Les généraux des paroisses - GrandTerrier

Les généraux des paroisses

Un article de GrandTerrier.

Jump to: navigation, search

Initiateur de l'article : Henri Chauveur, Septembre 2006



[modifier] 1 L'ADMINISTRATION RURALE MUNICIPALE EN BRETAGNE AVANT 1789

[modifier] 1.1 LES GÉNÉRAUX DE PAROISSES

Au XVIIIème siècle, l'on comptait en Bretagne environ 1 500 entités municipales, dont 42 corps de ville ou communautés urbaines, et 1 446 corps politiques ruraux ou généraux de paroisses.

Il est impossible, faute de documents assez anciens, de savoir à quelle époque remonte, dans les cinq actuels départements bretons (comme d'ailleurs dans le reste de la France), l'organisation des premières entités urbaines ou rurales. La création des généraux de paroisses (institution originale spécifique à l'ancien Duché de Bretagne) précéda sans doute celle des communautés de villes, et il est certain que leurs attributions ne se développèrent que peu à peu, avec l'accroissement des activités de l'administration provinciale, et surtout avec l'accroissement des besoins du trésor ducal puis royal.

Ainsi, au XIVème siècle, le gouvernement ducal, pour subvenir à ses besoins financiers sans cesse grandissants, introduisit l'impôt des fouages (impôt direct, perçu sur les roturiers possesseurs de biens roturiers, également appelé tailles et fouages) et chargea les généraux de paroisses de son égale (répartition) et de sa cueillette (perception).

Au XVIIIème siècle, les généraux voient élargir leurs attributions : de simples conseils de fabrique (entité locale gestionnaire des biens d'une paroisse et de l'entretien immobilier et mobilier d'une église), ils devinrent de véritables municipalités.

Le terme, pour le moins ambigu pour notre époque, de généraux de paroisses provient de ce que, à l'origine, il désignait la généralité (l'ensemble) des paroissiens, mais au XVIIIème siècle, le mot général ne se rapportait plus qu'aux seuls représentants de la population.

Primitivement, les paroissiens administraient eux-mêmes directement leurs affaires communes (temporel de la paroisse, mobilier de l'église, ornements sacrés et relations avec l'administration seigneuriale et ducale) mais, pour mettre fin à certains abus, et surtout désigner des mandataires officiels de la responsabilité collective, le parlement de Bretagne, au XVIlème siècle, rendit une série d'arrêts qui ont substitué définitivement, pour la gestion temporelle des paroisses, des généraux restreints à la généralité et fixé la composition de ces généraux.

En application de ces arrêts, chaque général (ou corps politique de paroisse} était composé de dix-sept membres, qui étaient :

  • le sénéchal de la juridiction (juge et administrateur à la tête d'une sénéchaussée
  • circonscription judiciaire royale de base-, ou juge principal d'une juridiction seigneuriale).
  • à défaut, son alloué (représentant),
  • le procureur du Roi (officier judiciaire chargé de défendre l'ordre public):
  • éventuellement le seigneur ou son procureur fiscal.
  • le recteur (curé) de la paroisse,
  • les deux marguilliers du conseil de fabrique (le premier, procureur terrien ou gouverneur, chargé du temporel, le second, fabrique, chargé du mobilier et des objets sacerdotaux).
  • et les délibérants, choisis parmi les chefs de famille.

Les deux marguilliers et les douze délibérante ne pouvaient être choisis que parmi les anciens membres des conseils de fabrique, "successivement les uns aux autres, dans les rangs qu'ils ont passé par les charges, rendu leurs comptes et payé les reliquats" (Cf : Introduction au gouvernement des paroisses, de POTHIER de la GERMONDAYE).

Le général ainsi constitué "représentait tous les habitants de la paroisse, nobles et roturiers, de la même manière qu'un corps de ville représentait les citoyens de tous les ordres." Il pouvait cependant se présenter des cas où tous les paroissiens reprenaient leurs droits primitifs et intervenaient directement dans la gestion de leurs affaires communes, principalement lorsque de grosses dépenses devaient être engagées, entraînant de lourdes charges. Le parlement ordonnait alors une assemblée générale des habitants les plus notables et dont l'avis était décisif. De même le général convoquait et consultait quelquefois de lui-même, dans le but de dégager la responsabilité personnelle de ses membres, tous les possesseurs de biens fonciers avant de se lancer dans des entreprises onéreuses.

