La libération d'un missionnaire au royaume d'Annam, journaux de bord de l'Alcmène 1845 - GrandTerrier

La libération d'un missionnaire au royaume d'Annam, journaux de bord de l'Alcmène 1845

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-<i>Un fait historique observé par deux marins, le chirurgien breton Jean-René Bolloré et le commandant Fornier-Duplan, tous deux sur la corvette à voiles l'Alcmène, en campagne militaire dans un royaume qui allait ensuite devenir un protectorat français après une période de guerre</i>.+<i>Un évènement historique observé par deux marins, le chirurgien breton Jean-René Bolloré et le commandant Fornier-Duplan, tous deux sur la corvette à voiles l'Alcmène, en campagne militaire dans un royaume qui allait ensuite devenir un protectorat français après une période de guerre</i>.
-Le breton note avec émerveillement tout ce qu'il voit, les protagonistes de la libération, et également les lieux sacrés environnants : « la plus belle de toutes les pagodes ... une petite chapelle consacrée à une déesse, ... on ne pouvait mieux la comparer qu'à la Ste Vierge qu'on voit dans nos campagnes bretonnes, parée et habillée dans une belle niche, les jours de <i>pardons</i> ».+Le breton note avec émerveillement tout ce qu'il voit, les protagonistes de la libération, et également les lieux sacrés environnants : <small>« la plus belle de toutes les pagodes, la 7e des merveilles ... une petite chapelle consacrée à une déesse, ... on ne pouvait mieux la comparer qu'à la Ste Vierge qu'on voit dans nos campagnes bretonnes, parée et habillée dans une belle niche, les jours de <i>pardons</i> ».</small>
Autres lectures : {{Tpg|BOLLORÉ Jean-René - Voyages en Chine et autres lieux‎}}{{Tpg|Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur}}__NOTOC__ Autres lectures : {{Tpg|BOLLORÉ Jean-René - Voyages en Chine et autres lieux‎}}{{Tpg|Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur}}__NOTOC__
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-Le journal de bord du commandant de l'Alcmène a été publié en 1907-1908 dans les tomes 29 et 30 du Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort. Celui du chirurgien Bolloré a été publié par son arrière petit-fils Gwenn-Aël aux éditions de la Société Finistérienne d'Histoire et d'Archéologie.+Le journal de bord du commandant de l'Alcmène a été publié en 1907-1908 dans les tomes 29 et 30 du Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort. Celui du chirurgien Bolloré a été édité en 1979 par son arrière petit-fils Gwenn-Aël et la Société Finistérienne d'Histoire et d'Archéologie.
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 +Les deux journaux sont complémentaires et permettent de comprendre la situation historique de ce pays du Vietnam, nommé à l'époque Cochinchine, en incluant sa partie Nord en pays d'Annam où réside son empereur de la dynastie Nguyen.
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 +Le journal du commandant Fornier-Duplan contient notamment les lettres officielles échangées entre les autorités cochinchinoises et françaises., On y trouve aussi le rôle de la corvette, où le jeune chirurgien-major Bolloré de 28 ans est dit de 2e classe (lors de sa première affection en 1839 il était chirurgien de 3e classe).
 +[[Image:RoleAlcmène.jpg|400px|center|thumb|p. 294 du tome 29, 1907]]
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 +Le journal de J.-R. Bolloré est plus descriptif que celui du capitaine, des notes manuscrites rédigées plus tard ayant été manifestement ajoutées lors de la publication. Il développe notamment les origines de la présence missionnaire en Cochinchine, et propose une leçon d'histoire et de généalogie de la dynastie des empereurs : « <i>Migues-Man <ref name=MinhMang>{{PR-MinhMang}}</ref>, fils illégitime de Gya-Long <ref name="GiaLong">{{PR-GiaLong}}</ref>, monta alors sur le trône. Dès lors, la puissance des Français tomba en décadence.</i> »
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 +Le chirurgien est également attentif aux coutumes locales et à la beauté des lieux, notamment les 5 montagnes de marbre de Da Nang / Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> avec ses magnifiques pagodes bouddhistes. C'est un véritable guide touristique qui pourraient intéresser les touristes d'aujourd'hui : « <i>Le hasard encore nous servit à souhaits, car nous vîmes la plus belle de toutes les pagodes, la 7e des merveilles... C'est en montant que nous vîmes cette inscription : grotte du ciel, de la terre et de la mer ... une demeure pour les Bonzes et une pagode où ils font leurs cérémonies ... Tel est le petit voyage que j'ai fait aux rochers de marbre, et dont le souvenir me sera toujours très agréable.</i> »
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 +Il exprime par ailleurs une critique du comportement des missionnaires chrétiens en Cochinchine : « <i>Toutes deux sont par trop partiales, et ne parlent uniquement que de tout ce qui serait possible de faire pour améliorer le sort des Missionnaires, et faire tolérer le christianisme en Cochinchine. M. Chamaison va même jusqu'à dire que, à cause de l'arrestation de Monseigneur Le Fèvre, ipso facto, dit-il, on pourrait menacer l'Empereur de la Cochinchine d'une guerre avec la France.</i> »
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 +Le portrait de l'évêque Dominique Lefèvre, après sa libération, donne l'image d'un certain fanatisme : « <i>M. Le Fèvre est un homme de 36 ans, de taille moyenne, paraissant fatigué, et ayant une figure brune avec longue barbe noire, et de grands yeux noirs. Je le trouve froid et peu communicatif ... Un des ministres lui proposa, au nom de l'Empereur, 10 piastres et des habits qu'il refusa. Il a fait la route de Hue à Tourane en 2 jours et 1 nuit.</i> »
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 +Néanmoins, la campagne de l'<i>Alcmène</i> a constitué une mission de paix avec les échanges de lettres entre le Commandant et les mandarins (grands commis) de l'Empereur de Cochinchine, les cérémonies de négociations à bord ou à terre dans les pagodes du village voisin, les remises de cadeaux cochinchinois, et enfin l'arrivée du prisonnier libéré.
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 +Cela ne suffira malheureusement pas pour éviter la guerre : en 1857, le nouvel empereur d'Annam Tự Đức fit mettre à mort deux missionnaires catholiques espagnols. En septembre, un corps franco-espagnol débarqua à Tourane (l'actuelle Da Nang) et la guerre s'enlisera jusqu'en 1862. Quant à Jean-René il est de retour au pays breton depuis fin 1846 et préside aux destinées de la papeterie familiale d'Odet.
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==Transcriptions== ==Transcriptions==
-<i>Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : <spoiler all='991,992,993,994,995,996,997,998,999,9910,9911,9912,9913,9914'></spoiler></i>+<i>Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : <spoiler all='991,992,993,994,995,996,997,998,999,9910,9911,9912,9913,9914,9915'></spoiler></i>
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<b>VOYAGES EN CHINE ET AUTRES LIEUX</b> <b>VOYAGES EN CHINE ET AUTRES LIEUX</b>
-Le vendredi 16, nous appareillons à 5 h 1/4 du matin, avec des paquets à ne décacheter qu'à une certaine distance en mer. Mais nous savions déjà à Tourane, en Cochinchine. Monseigneur Le Fèvre, évêque coadjuteur, était dans les prisons de <i>Hue-Fo</i>, depuis octobre 44, et avait demandé à l'Amiral et à l'Ambassadeur français secours et assistance. M. Cécille donna à notre commandant une lettre cachetée pour l'Empereur de la Cochinchine, avec l'ordre de ne séjourner à Tourane que 10 jours au plus.+Le vendredi 16, nous appareillons à 5 h 1/4 du matin, avec des paquets à ne décacheter qu'à une certaine distance en mer. Mais nous savions déjà à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, en Cochinchine. Monseigneur Le Fèvre, évêque coadjuteur, était dans les prisons de <i>Hue-Fo</i>, depuis octobre 44, et avait demandé à l'Amiral et à l'Ambassadeur français secours et assistance. M. Cécille donna à notre commandant une lettre cachetée pour l'Empereur de la Cochinchine, avec l'ordre de ne séjourner à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> que 10 jours au plus.
-<spoiler id='991' text="La frégate ne devait quitter Singapour que le 14 mai ...">La frégate ne devait quitter Singapour que le 14 mai, toucher, disait-on, à un port de Siam, pour rejoindre ensuite Manille où nous devions nous retrouver. Quant à la <i>Victorieuse</i>, elle attendrait à Singapour, l'arrivée du vapeur l'<i>Archimède</i> qui porterait la réponse pour l'affaire de Bassilan, à l'Ambassadeur et à l'Amiral, tandis qu'elle irait elle-même en donner connaissance à la <i>Sabine</i>. Telle était la politique à notre départ de Singapoure pour Tourane.+<spoiler id='991' text="La frégate ne devait quitter Singapour que le 14 mai ...">La frégate ne devait quitter Singapour que le 14 mai, toucher, disait-on, à un port de Siam, pour rejoindre ensuite Manille où nous devions nous retrouver. Quant à la <i>Victorieuse</i>, elle attendrait à Singapour, l'arrivée du vapeur l'<i>Archimède</i> qui porterait la réponse pour l'affaire de Bassilan, à l'Ambassadeur et à l'Amiral, tandis qu'elle irait elle-même en donner connaissance à la <i>Sabine</i>. Telle était la politique à notre départ de Singapoure pour Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>.
