Modèle:CrimeGourmelen991 - GrandTerrier

Modèle:CrimeGourmelen991

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Comment fut découvert le cadavre

Peut-être n'est-il indispensable de revenir sur les circonstances qui ont amené la découverte du cadavre, ne serait-ce que pour y ajouter quelques détails qui au premier moment n'avaient pas été retenus.

Lorsque l'alarme eut été donnée à Quimper par M. Kernéis, maire d'Elliant, M. le capitaine Mahé, de la gendarmerie de Quimper, accompagné de ses hommes, MM. Kergonna, Doniec, Degrez, que devaient rejoindre un peu plus tard sur les lieux le maréchal des logis Faivre et le gendarme Morvan, puis l'adjudant Cabellan, commencèrent immédiatement les recherches. C'était dimanche soir. La nuit était complète et il fallait s'aider des lanternes-tempête pour avancer en des sentiers impraticables. Arrivés dans un champ qui se trouve à 150 mètres, en ligne droite du moulin, sur le versant sud de la colline de Ménez-Niverrot, dont l'altitude dépasse 120 mètres, un cercle de curieux entourait le cadavre. Celui-ci était étendu tout droit, les bras au corps, les pieds joints. Il n'y avait aucune trace de sang sur le corps, ce qui indique de l'hémorragie s'était produite alors que le malheureux gisait à terre. Un filet de sang s'échappait des narines et de la bouche ouverte, coulait de chaque côté de la tête vers la base fu cuir chevelu et la casquette jockey que portait la victime était, au reste, remplie de sang. Le faux-col rabattu, en celluloïd, que Gourmelen portait, même au travail, n'était aucunement ensanglanté.

Dans les poches de Gourmelen, on trouva des couteaux de poche, un mouchoir, un morceau de savon et un porte-monnaie d'enfant, très usagé, contenant une image religieuse, des dessins à décalquer et une carte de visite au nom de M. Nicolas, agent d'assurances à Quimper. Aucune trace d'argent.

L'enquête

Dès le lendemain matin, la gendarmerie battit la campagne et bientôt les soupçons se resserrèrent autour d'un jeune domestique de ferme âgé de 19 ans, Jean-Louis Lizen, au service de M. Bourbigot, à Niverrot. Il avait raconté à ses camarades qu'il devait quitter ke pays le 19 courant pour aller rejpoindre une jeune fille qu'il avait connue alors qu'il exerçait la profession de verrier dans la Seine-Inférieure, ayant à se plaindre d'elle et résolu, dit-on, à lui faire un mauvais parti.

Mais il n'avait pas le sou pour se mettre en route et, d'autre part, il savait, comme la plupart des habitants de l'endroit, que Gourmelen, porteur d'une forte somme, devait terminer son travail rapidement et peut-être aller travailler plus loin. Le dimanche 12 courant offrait donc une ultime occasion à ce jeune vaurien de se procurer des fonds. Notons dès maintenant que Lizen a un passé assez orageux, ayant été condamné notamment à neuf jours de prison pour port d'arme prohibée, rixe et vol.

Un retard compromettant

Ayant été mis au courant de ces détails, fort importants, M. le capitaine Mahé, entre autres pistes sérieuses, s'attacha à celle-ci et s'employa activement à reconstituer l'emploi du temps de Lizen le jour du crime.

Le dimanche 12, un grand nombre de chasseurs de la région étaient sur pied, se livrant à leur plaisir favori. Or, le hasard voulut que quatre d'entre eux, MM. Leroux père et fils, de Kerdévot, et les deux fil Rannou, de Kerampellec, vinssent à passer, au cours de leur battue à travers les terres du moulin, précisément sur le champ où Gourmelen travaillait. Il était près de 15 heures. Ils adressèrent au journalier, lui demandant s'il y avait du gibier dans la contrée. Sur une réponse négative de Gourmelen, les chasseurs descendirent la pente, laissant cet homme, tranquillement appuyé sur sa houe, dans une position de repos.

Donc, Gourmelen était à son travail à 15 heures. Une heure plus tard, comme on le sait, il était mort. Qu'avait fait Lizen pendant cette heure-là ?

On sut rapidement qu'après le déjeuner de midi, son patron, M. Bourbigot, étant parti à la chasse, il avait prêté la main à un journalier pour charger un tombereau de cailloux.

Au retour à la ferme, vers 14 h 30, il avait disparu pour ne rentrer qu'en retard, vers 16 heures, alors qu'à la ferme on avait déjà collationné. On s'étonna de ce retard. Il y répondit en faisant valoir qu'il était resté dans un des bâtiments de la ferme pour recoudre des pièces à son pantalon et pour écrire une lettre. Les enquêteurs trouvèrent, en effet, une lettre écrite par lui et restée onachevée.

« C'est Jean-Louis ...»

Mais la vérité était tout autre. Il ne fallait qu'une dizaine de minutes à Lizen pour se rendre rapidement sur le mamelon où se trouvait Gourmelen.

C'est là qu'il se rendit tout droit et, circonstances heureuse pour l'enquête, pendant le trajet, les chasseurs dont nous avons parlé plus haut le virent passer à quelque distance.

- Tiens, dit l'un d'eux, voilà un tel !

- Non, rectifia un jeune homme, vous faîtes erreur : c'est Jean-Louis !

C'était bien Jean-Louis Lizen, en effet, qui devait tuer Gourmelen quelques minutes plus tard.

