1887-1888 - Enquête, instruction et procès en assises pour un drame familial à Kerfréis - GrandTerrier

1887-1888 - Enquête, instruction et procès en assises pour un drame familial à Kerfréis

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|width=50% valign=top {{jtfy}}|<i>Un dossier complet sur une affaire de coups mortels portée en Cour d'assises : interrogatoires, auditions, dépositions, acte d'accusation, réquisitoires, délibérés, avis du jury, plaidoiries ...</i> |width=50% valign=top {{jtfy}}|<i>Un dossier complet sur une affaire de coups mortels portée en Cour d'assises : interrogatoires, auditions, dépositions, acte d'accusation, réquisitoires, délibérés, avis du jury, plaidoiries ...</i>
-Liasse de 29 documents conservée aux Archives départementales du Finistère (cote 4U2-305) découverte et communiquée par Pierrick Chuto <ref>{{Chuto}}</ref>.+Liasse de 29 documents conservée aux Archives départementales du Finistère sous la cote 4U2-305, découverte et communiquée par Pierrick Chuto <ref>{{Chuto}}</ref>. Les arrêts d'acquittement et de dommages-intérêts sont classés par ailleurs en 4U1-73.
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 +Il s'agit d'un dossier complet de prévention dont les pièces ont été entièrement retranscrites ci-après. Les rapports d'auditions, et de dépositions par les domestiques et membres de la famille, organisées sur place sur les lieux du crime de Kerfrez, « <i>en l'endroit</i> », donnent une sorte de reconstitution d'un huis-clos villageois du fin de 19e siècle. L'ambiance y est telle qu'on pourrait en tourner un téléfilm à la manière des romans policiers de Georges Simenon.
 +[[Image:GuerredesBoutons.jpg|left|120px]]Cela commence chronologiquement par une scène digne de « <i>La guerre des boutons</i> » de Louis Pergaud, avec une bagarre d'enfants sur le chemin de retour de l'école : « <i>j'ai entendu ma sœur qui venait également de l'école, qui me disait que Moysan voulait la frapper. J'ai couru après celui-ci et l'ai atteint au moment où il montait sur un talus pour rejoindre ma sœur. Je l'ai saisi par les effets et l'ai fait tomber à terre ...</i> ».
 +S'ensuit la visite matinale dominicale du père René-Jean Moysan venant se plaindre auprès de sa voisine de Kerfrès, mère du sacripant et sa belle-sœur, et qui, chassé de la maison à coup de balai, revient et se fait de nouveau repousser par cette « <i>femme Feunteun</i> » par le moyen d'un râteau. Tout l'enjeu des premiers interrogatoires par les gendarmes est de savoir si les coups ont été portés par le manche en bois, le dos de la partie métallique ou carrément les piques de fer.
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 +Le souci pour le juge d'instruction et les forces de l'ordre pour pouvoir appréhender les faits est d'interroger des témoins qui ne parlent que le breton ; pour ce faire un « <i>interprète de la langue bretonne</i> » les accompagne systématiquement, et le texte transcrit par le greffier conserve des bretonnismes ou expression orales autochtones.
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 +Ainsi des insultes en breton par la victime des coups à l'encontre de l'inculpée sont évoquées de façon lapidaire : « <i>mon beau frère Moysan est venu dans ma maison m'insulter, me traitant de P. et de G.</i> ». Et un peu plus loin dans la déposition : « <i>il est revenu sur le seuil de ma porte, m'insultant encore de (Pot Lourd) en français Lourdeau</i> ». Les initiales P. et G. pourraient signifier en français Putain et Garce, mais en breton le mot « <i>Gast</i> » recouvre en principe la double connotation. La précision « <i>(Pot Lourd)</i> », quant à elle, est sans doute la déformation de « <i>Paotrez lourd</i> », où la féminisation de Paotr signifiant gars est insultante, et l'expression entière veut tout simplement dire Grosse Garce.
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 +D'autres scènes sont marquantes dans les témoignages : le cidre doux demandé par la victime à sa femme « <i>pour le faire vomir pensant qu'il irait mieux</i> », l'autopsie organisée sur le lieu de décès à Kerfrez entraînant l’enlèvement du cadavre enlevé du lit clos pour raison d'insuffisance d'éclairage et d'espace.
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 +[[Image:LitClos2.jpg|center|420px]]
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 +Bien qu'accusée de coups mortels, l'inculpée bénéficie d'un acquittement par le jury qui répond négativement aux deux questions posées :
 +* « <i>est-elle coupable d'avoir volontairement porté des coups et fait des blessures ?</i> »
 +* « <i>ces coups portés et ces blessures faites volontairement ont-ils occasionné la mort de la victime ?</i> »
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 +Le jury a certainement considéré qu'elle s'est défendue contre un agresseur, et qu'il y avait un doute quant à l'explication du médecin de la mort survenue 36 heures par hémorragie cérébrale. En tout état de cause, la personnalité de la femme Feunteun est clivante : d'un côté elle est qualifiée de « <i>caractère vif et emporté</i> », et de l'autre elle sait le français (elle n'a pas recours à l'interprète lors de ses interrogatoires), elle signe ses dépositions, elle est « <i>cultivatrice</i> » et non « <i>ménagère</i> », elle fait preuve d'une certaine mansuétude vis-à-vis de son agresseur. Son mari Alain Feunteun semble tenir un rôle secondaire dans l'exploitation familiale, il n'intervient qu'à la fin du procès comme proposant à titre solidaire de son épouse une rente à vie à la veuve de René-Jean Moysan.
 +
 +Ce dernier, par ailleurs, bien qu'« <i>honnête cultivateur</i> », est enclin à la boisson, cherche querelles quand il est ivre, a un casier judiciaire pour avoir écopé de 8 jours de prison pour « <i>Coups et blessures volontaires</i> », s'est fait congédier de son emploi de domestique ...
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 +Les journaux se sont étonnés à la lecture du verdict d'acquittement, ont mis cela sur le compte de la plaidoirie de l'avocat Chamaillard au nom prédestiné, mais la vérité est sans doute plus prosaïquement autour de circonstances où une femme a dû se défendre contre les agressions répétées d'un beau-frère éméché et querelleur.
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==Transcriptions== ==Transcriptions==
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A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun Laurent, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit : A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun Laurent, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
-<spoiler id="993" text="Dimanche dernier 13 novembre ...">Dimanche dernier 13 novembre, lorsque je suis revenu du bourg, vers trois heures de l'après-midi, ne voyant pas mon gendre, j'ai demandé aux enfants où il était ; je crus qu'il était ivre, mais ils me dirent que leur père était couché et qu'il avait été battu par leur tante. Je n'allais pas le voir dans son lit, mais vers neuf heures du soir, il demanda un peu de cidre doux pour le faire vomie pensant qu'il irait mieux. Il se leva un instant, après pendant quelques minutes seulement, et fut obligé de se recoucher, et j'entendis sa femme tirer tirer du cidre à la barrique. Après son accident il ne m'a adressé aucune parole.+<spoiler id="993" text="Dimanche dernier 13 novembre ...">Dimanche dernier 13 novembre, lorsque je suis revenu du bourg, vers trois heures de l'après-midi, ne voyant pas mon gendre, j'ai demandé aux enfants où il était ; je crus qu'il était ivre, mais ils me dirent que leur père était couché et qu'il avait été battu par leur tante. Je n'allais pas le voir dans son lit, mais vers neuf heures du soir, il demanda un peu de cidre doux pour le faire vomir pensant qu'il irait mieux. Il se leva un instant, après pendant quelques minutes seulement, et fut obligé de se recoucher, et j'entendis sa femme tirer tirer du cidre à la barrique. Après son accident il ne m'a adressé aucune parole.
Lecture faite le témoin persiste et dit ne savoir signer ; nous signons avec le greffier et l'interprète. (trois signatures). Lecture faite le témoin persiste et dit ne savoir signer ; nous signons avec le greffier et l'interprète. (trois signatures).
