuniers quand il a, avec Clarisse Lavanant, fait une reprise de la chanson enfantine galloise « Can y Melinydd » en trançais : Dans le silence des pierres
Refrain : Moulin à vent moulin à eau (bis)
L'hiver dans ces lieux
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2 Transcriptions
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3 Originaux
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Titre : Recueil des arrêts de la cour d'appel de Rennes et des jugements rendus par les tribunaux de première instance, civils et de commerce, les justices de paix et les conseils de prud'hommes du ressort. Publication : Revue mensuelle publiée par MM. Charlier, Cuault, Dubois. Auteur : Cour d'appel (Rennes). Éditeur : Imprimerie de H. Riou-Reuzé (Rennes) Date d'édition : 1928 Numérisation : Gallica, BnF (08.2016) |