Le 24, nous rencontrâmes à la mer les deux navires cochinchinois partis quelques temps avant nous. Le 24, nous rencontrâmes à la mer les deux navires cochinchinois partis quelques temps avant nous.
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Le 26, en passant tout près de nous, nous demande en français, puis en anglais, si nous sommes bâtiment de guerre, d'où nous venons et nous allons. Sa curiosité satisfaite, nous continuons notre route. Le 26, en passant tout près de nous, nous demande en français, puis en anglais, si nous sommes bâtiment de guerre, d'où nous venons et nous allons. Sa curiosité satisfaite, nous continuons notre route.
-Enfin, après avoir été bien contrariés par les vents contraires, nous jetons l'ancre sur la rade de Tourane, le samedi 31 mai à 3 h du soir. On fait un salut de 3 coups de canon, le pavillon jaune <ref name=PavillonJaune>{{K-Pavillonjaune}}</ref> au mâts de misaine ; les deux forts de Tourane rendent immédiatement le salut.+Enfin, après avoir été bien contrariés par les vents contraires, nous jetons l'ancre sur la rade de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, le samedi 31 mai à 3 h du soir. On fait un salut de 3 coups de canon, le pavillon jaune <ref name=PavillonJaune>{{K-Pavillonjaune}}</ref> au mâts de misaine ; les deux forts de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> rendent immédiatement le salut.
Le 1er juin, au soir, arriva l'un des navires cochinchinois ; et le 2 au soir, mouilla aussi sur la rade l'autre trois-mâts. Il y avait alors sur rade 5 trois-mâts et 3 bricks, gréés à l'européenne, et quelques petites jonques. Le 1er juin, au soir, arriva l'un des navires cochinchinois ; et le 2 au soir, mouilla aussi sur la rade l'autre trois-mâts. Il y avait alors sur rade 5 trois-mâts et 3 bricks, gréés à l'européenne, et quelques petites jonques.
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-<spoiler id='992' text="Le 2 juin, un Cochinois chrétien remet ... deux lettres ...">Le 2 juin, un Cochinois chrétien remet en cachette à des canotiers deux lettres pour le commandant : l'une était de M. <i>Chamaison</i> missionnaire éloigné au plus de Tourane de 5 à 6 milles ; le jour même de notre mouillage, il avait appris notre arrivée ; l'autre était de Monseigneur Le Fèvre, datée du 1er avril de Hue-Fo. Toutes deux sont par trop partiales, et ne parlent uniquement que de tout ce qui serait possible de faire pour améliorer le sort des Missionnaires, et faire tolérer le christianisme en Cochinchine. M. Chamaison va même jusqu'à dire que, à cause de l'arrestation de Monseigneur Le Fèvre, <i>ipso facto</i>, dit-il, on pourrait menacer l'Empereur de la Cochinchine d'une guerre avec la France, etc. etc.+<spoiler id='992' text="Le 2 juin, un Cochinois chrétien remet ... deux lettres ...">Le 2 juin, un Cochinois chrétien remet en cachette à des canotiers deux lettres pour le commandant : l'une était de M. <i>Chamaison</i> missionnaire éloigné au plus de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> de 5 à 6 milles ; le jour même de notre mouillage, il avait appris notre arrivée ; l'autre était de Monseigneur Le Fèvre, datée du 1er avril de Hue-Fo. Toutes deux sont par trop partiales, et ne parlent uniquement que de tout ce qui serait possible de faire pour améliorer le sort des Missionnaires, et faire tolérer le christianisme en Cochinchine. M. Chamaison va même jusqu'à dire que, à cause de l'arrestation de Monseigneur Le Fèvre, <i>ipso facto</i>, dit-il, on pourrait menacer l'Empereur de la Cochinchine d'une guerre avec la France, etc. etc.
-La baie de Tourane, entourée de hautes montagnes, est belle et grande ; cependant, comme il y a beaucoup de bas-fonds, les grands navires ne mouillent qu'à 3 milles environ du petit village de Tourane, au bas d'un fort situé sur la presqu'île de <i>Tien-Cha</i>, en dedans de l'île dite de l'<i>Observatoire</i>. À l'entrée du goulet de Tourane, se voient, à droite, l'île de <i>Han</i>, et à gauche, la presqu'île dont je viens de parler. Les feux de deux forts situés en face l'un de l'autre pourraient s'entrecroiser.+La baie de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, entourée de hautes montagnes, est belle et grande ; cependant, comme il y a beaucoup de bas-fonds, les grands navires ne mouillent qu'à 3 milles environ du petit village de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, au bas d'un fort situé sur la presqu'île de <i>Tien-Cha</i>, en dedans de l'île dite de l'<i>Observatoire</i>. À l'entrée du goulet de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, se voient, à droite, l'île de <i>Han</i>, et à gauche, la presqu'île dont je viens de parler. Les feux de deux forts situés en face l'un de l'autre pourraient s'entrecroiser.
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-<spoiler id='993' text="Tourane est un misérable petit village situé sur une langue ...">Tourane est un misérable petit village situé sur une langue de sable qui réunit la presqu'île de Tien-Cha à la terre ferme. Je dis presqu'île, car, du sommet d'un des rochers de marbre que j'ai visités, il m'a été impossible de voir un bras de mer quelconque ; et, en remontant la rivière qui mène à <i>Fai-Fo</i>, à deux lieues environ de Tourane, l'est est presque douce, ce qui n'aurait pas lieu si un bras de mer coupait en deux la langue de sable. Dans la supposition d'une rivière, que j'admets d'autant plus volontiers que la plupart des navigateurs qui ont visité Tourane ne sont pas allés aux rochers de marbre, et surtout ne sont pas montés à leurs sommets pour jouir du coup d’œil de la plaine environnante, dans cette supposition, dis-je, le village de Tourane serait situé à l'embouchure de la rivière qui vient de Fai-Fo dans la baie, sur ses deux rives, mais en grande partie sur la rive gauche. Chaque côté a un petit fort dominé par un mât de pavillon à l'européenne.+<spoiler id='993' text="Tourane est un misérable petit village situé sur une langue ...">Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> est un misérable petit village situé sur une langue de sable qui réunit la presqu'île de Tien-Cha à la terre ferme. Je dis presqu'île, car, du sommet d'un des rochers de marbre que j'ai visités, il m'a été impossible de voir un bras de mer quelconque ; et, en remontant la rivière qui mène à <i>Fai-Fo</i>, à deux lieues environ de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, l'est est presque douce, ce qui n'aurait pas lieu si un bras de mer coupait en deux la langue de sable. Dans la supposition d'une rivière, que j'admets d'autant plus volontiers que la plupart des navigateurs qui ont visité Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> ne sont pas allés aux rochers de marbre, et surtout ne sont pas montés à leurs sommets pour jouir du coup d’œil de la plaine environnante, dans cette supposition, dis-je, le village de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> serait situé à l'embouchure de la rivière qui vient de Fai-Fo dans la baie, sur ses deux rives, mais en grande partie sur la rive gauche. Chaque côté a un petit fort dominé par un mât de pavillon à l'européenne.
-Quelques petits marchands habitent Tourane ; cependant la plupart des habitants en sont pêcheurs : +Quelques petits marchands habitent Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> ; cependant la plupart des habitants en sont pêcheurs : tous vivent misérablement, sont d'une saleté dégoûtante, et se cherchent mutuellement des insectes vermineux qu'ils mangent. Dans quelques cabanes, sur la plage voisine de notre mouillage, j'ai vu des Cochinchinois en manger. C'est un goût bien révoltant. Les hommes, en général petits, mais vigoureusement constitués, paraissent tous abrutis, grâce au régime despotique sous lequel ils vivent ; un Européen leur fait peur.
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 +Quant au logement des éléphants dont parle Dumont-d'Urville <ref name=DumontdUrville>{{PR-DumontdUrville}}</ref>, nous n'avons jamais pu le trouver, quelques étendues qu'aient été nos courses dans la montagne du côté de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, et dans le village que nous avons plusieurs fois visité.
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 +Sur les montagnes de la presqu'île de Tien-Cha, nous avons tué un assez grand nombre de singes <i>à culottes rouges</i> ; des sangsues de bonne qualité fourmillent aussi dans de petits ruisseaus et plusieurs rizières près du rivage.