L'arrestation du coupable

La gendarmerie de Quimper ayant ainsi, après deux jours consécutifs d'enquête, réussi à grouper un faisceau de présomptions des plus graves, MM. Richard, commissaire, Le Gall et Le Poulennec, inspecteurs principaux de la police mobile, appréhendèrent Lizen, le conduisirent d'abord à Ergué-Gabéric pour le confronter avec diverses personnes, et enfin, à Quimper, ans la soirée de mardi.

L'inculpé niant toute participation au meurtre, fut remis en liberté hier matin et regagna la ferme de M. Bourbigot.

Dès son arrivée, il commit une imprudence, sur laquelle nous n'insisterons pas pour ne pas dévoiler inopportunément les escellentes méthodes des inspecteurs.

Lizen pris au piège, dut passer des aveux immédiats et il dénonça du même coup un complice, dont one ne sait trop quel fut son rôle exact en cette affaire. Il s'agit d'un jeune pupille de l'assistance publique, originaire de Ploudalmézeau : André Tanguy, 14 ans, également domestique à la ferme de M. Bourbigot, et qui a été, avec Lizen, mis en état d'arrestation.

Les déclarations de l'assassin

Voici le récit que Jean-Louis Lizen, originaire de Fouesnant, et depuis le mois de mars au service de M. Bourbigot, a fait aux inspecteurs de la police mobile :

- Je savais que Gourmelen avait toujours de l'argent sur lui, à entendre dire les gens. D'ailleurs, il y a deux mois, me trouvant avec lui sur la route neuve qu'on est en train de faire près de Niverrot, il me montra 500 francs, qu'il avait sur lui et qu'il me dit avoir gagnés en cassant des cailloux sur la dite route.

« Il y a quelques temps, je fis part au jeune Tanguy, "moitié riant, moitié sérieux", que le vieux Gourmelen serait "bon à faire" pour être dévalisé.

« Samedi dernier, dans l'après-midi, me trouvant à ramasser des pommes de terre dans un champ situé derrière la ferme de mon patron, en compagnie de Tanguy, celui-ci me dit : "Va-t-on faire le coup à Fanch demain ?"

« Je n'ai pas répondu.

« Toutefois, le lendemain, dimanche 12 octobre, aussitôt après avoir déchargé le tombereau de Jean-Marie Rioual, à la carrière de la Placide, vers 15 h20 ou 15 h 30, j'ai dit à Tanguy : "Tiens, on va aller voir travailler Fanch aux patates."

« Mon intention, à ce moment, était de "faire le coup" à Fanch.

« Tanguy étant allé rapporter une houe à la ferme, remonta aussitôt vers l'endroit où travaillait Gourmelen, alors qu'ayant déjà gagné le plateau et rejoint Gourmelen, qui était au travail, je m'étais mis à causer avec lui.

Le crime

« Pendant ce temps, je voyais Tanguy, derrière le talus qui borde le chemin creux voisin, me faisant de la main le geste de frapper Gourmelen.

« J'avais alors pris en main la houe du journalier pour lui arracher quelques pieds de pommes de terre, avec l'idée de suivre le conseil donné par Tanguy.

« J'hésitai quelque peu, puis pensant à l'argent que Gourmelen avait sur lui, le voyant, d'autre part, baissé, à genoux, sur son travail, c'est-à-dire en bonne posture pour être frappé, je lui assénai un coup de houe sur la tête, dans la région u front.

« Gourmelen s'écroula sur le sol.

« La fureur de frapper s'empara de moi et je frappai sur la tête à plusieurs reprises. Je ne sais combien de coups je lui ai porté.

Le vol

« Quand je vis qu'il était très touché et qu'il n'en reviendrait pas, je me suis jeté sur lui et lui ai pris, ans les poches de son gilet, les billets de 100 francs, 50 frands, 10 francs et 5 francs qui s'y trouvaient.

« Cet argent était en vrac dans les poches et non enfermé dans un portefeuille.

« Je me suis alors enfui du côté où se trouvait Tanguy, mais celui-ci était déjà parti. Ayant sauté dans le chemin creux, je me suis à courir vers la ferme et montai dans ma chambre. Là, j'ai compté l'argent et j'ai vu que j'avais pris exactement 1.660 francs.

« J'ai mis ensuite cet argent dans un portefeuille et ai dissimulé le tout sur les poutres de la grange qui me sert de chambre.

« Ce matin, en revenant de Quimper, j'ai changé l'argent de place et l'ai caché dans une meule e paille édifiée derrière la ferme. Si je l'ai changé de place; c'est que je voyais que j'étais pris et je désirais que l'argent disparût avec la paille dans le fumier des bestiaux.

« Je n'ai trouvé que cette somme sur Gourmelen et n'ai rien dépensé depuis. Si j'ai tué et volé, c'est uniquement dans le but de me procurer les moyens matériels de rejoindre ma maîtresse, Paulette Gallaut, bonne dans une ferme à Fallencourt (Seine-Inférieure).

« Tanguy ne m'a pas aidé à perpétrer mon crime. Il n'a fait que m'exciter par paroles et par gestes à le commettre. Après le meurtre, j'ai dit à Tanguy que j'avais volé 1.660 francs à Gourmelen et lui ai proposé 600 francs pour qu'il garde le silence. Il a refusé, en disant qu'il "serait pincé" s'il les prenait.

« La lettre trouvée dans ma chambre a été écrite une demi-heure après le crime. Je regrette avois commis cet acte, mais je reconnais l'avoir prémédité. »

Comme on le voit, Lizen est de bonne prise et MM. les enquêteurs de la gendarmerie et de la police mobile ont travaillé de main de maître. Ils mérient de vifs éloges.

Voilà une grosse affaire d'assises en perspective.