1850-1851 - Enquête sur la marche de l'épidémie variolique - GrandTerrier

1850-1851 - Enquête sur la marche de l'épidémie variolique

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Catégorie : Archives    
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§ E.D.F.

Les réponses au questionnaire du Comité départemental d'hygiène du Finistère par le maire d'Ergué-Gabéric et un médecin, avec des interrogations sur l'efficacité des inoculations vaccinales.

Dossier conservé aux Archives Départementales du Finistère sous la cote 5 M 47 : grand merci à Pierrick Chuto [1] pour avoir découvert cette archive.

Autres lectures : « 1881,1888 - Épidémies de varioles en délibérations municipales et dans les journaux » ¤ « Pierre Nédélec, maire (1846-1855) » ¤ « 1877 - Pierre Nédélec, guérisseur de la rage, condamné pour exercice illégal de la médecine » ¤ « LE DOUGET Annick - Guérisseurs et sorciers bretons, 1800-1950 » ¤ 

[modifier] Présentation

La variole du latin "variola" qui signifie « petite pustule » est une maladie infectieuse d'origine virale, très contagieuse et épidémique, et très ancienne. En Bretagne elle n'est éradiquée qu'en 1955 (dernière épidémie à Vannes), mais c'est au XIXe siècle qu'elle a le plus frappé et que les campagnes vaccinales ont commencé.

Le vaccin antivariolique découvert par l'anglais Edward Jenner n'est introduit en France qu'à partir de 1820. Et en 1851 le Comité départemental d'hygiène du Finistère organise auprès des médecins une « enquête sur la marche de l'épidémie variolique » et de son traitement à Quimper et dans les communes avoisinantes.

Pour Ergué-Gabéric le maire Pierre Nédélec, cultivateur à Kergoant, est invité à répondre à ce questionnaire. A priori il est bien initié à la pratique médicale, car, avec sa fille, il a une longue pratique de soins aux animaux et aux personnes atteintes de la rage ou d'hydrophobie, et en 1877 il sera même inculpé pour exercice illégal de la médecine.

Il donne tout d'abord les chiffres bruts de contamination sur le territoire gabéricois : « Il n'y a eu aucun cas en 1850. Il y en a eu 14 du 1er janvier 1851 jusqu'au 27 avril 1851. Sur les 14 personnes atteintes, neuf sont décédées. Toutes les victimes avaient plus de 20 ans, l'une d'elles avait 56 ans. La période où il y a eu plus de malades est celle des hommes de 20 à 25 ans. »

Les questions abordent le sujet des effets des vaccins : « La maladie a atteint plusieurs enfants qui avaient été vaccinés depuis moins de 10 à 12 ans. ». Qu'il nuance par « Les enfants vaccinés ont moins souffert et la maladie était moins grave. Dans un village il y avait 4 enfants dont 3 avaient été vaccinés, il n'y a eu d'atteint de la petite vérole que celui qui n'avait pas été vacciné. ». Et le médecin Jean Natten (si l'on lit bien sa signature à la fin de son témoignage) confirme les faits : « À Ergué-Gabéric j'ai observé six enfants inoculés et quatre ont une variole confluente. ».

À noter que la formule "petite vérole" est l'expression populaire désignant la variole. Et, dans le cas d'une variole dite confluente, les pustules forment une plaque uniforme sur le visage ou le corps.

 

L'épidémie variolique touche les enfants, mais aussi les « vieilards », ou du moins à un âge où, à Ergué-Gabéric en 1851, on était vieux après 50 ans : « Il est mort une femme âgée de 56 ans, et un homme âgé de 54 ans [...]. Un habitant de ma commune, qui avait eu la petite vérole à l'âge de 14 ans, en a été atteint de nouveau au mois de février 1851 ; il est âgé de 54 ans. Il a été très gravement malade mais il est bien actuellement. »

La mortalité due à la variole, d'après Pierre Nédélec, est nulle pour l'année 1850, et de 9 décès constatés pour les 4 premiers mois de 1851, ce qui ferait environ 25 pour l'année entière. Si l'on se réfère à la mortalité annuelle globale d'Ergué-Gabéric, elle est quand même à peine supérieure à la moyenne pondérée de 50 décès, mais en augmentation pour atteindre 72 morts en 1852.

Ergué-Gabéric connaitra une vague plus importante de variole en 1881 avec une surmortalité annuelle globale de 113 décès, qui sera suivie d'une campagne vaccinale efficace, pour faire disparaître progressivement le fléau de nos campagnes.

Avant 1850 il y a eu aussi trois pics de mortalité : 1832, 1837 et 1849. Parmi les 102 décès de 1849, quelques-uns sont peut-être varioliques, mais c'est surtout l'année funeste d'une autre vague épidémique, le choléra-morbus, qui a touché toute l'Europe, et qui s'est répandu dans la basse-Bretagne par ses ports sardiniers. Et les années 1832 et 1837 sont aussi marqués par la précédente pandémie de choléra.