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<spoiler id="999" text="1°/ Le sieur Moysan a été atteint ...">1°/ Le sieur Moysan a été atteint sur la partie latérale gauche du crâne, d'un coup porté normalement par un instrument contondant. ce coup a déterminé un enfoncement partiel des os du crâne, et un des os ayant divisé une artère l'hémorragie a comprimé le cerveau et amené la mort. <spoiler id="999" text="1°/ Le sieur Moysan a été atteint ...">1°/ Le sieur Moysan a été atteint sur la partie latérale gauche du crâne, d'un coup porté normalement par un instrument contondant. ce coup a déterminé un enfoncement partiel des os du crâne, et un des os ayant divisé une artère l'hémorragie a comprimé le cerveau et amené la mort.
-2°. Le sieur Moysan a reçu également des coups multiples portés avec un instrument contondant sur l'épaule gauche, la droite et le devant de la poitrine. De ces divers coups, ceux portés sur le moignon de l'épaule gauche avaient, seuls, quelques gravité.+2°. Le sieur Moysan a reçu également des coups multiples portés avec un instrument contondant sur l'épaule gauche, la droite et le devant de la poitrine. De ces divers coups, ceux portés sur le moignon de l'épaule gauche avaient, seuls, quelque gravité.
Fait à Quimper le 30 novembre 1887, (signature Fr Collé). Fait à Quimper le 30 novembre 1887, (signature Fr Collé).
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<big><b>12 déc 1887 - Déposition Laurent Moysan</b></big> <big><b>12 déc 1887 - Déposition Laurent Moysan</b></big>
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<big><b>12 déc 1887 - Déposition Laurent Feunteun</b></big> <big><b>12 déc 1887 - Déposition Laurent Feunteun</b></big>
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Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes
-<spoiler id="9914" text="D'avoir, le treize novembre 1887 ...">D'avoir, le treize novembre 1887, en la commune d'Ergué-Gabéric volontairement ... +<spoiler id="9914" text="D'avoir, le treize novembre 1887 ...">D'avoir, le treize novembre 1887, en la commune d'Ergué-Gabéric volontairement porté des coups ou fait des blessures au nommé Moysan René-Jean lesquels coups portés ou blessures faites volontairement, mais sans intention de donner mla mort, l'ont pourtant occasionnée ;
 + 
 +Attendu que ce fait constitue le crime prévu et puni par l'article 309 du Code civil.
 + 
 +Vu l'article 133 du Code d'Instruction Criminelle. Déclarant la prévention suffisamment établie ; En conséquence ordonnons que les pièces de l'instruction, le procès-verbal constatant le corps du délit et un état des pièces pouvant servir à conviction seront transmis sans délai à M. le Procureur Général près la Cour d'appel de Rennes pour être par ce magistrat requis et par la chambre des mises en accusation statué ce qu'il appartiendra.
 + 
 +Ratifié l'ordonnance ci-dessus à l'intéressé. Quimper le 24 décembre 1887. Le Gardien-chef, (signature)
 + 
 +Décerné en notre cabinet, à Quimper, le 23 décembre 1887. Le Juge d'Instruction, (signature)
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Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes
-<spoiler id="9915" text="d'avoir, le treize novembre 1887 ...">D'avoir, le treize novembre 1887, en Ergué-Gabéric, volontairement ... +<spoiler id="9915" text="d'avoir, le treize novembre 1887 ...">D'avoir, le treize novembre 1887, en Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups ou fait des blessures au nommé Moysan, René-Jean, lesquels coups portés, ou blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.
 + 
 +Attendu que ce fait constitue le crime prévu et puni par l'article 309 du Code civil.
 + 
 +Vu l'article 133 du Code d'Instruction Criminelle ; Requérons qu'il plaise à M. le Juge d'Instruction dise que la prévention contre l'inculpée est suffisamment établie ; ordonne que les pièces de l'instruction, le procès-verbal constatant le corps du délit et un état des pièces pouvant servir à conviction seront transmis sans délai par nous au Procureur Général près la Cour d'appel de Rennes pour être par ce magistrat requis et par la chambre des mises en accusation statué ce que dessus.
 + 
 +Au Parquet, à Quimper, le 23 décembre 1887. Le Procureur de la République, (signature)
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Nous, Procureur de la République près le tribunal de l'arrondissement de Quimper. Requérons le Gardien chef de la Maison d'arrêt de Quimper de donner avis à Nous, Procureur de la République près le tribunal de l'arrondissement de Quimper. Requérons le Gardien chef de la Maison d'arrêt de Quimper de donner avis à
-<spoiler id="9916" text="la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...">la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, +<spoiler id="9916" text="la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...">la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née à Ergué-Gabéric, y domiciliée. Détenue.
 + 
 +Que, par Ordonnance de M. le Juge d'instruction près le Tribunal de ce siège, en date du 23 décembre 87 la susnommée a été renvoyé devant Cour d'Appel chambre des mises en accusation, sous la prévention de coups mortels.
 + 
 +La susnommée peut, en conséquence, adresser à la Cour d'Appel tous les mémoires et moyens justificatifs qu'elle croira nécessaire à sa défense.
 + 
 +Fait au Parquet, à Quimper le 24 décembre 1887.Le Procureur de la République. Le présent ordre a été exécuté le 24 décembre 1887. Le Gardien chef de la Maison d'arriet, (signature)
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<spoiler id="9917" text="Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...">Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun, prévenue de coups et blessures, volontaires, suivis de mort ; <spoiler id="9917" text="Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...">Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun, prévenue de coups et blessures, volontaires, suivis de mort ;
 +
 +Lecture a été faite des pièces de la procédure, qui ont été laissées sur le bureau, Monsieur le Substitut a déposé son réquisitoire, signé de lui, daté du vingt sept décembre mil huit cent quatre-vingt sept et terminé par les conclusions suivantes :
 +
 +« <i>Avons l'honneur de requérir qu'il plaise à la Cour mettre la prévenue en accusation, la renvoyer devant les Assises du Finistère et décerner contre elle une ordonnance de prise de corps.</i> »
 +
 +Monsieur le Substitut s'étant retiré, ainsi que le Greffier, Après en avoir délibéré : Considérant que des pièces de la procédure et de l'Instruction résultant les faits suivants : (cf pages manuscrites de mise en accusation).
</spoiler> </spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
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Le treize novembre mil huit cent quatre-vingt sept, René Lozach, cultivateur à Ergué-Gabéric, eût, avec sa belle-sœur, Marie Jeanne Lozach, une discussion à la suite de laquelle il reçut, à la poitrine, un coup de balai. Une heure après, environ, une querelle s'engagea de nouveau. Marie Lozach saisit un râteau et frappa Moysan à la poitrine avec le bout du manche ; celui-ci leva la main. À ce moment Marie Lozach lui asséna, sur la tête, avec le dos du râteau, un coup si violent qu'il tomba ; elle continua à le frapper, à terre, de plusieurs coups. Moysan, en rentrant chez lui, se plaignit à sa famille d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée ; il il perdit, dès le soir même, l'usage de la parole et mourut dans la matinée du quinze novembre. Le treize novembre mil huit cent quatre-vingt sept, René Lozach, cultivateur à Ergué-Gabéric, eût, avec sa belle-sœur, Marie Jeanne Lozach, une discussion à la suite de laquelle il reçut, à la poitrine, un coup de balai. Une heure après, environ, une querelle s'engagea de nouveau. Marie Lozach saisit un râteau et frappa Moysan à la poitrine avec le bout du manche ; celui-ci leva la main. À ce moment Marie Lozach lui asséna, sur la tête, avec le dos du râteau, un coup si violent qu'il tomba ; elle continua à le frapper, à terre, de plusieurs coups. Moysan, en rentrant chez lui, se plaignit à sa famille d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée ; il il perdit, dès le soir même, l'usage de la parole et mourut dans la matinée du quinze novembre.
-<spoiler id="9918" text="L'autopsie a démontré ...">L'autopsie a démontré que Moysan avait reçu, à la partie latérale gauche du crâne, un coup porté à l'aide d'un instrument contondant+<spoiler id="9918" text="L'autopsie a démontré ...">L'autopsie a démontré que Moysan avait reçu, à la partie latérale gauche du crâne, un coup porté à l'aide d'un instrument contondant qui avait déterminé un enfoncement partiel des os, divisé une artère et produit une hémorragie qui, comprimant le cerveau, avait amené la mort.
