La médaille de Crimée de Jean-Marie Déguignet
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+ | Extraits de l'édition traduite en français en 1907 aux éditions Hachette, regroupant « <i>Les Cosaques</i> » et les « <i>Souvenirs de Sébastopol</i> » : | ||
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+ | On voyait effectivement à l’œil nu des taches noires descendre de la montagne dans le ravin et se diriger des batteries françaises vers nos bastions ... Les raies noires avançaient, enveloppées d'un rideau de fumée, et se rapprochaient ; la fusillade augmentait de violence ; la fumée s'élançait à intervalles de plus en plus courts, s'étendait rapidement le long de la ligne en un seul nuage lilas clair se déroulant et se développant tour à tour, sillonné çà et là par des éclairs ou troué de points noirs ; tous les sons se confondaient dans le fracas d'un seul roulement continu. | ||
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+ | « C'est l'assaut », dit l'officier, pâlissant d'émotion et tendant la lunette au marin. | ||
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- | [[Image:LeonTolstoi1855.jpg|300px|center|thumb|Tolstoï en 1855]] | + | {{Citation}} |
- | Extraits de l'édition traduite en français en 1907 aux éditions Hachette : | + | Des Cosaques, des officiers passèrent à cheval sur la route, précédant le commandant en chef en calèche accompagné de sa suite ; leurs figures exprimaient l'émotion pénible de l'attente. |
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+ | « C'est impossible qu'il soir pris ! dit l'officier à cheval. | ||
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+ | - Dieu du Ciel, le drapeau ! regarde donc ! » s'écria l'autre, suffoqué par l'émotion, et il s'écarta de la lunette. Le drapeau français sur le mamelon de Malakoff ! | ||
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+ | - Impossible ! ». | ||
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+ | <br>[[Image:LeonTolstoi1855.jpg|300px|center|thumb|Tolstoï en 1855]] | ||
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+ | « Est-ce que je vais mourir ? » lui demanda Koseltzoff en le voyant s'approcher. | ||
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+ | Le prêtre ne répondit rien, récita une prière et lui présenta la croix. | ||
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+ | La mort n'effrayait pas Koseltzoff ; portant de ses mains affaiblies la croix à ses lèvres, il pleura. | ||
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+ | « Les Français sont-ils repoussés ? » demanda-t-il au prêtre d'une voix ferme. | ||
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+ | - La victoire est à nous sur toute la ligne, répondit ce dernier, pour consoler le mourant en lui cachant la vérité, car le drapeau français flottait déjà sur le mamelon de Malakoff. | ||
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+ | - Dieu merci ! » murmura le blessé, dont les larmes coulaient, sans qu'il s'en doutât, le long de ses joues. Le souvenir de son frère traversant pour une seconde son serveau : « Dieu veuille lui accorder le même bonheur ! » se dit-il. | ||
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+ | L'armée de Sébastopol, semblable à une mer dont la masse liquide, agitée et inquiète, se répand et déborde, avançait lentement, par une nuit sombre, en ondulant dans l'obscurité impénétrable, sur le pont de la baie, se dirigeant vers la Sévernaïa, s'éloignant de ces lieux où étaient tombés en si grand nombre les héros qui les avaient arrosés de leur sang, de ces lieux défendus pendant onze mois contre un ennemi deux fois plus fort et qu'elle avait reçu l'ordre d'abandonner aujourd'hui même sans combat. | ||
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+ | Page 310 : | ||
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Arrivé au bout du pont, chaque soldat, à peu d'exceptions près, otait son bonnet et se signait ; mais en dehors de ce sentiment, il en éprouvait un autre, plus cuisant, plus profond, un sentiment voisin du repentir, de la honte, de la haine, car c'est avec une inexprimable amertume au cœur que chacun d'eux soupirait, proférait des menaces contre l'ennemi et jetait en atteignant le côté nord, un dernier regard sur Sébastopol abandonné. | Arrivé au bout du pont, chaque soldat, à peu d'exceptions près, otait son bonnet et se signait ; mais en dehors de ce sentiment, il en éprouvait un autre, plus cuisant, plus profond, un sentiment voisin du repentir, de la honte, de la haine, car c'est avec une inexprimable amertume au cœur que chacun d'eux soupirait, proférait des menaces contre l'ennemi et jetait en atteignant le côté nord, un dernier regard sur Sébastopol abandonné. |
Version du 7 avril ~ ebrel 2012 à 12:18
Pourquoi et comment le soldat Jean-Marie Déguignet fut décoré d'une belle médaille militaire d'origine britannique. Et sa manière pudique de relater des faits d'armes historiques et une décoration qui récompensait les survivants d'une guerre très destructrice. Autres lectures : « Jean-Marie Déguignet et le soleil d'Austerlitz » ¤ « Jean-Marie Déguignet et sa campagne d'Algérie (1862-1865) » ¤ |
Présentation d'un conflit russo-franco-britannique
