1850-1851 - Enquête sur la marche de l'épidémie variolique
Un article de GrandTerrier.
Version du 19 décembre ~ kerzu 2020 à 14:17 (modifier) GdTerrier (Discuter | contributions) ← Différence précédente |
Version du 19 décembre ~ kerzu 2020 à 15:02 (modifier) (undo) GdTerrier (Discuter | contributions) Différence suivante → |
||
Ligne 16: | Ligne 16: | ||
La variole du latin "<i>variola</i>" qui signifie « <i>petite pustule</i> » est une maladie infectieuse d'origine virale, très contagieuse et épidémique, et très ancienne. En Bretagne elle n'est éradiquée qu'en 1955 (dernière épidémie à Vannes), mais c'est au XIXe siècle qu'elle a le plus frappé et que les campagnes vaccinales ont commencé. | La variole du latin "<i>variola</i>" qui signifie « <i>petite pustule</i> » est une maladie infectieuse d'origine virale, très contagieuse et épidémique, et très ancienne. En Bretagne elle n'est éradiquée qu'en 1955 (dernière épidémie à Vannes), mais c'est au XIXe siècle qu'elle a le plus frappé et que les campagnes vaccinales ont commencé. | ||
- | Le vaccin antivariolique découvert par l'anglais Edward Jenner n'est introduit en France qu'à partir de 1820. Et en 1851 le Comité départemental d'hygiène du Finistère organise auprès des médecins une enquête sur l'évolution de l'épidémie et de son traitement à Quimper et dans les communes avoisinantes. | + | [[Image:AR-AD29-5M47-1small.jpg|160px|left]]Le vaccin antivariolique découvert par l'anglais Edward Jenner n'est introduit en France qu'à partir de 1820. Et en 1851 le Comité départemental d'hygiène du Finistère organise auprès des médecins une « <i>enquête sur la marche de l'épidémie variolique</i> » et de son traitement à Quimper et dans les communes avoisinantes. |
- | Pour Ergué-Gabéric le maire Pierre Nédélec, cultivateur à Kergoant, est invité à répondre au questionnaire. A priori il est bien initié à la pratique médicale, car, avec sa fille, il a une longue pratique de soins aux animaux et aux personnes atteintes de la rage ou d'hydrophobie, et en 1877 il est même inculpé pour exercice illégal de la médecine. | + | Pour Ergué-Gabéric le maire Pierre Nédélec, cultivateur à Kergoant, est invité à répondre à ce questionnaire. A priori il est bien initié à la pratique médicale, car, avec sa fille, il a une longue pratique de soins aux animaux et aux personnes atteintes de la rage ou d'hydrophobie, et en 1877 il est même inculpé pour exercice illégal de la médecine. |
- | Il donne tout d'abord les chiffres bruts de contamination sur le territoire gabéricois : « <i>Il n'y a eu aucun cas en 1850. Il y en a eu 14 du 1er janvier 1851 jusqu'au 27 avril 1851. Sur les 14 personnes atteintes, neuf sont décédées. Toutes les victimes avaient plus de 20 ans, l'une d'elles avait 56 ans. La période où il y a eu plus de malades est celle des hommes de 20 à 25 ans.</i> ». | + | Il donne tout d'abord les chiffres bruts de contamination sur le territoire gabéricois : « <i>Il n'y a eu aucun cas en 1850. Il y en a eu 14 du 1er janvier 1851 jusqu'au 27 avril 1851. Sur les 14 personnes atteintes, neuf sont décédées. Toutes les victimes avaient plus de 20 ans, l'une d'elles avait 56 ans. La période où il y a eu plus de malades est celle des hommes de 20 à 25 ans.</i> » |
Les questions abordent le sujet des effets des vaccins : « <i>La maladie a atteint plusieurs enfants qui avaient été vaccinés depuis moins de 10 à 12 ans.</i> ». Qu'il nuance par « <i>Les enfants vaccinés ont moins souffert et la maladie était moins grave. Dans un village il y avait 4 enfants dont 3 avaient été vaccinés, il n'y a eu d'atteint de la petite vérole que celui qui n'avait pas été vacciné.</i> ». Et le médecin Jean Natten (si l'on lit bien sa signature en bas de son témoignage) confirme les faits : « <i>À Ergué-Gabéric j'ai observé six enfants inoculés et quatre ont une variole confluente.</i> ». | Les questions abordent le sujet des effets des vaccins : « <i>La maladie a atteint plusieurs enfants qui avaient été vaccinés depuis moins de 10 à 12 ans.</i> ». Qu'il nuance par « <i>Les enfants vaccinés ont moins souffert et la maladie était moins grave. Dans un village il y avait 4 enfants dont 3 avaient été vaccinés, il n'y a eu d'atteint de la petite vérole que celui qui n'avait pas été vacciné.</i> ». Et le médecin Jean Natten (si l'on lit bien sa signature en bas de son témoignage) confirme les faits : « <i>À Ergué-Gabéric j'ai observé six enfants inoculés et quatre ont une variole confluente.</i> ». | ||
