La libération d'un missionnaire au royaume d'Annam, journaux de bord de l'Alcmène 1845 - GrandTerrier

La libération d'un missionnaire au royaume d'Annam, journaux de bord de l'Alcmène 1845

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J'ai ensuite prévenu ce brave homme que nous avions besoin de provisions, de bœufs, qu'il fallait qu'il avisât à faire ouvrir un marché ; une demi-heure après, ce marché était installé au lieu où accostent les embarcations, mais tout y était hors de prix ; on faisait un bœuf vingt quatre piastres. J'ai dit au chef que je voulais tout payer, mais à des prix raisonnables, et que, s'il ne mettait ordre à cela, je me plaindrais au mandarin qui viendrait de Hué-Fo ; nous avons alors eu les bœufs à huit piastres, et ainsi du reste. Enfin, je lui ai annoncé que nous irions faire de l'eau à l'Aiguade de la presqu'île, promener et chasser dans les environs ; il n'a fait aucune observation, et après avoir pris la tasse de thé obligatoire, nous nous sommes quittés fort bons amis. J'ai ensuite prévenu ce brave homme que nous avions besoin de provisions, de bœufs, qu'il fallait qu'il avisât à faire ouvrir un marché ; une demi-heure après, ce marché était installé au lieu où accostent les embarcations, mais tout y était hors de prix ; on faisait un bœuf vingt quatre piastres. J'ai dit au chef que je voulais tout payer, mais à des prix raisonnables, et que, s'il ne mettait ordre à cela, je me plaindrais au mandarin qui viendrait de Hué-Fo ; nous avons alors eu les bœufs à huit piastres, et ainsi du reste. Enfin, je lui ai annoncé que nous irions faire de l'eau à l'Aiguade de la presqu'île, promener et chasser dans les environs ; il n'a fait aucune observation, et après avoir pris la tasse de thé obligatoire, nous nous sommes quittés fort bons amis.
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-<spoiler id='9910' text="Le 2 juin, j'ai reçu, par le canot des provisions ... les 2 lettres ...">Le 2 juin, j'ai reçu, par le canot des provisions ... dont les copies sont ci-jointes+<spoiler id='9910' text="Le 2 juin, j'ai reçu, par le canot des provisions ... les 2 lettres ...">Le 2 juin, j'ai reçu, par le canot des provisions, les deux lettres dont les copies sont ci-jointes, sous les n<sup>os</sup> 1 et 2 ; ces lettres avaient été glissées, enveloppées avec soin, dans la manche d'un des canotiers, au milieu du marché ; ce marin, ne sachant pas ce qu'on lui voulait, a développé et montré les lettres devant tout le monde ; le pauvre Cochinchinois qui les avait remises le pauvre Cochinchinois qui les avait
 +remises, a été pris, battu et traîné probablement en prison ; on
 +voulait ravoir les lettres, mais mon cuisinier s'en était emparé
 +et les avait cachées.
 + 
 +Le 4 juin, à six heures du soir, un Cochinchinois est venu prévenir à bord qu'un mandarin de Huô-Fo s'était fait annoncer
 +pour le lendemain et me faisait prier de descendre à Tourane,
 +sur les neuf heures du matin ; je promis de m'y trouver.
 + 
 +Le 5, à neuf heures, je mettais pied à terre, accompagné
 +d'une partie de l'état-major et de M. Itier. Comme vos instructions me disaient seulement que le but de votre lettre était
 +d'obtenir la libération de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis, et
 +ignorant dans quel sens elle était écrite, j'étais, vous devez le
 +croire, assez embarrassé de cette entrevue, que vous n'aviez sans
 +doute pas prévue. Nous nous sommes rendus à la même pagode
 +que le 1er ; elle avait été ornée, les deux haies de soldats, cette
 +fois-ci, étaient armées, moitié de piques, moitié de fusils à silex ;
 +il y avait en dehors environ quatre-vingt-dix hommes et dans la
 +cour de la pagode se trouvait triple haie de chaque côté, faisant
 +à peu près soixante hommes ; la troisième haie étant sans armes.