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-<spoiler id='994' text="Tout le monde sait qu'un missionnaire ... en 1787 ...">Tout le monde sait qu'un missionnaire, George-Pierre-Joseph Pigneaux de Behaim, franiscain, ...+<spoiler id='994' text="Tout le monde sait qu'un missionnaire ... en 1787 ...">Tout le monde sait qu'un missionnaire, George-Pierre-Joseph Pigneaux de Behaim, franciscain, né dans le diocèse de Laon, et plus connu sous le nom d'évêque d'Adran, arriva à Paris, en 1787, avec le fils aîné du roi de Conchinchine, Gya-Long <ref name="GiaLong">{{PR-GiaLong}}</ref>, chassé du trône par un usurpateur. Le missionnaire avait pour but de demander l'intervention française pour remettre Gya-Long sur le trône. Un traité fut signé entre S.M. Louis XVI et le Roi de Cochinchine, représentés par son fils et l'évêque d'Adran. La France s'engageait par cet acte à fournir à la Cochinchine 20 vaisseaux de guerre, 7 régiments dont 5 européens et 2 de troupes coloniales, et en outre 1 million de piastres, moitié en numéraire, moitié en salpêtre, canons, mousquets et autres armements militaires. De son côté, le roi de Cochinchine déclarait céder à la France le territoire de <i>Han</i>, la baie de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, et les îles adjacentes de Fai-Fo au midi et de Hai-Wen au nord, territoire stérile et étroit, de 40 milles de long à peu près, et de 8 à 10 de large. En cas d'agression étrangère sur les points concédés, 60.000 Cochinchinois devaient y prendre fait et cause pour les Français, pendant que 40.000 autres se mettaient à leur solde pour conduire à bonne fin leurs autres guerres dans l'inde. À côté de ces stipulations politiques et militaires, se trouvaient quelques articles favorables au commerce et à la navigation de la France.
 + 
 +La Révolution Française fit oublier ces intérêts lointains ; et la seule chose qui résulta de ce traité signé entre les deux rois, ce fut qu'une vingtaine d'officiers vinrent en Cochinchine, comme volontaires, à la suite de l'évêque, et aidèrent beaucoup Gya-Long <ref name="GiaLong">{{PR-GiaLong}}</ref>, de leurs travaux et de leurs lumières, à s'emparer de son royaume. MM. Dayot, Chaigneau et Vannier furent faits par Gya-Long <ref name="GiaLong">{{PR-GiaLong}}</ref> mandarins de 1ère classe. L'évêque d'Adran mourut en 1817, et Gya-Long <ref name="GiaLong">{{PR-GiaLong}}</ref> en 1819. Son fils aîné, l'élève de l'évêque, avait déjà succombé en 1799. <i>Migues-Man</i> <ref name=MinhMang>{{PR-MinhMang}}</ref>, fils illégitime de Gya-Long <ref name="GiaLong">{{PR-GiaLong}}</ref>, monta alors sur le trône. Dès lors, la puissance des Français tomba en décadence ; leur position devint si intélorable qu'en 1823, MM. Chaigneau et Vannier, les seuls qui restaient, s'embarquèrent et revinrent en France. Depuis lors, toutes les tentatives du gouvernement français pour regagner une une influence perdue ont été infructueuses.
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 +Migues-Man <ref name=MinhMang>{{PR-MinhMang}}</ref> est mort en février 1841, et c'est son fils <i>Thien-Tri</i> <ref name="ThiêuTri">{{PR-ThiêuTri}}</ref> qui règne aujourd'hui. C'es tlui qui a déjà fait remettre au commandant de l'<i>Héroine</i>, au commencement de 1843, cinq missionnaires français retenus, depuis deux ans, dans les fers, à Hue-Fo.
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-<spoiler id='995' text="Migues-Man est mort en février 1841, et c'est son fils Thien-Tri ...">Migues-Man est mort en février 1841, et c'est son fils <i>Thien-Tri</i> ...+<spoiler id='995' text="Le mercredi 4 juin ... le recevrait à terre le lendemain ... ">Le mercredi 4 juin, à 6h du soir, un petit mandarinet, suivi d'un interprète disant quelques mots d'anglais, de mauvais français et d'espagnol, vient à bord de la corvette l'<i>Alcmène</i>, annoncer au commandant qu'un grand mandarin, arrivé de Hue-Fo, le recevrait à terre le lendemain, à l'heure qu'il voudrait indiquer. La visite fut fixée à 9 h du matin.
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 +Le jeudi 5 juin, le Commandant, escorté de MM. Itier, Rejou, Kerangal, le Commissaire Dubuisson et moi, quitta le bord à 8h du matin. À 9 h, nous débarquions dans le misérable petit village de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>. Nous arrivâmes, à quelques centaines de pas du débarcadère, à une pagode, lieu de la réception, par une allée bordée de 90 Cochinchinois portant fusils européens et lances en assez mauvais état. Tous étaient nus jusqu'aux genoux ; et leurs costumes consistaient dans une grosse chemise recouverte d'une camisole rouge : seulement depuis les coudes jusqu'aux poignets, l'étoffe en était de différentes couleurs, mais surtout blanche. Dans la cour de la pagode, il y avait encore 60 hommes sur trois rangs de chaque côté. Le premier rang avait des sabres, le second portait des fusils, la plupart anglais, et enfin la troisième était désarmé et les mains dans les rangs.
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 +La pagode était triste et pauvre : quelques tables ornées de gâteaux et de fruits avaient été dressées pour nous à la hâte. Le Mandarin de première classe, du nom de <i>Li-Wan-Foc</i>, homme d'une soixantaine d'années, maigre, grand, à cheveux rares et blancs, moustaches et brbe, ou plutôt bouc, blancs et clairsemés, nous reçut à l'entrée de la pagode. Cet homme avait avait une physionomie expressive, ouverte et franche. Son costume rassemblait assez à celui des Mandarins chinois ; du milieu de sa large robe à fond bleu et à grands ramages, partaient deux ailerons qui se dirigeaient en haut et en arrière. Son chapeau, en crin tressé, avait la forme d'une cuve dominée en arrière par un segment de cylindre de même tissu et dont la partie plane regardait l'avant ; enfin, sur l'arrière du bonnet, était appliquée une bande transversale en crin encore, large d'environ 4 centimètres, et débordant de chaque côté de 12 à 5 centimètres. quelques petites plaques en cuivre étaient semées ça et là sur ce bonnet bizarre. Une ceinture avec quelques pierres d'un certain prix, formant des reliefs de distance en distance, terminait cet uniforme du mandarin cochinchinois. Quant aux officiers français, ils étaient en petite tenue, tous portant la robe et le turban noirs, nous entouraient silencieusement et à distance, les pieds nus.
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-<spoiler id='996' text="La pagode était triste et pauvre : quelques tables ...">La pagode était triste et pauvre : quelques tables ...+<spoiler id='996' text="La séance ne fut pas de longue durée ...">La séance ne fut pas de longue durée : le commandant dit au mandarin, au moyen d'un interprète, qu'il avait fait parvenir à l'Empereur de Conchinchine une lettre de l'Amiral français, pour demander la liberté de M. Le Fèvre, sujet de la France, et retenu depuis six mois dans les prisons de Hue-Fo. Le mandarin répondit que le Roi, à la réception de la lettre du grans mandarin français, lui avait sur-le-champ donné l'ordre de venir à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, sans lui en donner connaissance. Néanmoins, il ajouta qu'il allait partir de suite pour la capitale, qu'il y serait dans 3 jours et que, dans 5 à 6 jours, que M. Le Fèvre serait à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>. On demanda aussi, qu'à l'exemple de l'Empereur de Chine, celui de la Cochinchine tolérât le christianisme dans ses états. Le mandarin répondit que cela dépassait ses pouvoirs, et qu'à son retour à Hue-Fo, il en parlerait au roi. - He ne pense pas qu'il accomplisse sa promesse au roi : en effet, dans une seconde entrevue à laquelle assistait le gouverneur de la province, ce dernier répondit à la même demande qu'on lui faisait, qu'il n'y avait que 3 ou 4 grands mandarins qui pussent parler au Roi, et qu'ils n'oseraient jamais l'entretenir sur des choses contraires aux lois du royaume, certains qu'ils seraient d'avoir le cou coupé immédiatement.
 + 
 +Le mandarin demanda aussi des nouvelles du Roi de France, de la santé de l'équipage de la corvette et de celle des des deux grands mandarins français qui étaient restés si longtemps en Cochinchine. Il ajouta qu'il occupait la place de l'un d'eaux, et s'informa près du Commandant s'ils ne retourneraient plus en Cochinchine.
 + 
 +Li-Wan-Foc accorda aussi, sur la demande qu'on lui en fit, la permission de se promener dans la campagne, sans aller cependant trop loin. Mais toutes les fois qu'il fut question des rochers de marbre, il dit toujours que cette permission dépassait ses pouvoirs et qu'il n'y avait que le Roi seul qui pût l'accorder.
 + 
 +Enfin, après diverses causeries, nous levons la séance à 10 h 20 : à 11 h, nous étions à bord. Quelques instants après, nous recevions des présents consistant en 6 sacs de riz, 2 sacs de sucre, 5 cochons, 2 buffles, 50 canards et 50 poules, 4 cruchons de sanchou, et des fruits nombreux consistant en bananes, ananas et cocos. En échange de ces bons procédés, nous eûmes l'intention de donner un terçon de rhum et un autre de vin blanc ; mais nous partîmes sans rien laisser ...