En échange de pouvoirs assez mal définis, les généraux de paroisse supportaient des obligations très rigoureuses qui n'étaient pas sans danger pour leurs biens propres. Le général d'une paroisse, selon POTHIER DE LA GERMONDAYE, "doit se conduire avec la discrétion et la prudence d'un père de famille, sans jamais perdre de vue, et le bien de l'Église dont il est le défenseur, et l'intérêt des paroissiens dont il est le procureur (mandataire défenseur) légitime."

Les délibérants des généraux endossaient non seulement la responsabilité civile et parfois pénale de leurs fautes personnelles dans l'exercice de leurs fonctions, mais aussi celle des troubles qui pouvaient, indépendamment de leur volonté, survenir dans leur paroisse. Le général de la paroisse était à la fois préposé "aux soin et gouvernement des revenus temporels de l'Église" et de sa fabrique et le représentant du corps des paroissiens. Il traitait notamment avec les seigneurs au sujet de la propriété ou de l'usufruit des bois et communs pour ses mandataires et défendait leurs droits sur les goémons et les pêcheries. Le général de paroisse était ainsi tenu de rendre aveu (acte écrit par lequel un tenancier décrit les biens immobiliers qu'il tient d'un seigneur et avoue (reconnaît) les obligations féodales auxquelles il est tenu envers lui ; formalité coûteuse et obligatoire après chaque succession, mutation ou acquisition nouvelle) des biens fonciers appartenant, soit à la fabrique, soit à la généralité des paroissiens (terres vaines et vagues , communs, frost, frostages, franchises, galois, etc..).

La liberté des délibérations des généraux de paroisses était, en principe, protégée contre les empiétements de la noblesse et du clergé par le parlement de Bretagne, qui surveillait le bien-fondé de leurs dépenses. Mais les deux sortes de domaines, politique et religieux, qui leur incombaient, se mêlaient et se confondaient si souvent dans la pratique que leur séparation demeurait impossible.

Si les généraux de paroisse ne relevaient que du parlement de Bretagne, les communautés urbaines bretonnes dépendaient directement du pouvoir royal. En 1783, le Contrôleur Général avait formé le projet d'assimiler ces généraux: aux communautés urbaines et de les placer sous l'autorité de l'Intendant de Bretagne représentant du Roi dans la province. Ce dernier lui fit abandonner ce projet, en arguant que "cette innovation soulèverait la résistance du Parlement et mettrait la province à feu ".

La convocation des généraux de paroisses s'effectuait, oralement ou par écrit, pour huitaine, le dimanche pour le dimanche suivant, par les marguilliers en charge, soit sur leur initiative, soit sur ordonnance de l'Intendant, soit sur réquisition du procureur fiscal. Certaines convocations pouvaient également émaner de l'Évêque ou du Grand Archidiacre ; elles avaient alors lieu au prône, trois dimanches consécutifs, suivant la procédure certifiée des bannies. Les réunions avaient ordinairement lieu après la grand messe dominicale, parfois après les vêpres, sous le chapiteau (ou porche) de l'église.

Aux XVIlème et XVIIIème siècles, la plupart des paroisses rurales de Bretagne se subdivisaient géographiquement en zones de plus petite importance appelées cours, cordelées, parcelles, quartiers, sections, traits, et plus généralement prairies. Dans les paroisses très étendues, les prairies trop éloignées du bourg et de l'église ont rapidement pris l'initiative de s'associer et de fonder une chapelle, qu'elles faisaient alors desservir à leurs frais, beaucoup de frairies ont cherché alors à s'ériger en paroisses de plein exercice et certaines y sont parvenues. Le plus souvent, elles n'ont obtenu de leur évêque que leur transformation en annexes paroissiales appelées cueillettes, feilettes, fillettes et surtout trêves. Les trêves possédaient alors leur général, leur église, leur clergé, en un mot l'apparence d'une paroisse, mais elles ne jouissaient que d'une semi-indépendance car elles continuaient, sur le plan administratif, à faire partie de la paroisse-mère, aux dépenses de laquelle elles restaient contraintes à contribuer. Les rôles d'imposition étaient ainsi dressés par les paroisses-mères sans que les tréviens ne puissent exiger un rôle séparé.

Le 14 décembre 1789, l'Assemblée Constituante, en instituant les communes révolutionnaires, mit fin en Bretagne aux généraux de paroisse.

Pierre d'OUTRESCAUT.

Sources : Les terres vaines et vagues, par H. PELLAY. (Manuscrit déposé aux Archives Départementales du Finistère, Bib. 2 F 49