Le métier de mendiant et la lutte contre le paupérisme selon Déguignet
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<spoiler id="992" text="Maintenant il ne resterait aux propriétaires ...">Maintenant il ne resterait aux propriétaires de la ville et à la municipalité que de faire comme les ruraux, et alors il n'y aurait plus nulle part ni de miséreux ni de mendiants. Voilà un moyen facile et très pratique pour supprimer le vagabondage, le braconnage et la mendicité dont on se plaint tant. Les vagabonds, les braconniers et les mendiants sont des parasites de bas étage très désagréables et très nuisibles à la société comme les frelons aux colonies d'abeilles. Eh bien, quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. | <spoiler id="992" text="Maintenant il ne resterait aux propriétaires ...">Maintenant il ne resterait aux propriétaires de la ville et à la municipalité que de faire comme les ruraux, et alors il n'y aurait plus nulle part ni de miséreux ni de mendiants. Voilà un moyen facile et très pratique pour supprimer le vagabondage, le braconnage et la mendicité dont on se plaint tant. Les vagabonds, les braconniers et les mendiants sont des parasites de bas étage très désagréables et très nuisibles à la société comme les frelons aux colonies d'abeilles. Eh bien, quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. | ||
- | Que les riches de la ville et la municipalité fassent comme ces insectes ainsi que les paysans l'ont déjà fait et la plus difficile de toutes les questions sociales humaines sera aussi résolue. Il y en a du reste ici en ville plusieurs propriétaires qui travaillent dans ce but et aussi la municipalité, détruisant toutes les petites et vieilles maisons et ne bâtissant plus que de grandes maisons et des hôtels dans lesquels les vagabonds, les miséreux ni les mendiants ne seront certainement pas admis. Il ne reste plus que quelques petites rues et ruelles où les braconniers, les miséreux et les mendiants s'entassent comme des lapins. Quand ces rues et ruelles auront été démolies et les masures qu'elles renferment remplacées par de belles maisons bourgeoises, on verra la fin du paupérisme à Quimper. Chassés de la ville, repoussés de la campagne, il faudra bien que les pauvres gueux disparaissent comme les frelons chassés de la ruche. Et ces propriétaires et les édiles auront plus fait pour la société en la débarrassant de son plus terrible fléau que les philanthropes, dont le but est d'entretenir et d'encourager le paupérisme et la mendicité; ne vaudrait-il pas mieux supprimer d'un seul coup toutes ces misères sociales que de les entretenir perpétuellement avec d'hypocrites et mensongères questions d'humanité et de philanthropie. Ici, je plaide pour moi-même ou contre moi-même si l'on veut, car dans la suppression des pauvres, je serais sans doute un des premiers à passer. Cela ne me ferait aucune peine. A quoi bon être dans un monde où on a aucune place, ni au soleil, ni à table. Si un cultivateur s'musait à entretenir chez lui des animaux dont il n'aurait ni nourriture à leur donner, ni place pour les loger, on le forcerait à les abattre ou à s'en défaire d'une façon quelconque, car il est défendu de faire souffrir les animaux. | + | Que les riches de la ville et la municipalité fassent comme ces insectes ainsi que les paysans l'ont déjà fait et la plus difficile de toutes les questions sociales humaines sera aussi résolue. Il y en a du reste ici en ville plusieurs propriétaires qui travaillent dans ce but et aussi la municipalité, détruisant toutes les petites et vieilles maisons et ne bâtissant plus que de grandes maisons et des hôtels dans lesquels les vagabonds, les miséreux ni les mendiants ne seront certainement pas admis. Il ne reste plus que quelques petites rues et ruelles où les braconniers, les miséreux et les mendiants s'entassent comme des lapins. Quand ces rues et ruelles auront été démolies et les masures qu'elles renferment remplacées par de belles maisons bourgeoises, on verra la fin du paupérisme à Quimper. Chassés de la ville, repoussés de la campagne, il faudra bien que les pauvres gueux disparaissent comme les frelons chassés de la ruche. Et ces propriétaires et les édiles auront plus fait pour la société en la débarrassant de son plus terrible fléau que les philanthropes, dont le but est d'entretenir et d'encourager le paupérisme et la mendicité; ne vaudrait-il pas mieux supprimer d'un seul coup toutes ces misères sociales que de les entretenir perpétuellement avec d'hypocrites et mensongères questions d'humanité et de philanthropie. Ici, je plaide pour moi-même ou contre moi-même si l'on veut, car dans la suppression des pauvres, je serais sans doute un des premiers à passer. Cela ne me ferait aucune peine. A quoi bon être dans un monde où on a aucune place, ni au soleil, ni à table. Si un cultivateur s'amusait à entretenir chez lui des animaux dont il n'aurait ni nourriture à leur donner, ni place pour les loger, on le forcerait à les abattre ou à s'en défaire d'une façon quelconque, car il est défendu de faire souffrir les animaux. |
Sur cette façon de supprimer le paupérisme, on peut considérer que les Américains du nord comme étant les plus avancés. À l'égard des Indiens qui ne voulaient pas se civiliser, ni travailler, ils ont agi comme ont fait nos riches paysans à l'égard des journaliers inutiles. Et ces pauvres Indiens repoussés de partout ont disparu complètement, et maintenant ils agissent de même à l'égard des émigrants de toute provenance ; ils ne reçoivent que les riches, sains de corps et d'esprit, les autres sont imperturbablement repoussés. Que toutes les puissances en fassent autant et bientôt la terre sera délivrée du paupérisme et de tous les fléaux qu'il engendre. | Sur cette façon de supprimer le paupérisme, on peut considérer que les Américains du nord comme étant les plus avancés. À l'égard des Indiens qui ne voulaient pas se civiliser, ni travailler, ils ont agi comme ont fait nos riches paysans à l'égard des journaliers inutiles. Et ces pauvres Indiens repoussés de partout ont disparu complètement, et maintenant ils agissent de même à l'égard des émigrants de toute provenance ; ils ne reçoivent que les riches, sains de corps et d'esprit, les autres sont imperturbablement repoussés. Que toutes les puissances en fassent autant et bientôt la terre sera délivrée du paupérisme et de tous les fléaux qu'il engendre. |
Version du 7 septembre ~ gwengolo 2018 à 22:06
Dans les extraits ci-dessous Jean-Marie Déguignet (1834-1905) aborde les sujets de la misère et la pauvreté en milieu rural au 19e siècle.