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-<spoiler id='997' text="À 5 h du matin, ... débarquions au pied des rochers de marbre ...">À 5 h du matin, ... nous débarquions au pied des rochers de marbre ...+<spoiler id='997' text="Le samedi 7 juin ... fûmes visiter les rochers de marbre ...">Le samedi 7 juin, MM. Itier, Rejou, Kerangal, le Commissaire, Moisson, Lavollée, Rondor et moi, fûmes visiter les rochers de marbre. Le Commandant et les officiers y allèrent le 9.
 + 
 +À 5 h du matin, nous quittâmes la corvette ; à 6 h, nous passions devant Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> et naviguions sur une petite rivière dont les bords sont plats, couverts de temps en temps de quelques pauvres chaumières et de petits bateaux pêcheurs. Plusieurs fois, on essaya, bien faiblement il est vrai, de nous empêcher de continuer notre course ; mais tous les obstacles furent surmontés avec facilité. À 7 h 1/2, nous prenions un petit embranchement sur la gauche, et à 8 h, nous débarquions au pied des rochers de marbre.
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 +Six montagnes de marbre entourent une petite plaine de sable dans laquelle se voient quelques méchants tombeaux. Dans l'un d'elles, la plus rapprochée de la mer, sont les superbes pagodes que nous avons visitées : ce sont elles seules qui rendent si pittoresques et si curieux ces rochers dont la hauteur peut aller de 200 à 250 pieds.
 + 
 +Sur la montagne de marbre au pied de laquelle nous débarquâmes, et que j'ai gravie pour reconnaître ce bras de mer indiqué sur les cartes nautiques, et que je n'ai pas aperçu, il y avait une inscription en chinois, comme toutes celles du reste que nous avons trouvées, signifiant <i>grande montagne de feu</i>. M. Lavollée avait appris la langue chinoise à Macao, pendant quelques mois, et traduisit en français la plupart des inscriptions chinoises qui s'offrirent à nous.
 + 
 +Deux routes à escaliers, avec rampes soignées, le tout ayant vue sur la mer, conduisent sur la montagne de marbre qui renferme les pagodes. Celle que nous prîmes avait 154 marches et 17 plateaux. C'est en montant que nous vîmes cette inscription : <i>grotte du ciel, de la terre et de la mer</i>.
 + 
 +À peine au haut, on a devant soi une petite pagode peu importante. Elle est entourée de murailles peu élevées que nous fûmes obligés d'escalader pour pénétrer plus avant, les portes en étant fermées, et les Bonzes refusant d'abord de nous ouvrir. Mais quand ils nous virent dans la cour de la pagode, ils eurent probablement peur de nous, et dès lors, aucun obstacle ne s'opposa plus à notre curiosité. Néanmoins, je dois dire que s'il n'y avait pas eu des soldats cochinchinois occupant les lieux à voir, la plupart des merveilles nous seraient restés inconnues. Nous ne savions pas où étaient les pagodes, lorsque 30 à 40 miliciens armés de lances, et accourus aux escaliers qui y conduisent, comme pour nous en barrer le passage, nous montrèrent le chemin à suivre ; et depuis le commencement jusqu'à la fin, ils suivirent ce procédé qui nous servit beaucoup.
 + 
 +En quittant la première pagode qui n'est nullement souterraine, on va devant soi ; et, à quelques pas, on aperçoit, à droite, une entrée dans le roc. Nous nous y engageâmes, et en grimpant par une ouverture étroite et assez difficile, nous arrivâmes dans une grotte que nous crûmes être la plus belle des rochers. Plus tard, nous vîmes avec plaisir que nous étions dans l'erreur. La grotte avait 10 mètres de long, sur 5m de large, et 16 à 18 m de haut ; le jour y arrivait d'en haut par un trou presque circulaire. Ici, comme dans les pagodes souterraines, l'art a fait peu de choses ; c'est la nature qui a tout embelli. Des gouttes d'eau froide tombent du haut, en suivant les parois de la grotte, dont quelques parties d'une couleur différente indiquent le séjour d'une humidité continuelle. Dans cette grotte sont inscrits trois caractères assez grands : <i>grotte laissant passer les nuages</i>, ou bien <i>nuages passant par la grotte</i>.
 + 
 +De là, nous descendîmes par une rampe semblable à la première que nous avions gravie, et arrivâmes à une petite esplanade ayant vue sur le rivage et la mer. Là se trouvait élevé un petit monument portant au milieu cette inscription en gros caractères : <i>Tour de la mer</i> et à gauche, en caractères beaucoup plus petits : <i>Ming-Mung <ref name=MinhMang>{{PR-MinhMang}}</ref> - 18e année - 7e mois - terme</i>, ce qu'on peut expliquer par ces paroles : <i>Terminé la 18e année du règne de Ming-Mung <ref name=MinhMang>{{PR-MinhMang}}</ref>, le 7e mois, jour heureux</i>, c'est-à-dire en 1837. À droite de la pierre, il y avait deux petits caractères qu'on ne peut traduire.
 + 
 +En descendant encore de ce petit belvédère, on arrive à une cour renfermant une pagode assez semblable à la première visitée et non souterraine : le second escalier dont j'ai parlé, vient y aboutir. À droite de la pagode est située la misérable demeure des bonzes sur le devant de laquelle il y a une inscription signifiant <i>Bonze</i>. Nous y entrâmes pour nous reposer quelques instants, car la chaleur était brûlante. Un vieillard et cinq à six jeunes d'assez bonne figure, mais d'une pâleur extrême, composaient le personnel de cette pauvre maison, dont le matériel consistait en quelques bancs, tables, images chinoises, et des livres probablement de prières. Ainsi donc, les deux escaliers mènent chacun à une petite cour renfermant chacune aussi une demeure pour les Bonzes et une pagode où ils font leurs cérémonies.
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-<spoiler id='998' text="En effet, le 12, à 6 h du matin ... l'arrivée du prisonnier français ...">En effet, le 12, à 6 h du matin ... l'arrivée du prisonnier français ...+<spoiler id='9915' text="... le Bonze qui nous reçu d'une manière hospitalière ...">Nous remerciâmes le Bonze qui nous reçu d'une manière hospitalière ; et en le quittant, nous lui laissâmes quelques pièces de monnaie qu'il accepta avec joie.
 + 
 +Derrière cette mesquine habitation, nous visitâmes deux grottes et deux pagodes charmantes. Ces dernières surtout étaient très pittoresques.
 + 
 +Nous dîmes adieu à ces endroits que nous ne verrions peut-être plus jamais, et reprîmes le chemin par lequel nous étions venus. Arrivés à la cour de la première pagode, la vue d'inscription sur les côtés d'une porte d'entrée assez soignée, nous fit diriger nos pas de ce côté ; et le hasard encore nous servit à souhaits, car nous vîmes la plus belle de toutes les pagodes, la 7e des merveilles.
 + 
 +Une petite allée conduit à un escalier de 4 à 5 marches avec rampe, à une petite chapelle consacrée à une déesse. Quant à l'extérieur, on ne pouvait mieux la comparer qu'à la Ste Vierge qu'on voit dans nos campagnes bretonnes, parée et habillée dans une belle niche, les jours de <i>pardons</i>. Sur la gauche et de haut en bas, 3 marches, une plate-forme, 15 marches plus un autre plateau suivi de 11 dernières marches, conduisent à la plus grande et à la plus belle des pagodes souterraines, 4 guerriers montés sur des tigres, je crois, car les animaux sont assez mal représentés, paraissent en défendre l'entrée. Une allée de briques, située au milieu de la pagode et large de 2 mètres, conduit à une anfractuosité du rocher, à six ou sept mètres au-dessus du sol, et dans laquelle on voit une divinité, probablement celle du lieu : une petite bougie était allumée devant son autel. Le reste de la pagode était sablé avec soin. À droite et à gauche existaient aussi deux petits autels, et au centre, une urne servant probablement à brûler des encens. Il y a encore quelques inscriptions qu'on n'a pu traduire ; mais dont M. Lavollée a pris les caractères chinois. Cette pagode souterraine peut avoir 18 mètres de longueur, sur autant de largeur, et 35 m environ de hauteur ; elle a la forme circulaire. Au sommet, 3 ouvertures de grande différente laissent pénétrer le jour ; et de nombreuses lianes tombent, tantôt perpendiculaires, tantôt tortueuses, dans ce lieu enchanteurs. Quel séjour pour la méditation, et comme l'âme se recueille facilement devant ces beautés de la nature ! ...
 + 
 +À 10 h 1/2, nous quittâmes ces rochers que nous venions de tant admirer, et à 11 h, nous étions à notre canot où nous déjeunâmes avec plaisir.
 + 
 +Dans l'après-midi, nous visitâmes un misérable petit village près de l'endroit où nous avions débarqué ; j'y achetait, comme curiosité, un hamac fait de cordes, lit ordinaire des Cochnichinois ; j'emportai aussi des rochers plusieurs échantillons.
 + 
 +À 3 h 1/2, nous mîmes à la voile, par une jolie brise ; à 5 h nous étions à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> que nous parcourûmes encore avec les environs, pendant 1 h. À 6 h, nous laissâmes ce village, et arrivâmes à bord à 7 h 1/2 du soir, après avoir échoué plusieurs fois dans la baie.
 + 
 +Tel est le petit voyage que j'ai fait aux rochers de marbre, et dont le souvenir me sera toujours très agréable.
 +</spoiler>
