Un retour de noces à la papeterie d'Odet, Progrès du Finistère 1911 - GrandTerrier

Un retour de noces à la papeterie d'Odet, Progrès du Finistère 1911

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Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.

Une fête mémorable le 18 février 1911 à la papeterie d'Odet où tous les employés de l'usine gabéricoise et de Cascadec sont invités à la noce de leur jeune patron qui s'est marié en grande pompe à Nantes avec la fille de l'industriel Thubé.

Autres lectures : « René Bolloré (1885-1935), entrepreneur » ¤ « 1911 - Fête du mariage de René Bolloré, photos de Joseph-Marie Villard » ¤ « René-Guillaume Bolloré (1847-1904), entrepreneur papetier » ¤ >

[modifier] Présentation

L'article qui rend compte de l'évènement de façon détaillée et admirative est publié dans « Le Progrès du Finistère » [1] du 25 février : « La fête qui s'est donnée la semaine passée, était une nouvelle noce, réédition de celle de Nantes, mais dans le cadre breton, et avec tout son charme ».

L'accueil local de la belle-famille nantaise et des Bolloré débute de bon matin par un cortège d'une centaine de chars-à-bancs faisant escorte au coupé et à l'automobile des mariés, sur une dizaine de kilomètres entre la ville de Quimper et les grilles de l'usine d'Odet.

Le photographe quimpérois Joseph-Marie Villard [2] est présent pour immortaliser la longue file des ouvriers et voisins endimanchés aux rênes de leurs chevaux : « M. Villard, de Quimper, avait bien voulu se déranger pour prendre des clichés de la fête ». Les vues sont si typiques que le photographe les fit éditer sous forme de cartes postales.

Ces premières photos ont été prises depuis Ty-Coat, les chars-à-bancs descendant la cote de Keranna-Lestonan. Henri Le Gars (interrogé en mai 2021 par Gwen Huitric) explique la topologie des lieux : « Aucun doute sur l'endroit c'est bien Ty Coat. Il n'existait pas de route pour Stang Venn et pour Kerangueo. Les accès pour Stang Ven étaient "Riboulic ar coat" (Sentier Orée du bois / Bascule Bolloré) et un autre sentier, là où sont les jeunes femmes debout sur la photo, qui montait également vers Stang Ven et la maison " Garin". Pour Kerangueo les accès étaient également différents : on descendait à pied à l'usine par la "garenne du curé" et pour les chars à bancs par le bois côté Stang Luzigou  » [3]. Quant aux personnes présentes, il y reconnait sur la carte postale n° 3 Laurent Le Gall (grand-père de Jean) à droite du conducteur de char-à-banc.

Sinon, comme dans tout fête qui se respecte en basse Bretagne, il y a les traditionnels banquets du midi et du soir : « À midi et demi, la grande salle à papier, toute enguirlandée, et présidée par le souvenir et l'image du vénéré et regretté M. Bolloré père, qu'on pourrait appeler le véritable créateur de l'usine, réunissait 300 convives ». Le père de René Bolloré est décédé 7 ans auparavant, le 10 juillet 1904.

Et là une bonne nouvelle fait l'objet d'une ovation de la part des ouvriers et ouvrières : « Dès le début du festin, M. René Bolloré remercia en termes émus, tous et chacun, et donna, malgré la fête, pleine solde pour ce jour-là, à tout le personnel. ».

Les festivités durent toute l'après-midi : « Des danses succédèrent au déjeuner, danses auxquelles se mêlèrent M. et Mme René, eux-mêmes, ainsi que les membres de leurs familles. On enleva des montgolfières ... ». Et cela se termine après le diner par un feu d'artifices organisé par le chef électricien d'Odet et offert par tout le personnel à leur patron.

 
Le cortège des chars-à-bancs, collection C.P. de Philippe Chuto
Le cortège des chars-à-bancs, collection C.P. de Philippe Chuto


[modifier] Coupure de presse

Nouvelles départementales

ERGUÉ-GABÉRIC

Un retour de noces à la Papeterie d'Odet.

Samedi dernier, 18 courant, la Papeterie d'Odet était en liesse, pour le retour de M. et Mme René Bolloré, les jeunes époux. Leur mariage, on le sait, avait eu lieu à Nantes, au milieu d'une assistance d'élite, le 12 Janvier écoulé.

