1786-1787 - Rapports médicaux sur le traitement de l'épidémie de dysenterie - GrandTerrier

1786-1787 - Rapports médicaux sur le traitement de l'épidémie de dysenterie

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§ E.D.F.

Sommaire

En octobre 1786 un médecin fait un apport circonstancié après son passage à d'Ergué-Gabéric, document qui nous apporte de précieux renseignements sur la manières de traiter les épidémies en cette fin du 18e siècle.

1 Conditions sanitaires

Document conservé aux Archives Départementales du Finistère [1]. Il s'agit d'un rapport adressé à la subdélégation [2] de Quimper pour les mois de septembre et octobre 1786 quant à l'état des 91 malades habitant le Grand Ergué et visités par le chirurgien Kerjean [3] affecté à la lutte contre les épidémies. Cette année-là l'épidémie a touché deux communes autour de Quimper, à savoir Briec et Ergué-Gabéric.

En 1786, le subdélégué [2] de Quimper écrit à l'intendant [4] à Rennes : « Une moitié des habitants d'Ergué-Gabéric se trouve sur le grabat ; l'autre moitié chancelle ; plusieurs sont morts et beaucoup d'autres très malades ; les prêtres [5] sont eux-même grabataires. L'épidémie se répand sur la subdélégation de Concarneau » [6].

En septembre-octobre sur Ergué-Gabéric, on décompte 87 personnes guéries, 94 attaqués de la maladie, mais aucun mort. On trouvera dans le rapport la liste des personnes traitées, toutes qualifiées de pauvres et réparties en deux catégories, la première classe [7] ou la dernière classe [8], suivant leur ressources. Les deux classes sont soignées gratuitement, la dernière bénéficiant en plus d'une aide alimentaire, c'est-à-dire du bouillon, du riz et éventuellement un peu de pain.

La maladie épidémique déclarée à Ergué-Gabéric et Briec est vraisemblablement la dysenterie qui était une maladie infectieuse grave se traduisant par des diarrhées et crampes abdominales. Au 18e siècle le recteur de la paroisse signalait généralement les apparitions de pandémie au subdélégué de la ville voisine, Quimper précisément, lequel en informait l'intendant [4] de la généralité [9] de Bretagne.

L'intendant [4], en tant qu'organisateur de la lutte, veille à obtenir les fonds et les remèdes nécessaires. Il en avise le subdélégué et les chirurgiens qui sont payés pour leurs journées, au vu des certificats attestés par les recteurs. Le recteur Denys [5] valide bien en l'occurrence les 31 journées de fin septembre et octobre, et il appose également son nom dans la colonne des personnes soignées de la première classe [7], en bas de la liste des 90 autres malades cités nominativement par le chirurgien.

Le chirurgien Yves-Marie Kerjean [3], après avoir comparé avec la situation dans la commune voisine, conclut ainsi : « La paroisse Ergué-Gabéric a autant souffert que celle de Briec, la maladie est la même partout ». En fait l'épidémie est la dernière d'une série qui n'a cessé de décimer les populations bretonnes tout au long du 18e siècle, et à Ergué-Gabéric en particulier.

 

Pour preuve la pyramide des âges dressée grâce au recensement de la population d'Ergué-Gabéric en 1790. On remarque que les nombres recensés par tranche d'âge sont très variables d'une année à l'autre, la courbe est très grignotée. Ce n'est pas pour autant que les années de dysenterie (1779, 1786) soient marquées d'un creux très net, car la mortalité ne touchait pas que les naissances de l'année, et les nourrissons nourris au sein maternel étaient un peu protégés des contagions.

Recensement de 1790 à Ergué-Gabéric
Recensement de 1790 à Ergué-Gabéric

La courbe de mortalité annuelle obtenue par les tables de répartition des décès constituées par le Centre Généalogique du Finistère est plus parlante. On y repère très nettement les années épidémiques à Ergué-Gabéric : 1720, 1739, 1759, 1768-69, 1772, 1779 : cette année-là fut terrible pour toute la Bretagne qui connut un grave déficit démographique, 1783, 1786-87. Les années et le siècle suivants, la courbe de mortalité reprit une pente normale et stable. Si le nombre de morts en 1786-87, 200 sur 2 ans, la plus grand pic de décès annuel reste l'année 1779 : 159 morts, soit plus du double d'une année normale et plus de 10% de la population totale.