[modifier] Transcriptions

Questionnaire et réponses

Questions adressées aux médecins par le Comité départemental d'hygiène du Finistère sur la marche de l'épidémie variolique de 1850 à 1851.

Commune d'Ergué-Gabéric. Je sous signé, Maire de la commune d'Ergué-Gabéric, canton de Quimper (finistère), ai l'honneur de transmettre à Monsieur le Maire de Quimper, les réponses suivantes aux questions qui m'ont été adressées. Ergué Gabéric le 15 juin 1851. Le maire, (signataure Nédélec)

Q1. Quelle est la population de la commune ?

Maire : La population, d'après le dernier recensement, est de 2197.

Q2. Quel est le rapport des cas de variole avec cette population ?

Maire : Il n'y a eu aucun cas en 1850. Il y en a eu 14 du 1er janvier 1851 jusqu'au 27 avril 1851.

Q3. Quel est le rapport des décès ?

Maire : Sur les 14 personnes atteintes, neuf sont décédées.

Q4. Quel est l'âge qui a offert le plus de malades et le plus de victimes ?

Maire : Toutes les victimes avaient plus de 20 ans, l'une d'elles avait 56 ans. La période où il y a eu plus de malades est celle des hommes de 20 à 25 ans.

Q5. Quelle a été, sur le nombre de malades, la proportion qu'ont offerte les individus vaccinés et ceux qui ne l'avaient pas été ?

Maire : Sur les 14 malades, 10 avaient été vaccinées.

Q6. L'inoculation par les parents a-t-elle été pratiquée sur quelques enfants ?

Maire : Néant.

Médecin : À Ergué-Gabéric j'ai observé six enfants inoculés et quatre ont une variole confluente.

Q7. Quels en ont été les résultats ?

Maire : Néant.

Médecin : Les deux autres n'ont éprouvé que le symptôme de la vaccine.

 

Suite

Q8. Quelles ont été les nuances observées dans la marche de l'épidémie chez les uns et chez les autres ?

Maire : Néant.

Médecin : À ce propos, je ferai remarquer que j'ai vu à Ergué-Gabéric deux cas graves de récidive de la variole naturelle sur deux hommes âgés l'un de 50 l'autre de 56 ans.

Q9. La maladie a-t-elle respecté les enfants dont la vaccination remontait à moins de 10 ou 12 ans ?

Maire : La maladie a atteint plusieurs enfants qui avaient été vaccinés depuis moins de 10 à 12 ans.

Q10. A-t-elle fait de nombreuses victimes chez les adultes qui présentaient la presque certitude d'une vaccination faite avec succès dans leur première enfance ?

Maire : Il ne m'est pas possible de répondre exactement à cette question. Cependant, parmi les personnes qui ont succombé, plusieurs semblaient avoir été vaccinées avec succès.

Q11. A-t-on observé quelques cas de variole sur des vieillards ?

Maire : Il est mort une femme âgée de 56 ans, et un homme âgé de 54 ans.

Q12. Dans les habitations dont le personnel a été décimé, les enfants en bas-âge, vaccinés, ont-ils présenté de nombreux exemples de variole, de varioloïde ou de varicelle, et, dans ce dernier cas, la mortalité a-t-elle été aussi fréquente que chez les enfants variolés, non vaccinés ?

Maire : Les enfants vaccinés ont moins souffert et la maladie était moins grave. Dans un village il y avait 4 enfants dont 3 avaient été vaccinés, il n'y a eu d'atteint de la petite vérole que celui qui n'avait pas été vacciné.

Q13. À quelle époque de la maladie la mort est-elle survenue le plus ordinairement et quel est l'organe affecté qui semble en avoir été le plus habituellement la cause déterminante ?

Maire : Je ne puis pas répondre à cette question.
Je fais observer qu'un habitant de ma commune, qui avait eu la petite vérole à l'âge de 14 ans, en a été atteint de nouveau au mois de février 1851 ; il est âgé de 54 ans. Il a été très gravement malade mais il est bien actuellement. Il est maintenant moins grave qu'avant.


[modifier] Documents originaux

Lieu de conservation :

  • Archives Départementales du Finistère.
  • Cote 5 M 47.
 

Usage, droit d'image :

  • Accès privé et restreint aux abonnés inscrits.
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[modifier] Annotations

  1. Information et document communiqués par Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et du Pays bigouden : § [ses publications] . La dernière parution est « Bien-aimée Marie-Anne avec de belles lettres d'amour de son arrière-grand-père à sa promise. [Ref.↑]


Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : décembre 2020    Dernière modification : 19.12.2020    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]