 +<spoiler id='998' text="Le mercredi 11 juin, ... annoncer l'arrivée du prisonnier français ...">Le mercredi 11 juin, voyant qu'il n'était nullement question de l'évêque, le commandant expédia à terre M. Kerangal, pour savoir du mandarin de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> quand il arriverait. Il fut répondu que ce serait le lendemain ou le surlendemain au plus tard.
 + 
 +En effet, le 12, à 6 h du matin, un petit mandarinet vint à bord annoncer l'arrivée du prisonnier français. À 7 h, le commandant allai à terre. Il fut reçu à la même pagode par deux mandarins, Nguy-Khoc-Thuan, mandarin de première classe, gouverneur de la province, et Mguyen-Thuong, mandarin de 4r classe, envoyé de Hue-Fo. C'est lui qui remit au commandant une lettre du ministre de la marine cochinchinoise à Hue : il paraissait plus poli et plus aimable que les autres ; il était du nombre des 4 et 5 Cochinchinois qui furent en France de 1840 à 1841, et disait qu'il se la rappelait avec plaisir. Li-Wan-Foc, lui, était resté probablement à la capitale. C'est le mandarin de 4e classe qui fit savoir au commandant que 3 ou 4 mandarins au plus avaient le droit de parler à l'Empereur de Cochinchine, et que jamais ils n'oseraient lui proposer de tolérer le christianisme dans le royaume, certains qu'ils seraient d'avoir le cou coupé.
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 +Le mandarin de la province et celui de 4e classe demandèrent un reçu pour l'évêque, reçu que le Commandant leur donna : <i>Le capitaine de vaisseau F.D., commandant la corvette de guerre l'Alcmène, reconnaît avoir reçu de Nguy etc., etc., Monsieur Le Fèvre, missionnaire français</i>.
 + 
 +<i>Dom. Le Fèvre, évêque d'Isauropolis, et coadjuteur de Cochinchine,</i> reçut sa liberté ; à 9 h 1/4, le canot du Commandant était à bord, et à 10 h nous étions sous voiles pour Manille.
 + 
 +M. Le Fèvre est un homme de 36 ans, de taille moyenne, paraissant fatigué, et ayant une figure brune avec longue barbe noire, et de grands yeux noirs. Je le trouve froid et peu communicatif. Il était en Cochinchine depuis dix ans, lorsque dans le courant de septembre 1844, il fut dénoncé par quelques païens auxquels des catholiques, ne se doutant nullement de leur mauvaise foi, avaient parlé de lui. Il fut pris et jeté dans les prisons de Hue. Lorsqu'il fut délivré des fers, à la demande de M. Cécille dont nous avons porté la lettre cachetée à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, un des ministres lui proposa, au nom de l'Empereur, 10 piastres et des habits qu'il refusa. Il a fait la route de Hue à Tourane en 2 jours et 1 nuit, moitié à pied, moitié en hamac de voyage, porté par quelques Cochinchinois qu'il avait payés lui-même.
 + 
 +C'est M. Le Fèvre qui nous a annoncé qu'une frégate américaine avait quitté la baie de Tourane quelques jours avant notre arrivée, et qu'elle avait voulu obtenir sa liberté du Roi de Cochinchine. Dans sa lettre au Commandant de l'<i>Alcmène</i>, le Ministre de la marine cohinchinoise parle de cette frégate qui s'est mal comportée pendant son séjour à Tourane, ayant arrêté des marins, des bateaux de pêcheurs, etc., etc.
 + 
 +Le terme moyen de la chaleur à midi, pendant notre séjour dans la baie de Tourane, a été de 32° C, à l'ombre.
 + 
 +La traversée de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> à Manille a été longue ; nous avons presque toujours rencontré des calmes et des vents contraires. Enfin, nous finîmes par mouiller sur la rade de Manille le mercredi 25 juin à 8 h 1/4 du soir.
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<big>Journal du commandant Fornier-Duplan</big> <big>Journal du commandant Fornier-Duplan</big>
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-<b>V. Mission de l'<i>Alcmène</i> en Annam - De Singapore à Tourane - Remise d'une lettre adressée au Roi de Cochinchine ; pourparlers avec les mandarins - Mgr Lefèvre remis au commandant Fornier-Duplan - Lettres de missionnaires français - Départ de Tourane ...</b>+<b>V. Mission de l'<i>Alcmène</i> en Annam - De Singapore à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> - Remise d'une lettre adressée au Roi de Cochinchine ; pourparlers avec les mandarins - Mgr Lefèvre remis au commandant Fornier-Duplan - Lettres de missionnaires français - Départ de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> ...</b>
Le 16 mai 1845, nous avons appareillé à cinq heures et demie du matin, laissant la <i>Cléopâtre</i> et la <i>Victorieuse</i> au mouillage. Pour cette campagne, que nous fîmes en Annam, je transcrirai le rapport que que j'en ai remis à l'amiral à mon arrivée à Manille ; j'y joindrai deux lettres assez curieuses, que j'ai reçues en Cochinchine : Le 16 mai 1845, nous avons appareillé à cinq heures et demie du matin, laissant la <i>Cléopâtre</i> et la <i>Victorieuse</i> au mouillage. Pour cette campagne, que nous fîmes en Annam, je transcrirai le rapport que que j'en ai remis à l'amiral à mon arrivée à Manille ; j'y joindrai deux lettres assez curieuses, que j'ai reçues en Cochinchine :
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<spoiler id='999' text="Vous nous avez vus appareiller de Singapour, le 16 mai ...">Vous nous avez vus appareiller de Singapour, le 16 mai, avec une fraîcheur du S.-O., qui, ayant passé au N.-E., lorsque nous étions devant le <i>Cléopâtre</i>, a été sur le point de nous jeter sur la frégate ; c'est avec de semblables fraîcheurs, variant à chaque instant, que nous sommes parvenus à doubler Pedra-Branca, dans la nuit. <spoiler id='999' text="Vous nous avez vus appareiller de Singapour, le 16 mai ...">Vous nous avez vus appareiller de Singapour, le 16 mai, avec une fraîcheur du S.-O., qui, ayant passé au N.-E., lorsque nous étions devant le <i>Cléopâtre</i>, a été sur le point de nous jeter sur la frégate ; c'est avec de semblables fraîcheurs, variant à chaque instant, que nous sommes parvenus à doubler Pedra-Branca, dans la nuit.
-Depuis le 24, jour où nous avons aperçu les deux navires cochinchinois, partis quelques jours avant nous de Singapoor, jusqu'au 29, nous n'avons eu que de folles brises et des calmes, et nous avons éprouvé un courant portant au Sud avec une vitesse de 37 à 42 milles par jour. Les points du 25 et du 26 ont été les mêmes. Enfin, le 31, à trois heures du soir, nous avons mouillé à Tourane ; j'ai fait un salut de trois coups de canon, ayant le pavillon jaune <ref name=PavillonJaune>{{K-Pavillonjaune}}</ref> au mât de misaine ; ce salut a été rendu par les deux forts de Tourane.+Depuis le 24, jour où nous avons aperçu les deux navires cochinchinois, partis quelques jours avant nous de Singapoor, jusqu'au 29, nous n'avons eu que de folles brises et des calmes, et nous avons éprouvé un courant portant au Sud avec une vitesse de 37 à 42 milles par jour. Les points du 25 et du 26 ont été les mêmes. Enfin, le 31, à trois heures du soir, nous avons mouillé à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> ; j'ai fait un salut de trois coups de canon, ayant le pavillon jaune <ref name=PavillonJaune>{{K-Pavillonjaune}}</ref> au mât de misaine ; ce salut a été rendu par les deux forts de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>.
Il y avait sur rade trois trois-mâts et trois mâts cochinchinois ; les deux corvettes sont arrives le 1er et le 2 juin. Il y avait sur rade trois trois-mâts et trois mâts cochinchinois ; les deux corvettes sont arrives le 1er et le 2 juin.
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Un petit chef est venu prendre le nom de la corvette et le mien ; je l'ai chargé d'annoncer au premier mandarin du village ma visite pour le lendemain, à sept heures du matin ; cet homme parlait un peu le français. Un petit chef est venu prendre le nom de la corvette et le mien ; je l'ai chargé d'annoncer au premier mandarin du village ma visite pour le lendemain, à sept heures du matin ; cet homme parlait un peu le français.
-Le 1er juin, à sept heures, je suis descendu à Tourane, traversant deux haies de soldats armés de piques ou de sabres, et je suis arrivé à la paade voisine, où m'attendait le chef du village.+Le 1er juin, à sept heures, je suis descendu à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, traversant deux haies de soldats armés de piques ou de sabres, et je suis arrivé à la paade voisine, où m'attendait le chef du village.
Après les salutations d'usage, je lui ai remis votre lettre pour le Roi de Cochinchine, en l'engageant à la faire parvenir promptement. Il m'a donné l'assurance qu'il allait l'expédier sur-le-champ. Après les salutations d'usage, je lui ai remis votre lettre pour le Roi de Cochinchine, en l'engageant à la faire parvenir promptement. Il m'a donné l'assurance qu'il allait l'expédier sur-le-champ.
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Le 4 juin, à six heures du soir, un Cochinchinois est venu prévenir à bord qu'un mandarin de Huô-Fo s'était fait annoncer Le 4 juin, à six heures du soir, un Cochinchinois est venu prévenir à bord qu'un mandarin de Huô-Fo s'était fait annoncer