À l'âge de 9 à 14 ans, il a exercé le métier de mendiant entre 1844 et 48 dans la campagne gabéricoise. Et toute sa vie durant, il a pu observer les causes et les effets du paupérisme dans les classes sociales les plus défavorisées de basse-bretagne, à savoir les mendiants et les journaliers agricoles. À signaler également les commentaires sur le cas Déguignet de Jean-Jacques Yvorel dans son article « Errance juvénile et souffrance sociale au XIXe siècle d’après les récits autobiographes » dans l'ouvrage collectif « Histoires de la souffrance sociale: xviie-xxe siècles » publié en 2015 aux Editions PUR. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « BABONNEAU Christophe et BETBEDER Stéphane - Mémoires d'un paysan bas-breton Tome 1 » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du 19e » ¤ |
1 Présentation
L'enquête sociologique de Jean-Jacques Yvorel porte sur 8 récits de jeunes ramoneurs, ouvriers, sourds-muets, le monde paysan étant représenté par les « Mémoires d’un paysan Bas-Breton » de Jean-Marie Déguignet. Par rapport aux autres expériences, sa carrière de mendiant et de vagabond à Ergué-Gabéric est vécue comme un métier parmi d’autres nécessitant un sérieux apprentissage. Sa mère approuve l'idée des tournées de mendicité durant 3 jours par semaine et lui confectionne une besace. Il suit pendant 6 semaines son professeur : « Cette bonne femme était une mendiante professionnelle; elle se chargeait de m’apprendre l'état. ». Les résultats ne se font pas attendre : « Pendant trois jours consécutifs, le temps nécessaire pour faire le tour de la commune, j'apportai à la maison plein les deux bouts de ma besace de farine d'avoine et de blé noir. » Les bons et les mauvais mendiants ... |
La suppression des penntis ... Analogie : « quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. » les codes français ... « pour être misanthrope et anti-humain je ne le suis pas. J'ai trop pleuré et je pleure toujours sur les misères de l'humanité » |
2 Textes
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Pages 68-70 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :
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Pages 86-89 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :
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3 Annotations
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- Bazh-vanal, sf. : littéralement "bâton de genêt". Nom breton de l'entremetteur(se) qui arrangeait les mariages dans les campagnes et qui portaient symboliquement un bâton de genêt. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Avoir, verbe : souvent en remplacement du verbe être : « elle croyait qu'au lieu de mendier j'avais resté jouer » (Déguignet, IT, p 69). En breton le verbe « bezañ » (être) peut aussi prendre le sens de « avoir » en fonction de la préposition qui suit, d'où les confusions en français entre les deux verbes. De plus la forme passive est très usitée en breton où on exprime le résultat de l'action plutôt que son déroulement. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Penn-bazh, sf : bâton de marche qui servait d'arme à l'occasion. Littéralement bout de bâton, désigne le gourdin, à la fois utilitaire, défensif et décoratif qui ne quittait jamais les paysans cornouaillais dans leurs déplacements au 19e siècle. Taillé dans le buis, il présentait à l'une des extrémités un gros nœud de bois garni de clous et à l'autre bout, une lanière permettant de le faire tourner. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Lord Seymour (1805-1859), qui introduisit en France le jet de confetti, fut baptisé Milord l'Arsouille par les parisiens, à cause de son exentricité. [Ref.↑]
- Le noir animal est un engrais obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales, spécialement des os. [Ref.↑]
- Pennty, penn-ti : littéralement « bout de maison », désignant les bâtisses, composées généralement d'une seule pièce, où s'entassaient avec leur famille les ouvriers agricoles et journaliers de Basse-Bretagne (Revue de Paris 1904, note d'Anatole Le Braz). Par extension, le penn-ty est le journalier à qui un propriétaire loue, ou à qui un fermier sous-loue une petite maison et quelques terres, l'appellation étant synonyme d'une origine très modeste. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 6,0 6,1 6,2]
Thème de l'article : Écrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Septembre 2018 Dernière modification : 7.09.2018 Avancement : [Développé] |