Courbe des décès à Ergué-Gabéric pendant le 18e siècle
Courbe des décès à Ergué-Gabéric pendant le 18e siècle

2 Transcription du rapport

Bretagne. Maladie épidémique. Subdélégation [2] de Quimper. Année 1786.
Etat des Paroisses de la Subdélégation [2] de Quimper où l'Épidémie a régné pendant les mois de septembre et octobre de l'Année 1786, savoir,

Noms des paroisses : Paroisse du grand ergué.

Noms des personnes qui ont payé : -. Sommes qu'ils ont payé. : -.

Noms des malades pauvres, de la première classe [7], auxquels il a suffi de fournir gratuitement des remèdes : François Dagorn, Anne Dagorn, Joseph Jaouen, Jeanne Le Grand, Jean Troalais, Louis Jagu, Marie Guernélez, Yves Haimon, Ignace Haimon, Cécile Michelet, Jeanne Le Bars, Pierre Lisien, Marguerite Nihouarn, Louise Daniel, Claude Davuédale, Jean Launay, Bastien Houaler, Marguerite Cou, Pauline Haimon, Corentin Le Noach, Yves Haimon, Marie J. Berou, Vincent Mahé, François Penanech, Marie Calvès, François Gescon, Jeanne Le Poupon, Jeanne Le Bras, Lorent Le Quéré, Renné Mahé, François Mahé, François Le Mogue, Anne Penenrun, Louise le Roy, Jean Le Calvès, Michel Berrou, Yves Le Grand, Jean Guiader, Pierre Moélan, Hervé Lozach, Hervé Ollivier, Jean Téppote, Renné Laurent, Hervé Penennech, Joseph Le Gorec, Alain Coustan, Marie Le Sizun, Marie Trovert, Yves Dagorn, Jacq Le Bars, Pierre Denis, François Vallet, Pierre Henry, Thomat Puillant, Denis recteur d'Ergué Gaberic [5], René Le Petillon, René Seznec, Hervé Lizien capitaine du gué [10] de la paroisse d'Ergué-Gaberic.

 

Noms des malades pauvres, de la dernière classe [8], auxquels on a fourni des remèdes : Marie Le Roi, Pierre Morel, Jean Barré, Jeanne Cozic, François Pleven, Elizabeth Cogan, August Kernévé, Catherine Le Noac'h, Marie Heudé, Marie Clec'h, François Laurent, Louis Barré, Louis Cogan, Jean Le Jeanne, Guillaume de Kerlaviou [11], Auguste Le Bars, ? Gelard, Marie Pape, Marie Mahé, Joseph Cogan, Anne Sénec, Jeanne Senec, Jeanne Morvan, Marguerite Penennech, Marie Laurent, Marguerite Nicolas, Marie de Guilli, Corentine Dornic, Marie Le Jagu, Renné Le Pape, Jean Quintin.

Nombre de personnes qui ont été attaqués de la Maladie : 94, qui ont été guéries : 87, qui sont mortes : 0.

Nombre des journées que les Chirurgiens ont employées auprès des Malades : trente et une journées à commencer du vingt huit septembre. - Denis recteur d'Ergué Gaberic [5]

Observations : il semblerait, par le petit nombre de personnes traitées dans cette paroisse, qu'elle a été moins maltraitée que la paroisse de Briec. Cependant par le grand nombre de convalescents que j'y ai trouvé en arrivant, il me parait que relativement à l'étendue des deux paroisses, celle d'Ergué-Gabéric a autant souffert que celle de Briec, la maladie est la même partout. Kerjean [3].

Nous médecins des Epidémies certifions que le sieur Kerjean a suivi le traitement indiqué par la méthode curative et qu'il s'est acquitté avec zèle et intelligence des devoirs de son état. A Quimper le 2 novembre 1786. Le Breton [12].