-pour le lendemain et me faisait prier de descendre à Tourane,+pour le lendemain et me faisait prier de descendre à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>,
sur les neuf heures du matin ; je promis de m'y trouver. sur les neuf heures du matin ; je promis de m'y trouver.
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Je lui ai demandé s'il était porteur de la réponse à votre lettre ; Je lui ai demandé s'il était porteur de la réponse à votre lettre ;
il a commencé par me dire que le Roi, à la réception de votre il a commencé par me dire que le Roi, à la réception de votre
-lettre, lui avait enjoint de partir sur le champ pour Tourane,+lettre, lui avait enjoint de partir sur le champ pour Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>,
sans lui en donner connaissance. sans lui en donner connaissance.
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J'ai vu, dès lors, que je serais forcé de dépasser le temps J'ai vu, dès lors, que je serais forcé de dépasser le temps
-que vous m'aviez fixé pour ma relâche à Tourane, car il me+que vous m'aviez fixé pour ma relâche à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, car il me
devenait impossible de partir avant les cinq jours demandés. devenait impossible de partir avant les cinq jours demandés.
Nous avons profité de ces cinq journées pour visiter les environs, Nous avons profité de ces cinq journées pour visiter les environs,
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envoyé un officier au chef du village : on lui a dit qu'on envoyé un officier au chef du village : on lui a dit qu'on
avait des nouvelles du départ de Huê Fo de Mgr Lefèvre qu'il avait des nouvelles du départ de Huê Fo de Mgr Lefèvre qu'il
-serait à Tourane le lendemain ou le surlendemain au plus tard.+serait à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> le lendemain ou le surlendemain au plus tard.
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<spoiler id='9911' text="Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...">Le 12 juin, à six heures un quart du matin, <spoiler id='9911' text="Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...">Le 12 juin, à six heures un quart du matin,
l'interprète est venu à bord me prévenir que Mgr Lefèvre était arrivé l'interprète est venu à bord me prévenir que Mgr Lefèvre était arrivé
-avec deux mandarins qui me faisaient prier de descendre à Tourane. À+avec deux mandarins qui me faisaient prier de descendre à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>. À
neuf heures, accompagné de deux officiers, j'entrais dans la neuf heures, accompagné de deux officiers, j'entrais dans la
pagode, où j'ai trouvé deux nouveaux mandarins en grand costume. pagode, où j'ai trouvé deux nouveaux mandarins en grand costume.
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question dans la lettre du ministre (<i>La Constitution</i>, capitaine question dans la lettre du ministre (<i>La Constitution</i>, capitaine
Perceval), seulement j'ai su qu'on était indigné de sa conduite Perceval), seulement j'ai su qu'on était indigné de sa conduite
-à Tourane ; elle y avait arrêté des habitants, des bateaux, mais+à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> ; elle y avait arrêté des habitants, des bateaux, mais
les avait relâchés à son départ. les avait relâchés à son départ.
À huit heures et demie, j'ai pris congé de ces Messieurs ; à À huit heures et demie, j'ai pris congé de ces Messieurs ; à
neuf heures un quart, Mgr montait à bord de l'<i>Alcmène</i>, et à neuf heures un quart, Mgr montait à bord de l'<i>Alcmène</i>, et à
-neuf heures trois quarts nous quittions Tourane, sans avoir plus+neuf heures trois quarts nous quittions Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, sans avoir plus
de malades qu'à notre arrivée. de malades qu'à notre arrivée.
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communication avec les gens de la frégate ; je ne sais si je serai communication avec les gens de la frégate ; je ne sais si je serai
plus heureux cette fois. J'ai appris hier que vous étiez entré au plus heureux cette fois. J'ai appris hier que vous étiez entré au
-port de Tourane. Puissiez-vous obtenir, Monsieur le Commandant, +port de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>. Puissiez-vous obtenir, Monsieur le Commandant,
un plein succès dans l'entreprise que votre cœur généreux un plein succès dans l'entreprise que votre cœur généreux
vous a fait entreprendre. Mgr Lefèvre est en ce moment dans vous a fait entreprendre. Mgr Lefèvre est en ce moment dans
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serait de nature à l'effrayer grandement et à le rendre un peu serait de nature à l'effrayer grandement et à le rendre un peu
plus traitable. Il serait bien désirable qu'il y ait un consul à plus traitable. Il serait bien désirable qu'il y ait un consul à
-Tourane un missionnaire pourrait d'abord remplir ces fonctions ; +Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> un missionnaire pourrait d'abord remplir ces fonctions ;
on pourrait aussi exiger l'exécution du traité conclu entre on pourrait aussi exiger l'exécution du traité conclu entre
Louis XVI et le grand-père du roi actuel. Louis XVI et le grand-père du roi actuel.
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d'après le rapport du préfet, des provinces de Quang-Nam et d'après le rapport du préfet, des provinces de Quang-Nam et
Quang-Nghai, a rendu compte au Roi que, dernièrement, il est Quang-Nghai, a rendu compte au Roi que, dernièrement, il est
-arrivé dans le port de Tourane un navire de guerre français,+arrivé dans le port de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref> un navire de guerre français,
commandé par M. Duplan. Ce commandant a remis respectueusement commandé par M. Duplan. Ce commandant a remis respectueusement
une lettre de son royaume, exposant que l'une des années une lettre de son royaume, exposant que l'une des années
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l'ordre qui va suivre : l'ordre qui va suivre :
-L'évêque coadjuteur Dominique sera conduit à Tourane, par+L'évêque coadjuteur Dominique sera conduit à Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, par
une personne nommée à cet effet, et remis au mandarin du une personne nommée à cet effet, et remis au mandarin du
lieu. Celui-ci le mettra en liberté, pour qu'il revoie sa patrie. lieu. Celui-ci le mettra en liberté, pour qu'il revoie sa patrie.
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Dernièrement, il y a un navire de guerre (La Constitution) Dernièrement, il y a un navire de guerre (La Constitution)
-du royaume des États-Unis, commandé par le capitaine Perce'val, +du royaume des États-Unis, commandé par le capitaine Perceval,
-qui est venu au port de Tourane, demander humblement du+qui est venu au port de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>, demander humblement du
bois et de l'eau. De plus, il a demandé qu'on délivrât le prêtre bois et de l'eau. De plus, il a demandé qu'on délivrât le prêtre
français Lefèvre. Mais ce prêtre est sujet du royaume de France, français Lefèvre. Mais ce prêtre est sujet du royaume de France,
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connaître la justice de nos procédés. Il faut aussi dire aux habitants connaître la justice de nos procédés. Il faut aussi dire aux habitants
de ce royaume, s'il y en avait qui voulussent venir faire de ce royaume, s'il y en avait qui voulussent venir faire
-ici le commerce, de ne mouiller que dans le port de Tourane.+ici le commerce, de ne mouiller que dans le port de Tourane <ref name=Tourane>{{Tourane}}</ref>.
D'après la loi, faire le commerce, vendre, voilà ce qui est permis ; D'après la loi, faire le commerce, vendre, voilà ce qui est permis ;
mais on ne peut venir de Macao pour se rendre dans toutes les mais on ne peut venir de Macao pour se rendre dans toutes les
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==Publications== ==Publications==
-<gallery caption="Journal J.R. Bolloré, p. 155 à 165">+<gallery caption="Journal J.R. Bolloré, éditions S.F.H.A., 1979, p. 155 à 165">
Image:VoyageBolloreChine-155.jpg Image:VoyageBolloreChine-155.jpg
Image:VoyageBolloreChine-156.jpg Image:VoyageBolloreChine-156.jpg
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-<gallery caption="Journal Fornier-Duplan, p. 103 à 111">+<gallery caption="Journal Fornier-Duplan, Soc. Géo. Rochefort, tome 30, 1908, p. 103 à 111">
Image:Rochefort-103.jpg Image:Rochefort-103.jpg
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==Annotations== ==Annotations==
-<i>Certaines références peuvent être cachées ci-dessus dans des paragraphes ( § ) non déployés. Cliquer pour les afficher : <spoiler all='991,992,993,994,995,996,997,998,999,9910,9911,9912,9913,9914'></spoiler></i>+<i>Certaines références peuvent être cachées ci-dessus dans des paragraphes ( § ) non déployés. Cliquer pour les afficher : <spoiler all='991,992,993,994,995,996,997,998,999,9910,9911,9912,9913,9914,9915'></spoiler></i>
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Version actuelle

Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
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§ E.D.F.

Un évènement historique observé par deux marins, le chirurgien breton Jean-René Bolloré et le commandant Fornier-Duplan, tous deux sur la corvette à voiles l'Alcmène, en campagne militaire dans un royaume qui allait ensuite devenir un protectorat français après une période de guerre.

Le breton note avec émerveillement tout ce qu'il voit, les protagonistes de la libération, et également les lieux sacrés environnants : « la plus belle de toutes les pagodes, la 7e des merveilles ... une petite chapelle consacrée à une déesse, ... on ne pouvait mieux la comparer qu'à la Ste Vierge qu'on voit dans nos campagnes bretonnes, parée et habillée dans une belle niche, les jours de pardons ».

Autres lectures : « BOLLORÉ Jean-René - Voyages en Chine et autres lieux‎ » ¤ « Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Le journal de bord du commandant de l'Alcmène a été publié en 1907-1908 dans les tomes 29 et 30 du Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort. Celui du chirurgien Bolloré a été édité en 1979 par son arrière petit-fils Gwenn-Aël et la Société Finistérienne d'Histoire et d'Archéologie.

Les deux journaux sont complémentaires et permettent de comprendre la situation historique de ce pays du Vietnam, nommé à l'époque Cochinchine, en incluant sa partie Nord en pays d'Annam où réside son empereur de la dynastie Nguyen.