À noter que la formule "petite vérole" est l'expression populaire désignant la variole. Et, dans le cas d'une variole dite confluente, les pustules sur forment une plaque uniforme sur le visage ou le corps. | À noter que la formule "petite vérole" est l'expression populaire désignant la variole. Et, dans le cas d'une variole dite confluente, les pustules sur forment une plaque uniforme sur le visage ou le corps. | ||
- | |||
- | L'épidémie variolique touche les enfants, mais aussi les « <i>vieilards</i> », ou du moins à un âge où l'on était vieux après 50 ans : « <i>Il est mort une femme âgée de 56 ans, et un homme âgé de 54 ans [...]. Un habitant de ma commune, qui avait eu la petite vérole à l'âge de 14 ans, en a été atteint de nouveau au mois de février 1851 ; il est âgé de 54 ans. Il a été très gravement malade mais il est bien actuellement</i> ». | ||
|width=4% valign=top {{jtfy}}| | |width=4% valign=top {{jtfy}}| | ||
|width=48% valign=top {{jtfy}}| | |width=48% valign=top {{jtfy}}| | ||
+ | L'épidémie variolique touche les enfants, mais aussi les « <i>vieilards</i> », ou du moins à un âge où l'on était vieux après 50 ans : « <i>Il est mort une femme âgée de 56 ans, et un homme âgé de 54 ans [...]. Un habitant de ma commune, qui avait eu la petite vérole à l'âge de 14 ans, en a été atteint de nouveau au mois de février 1851 ; il est âgé de 54 ans. Il a été très gravement malade mais il est bien actuellement</i> ». | ||
+ | |||
[[Image:EGCourbeMortalité1830-55.jpg|400px|center]] | [[Image:EGCourbeMortalité1830-55.jpg|400px|center]] | ||
- | La mortalité due à la variole, d'après Pierre Nédélec, est nulle pour l'année 1850, et de 9 décès constatés pour les 4 premiers mois de 1851 (ce qui ferait plus de 25 pour l'année entière). Si l'on se réfère à la mortalité annuelle globale d'Ergué-Gabéric, elle est quand même à peine supérieure à une moyenne pondérée de 50 décès toutes causes confondues. | + | La mortalité due à la variole, d'après Pierre Nédélec, est nulle pour l'année 1850, et de 9 décès constatés pour les 4 premiers mois de 1851 (ce qui ferait plus de 25 pour l'année entière). Si l'on se réfère à la mortalité annuelle globale d'Ergué-Gabéric, elle est quand même à peine supérieure à une moyenne pondérée de 50 décès toutes causes confondues, ce qui laisserait à penser qu'on est pas en situation pandémique. |
- | La mortalité variolique a-t-elle été plus importante en 1849 ? Il est difficile d'en être certain, car, malgré le fait que la mortalité est double cette année-là, c'est l'année funeste d'une autre pandémie, le choléra ... | + | Ergué-Gabéric connaitra une vague importante de variole en 1881 avec une surmortalité annuelle globale de 200%) , et fera l'objet cette fois d'une campagne vaccinale efficace, pour enfin disparaître de nos campagnes. |
- | Ergué-Gabéric connaitra une autre vague pandémique importante de variole en 1881 (surmortalité annuelle globale > 200%) , et fera l'objet cette fois d'une campagne vaccinale efficace, pour enfin disparaître de nos campagnes. | + | La mortalité variolique a-t-elle été importante en 1849 ? Il est difficile d'en être certain, car, malgré le fait que la mortalité est double cette année-là, c'est l'année funeste d'une autre pandémie, le choléra ... |
|} | |} | ||
Version du 19 décembre ~ kerzu 2020 à 15:02
|
La réponse au questionnaire du Comité départemental d'hygiène du Finistère par le maire d'Ergué-Gabéric et un médecin, avec des interrogations sur l'efficacité des inoculations vaccinales. Dossier conservé aux Archives Départementales du Finistère sous la cote 5 M 47 : grand merci à Pierrick Chuto Autres lectures : « 1881,1888 - Épidémies de varioles en délibérations municipales et dans les journaux » ¤ « Pierre Nédélec, maire (1846-1855) » ¤ « 1877 - Pierre Nédélec, guérisseur de la rage, condamné pour exercice illégal de la médecine » ¤ « LE DOUGET Annick - Guérisseurs et sorciers bretons, 1800-1950 » ¤ |