 + 
 +Des traces d'autres coups existaient aussi aux épaules et à la poitrine.
 + 
 +Considérant que de ces faits résultent charges suffisantes pour accuser :
 + 
 +Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun.
 + 
 +D'avoir, le treize novembre mil huit cent quatre vingt sep, à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et fait des blessures au sieur René Moysan, lesquels coups portés et blessures faites sans intention de donner la mort l'ont pourtant occasionnée.
 + 
 +Crime prévu et puni par l'article trois cent neuf du code pénal ; de la compétence des cours d'assises aux termes de l'article deux cent trente et un du code d'instruction criminelle.
 + 
 +La cour ; met en accusation Lozach, Marie Jeanne femme Feunteun, et la renvoie devant la Cour d'assises du département du Finistère pour y être jugée suivant la loi.
 + 
 +Décerne contre elle une ordonnance de prise de corps.
 + 
 +Ordonne en conséquence, que par tous huissiers ou agents de la force publique légalement requis.
 + 
 +Lozach, Marie Jeanne femme Feunteun, née le vingt et un novembre mil huit cent quarante quatre, à Ergué-Gabéric, propriétaire-cultivatrice, demeurant à Ergué-Gabéric.
 + 
 +Soit prise appréhendée au corps et conduite dans la maison de justice établie près la cour d'assises du département du Finistère sur les registres de laquelle maison elle sera écrouée par tous huissiers requis, comme accusée du crime ci-dessus spécifié et qualifié.
 + 
 +Ordonne que le présent arrêt soit mortifié à l'accusée et qu'il soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.
 + 
 +Fait au Palais de justice ; à Rennes le vingt neuf décembre, mil huit cent quatre-vingt sept, en la chambre du conseil où siégeaient Messieurs Souiller, président, Fornier, Hamel, Le Vaillant et Valentin, conseillers composant la chambre des mises en accusation, qui ont signé le présent arrêt avec Maître Garot, greffier, présent à l'audience.
 + 
 +Suivent les signatures. Le président, Souiller, Fornier, Hamel, Le Vaillant, Valentin, E. Garot.
 + 
 +En conséquence le Président de la République Française, mande et ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent arrêt à exécution. Aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les tribunaux de première instance d'y tenir la main. À tous commandants et officiers de la force publique, d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
 + 
 +En foi de quoi le présent arrêt a été signé par Messieurs les Président et conseillers composant la chambre des mises en accusation et par le greffier.
 + 
 +Pour expédition conforme, délivrée à Monsieur le Procureur Général. Le greffier en chef de la cour d'appel de Rennes. (cachet et une signature)
</spoiler> </spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
-<big><b>29 déc 1887 - Acte d'accusation</b></big>+<big><b>2 janvier 1888 - Acte d'accusation</b></big>
{{Citation}} {{Citation}}
Cour d'appel de Rennes. Parquet du procureur général. Cour d'appel de Rennes. Parquet du procureur général.
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Déclare le Procureur Général que des pièces de la procédure et de l'Instruction résultent les faits suivants : Déclare le Procureur Général que des pièces de la procédure et de l'Instruction résultent les faits suivants :
-<spoiler id="9919" text="Le Dimanche 13 novembre dernier ...">Le Dimanche 13 novembre dernier, au matin, le nommé Moysan+<spoiler id="9919" text="Le Dimanche 13 novembre dernier ...">Le Dimanche 13 novembre dernier, au matin, le nommé Moysan, René, cultivateur demeurant au village de Kerfreis, en Ergué Gabéric, alla trouver la nommée Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, sa voisine et belle-sœur pour lui demander des explications au sujet d'une rixe qui s'était produite la veille au soir entre leurs enfants. Peu après, vers les 9 h. 1/2, il rentra à la maison, en disant qu'il avait reçu de la femme Feunteun, dans la poitrine un coup de balai qui l'avait fait tomber à terre. Il avait , en effet, les vêtements tout souillés de boue.
 + 
 +Il revint, vers 10 h. 1/2 devant la porte de la maison de la femme Feunteun, et là, une discussion s'engagea entre eux au même sujet.
 + 
 +Emportée par la colère, la femme Feunteun alla saisir un râteau appuyé au mur de la maison, en dirigea le bout du manche sur la poitrine de Moysan, l'en frappa et le repoussa.
 + 
 +Moysan, qui avait reculé de quelques pas leva la main, et c'est alors que la femme Feunteun le frappa à la tête avec le dos du râteau dont elle était armée. Le coup fut si violemment asséné que Moysan tomba immédiatement à terre. Alors qu'il était dans cette position, la femme Feunteun lui porta encore trois ou quatre coups, notamment à l'épaule gauche ; Il se releva et lança contre elle deux pierres sans l'atteindre.
 + 
 +Il rentra chez lui et se coucha aussitôt, en se plaignant à son fils Laurent, d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée.
 + 
 +Il renouvela la même plainte à son beau-père Laurent Feunteun et à sa femme lorsqu'ils rentrèrent à la maison dans l'après-midi, et raconta à cette dernière que c'était bien avec le dos, non avec le manche du râteau que la femme Feunteun l'avait frappé.
 + 
 +À neuf ou dix heures du soir, Moysan se leva un instant, et, en se remettant au lit, fut pris de hoquet, sans pouvoir à partir de ce moment, articuler une parole.
 + 
 +Il expira le quinze à quatre heures moins le quart du matin.
 + 
 +Le docteur Collé, qui a procédé à l'examen et à l'autopsie du cadavre, a constaté que Moysan avait été atteint à la partie latérale gauche du crâne d'un coup porté par un instrument contondant ; que ce coup avait déterminé un enfoncement partiel des os du crâne, et qu'un des os ayant divisé une artère, l’hémorragie avait comprimé le cerveau et amené la mort.
 + 
 +Il a relevé en outre les traces de coups multiples portés avec un instrument contondant, sur l'épaule gauche, la droite, et le devant de la poitrine.
 + 
 +Moysan était un honnête cultivateur, père de six enfants en bas âge.
 + 
 +La femme Feunteun n'a pas d'antécédents judiciaires.
 + 
 +En conséquence Lozach, Marie-Jeanne, femme Feunteun est accusée : d'avoir, le treize novembre mil huit cent quatre-vingt sept, à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et faits des blessures au sieur René Moysan, lesquels coups ports et blessures faites sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.
 + 
 +Crime prévu et puni par l'article trois cents neuf du Code Pénal.
 + 
 +Au parquet de la cour, Rennes le 2 janvier 1888, le Procureur Général, (signature)
</spoiler> </spoiler>
 +{{FinCitation}}
 +
 +<big><b>01 fév 1888 - Ordonnance d'acquittement</b></big>
 +{{Citation}}
 +1er février 1888. Ordonnance d'acquittement en faveur de Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun
 +
 +Nous Saulnier, Conseiller à la Cour d'Appel de Rennes, Président de la Cour d'Assises du département du Finistère séant à Quimper pour le 1er trimestre de 1888.
 +
 +Vu la déclaration du jury de laquelle il résulte que la nommée Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, âgée de 43 ans, propriétaire-cultivatrice, née le 21 Novembre 1844 à Ergué-Gabéric, arrondissement de Quimper, y demeurant, fille de René et de Marie-Catherine Istin, ayant quatre enfants, non condamnée ;
 +
 +accusée d'avoir le treize novembre 1887 à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et fait des blessures au sieur René Moysan, lesquel coups portés et blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.
 +
 +N'est pas responsable du crime qui lui est reproché ;
 +
 +En vertu des pouvoirs qui nous sont confiés par l'article 358 du Code d'Instruction criminelle ;
 +
 +Déclarons Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, acquittée de l'accusation portée contre elle et ordonnons qu'elle soit mise en liberté sur le champ, si elle n'est retenue pour autre cause.
 +
 +Ainsi fait et ordonné en audience publique de la Cour d'assises du département du Finistère, au Palais de justice à Quimper, le premier février mil huit cent quatre-vingt huit, à quatre heures et demie du soir.
 +
 +Le Président des assises, (signature Saulnier). Par le Président, (signature)
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
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Image:AR-ADF-4U2~305-18871114-T1.jpg|14 nov - PV Gendarmerie Image:AR-ADF-4U2~305-18871114-T1.jpg|14 nov - PV Gendarmerie
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Version actuelle

