Lettre du 31 janvier 1655 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, XL)

Le 31 Janvier 1655.

MONSIEVR MON CHER CONFRERE,

J'ay mandé au sieur de Lespine de m'acquiter de ma rente quadregismale, j'espere qu'il ne manquera pas d'acomplir mes ordres des premiers jours.

J'ay fait bastir une assès belle chapele en la grande rabine de mon Lesergué, sous l'invocation de St Joachim, que nous avons choesi pour patron de nostre famille. J'ay fait imprimer la vie de ce patriarche, qui n'avoet jamais estée sous la presse à ma cognoessance, je y aye adjouté un linanie du mesme saint et des prires pour le Roy et pour la paix, peut estre trouverrés vous que les deux psaumes que j'ay compilés mediocrement faites, je vous envois deux copies de ce petit livret de devotion, si vous en voulés davantage, je vous en fourniray.

Nous n'avons auceune nouvelle par deça, qui vaille la paine d'estre escrite. L'on escrit de Renes que le marquis de la Moussay y est arrivé, aveq ordre du Roy fort pressis et comendement au parlement et au peuple de le recevoir pour gouverneur de la ville et lieutenant particulier en la Haute Bretaigne ; sa religion est cause que le peuple et le parlement s'i oposent fortement et cela est capable d'exiter sedition. C'est une persone de grand merite et la recomendation de monsieur le marechal de Turene [1], son beaufrere [a], y adjoute beaucoup,

mais come l'on a jamais eu gouverneur ni lieutenant du Roy en la province, qui n'aye esté catholique, il aura de la paine à veince l'obstination du peuple. Du temps des guerres de la Ligue [2] neanmoins Mr de Monbarot [b] fut gouverneur de Renes et pense lieutenant du Roy en leveché, quoy qu'il fut huguenot, et cest exemple fortifie le droet du dit marquis.

Si Dieu fortifie ma senté, qui est toujours bien petite, je pourray me rendre à Renes dans un mois et y ester deux ou trois mois, je seray lors plus proche de vous et recevré de vos nouvelles plus souvant et plus pomptement. Je me loge toujours aveq 10 ou 12 des conseilers de notre parlement, qui sont affamés de nouvelles. Si vostre marquis, qui est renvoyé pleder en ce parlement, se trouve à Renes en ce temps la, si je seruiray en ce qui me sera possible, en vostre consideration et en la siene, vous m'avés escrit qu'il est persone de grand merite. Cepandant continués l'honeur de vos bones graces à celui qui sera jusques à tombeau,

Mon cher confrere,
Vostre tres humble & inviolable servitteur,
MISSIRIEN.

Ma Françoise vous remercie de vostre souvenir, nous somes tous deux humbles serviteurs à vostre chere Yolande.

(Original. - Bib. Nat. - Fr. 31798, fol. 336.)