Présentation
La variole du latin "variola" qui signifie « petite pustule » est une maladie infectieuse d'origine virale, très contagieuse et épidémique, et très ancienne. En Bretagne elle n'est éradiquée qu'en 1955 (dernière épidémie à Vannes), mais c'est au XIXe siècle qu'elle a le plus frappé et que les campagnes vaccinales ont commencé. Le vaccin antivariolique découvert par l'anglais Edward Jenner n'est introduit en France qu'à partir de 1820. Et en 1851 le Comité départemental d'hygiène du Finistère organise auprès des médecins une « enquête sur la marche de l'épidémie variolique » et de son traitement à Quimper et dans les communes avoisinantes.Pour Ergué-Gabéric le maire Pierre Nédélec, cultivateur à Kergoant, est invité à répondre à ce questionnaire. A priori il est bien initié à la pratique médicale, car, avec sa fille, il a une longue pratique de soins aux animaux et aux personnes atteintes de la rage ou d'hydrophobie, et en 1877 il est même inculpé pour exercice illégal de la médecine. Il donne tout d'abord les chiffres bruts de contamination sur le territoire gabéricois : « Il n'y a eu aucun cas en 1850. Il y en a eu 14 du 1er janvier 1851 jusqu'au 27 avril 1851. Sur les 14 personnes atteintes, neuf sont décédées. Toutes les victimes avaient plus de 20 ans, l'une d'elles avait 56 ans. La période où il y a eu plus de malades est celle des hommes de 20 à 25 ans. » Les questions abordent le sujet des effets des vaccins : « La maladie a atteint plusieurs enfants qui avaient été vaccinés depuis moins de 10 à 12 ans. ». Qu'il nuance par « Les enfants vaccinés ont moins souffert et la maladie était moins grave. Dans un village il y avait 4 enfants dont 3 avaient été vaccinés, il n'y a eu d'atteint de la petite vérole que celui qui n'avait pas été vacciné. ». Et le médecin Jean Natten (si l'on lit bien sa signature en bas de son témoignage) confirme les faits : « À Ergué-Gabéric j'ai observé six enfants inoculés et quatre ont une variole confluente. ». À noter que la formule "petite vérole" est l'expression populaire désignant la variole. Et, dans le cas d'une variole dite confluente, les pustules sur forment une plaque uniforme sur le visage ou le corps. |
L'épidémie variolique touche les enfants, mais aussi les « vieilards », ou du moins à un âge où l'on était vieux après 50 ans : « Il est mort une femme âgée de 56 ans, et un homme âgé de 54 ans [...]. Un habitant de ma commune, qui avait eu la petite vérole à l'âge de 14 ans, en a été atteint de nouveau au mois de février 1851 ; il est âgé de 54 ans. Il a été très gravement malade mais il est bien actuellement ». La mortalité due à la variole, d'après Pierre Nédélec, est nulle pour l'année 1850, et de 9 décès constatés pour les 4 premiers mois de 1851 (ce qui ferait plus de 25 pour l'année entière). Si l'on se réfère à la mortalité annuelle globale d'Ergué-Gabéric, elle est quand même à peine supérieure à une moyenne pondérée de 50 décès toutes causes confondues, ce qui laisserait à penser qu'on est pas en situation pandémique. Ergué-Gabéric connaitra une vague importante de variole en 1881 avec une surmortalité annuelle globale de 200%) , et fera l'objet cette fois d'une campagne vaccinale efficace, pour enfin disparaître de nos campagnes. La mortalité variolique a-t-elle été importante en 1849 ? Il est difficile d'en être certain, car, malgré le fait que la mortalité est double cette année-là, c'est l'année funeste d'une autre pandémie, le choléra ... |
Transcriptions
Questionnaire et réponses
|
Suite
|
Documents originaux
Lieu de conservation :
|
Usage, droit d'image :
|
Dossier d'archives | |||||
Annotations
- Information et document communiqués par Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et du Pays bigouden : § [ses publications] . La dernière parution est « Bien-aimée Marie-Anne avec de belles lettres d'amour de son arrière-grand-père à sa promise. [Ref.↑]
Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens Date de création : décembre 2020 Dernière modification : 19.12.2020 Avancement : [Développé] |