Catégorie : Archives    
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
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§ E.D.F.
Un dossier complet sur une affaire de coups mortels portée en Cour d'assises : interrogatoires, auditions, dépositions, acte d'accusation, réquisitoires, délibérés, avis du jury, plaidoiries ...

Liasse de 29 documents conservée aux Archives départementales du Finistère sous la cote 4U2-305, découverte et communiquée par Pierrick Chuto [1]. Les arrêts d'acquittement et de dommages-intérêts sont classés par ailleurs en 4U1-73.

Autres lectures : « Acquittement suite aux coups mortels à Kerfréis, journaux locaux 1888 » ¤ « Un sorcier - Moeurs bretonnes - Ce que vaut une fille, Gazette des Tribunaux 1838 » ¤ « Vols d'habits chez René Riou à Tréodet, journaux locaux 1890-93 » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Il s'agit d'un dossier complet de prévention dont les pièces ont été entièrement retranscrites ci-après. Les rapports d'auditions, et de dépositions par les domestiques et membres de la famille, organisées sur place sur les lieux du crime de Kerfrez, « en l'endroit », donnent une sorte de reconstitution d'un huis-clos villageois du fin de 19e siècle. L'ambiance y est telle qu'on pourrait en tourner un téléfilm à la manière des romans policiers de Georges Simenon.

Cela commence chronologiquement par une scène digne de « La guerre des boutons » de Louis Pergaud, avec une bagarre d'enfants sur le chemin de retour de l'école : « j'ai entendu ma sœur qui venait également de l'école, qui me disait que Moysan voulait la frapper. J'ai couru après celui-ci et l'ai atteint au moment où il montait sur un talus pour rejoindre ma sœur. Je l'ai saisi par les effets et l'ai fait tomber à terre ... ».

S'ensuit la visite matinale dominicale du père René-Jean Moysan venant se plaindre auprès de sa voisine de Kerfrès, mère du sacripant et sa belle-sœur, et qui, chassé de la maison à coup de balai, revient et se fait de nouveau repousser par cette « femme Feunteun » par le moyen d'un râteau. Tout l'enjeu des premiers interrogatoires par les gendarmes est de savoir si les coups ont été portés par le manche en bois, le dos de la partie métallique ou carrément les piques de fer.

Le souci pour le juge d'instruction et les forces de l'ordre pour pouvoir appréhender les faits est d'interroger des témoins qui ne parlent que le breton ; pour ce faire un « interprète de la langue bretonne » les accompagne systématiquement, et le texte transcrit par le greffier conserve des bretonnismes ou expression orales autochtones.

Ainsi des insultes en breton par la victime des coups à l'encontre de l'inculpée sont évoquées de façon lapidaire : « mon beau frère Moysan est venu dans ma maison m'insulter, me traitant de P. et de G. ». Et un peu plus loin dans la déposition : « il est revenu sur le seuil de ma porte, m'insultant encore de (Pot Lourd) en français Lourdeau ». Les initiales P. et G. pourraient signifier en français Putain et Garce, mais en breton le mot « Gast » recouvre en principe la double connotation. La précision « (Pot Lourd) », quant à elle, est sans doute la déformation de « Paotrez lourd », où la féminisation de Paotr signifiant gars est insultante, et l'expression entière veut tout simplement dire Grosse Garce.

D'autres scènes sont marquantes dans les témoignages : le cidre doux demandé par la victime à sa femme « pour le faire vomir pensant qu'il irait mieux », l'autopsie organisée sur le lieu de décès à Kerfrez entraînant l’enlèvement du cadavre enlevé du lit clos pour raison d'insuffisance d'éclairage et d'espace.