3 Copie de l'acte


4 Annotations

Notes:

  1. Cote égarée pour ce qui concerne le document des Archives Départementales du Finistère. [Ref.↑]
  2. Subdélégué, s.m. : sous l'Ancien Régime, la personne qui aide un intendant à administrer une généralité ; il y a généralement plusieurs subdélégués par généralité; source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]. Dépendant de la généralité de Bretagne à Rennes, et donc de l'intendant Bertrand de Molleville, le subdélégué de Quimper en 1783 est François-Marie-Hyacinthe Le Goazre de Kervelegan. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3]
  3. Yves-Marie Kerjean est né le 13 juillet 1755 à Quimper Saint-Julien. Initié Fran-maçon dès 1776 à la loge La Parfaite Union où il est maître bleu, puis chevalier d'Orient et orateur de sa loge. Reçu chirurgien de l'amirauté de Quimper en 1785, il s'installe rue Kéréon. Suspecté de girondisme il doit s'exiler sur l'île de Jersey en 1794. Source : « Etude sur les francs-maçons quimpérois de Brunon Le Gall et Jean-Paul Péron ». [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2]
  4. Intendant, s.m. : sous l'Ancien Régime, les intendants étaient les personnages centraux de l'administration royale dans les provinces ou généralités ; source : Wikipedia. [Terme] [Lexique]. En 1796, l'intendant de la généralité de Bretagne à Rennes est Bertrand de Molleville, successeur de Dupleix de Bacquencourt. [Ref.↑ 4,0 4,1 4,2]
  5. Le recteur de la paroisse fut de 1784 à 1787 Pierre-Alain Denys, licencié en théologie, ancien professeur de théologie aux collèges de Lyon et de Quimper. [Ref.↑ 5,0 5,1 5,2 5,3]
  6. Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine, cote C 1366, extrait cité par Antoine Dupuy dans les Annales de Bretagne de 1886. [Ref.↑]
  7. Les pauvres de la première classe sont ceux que leur dénuement autorise à recevoir des soins gratuits, mais qui peuvent se nourrir à leur frais. Source : C. Nougaret-Chapalain. [Ref.↑ 7,0 7,1 7,2]
  8. Les pauvres de la dernière classe vivent dans une misère extrême ; ils ne paient pas l'assistance médicale et alimentaire qu'on leur fournit. Source : C. Nougaret-Chapalain. [Ref.↑ 8,0 8,1]
  9. Généralité, s.f. : circonscription administrative de la France d’Ancien Régime. Les généralités furent créées en 1542 avec l’Édit de Cognac. Il y eut jusqu’à trente-six généralités, les dernières ayant été créées en 1784. Placées au début sous l’autorité d’un « receveur général », qui fut remplacé au 17e siècle par un Intendant. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  10. Gué, s.m. : milice, obligation des paroisses de fournir un contingent d'hommes qui peuvent être appelés à se battre pour défendre les frontières terrestres du pays. La milice de chaque paroisse est commandée par un capitaine, un lieutenant et un enseigne, tous trois élus. Source : AD Finistère, glossaire des cahiers de doléances. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  11. Sans doute Guillaume Le Gall de Kerlaviou, recensé en 1790. [Ref.↑]
  12. Jean-Baptiste Laurent Le Breton siège au Directoire du District de Quimper. Sa fonction de docteur en médecine de Quimper le met en charge des épidémies de la subdélégation ; il atteste par exemple les traitements délivrés par le médecin-chirurgien Kerjean. Le Breton est également membre de la loge maçonnique "La Parfaite Union" de Quimper, il en est le Vénérable en 1784. [Ref.↑]


Références/études :

  • Christine Nougaret-Chapalain, La lutte contre les épidémies dans le diocèse de Rennes au XVIIIe siècle, Bibliothèque de l'école des chartes, Année 1982, Volume 140, Numéro 2, p. 215-233
  • Antoine Dupuy, Les épidémies en Bretagne au XVIIIe siècles, Annales de Bretagne, 1886, p. 115-140 et 290-308, 1887 p. 20-49 et 190-226.


Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : Décembre 2009    Dernière modification : 22.01.2012    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]