La fête qui s'est donnée la semaine passée, était une nouvelle noce, réédition de celle de Nantes, mais dans le cadre breton, et avec tout son charme. Le but de M. Bolloré était d'associer tous ses ouvriers à sa joie comme ils l'ont toujours été à ses tristesses.

Tout le personnel d'Odet et de Cascadec s'était porté en chars-à-bancs, ornés de fleurs, à la rencontre des nouveaux mariées, et formait un cortège inoubliable d'une centaine de voitures, escortant le coupé de Mme Bolloré mère, qui la ramenait de Quimper. L'automobile suivait, avec la famille de la jeune femme, Mme Thubé, M. Thubé, l'industriel bien connu, et M. Marc Thubé.

À son arrivée à la grille de l'usine, sous un arc de triomphe, et au milieu des salves et des acclamations, un superbe bouquet fut offert à la nouvelle mariée. Après le petit déjeuner et, conformément au rite des noces de campagne, virent les courses d'hommes et de femmes, où les champions des deux papeteries se disputèrent les prix et montrèrent leur agilité.

À midi et demi, la grande salle à papier, toute enguirlandée, et présidée par le souvenir et l'image du vénéré et regretté M. Bolloré père, qu'on pourrait appeler le véritable créateur de l'usine, réunissait 300 convives. Dès le début du festin, M. René Bolloré remercia en termes émus, tous et chacun, et donna, malgré la fête, pleine solde pour ce jour-là, à tout le personnel. Un seul cri spontané d'ovation jaillit de toutes les poitrines. On ne peut s'empêcher de reconnaître que c'était empoignant. À la fin du déjeuner, M. Charuel prit la parole et, après avoir rappelé que, dans onze ans, sonnerait le centenaire de l'usine, il montra son développement toujours croissant. Puis, se tournant vers la jeune épouse, qui a nom Marie, il la salua du nom de « notre dame d'Odet ».

Des danses succédèrent au déjeuner, danses auxquelles se mêlèrent M. et Mme René, eux-mêmes, ainsi que les membres de leurs familles. On enleva des montgolfières ; puis, à 6 heures, la grande salle réunissait à nouveau les ouvriers pour le dîner. Le champagne coula encore comme le matin.

Enfin, à 8 heures, un très beau feu d'artifice, tiré par l'électricien d'Odet, et que le personnel de cette usine avait tenu à offrir lui-même, eut un grand succès. Cascadec avait offert à ses jeunes patrons un très beau service à déjeuner en argent.

Les employés d'Odet et de Cascadec remplissaient les onctions de commissaires et, grâce à eux, tout se passa dans l'ordre le plus parfait. M. Villard, de Quimper, avait bien voulu se déranger pour prendre des clichés de la fête.

La manifestation du samedi est tout à l'honneur des Papeteries d'Odet et de Cascadec. Il est, dans notre monde industriel d'aujourd'hui, des choses si rares, qu'on ne peut s'empêcher de les admirer. Cette union entre patrons et ouvriers en est une, et nous en félicitons M. et Mme Bolloré jeunes, en leur souhaitant longue vie et nombreuse postérité.

X.

 


[modifier] Annotations

  1. L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑]
  2. Joseph-Marie Villard (1868-1935), photographe quimpérois, prit la succession de son père Joseph et développa l'édition de cartes postales de portraits familiaux, costumes traditionnels, patrimoine et fêtes bretonnes. La maison « Joseph-Marie Villard père et fils » représente plus de 7 000 cartes postales référencées. En 1933 il fait construire le magasin Ty Kodak par l'architecte Olier Mordrel, lequel site sera classé Monument historique en 2006. [Ref.↑]
  3. Guy Le Gars, natif de Stang-Venn confirme la localisation des cartes postales : « La photo me semble prise aussitôt avant le carrefour menant à Stang Venn. À droite le champ de Louis Menn qui accédait au château "Ferronnière " comme on l'appelait à l'époque, champ à très forte pente ou les jeunes de Stang Venn allaient jouer au foot dans les années 60, ... quand les vaches n'étaient pas là.» [Ref.↑]


Thème de l'article : Revue de presse

Date de création : Mai 2021    Dernière modification : 30.06.2021    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]