 

Bien qu'accusée de coups mortels, l'inculpée bénéficie d'un acquittement par le jury qui répond négativement aux deux questions posées :

  • « est-elle coupable d'avoir volontairement porté des coups et fait des blessures ? »
  • « ces coups portés et ces blessures faites volontairement ont-ils occasionné la mort de la victime ? »

Le jury a certainement considéré qu'elle s'est défendue contre un agresseur, et qu'il y avait un doute quant à l'explication du médecin de la mort survenue 36 heures par hémorragie cérébrale. En tout état de cause, la personnalité de la femme Feunteun est clivante : d'un côté elle est qualifiée de « caractère vif et emporté », et de l'autre elle sait le français (elle n'a pas recours à l'interprète lors de ses interrogatoires), elle signe ses dépositions, elle est « cultivatrice » et non « ménagère », elle fait preuve d'une certaine mansuétude vis-à-vis de son agresseur. Son mari Alain Feunteun semble tenir un rôle secondaire dans l'exploitation familiale, il n'intervient qu'à la fin du procès comme proposant à titre solidaire de son épouse une rente à vie à la veuve de René-Jean Moysan.

Ce dernier, par ailleurs, bien qu'« honnête cultivateur », est enclin à la boisson, cherche querelles quand il est ivre, a un casier judiciaire pour avoir écopé de 8 jours de prison pour « Coups et blessures volontaires », s'est fait congédier de son emploi de domestique ...

Les journaux se sont étonnés à la lecture du verdict d'acquittement, ont mis cela sur le compte de la plaidoirie de l'avocat Chamaillard au nom prédestiné, mais la vérité est sans doute plus prosaïquement autour de circonstances où une femme a dû se défendre contre les agressions répétées d'un beau-frère éméché et querelleur.


[modifier] 2 Transcriptions

Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher

14 nov 1887 - PV Gendarmerie

11e Légion. Compagnie de Quimper. Brigade de Quimper. Du 14 novembre 1887.

Procès-verbal constatant l'arrestation en flagrant délit de Mme Lozach Marie-Jeanne, 42 ans, propriétaire, née à Ergué-Gabéric Finistère. 1ère expédition.

Moysan René, agé de 40 ans, journalier au village de Kerfréis. (signature J. Doré)

Vu, transmis par le commandant des brigades à M. le Procureur de la République. Quimper, le 15 novembre 1887.

Gendarmerie nationale

Ce jourd'hui quatorze Novembre mil huit cent quatre-vingt sept à trois heures du soir.

Nous soussignés Doré Joseph-Marie et Mescam Joseph-Marie, gendarmes à pied à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtus de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs.

Rapportons qu'étant à notre caserne, avons été informés par Mr le docteur Gisso, docteur à Quimper, qu'un cultivateur de la commune d'Ergué-Gabéric Mr Moysan, demeurant au village de Kerfréis, après duquel il avait été appellé, était mortellement blessé, et, que les coups lui avaient été portés par la femme Feunteun, demeurant au même lieu.

Nous nous sommes immédiatement transportés au logis de la victime, où son beau-père Mr Feunteun Laurent, 74 ans, nous a faits connaître qu'hier, vers 9 heures en rentrant du bourg d'Ergué-Gabéric, il avait trouvé son gendre (*) au lit et que ce dernier lui avait déclaré avoir été battu par la femme Feunteun, sa voisine et belle-sœur. Ce vieillard a ajouté que Moysan, son gendre, n'avait prononcé aucune parole depuis 10 heures hier soir. Ce matin, en présence ce ces complications, il avait mandé un médecin de Quimper qui, après examen, avait déclaré que Moysan avait été mortellement frappé.

§ Feunteun Marie-Jeanne, ...

15 nov 1887 - Réquisitoire introductif

Cour d'appel de Rennes. Tribunal de première instance de Quimper. Parquet.

Réquisition introductif.

Nous, Procureur de la République à Quimper. Vu le procès-verbal de la gendarmerie de Quimper, en date du 14 novembre 1887. Inculpons la nommée Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, cultivatrice, née et demeurant à Ergué Gabéric de coups mortels, faits prévus par l'article 309 du code pénal ;

Requérons qu'il plaise à M. le Juge d'Instruction procéder à une information et délivrer mandat de dépôt.

Fait au Parquet, à Quimper, le 15 novembre 1887. Le Procureur de la République. (signature).

16 nov 1887 - Déposition Hervé Narvor

Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Narvor, Hervé, domestique à Kerfrez en Ergué-Gabéric.

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le seize novembre. Devant Nus, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Poussin Commis-Greffier et du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Narvor Hervé, âgé de 24 ans domestique deumeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ Dimanche, 13 courant, dans la matinée ...

16 nov 1887 - Déposition Laurent Feunteun

Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Feunteun Laurent.

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le seize novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Poussin Commis-Greffier et du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun Laurent, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ Dimanche dernier 13 novembre ...

16 nov 1887 - Interrogatoire Marie-Jeanne Lozach

Du 16 novembre 1887. Tribunal de Quimper. Interrogatoire de Lozach Marie, femme Feunteun, inculpé de coups mortels (... à Kerfres en Ergué-Gabéric).

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le seize novembre 4 H. Devant Nous Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper, assisté de Mr Le Poussin Cn, Greffier.

A comparu la dénommée ci-après, inculpée de coups mortels et à l'interrogatoire de laquelle nous avons procédé comme suit par l'organe du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la Langue Bretonne, qui a prêté le serment prévu par la loi.

D. - Quels sont vos nom, prénoms, âge, profession, lieu de naissance et de domicile ? À quelle classe appartenez-vous ? Dans quel canton avez-vous tiré au sort ? Quel numéro avez-vous obtenu ? Etes-vous marié ou célibataire ? Savez-vous lire et écrire ? Possédez-vous quelques biens ? Avez-vous déjà été condamné ?

§ Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun ...

16 nov 1887 - Rapport juge

Cour d'appel de Rennes. Tribunal de première instance de Quimper. Cabinet du Juge d'Instruction.

L'an 1887. Le 16 novembre.

Nous J. Leray, juge faisant fonction de Juge d'Instruction en remplacement du titulaire empêché.

Accompagné de M. Patuet juge suppléant, remplaçant M. le Procureur de la République et de M. le docteur Collé, et assisté de M. Poussin commis greffier et de M. Guillerme, interprète de la langue bretonne.

Vu la réquisition de M. le Procureur de la République en date du 15 novembre 1887.

Nous sommes transporté au village de Kerfreis en Ergué Gabéric, et nous sommes fait conduire à la maison où est décédé le sieur Moysan René. Le cadavre était couché dans un lit clos, mais l'insuffisance d'éclairage et d'espace ne permettant pas de procéder en cet endroit aux opérations nécessaires, nous l'avons fait transporter dans un édifice contigu. En cet endroit l'inculpée a été confrontée avec la victime qu'elle a déclaré reconnaître.

Puis le cadavre ayant été dépouillé de ses vêtements nous l'avons minutieusement examiné avec l'assistance du médecin et n'avons constaté d'autres traces extérieures de violences qu'une très petite éraflure en avant de l'oreille gauche et une forte contusion à l'épaule gauche.