Le journal du commandant Fornier-Duplan contient notamment les lettres officielles échangées entre les autorités cochinchinoises et françaises., On y trouve aussi le rôle de la corvette, où le jeune chirurgien-major Bolloré de 28 ans est dit de 2e classe (lors de sa première affection en 1839 il était chirurgien de 3e classe).

p. 294 du tome 29, 1907
p. 294 du tome 29, 1907

Le journal de J.-R. Bolloré est plus descriptif que celui du capitaine, des notes manuscrites rédigées plus tard ayant été manifestement ajoutées lors de la publication. Il développe notamment les origines de la présence missionnaire en Cochinchine, et propose une leçon d'histoire et de généalogie de la dynastie des empereurs : « Migues-Man [1], fils illégitime de Gya-Long [2], monta alors sur le trône. Dès lors, la puissance des Français tomba en décadence. »

Le chirurgien est également attentif aux coutumes locales et à la beauté des lieux, notamment les 5 montagnes de marbre de Da Nang / Tourane [3] avec ses magnifiques pagodes bouddhistes. C'est un véritable guide touristique qui pourraient intéresser les touristes d'aujourd'hui : « Le hasard encore nous servit à souhaits, car nous vîmes la plus belle de toutes les pagodes, la 7e des merveilles... C'est en montant que nous vîmes cette inscription : grotte du ciel, de la terre et de la mer ... une demeure pour les Bonzes et une pagode où ils font leurs cérémonies ... Tel est le petit voyage que j'ai fait aux rochers de marbre, et dont le souvenir me sera toujours très agréable. »

Il exprime par ailleurs une critique du comportement des missionnaires chrétiens en Cochinchine : « Toutes deux sont par trop partiales, et ne parlent uniquement que de tout ce qui serait possible de faire pour améliorer le sort des Missionnaires, et faire tolérer le christianisme en Cochinchine. M. Chamaison va même jusqu'à dire que, à cause de l'arrestation de Monseigneur Le Fèvre, ipso facto, dit-il, on pourrait menacer l'Empereur de la Cochinchine d'une guerre avec la France. »

 

Le portrait de l'évêque Dominique Lefèvre, après sa libération, donne l'image d'un certain fanatisme : « M. Le Fèvre est un homme de 36 ans, de taille moyenne, paraissant fatigué, et ayant une figure brune avec longue barbe noire, et de grands yeux noirs. Je le trouve froid et peu communicatif ... Un des ministres lui proposa, au nom de l'Empereur, 10 piastres et des habits qu'il refusa. Il a fait la route de Hue à Tourane en 2 jours et 1 nuit. »

Néanmoins, la campagne de l'Alcmène a constitué une mission de paix avec les échanges de lettres entre le Commandant et les mandarins (grands commis) de l'Empereur de Cochinchine, les cérémonies de négociations à bord ou à terre dans les pagodes du village voisin, les remises de cadeaux cochinchinois, et enfin l'arrivée du prisonnier libéré.

Cela ne suffira malheureusement pas pour éviter la guerre : en 1857, le nouvel empereur d'Annam Tự Đức fit mettre à mort deux missionnaires catholiques espagnols. En septembre, un corps franco-espagnol débarqua à Tourane (l'actuelle Da Nang) et la guerre s'enlisera jusqu'en 1862. Quant à Jean-René il est de retour au pays breton depuis fin 1846 et préside aux destinées de la papeterie familiale d'Odet.


[modifier] 2 Transcriptions

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Journal du chirurgien J.R. Bolloré

VOYAGES EN CHINE ET AUTRES LIEUX

Le vendredi 16, nous appareillons à 5 h 1/4 du matin, avec des paquets à ne décacheter qu'à une certaine distance en mer. Mais nous savions déjà à Tourane [3], en Cochinchine. Monseigneur Le Fèvre, évêque coadjuteur, était dans les prisons de Hue-Fo, depuis octobre 44, et avait demandé à l'Amiral et à l'Ambassadeur français secours et assistance. M. Cécille donna à notre commandant une lettre cachetée pour l'Empereur de la Cochinchine, avec l'ordre de ne séjourner à Tourane [3] que 10 jours au plus.

§ La frégate ne devait quitter Singapour que le 14 mai ...

§ Le 2 juin, un Cochinois chrétien remet ... deux lettres ...

§ Tourane est un misérable petit village situé sur une langue ...

§ Tout le monde sait qu'un missionnaire ... en 1787 ...

§ Le mercredi 4 juin ... le recevrait à terre le lendemain ...

§ La séance ne fut pas de longue durée ...

§ Le samedi 7 juin ... fûmes visiter les rochers de marbre ...

§ ... le Bonze qui nous reçu d'une manière hospitalière ...

§ Le mercredi 11 juin, ... annoncer l'arrivée du prisonnier français ...

 

Journal du commandant Fornier-Duplan

V. Mission de l'Alcmène en Annam - De Singapore à Tourane [3] - Remise d'une lettre adressée au Roi de Cochinchine ; pourparlers avec les mandarins - Mgr Lefèvre remis au commandant Fornier-Duplan - Lettres de missionnaires français - Départ de Tourane [3] ...

Le 16 mai 1845, nous avons appareillé à cinq heures et demie du matin, laissant la Cléopâtre et la Victorieuse au mouillage. Pour cette campagne, que nous fîmes en Annam, je transcrirai le rapport que que j'en ai remis à l'amiral à mon arrivée à Manille ; j'y joindrai deux lettres assez curieuses, que j'ai reçues en Cochinchine :

« À M. l'amiral Cécille, commandant la station des mers d'Indo-Chine. Amiral. J'ai l'honneur de vous transmettre le rapport suivant, de la campagne de l'Alcmène en Cochinchine.

§ Vous nous avez vus appareiller de Singapour, le 16 mai ...

§ Le 2 juin, j'ai reçu, par le canot des provisions ... les 2 lettres ...

§ Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...

§ N° 1. Lettre de M. Chamoison au commandant ...

§ N° 2. Lettre de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis ...

§ N° 3. Traduction de la lettre adressée par le mandarin ...


[modifier] 3 Publications

[modifier] 4 Annotations

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  1. Minh Mạng (1791-1841) est le deuxième empereur de la dynastie des Nguyen du Viêt Nam. Il est le plus jeune fils de l'empereur Gia Long, dont le fils aîné, le prince héritier Canh, est mort en 1801. Il est connu pour son opposition à l'implication de la France dans les affaires vietnamiennes et son orthodoxie confucéenne rigide. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4]
  2. Gia Long, né à Hué en 1762, connu dans sa jeunesse sous le nom de Nguyen Phúc Ánh, mort à Hué en 1820, est le fondateur de la dynastie impériale des Nguyen, qui régna sur le Viêt Nam jusqu'en 1945. À 16 ans, sa famille est renversée par les Tây Sơn, et tous ses parents sont tués. En 1802, il prend le pouvoir et réunifie le Nam Viêt, séparé par la guerre civile depuis le XVIIe siècle. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5]
  3. Anciennement appelée Tourane par les Français lors de la colonisation française, Da Nang est une ville de la région de la Côte centrale du Sud du Viêt Nam, située sur l'estuaire du fleuve Han et au pied de la montagne Sơn Trà, et à proximité de Huế (ancienne capitale impériale jusqu'à Bao Dai, dernier empereur de 1955 à 1997). [Ref.↑ 3,00 3,01 3,02 3,03 3,04 3,05 3,06 3,07 3,08 3,09 3,10 3,11 3,12 3,13 3,14 3,15 3,16 3,17 3,18 3,19 3,20 3,21 3,22 3,23 3,24 3,25 3,26 3,27 3,28 3,29 3,30 3,31 3,32 3,33 3,34 3,35 3,36 3,37 3,38 3,39 3,40 3,41 3,42]
  4. Pavillon jaune, g.s.m. : terme de marine, on hisse le pavillon jaunede demande de libre pratique pour signifier son arrivée en attendant d'avoir effectué les formalités réglementaires. Les formalités d'entrée dans le pays ("clearance in" comme disent les anglo-saxons) n'ayant pas encore été faites, le bâteau est supposé recevoir la visite de la Douane, de la police maritime, du capitaine de port, de l'immigration, des services sanitaires etc... [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 4,0 4,1]
  5. Jules Dumont d’Urville, (1790-1842), est un officier de marine et explorateur français qui mena de nombreuses expéditions, notamment à bord de l'Astrolabe. Il eut notamment pour mission d’explorer l’Océanie et l’Antarctique. [Ref.↑]
  6. L'empereur Thiệu Trị du Viêtnam, né Nguyễn Phúc Miên Tông, est le 3e souverain de la dynastie des Nguyen. Il est le fils aîné de l'empereur Minh Mang et le père de l'empereur Tự Đức. Il règne du 14 février 1841 à sa mort le 4 novembre 1847. [Ref.↑]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : Juin 2016    Dernière modification : 12.07.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]