La médaille de Crimée est une médaille commémorative britannique, décernée par la reine Victoria, aux officiers, sous-officiers, soldats et marins de tous grades ayant participé à la guerre de Crimée avant le 8 septembre 1855. Comme les deux pays s'étaient alliés pour mener cette guerre et que la France ne possédait pas de médaille commémorative de campagne, la médaille de Crimée britannique fut reconnue par le gouvernement français par décret du 26 avril 1856. Elle a été attribuée à tous les militaires français ayant participé à cette campagne, et son port autorisé. La guerre de Crimée a pour origine lointaine un conflit religieux : la querelle opposant Français (catholiques romains) et Russes (chrétiens orthodoxes) pour la protection des Lieux saints, notamment le Saint-Sépulcre à Jérusalem. Ce prétexte est exploité par le pouvoir tsariste afin d’imposer sa domination sur un Empire ottoman qui semble à sa merci. Les Russes veulent s’assurer le protectorat des peuples slaves et orthodoxes des Balkans pour dominer la plus grande partie de la péninsule, et s’emparer des détroits (Bosphore, mer de Marmara, Dardanelles) pour obtenir un débouché sur la Méditerranée. À cette vision impérialiste mêlant religion et volonté de puissance s’oppose celle du gouvernement de Londres. Pour les Britanniques, il s’agit de protéger la route des Indes par le Proche-Orient en empêchant le tsar de prendre pied dans les détroits et sa flotte de faire irruption en Méditerranée orientale. En 1854 le Royaume-Uni et la France vont s’unir à l'Empire ottoman pour combattre les forces russes. Le royaume du Piémont-Sardaigne apportera également son aide aux Franco-britanniques. Jean-Marie Déguignet, engagé à Lorient au 37e régiment d'infanterie, embarqua le 23 août 1855 à bord du Liverpool, transport anglais, pour rejoindre le 26e régiment d'infanterie de ligne qui venait d'être presque totalement anéanti sur une opération près de la tour Malakoff à l'entrée de Sébastopol. A peine débarqué en Crimée il va vivre la journée historique de la prise de Sébastopol, et sera réquisitionné pour poursuivre les Russes dans les montagnes, avant d'être atteint de dysenterie. De retour en France, en juin 1856, il recevra, non sans une certaine fierté retenue, la fameuse médaille de Crimée. |
Le soldat Déguignet nous livre les détails de sa campagne dans les pages de son cahier (cf extraits ci-après) : « Je n'ai pas la prétention de faire ici l'historique de cette grande journée, ne faisant ni de l'histoire ni œuvre littéraire ». On peut rapprocher cette relation de celle d'un autre écrivain du camp russe, Léon Tolstoï (cf récits et chanson ci-après également). |
Témoignages du médaillé breton sur sa décoration
Pages 215 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, « Histoire de ma vie », parue en 2001.
Page 9 du neuvième cahier intitulé , « Résumé de ma vie » :
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Pages 608 de la version des Mémoires de la Revue de Paris dans son édition du février 1905.
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La prise de Sébastopol vécue par le paysan bas-breton
Pages 178-182 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, « Histoire de ma vie » :
Chapitre VIII dans la version des Mémoires de la Revue de Paris dans son édition du février 1905.
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Page 6 du neuvième cahier intitulé , « Résumé de ma vie » :
Pages 185 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, « Histoire de ma vie » :
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La vision russe par le jeune militaire et écrivain Léon Tolstoï
En 1855, Léon Tolstoï participait à la défense de Sébastopol contre les armées françaises, anglaises et piémontaises. Quinze ans plus tard, il écrira la vaste fresque de « Guerre et Paix » et ses « Récits de Sébastopol » en sont la préfiguration. Il composa une chanson que ses camarades reprenaient en chœur :
Extraits de l'édition traduite en français en 1907 aux éditions Hachette, regroupant « Les Cosaques » et les « Souvenirs de Sébastopol » : Page 301 :
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Page 304 :
Page 308 :
Page 310 :
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Annotations
- LAMY Zénon Eugène (1821-1895) fut nommé en 1855 aide de camp du général Pontévès et il partit avec lui en Crimée. Il y fut blessé, le 8 septembre, lors de l'assaut de Sébastopol. Il fut cité à l'ordre de l'armée et décoré de la Légion d'honneur. Promu général de brigade en 1875, il prit le commandement de la 9e brigade d'infanterie à Rouen. Nommé général de division en 1882, il fut commandant de la 30e division d'infanterie à Avignon, puis ensuite de la 14e division à Besançon, où il termina sa carrière. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
- [Her] Majesty, the queen english : Sa Majesté, la reine anglaise, en l'occurrence la reine Victoria. [Ref.↑]
- La tour Malakoff fut érigée au sommet d'une colline face aux remparts pour défendre la ville de Sébastopol contre une éventuelle attaque des Anglais et des Français nouvellement alliés, au début des années 1850. On lui donna le nom d'un ancien capitaine russe dont le souvenir restait attaché au lieu, Vladimir Malakhov. Le 8 septembre 1855, lors de la bataille de Malakoff, la redoute tombe aux mains des Français, dirigés par le maréchal de Mac-Mahon, devenu célèbre notamment pour cette victoire au cours de laquelle il prononça son fameux « J'y suis ! J'y reste ! », entraînant la chute de la ville. [Ref.↑ 3,0 3,1]
- Le pardon de Notre-Dame de Kerdévot est célébré le premier dimanche qui suit le 8 septembre, le jour de la fête de la naissance de la Vierge Marie, fille d'Anne et de Joachim. [Ref.↑]
- Aimable Jean-Jacques Pélissier (1794-1864), général commandant des armées qui prirent Sébastopol. Suite à cela, il fut nommé maréchal de France et duc de Malakof, le 22 juillet 1856. [Ref.↑]
- L’historique du 26e de ligne (26e régiment d’infanterie, historique du corps, SHAT, 4 M 34, folio 51 v°) permet de dater cet assaut au 23 septembre 1855. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Avril 2012 Dernière modification : 7.04.2012 Avancement : [Développé] |