Nous avons alors reçu le serment de M. le Docteur Collé et l'avons requis de procéder à la visite et à l'autopsie.

Puis nous avons visité le théâtre des faits, entendu deux témoins et interrogée l'inculpée contre laquelle nous avons décerné mandat de dépôt.

L'autopsie terminée M. le substitut du Procureur a délivré un permis d'inhumer.

De tout ce que dessus, nous avons dressé le présent procès-verbal que nous avons signé avec M. le substitut et le commis-greffier. (trois signatures)

21 nov 1887 - Casier Marie-Jeanne Lozach

Extrait de casier du tribunal de Quimper (Finistère).

Relevé des Bulletins individuels de condamnations alphabétiquement classés au casier judiciaire. Concernant la nommé Lozach Marie Jeanne, né à Ergué Gabéric le 20 novembre 1844, âgé de 43 ans, fille de René et de Marie Catherine Istin, 4 enfants, Profession de propriétaire-cultivatrice.

Néant.

Vu au parquet par le Procureur de la République (signature). Certifié conforme par le Greffier soussigné. Quimper, le 21 novembre 1887. (signature)

28 nov 1887 - Casier René-Jean Moysan

Extrait de casier du tribunal de Quimper (Finistère).

Relevé des Bulletins individuels de condamnations alphabétiquement classés au casier judiciaire. Concernant le nommé Moysan René-Jean, né à Ergué Gabéric le 3 octobre 1847, âgé de 40 ans, fille de Hervé et de Marie Françoise Poher.

19 juillet 1877. Quimper. Coups et blessures volontaires. 8 jours de prison

Vu au parquet par le Procureur de la République (signature). Certifié conforme par le Greffier soussigné. Quimper, le 28 novembre 1887. (signature)

28 nov 1887 - Déposition Pierre Coathalem

Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Coathalem, Pierre, 14 ans, domestique à Kerfez, Ergué Gabéric

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt-huit novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 22 novembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Coathalem, Pierre, domestique de l'inculpée, âgé de 14 ans domestique demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, ne lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ Le treize novembre, vers les dix heures du matin ...

28 nov 1887 - Déposition Hervé Narvor

Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Narvor, Hervé, 24 ans, domestique à Kerfez, Ergué Gabéric

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt-huit novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 22 novembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Narvor, Hervé, déjà entendu, âgé de 24 ans domestique demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ Je persiste dans la déclaration ...

28 nov 1887 - Déposition Laurent Feunteun

Du 28 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Feunteun Laurent, 75 ans, cultivateur à Kerfez, Ergué Gabéric

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt-huit novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 22 novembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun, Laurent, beau-père de l'inculpée, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ Je n'ai que peu de choses à ajouter ...

29 nov 1887 - PV Gendarmerie

11e Légion. Compagnie de Quimper. Brigade de Quimper. Du 29 novembre 1887.

Procès-verbal constatant Des renseignements demandés par M. le Juge d'instruction à Quimper sur des coups mortels (voir procès verbal n° 556 des brigades de Quimper)

Vu, transmis par le commandant de l'arrondissement à M. le Procureur de la République. Quimper, le 30 novembre 1887.

Gendarmerie nationale.

Ce jourd'hui vingt neuf Novembre mil huit cent quatre-vingt sept à neuf heures du matin.

Nous soussignés Mescam (Joseph-Marie) et Pavaux Alfred, gendarmes à pied à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtus de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs.

Rapportons qu'agissant en vertu d'une lettre de M. je Juge d'Instruction à Quimper, en date du 28 courant, [...] transmise par nos chefs nous [...] d'interroger la nommée Marie Jeanne Feunteun au sujet des coups que son mari aurait été victime le 13 courant, fait constaté par procès verbal n° 556 des brigades de Quimper en date 14 courant.

À cet effet nous nous sommes rendus au village de Kerfrès où la nommée Marie Jean Feunteun âgée de 30 ans, veuve Moysan, nous a déclaré ce qui suit :

§ « Le dimanche 13 du courant, ...

30 nov 1887 - Rapport d'autopsie

Rapport sur la visite du cadavre du sieur Moysan René et sur l'autopsie

Je soussigné docteur en médecine, ___________, demeurant à Quimper à la requête de Monsieur Leray [...] de juge d'Instruction, et serment préalablement porté entre les mains de ce magistrat, me suis transporté le 18 novembre 1887 au leu dit Kerfreis en la commune d'Ergué-Gabéric, à l'effet d'y visiter un cadavre qu'on m'a dit être celui du sieur Moysan René, et d'en faire l'autopsie.

Levée du Cadavre. Le corps est celui d'un homme d'une quarantaine d'années, assez bien constitué. La putréfaction n'est pas commencée.

L'examen extérieur relève les particularités suivantes :

Sur la Face, en avant de l'oreille gauche une écorchure de 2 centimètres de longueur dans le sens vertical, paraissant avoir été faite à l'aide d'une pointe [...].

Sur le Crâne, un léger empâtement des tissus au niveau de la fosse temporale gauche, mais aucune ecchymose ni fracture apparente.

Sur le Thorax à gauche du sternum et quelques centimètres au-dessous de la clavicule, on trouve une légère ecchymose.

Le moignon de l'épaule gauche est considérablement tuméfié, il est le siège d'un vaste épanchement séro-sanguin sous cutané. Tout l'ecchymose très foncée descend assez bas dans le creux axillaire et s'étend sur une grande partie du dos.

Sur l'épaule droite on remarque également une ecchymose, mais beaucoup plus petite que celle qui se trouve sur l'épaule gauche.

Autopsie. - Ouverture du crâne. Après avoir [...] le cuir chevelu nous aperçûmes un épanchement de sang sous [...] temporale gauche. Cette membrane incisée nous permet de constater que les fibres du muscle temporal s'étaient dissociées par un épanchement de sang à demi coagulé. La recherche du vaisseau rompu nous avons sur une fissure existant à l'angle postérieur de l'os temporal. Divisant aussitôt la calotte crânienne, d'un trait de scie, nous nous trouvâmes en présence d'un caillot volumineux (2 [...] environ) de consistance gélatineuse, occupant la partie gauche de la loge crânienne entre les méninges et les os. L'inspection minutieuse de la [...] de l'os temporal gauche nous fit découvrir une [...] de 1 centimètre carré 1/2 environ, assez irrégulière. Dans ses contours ...

Conclusions

§ 1°/ Le sieur Moysan a été atteint ...

12 déc 1887 - Déposition Laurent Moysan

Du 12 décembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Moysan Laurent, neuf ans, à Kerfez en Ergué Gabéric

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le douze décembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 6 décembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Moysan, Laurent, neveu de l'inculpée, âgé de 9 ans sans profession demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ [ Le témoin dépose sans prêter serment ...

 

12 déc 1887 - Déposition Laurent Feunteun

Du 12 décembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Feunteun Laurent, 75 ans, déjà entendu

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le douze décembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier.

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 6 décembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun, Laurent, beau-père de l'inculpée, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ D. - Est-ce que l'inculpé ne devait pas ...

15 déc 1887 - Déposition Marie-Jeanne Feunteun

Du 15 décembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.

Déposition de Marie-Jeanne Feunteun, veuve Moysan, 30 ans

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le quinze décembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi, étant au lieu de Kerfrez où se trouve alité le témoin ci-après.

A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun, Marie Jeanne, belle-sœur de l'inculpée, âgé de 30 ans ménagère demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :

§ Le treize novembre dernier, vers les neuf heures ...

20 déc 1887 - Interrogatoire Marie-Jeanne Feunteun

Du 20 décembre 1887. Tribunal de Quimper. Interrogatoire de Lozach Marie, femme Feunteun, inculpé de coups mortels

L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt décembre. Devant Nous Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper, assisté de Mr Le Poussin Cn, Greffier.

A comparu la dénommée ci-après, inculpée de coups mortels et à l'interrogatoire de laquelle nous avons procédé comme suit par l'organe du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la Langue Bretonne, qui a prêté le serment prévu par la loi.

D. - Quels sont vos nom, prénoms, âge, profession, lieu de naissance et de domicile ? À quelle classe appartenez-vous ? Dans quel canton avez-vous tiré au sort ? Quel numéro avez-vous obtenu ? Etes-vous marié ou célibataire ? Savez-vous lire et écrire ? Possédez-vous quelques biens ? Avez-vous déjà été condamné ?

§ Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, déjà interrogée ...

23 déc 1887 - Ordonnance

Tribunal de première instance de Quimper. Cabinet du Juge d'Instruction.

Ordonnance

Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper.

Vu la procédure introduite contre Lozach Marie-Jeanne femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née et demeurant à Ergué-Gabéric, inculpée de coups mortels. Détenue.

Ensemble le réquisitoire ci-contre ;

Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes

§ D'avoir, le treize novembre 1887 ...

23 déc 1887 - Réquisitoire définitif

Tribunal de première instance de Quimper. Parquet du Procureur de la République.

Réquisition définitif.

Nous, Procureur de la République à Quimper. Vu la procédure instruite contre la nommée Lozach, Marie-Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née à Ergué-Gabéric, y domiciliée. Inculpée de coups mortels. Dtenue.

Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes

§ d'avoir, le treize novembre 1887 ...

24 déc 1887 - Avis à prévenu

Parquet du Procureur de la République.

Avis à un ou plusieurs détenus de leur renvoi devant la Chambre des Mises en accusation.

Nous, Procureur de la République près le tribunal de l'arrondissement de Quimper. Requérons le Gardien chef de la Maison d'arrêt de Quimper de donner avis à

§ la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...

29 déc 1887 - Minutes du Greffe

Chambre des mises en accusation. 29 décembre 1887. Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun, Coups suivis de mort. Quimper.

Extrait des Minutes du Greffe de la Cour d'Appel de Rennes. République française. Au nom du Peuple français,

La Cour d'Appel de Rennes, Chambre des mises en accusation, a rendu le vingt-neuf Décembre mil huit cent quatre-vingt sept l'arrêt suivant :

La Cour, réunie en la Chambre du Conseil, Monsieur Denier, Substitut du Procureur général, a fait le rapport d'une procédure criminelle instruite au Tribunal de Quimper

§ Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...

29 déc 1887 - Mise en accusation

Le treize novembre mil huit cent quatre-vingt sept, René Lozach, cultivateur à Ergué-Gabéric, eût, avec sa belle-sœur, Marie Jeanne Lozach, une discussion à la suite de laquelle il reçut, à la poitrine, un coup de balai. Une heure après, environ, une querelle s'engagea de nouveau. Marie Lozach saisit un râteau et frappa Moysan à la poitrine avec le bout du manche ; celui-ci leva la main. À ce moment Marie Lozach lui asséna, sur la tête, avec le dos du râteau, un coup si violent qu'il tomba ; elle continua à le frapper, à terre, de plusieurs coups. Moysan, en rentrant chez lui, se plaignit à sa famille d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée ; il il perdit, dès le soir même, l'usage de la parole et mourut dans la matinée du quinze novembre.

§ L'autopsie a démontré ...

2 janvier 1888 - Acte d'accusation

Cour d'appel de Rennes. Parquet du procureur général.

Acte d'accusation.

Le Procureur Général près la Cour d'Appel de Rennes expose que, par arrêt du 29 décembre 1887, la Cour a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la Cour d'Assises du département du Finistère pour y être jugé suivant la loi, de la nommée Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun.

Déclare le Procureur Général que des pièces de la procédure et de l'Instruction résultent les faits suivants :

§ Le Dimanche 13 novembre dernier ...

01 fév 1888 - Ordonnance d'acquittement

1er février 1888. Ordonnance d'acquittement en faveur de Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun

Nous Saulnier, Conseiller à la Cour d'Appel de Rennes, Président de la Cour d'Assises du département du Finistère séant à Quimper pour le 1er trimestre de 1888.

Vu la déclaration du jury de laquelle il résulte que la nommée Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, âgée de 43 ans, propriétaire-cultivatrice, née le 21 Novembre 1844 à Ergué-Gabéric, arrondissement de Quimper, y demeurant, fille de René et de Marie-Catherine Istin, ayant quatre enfants, non condamnée ;

accusée d'avoir le treize novembre 1887 à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et fait des blessures au sieur René Moysan, lesquel coups portés et blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.

N'est pas responsable du crime qui lui est reproché ;

En vertu des pouvoirs qui nous sont confiés par l'article 358 du Code d'Instruction criminelle ;

Déclarons Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, acquittée de l'accusation portée contre elle et ordonnons qu'elle soit mise en liberté sur le champ, si elle n'est retenue pour autre cause.

Ainsi fait et ordonné en audience publique de la Cour d'assises du département du Finistère, au Palais de justice à Quimper, le premier février mil huit cent quatre-vingt huit, à quatre heures et demie du soir.

Le Président des assises, (signature Saulnier). Par le Président, (signature)

01 fév 1888 - Délibéré

La Cour après avoir entendu l'avoué et l'avocat de la partie civile dans leurs conclusions et plaidoiries, la femme Feunteun et le sieur Feunteun, son mari, et leur avocat Me de Chamaillard dans leurs observations, conclusions et plaidoiries,
ouï M. le Procureur de la République dans ses conclusions et après avoir délibéré conformément à la loi

attendu qu'il n'est pas dénié par la défendeuse que sa responsabilité civile est engagée par le fait qui a entraîné la comparution devant la cour d'assises ; que malgré le verdict négatif dont elle a bénéficié, il est établi et avoué que la mort de sieur Moysan est due à une faute de la femme Feunteun ; que s'il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles s'est produite cette faute, il y a lieu aussi de proportionner les dommages intérêts aux besoins du demandeur ;

attendu que les offres faites par Feunteun et sa femme sont repoussés par la veuve Moysan au nom qu'elle agit ; qu'elles sont en réalité insuffisantes eu égard aux ressources de la défendeuse ainsi qu'aux charges de la demandeuse et des besoins auxquels elle a à pourvoir seule par suite du décès de son marie ; qu'il y a donc lieu d'allouer une somme fixe pour réparer le préjudice dont la femme Feunteun reconnaît être l'auteur ; que la Cour a les éléments suffisant pour arbitrer ce qu'elle doit de ce chef ;

par ces motifs, dit qu'il y a lieu de donner acte au sieur Feunteun de ses offres lesquelles sont déclarées insuffisantes ; condamne la femme Feunteun née Lozach à payer à la veuve Moysan tant en son nom qu'à qualité la somme de trois mille francs ; dit qu'elle sera tenue à titre de supplément de dommages intérêts, des intérêts de la dite somme de 3000 f. au taux légal et ce depuis le jour de la demande, la condamne en outre aux dépens faits par la partie civile, liquidés à ... non compris le coût retrait et notification du présent, dont distraction à Me Le Scour.

1er fév 1888 - Conclusion de Chamaillard au civil

Maître de Chamaillard conclut pour
1° La femme Feunteun, née Lozach
2° Le sieur Feunteun, comparait volontairement devant la cour d'assises du Finistère pour assister sa femme et au besoin s'engager personnellement

contre la veuve Moysan, agissant tant en privé que comme tutrice de ses enfants mineurs.

Il plaira à la cour décerner acte à Feunteun de ce que, par esprit de conciliation et bien qu'il en soit en rien tenu des conséquences civiles de l'acte commis par sa femme, il offre solidairement avec sa femme une pension de 150 francs par an dont 50 fr seront attribués à la veuve Moysan pendant toute sa vie, et cent francs seront affectés aux enfants mineurs jusqu'à l'âge de 16 ans ; cette rente se réduisant proportionnellement au fur et à mesure qu'un des enfants atteindra cet âge, ou viendrait à décéder.

Dire ces offres suffisantes et libératoires. Mais pour le cas où elles ne seraient pas acceptées, ni déclarées suffisantes par la cour,

Décerner acte à Feunteun de ce qu'il entend ne prend en aucun cas engagement soit en son nom personnel, soit comme chef de la communauté.

Sauf à la veuve Moysan à se pourvoir comme elle l'entend, l'exécution des condamnations qu'elle obtiendrait contre la femme Feunteun par dépens de l'incident seulement pas la femme Feunteun.


Maître de Chamaillard, avocat de la femme Feunteun. A l'honneur de conclure. Plaise à la cour.

Tarder à statuer sur la demande de la partie civile, commettre un juge pour au besoin entendre les parties, prendre connaissance des pièces et faire son rapport à l'audience, conformément à l'article 358 du C.I.C.

(signature de Chamaillard). Quimper, 1er février 1888

1er fév 1888 - Conclusion Le Scour au civil

Me Paul Le Scour, avoué près le Tribunal Civil de Quimper, a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour des assises du Finistère :

Décernant acte à dame Marie-Jeanne Le Feunteun, veuve du sieur René Moysan, agissant tant en privé que comme tutrice légale de Marie-Jeanne, René, Laurent, Alain, Marie-Françoise et Pierre-Marie Moysan, de ce qu'elle se porte partie civile sans l'instance pendante dirigée contre Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun (Alain).

Et attendu qu'il résulte tant des témoignages que des débats que la dite femme Feunteun a porté au sieur René Moysan des coups qui, suivant les déclarations de l'homme de l'art, ont déterminé la mort, sans intention de la donner ;

Attendu la perte du père de famille et de l'époux a causé aux concluants un dommage considérable ;

Par ces motifs, plaise à la Cour condamner Marie-Jeanne Lozach, femme Alain Feunteun à six mille francs de dommages-intérêts, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sous toutes réserves, [...] de nouvelles conclusions. Quimper le 1er février 1888. (signature Paul Le Scour)


Me Le Scour, avoué de la veuve Moysan, en privé et es qualité, a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour :

Dire et juger qu'il n'y a eu en tous cas, dans les faits acquis aux débats une faute civile aux termes de l'article 1382 du Code civil ; et attendu que par cette faute, Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, a porté à la concluante, en privé et es qualité, un préjudice dont il lui est dû réparation ;

Par ces motifs, allouer le bénéfice des précédents conclusions. Par dépens. Quimper le 1er février 1888, (signature Paul Le Scour)

1er fév 1888 - Réponses jury

Cour d'appel de Rennes. Cour d'assises du département du Finistère. Audience du 8 février 1888.

Déclaration du jury dan le procès criminel instruit contre la femme Feunteun née Lozach

Questions. Fait principal.

Marie Jeanne Lozach, femme Feunteun, est-elle coupable d'avoir, dans la commune d'Ergué-Gabéric, au mois de novembre 1887, volontairement porté des coups et fait des blessures à René Jean Moysan ?

Réponse : non

Circonstance aggravante. Ces coups portés et ces blessures faites volontairement, sans intention de donner la mort à René Jean Moysan, l'ont-ils pourtant occasionnée ?

réponse : non

Quimper le 1er février 1888, le Président des Assises, (signature Saulniere)

Quimper, le 1er février 1888, le chef du jury, (trois signatures)

9 fév 1888 - Indemnités Le Scour

Me Le Scour, avoué de la veuve Moysan, en privé et es qualité, a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour :

Condamner la femme Alain Feunteun, aux intérêts légaux sur la somme allouée à titre de dommages-intérêts par [...]

Quimper le 9 février 1888, (signature Paul Le Scour)

note : Article à date du jour de la demande.

9 fév 1888 - Condamnation civile

MMM Saulnier, président ; Pavec, Frayonnière, Le Bourdellès, Le Poussin. Le Bloch, interprète sermenté.

Cour d'aqqises du Finistère. Audience du 9 février 1888.

Lozach Marie femme Feunteun, présente, assisté de son mari qui l'autorise.

Me Le Scour donne lecture de ses dernières conclusions, qu'il dépose.

Me de Chamaillard donne lecture de ses conclusions qu'il dépose,

Mr Le Bail, avocat du demandeur développe ses conclusions.

Me de Chamaillard développe ses conclusions.

Me Le Bourdellès, substitut déclare se rapporter à la sagesse de la cour.

La cour en délibère. Après délibéré, attendu, etc ... condamne la femme Feunteun à payer la somme de 3000 fr, et aux dommages-intérêts, à partir du jour. Des [...] au profit de Me Le Scour, avocat.


[modifier] 3 Originaux

Lieu de conservation : Archives Départementales du Finistère.

Série : 4 U, Cour d'assises. (an IX-1944)

Cote : 4U2-305

 

Droit d'image : Protégé.

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Lieu de conservation : Archives Départementales du Finistère.

Série : 4 U, Cour d'assises. (an IX-1944)

Cote : 4U1-73

 

Droit d'image : Protégé.

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[modifier] 4 Annotations

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  1. Information et document communiqués par Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et du Pays bigouden : § [ses publications] . La dernière parution est « Bien-aimée Marie-Anne avec de belles lettres d'amour de son arrière-grand-père à sa promise. [Ref.↑]


Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric.

Date de création : Août 2020    Dernière modification : 22.08.2020    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]