 +Une cinquantaine de Cochinchinois sans armes, en robes et en
 +turbans noirs, étaient dans l'intérieur, ainsi qu'un interprète
 +parlant très mauvais anglais.
 + 
 +Après nous avoir donné à chacun une poignée de main, le
 +mandarin, vieillard de 60 à 66 ans, à figure très expressive, en
 +grand costume, bonnet orné, robe de soie à grands ramages,
 +nous a fait asseoir autour de deux tables, où lui seul a pris place,
 +sa suite se tenant debout.
 + 
 +Après lui avoir décliné mon nom et mon grade, je l'ai prié
 +de me faire connaître à qui j'avais l'honneur de parler ? Il m'a
 +répondu se nommer <i>Li-Wan-Foc</i>, mandarin de 1re classe à la
 +cour de Huê-Fo.
 + 
 +Je lui ai demandé s'il était porteur de la réponse à votre lettre ;
 +il a commencé par me dire que le Roi, à la réception de votre
 +lettre, lui avait enjoint de partir sur le champ pour Tourane,
 +sans lui en donner connaissance.
 + 
 +Cela me paraît peu probable, lui ai-je répondu : le but de
 +cette lettre est de réclamer un Français dans les fers à Huê-Fo,
 +et je veux savoir s'il me sera remis. Faisant semblant de ne
 +pas comprendre, il nous a offert le thé. J'ai dit que je n'accepterais
 +rien avant d'être fixé sur le sort de Mgr Lefèvre ; qu'il était
 +étonnant, au moment où le Grand Empereur de la Chine proclamait
 +la liberté des cultes, que le Roi de Cochinchine fit arrêter
 +et mettre dans les fers un missionnaire français, et plus étonnant
 +encore qu'on hésitât à me faire connaître les intentions du
 +Roi à son égard ; que sans doute l'interprète ne comprenait pas
 +ce que je lui disais et que je demandais qu'on fît venir le Cochinchinois
 +qui parlait français.
 + 
 +On l'a de suite envoyé chercher ; j'ai renouvelé les mêmes
 +questions, et alors le mandarin m'a assuré que Mgr serait ici
 +avant cinq jours. Cette réponse obtenue, j'ai dit au mandarin
 +que j'acceptais avec plaisir le thé qu'il nous offrait, ainsi que le
 +cadeau du Roi pour l'équipage ; on a dressé même une table à
 +part pour nos canotiers, qu'ils ont fait venir.
 + 
 +Le mandarin s'est informé de la santé de S. M. le Roi des
 +Français, a demandé si tout allait bien en France, si l'équipage
 +de la corvette était bien portant. Lorsque je lui eus dit que la
 +France verrait avec plaisir le Roi de Cochinchine accorder dans
 +ses États la liberté des cultes, ainsi que venait de le faire le
 +Grand Empereur de la Chine, il m'a promis, à son retour à
 +Huê-Fo, d'en parler à son souverain. Il nous a dit que nous pouvions
 +nous promener dans tous les environs, sans cependant
 +aller trop loin ; enfin, il a été fort aimable. Nous allions nous
 +lever, lorsqu'il me demanda des nouvelles des deux grands mandarins français
 +qui avaient si longtemps habité la Cochinchine,
 +s'ils n'y reviendraient pas bientôt, et il me dit qu'il avait remplacé
 +l'un d'eux dans son emploi.
 + 
 +À dix heures un quart j'ai pris congé de lui, en l'engageant
 +à me faire l'honneur de venir visiter la corvette, ce qu'il m'a
 +promis.
 + 
 +J'ai vu, dès lors, que je serais forcé de dépasser le temps
 +que vous m'aviez fixé pour ma relâche à Tourane, car il me
 +devenait impossible de partir avant les cinq jours demandés.
 +Nous avons profité de ces cinq journées pour visiter les environs,
 +les pagodes, des roches de marbre, qui sont vraiment ce
 +que j'ai vu de plus curieux dans ces pays-ci.
 + 
 +Le 11 juin, n'entendant parler de rien, j'ai, dans l'après-midi,
 +envoyé un officier au chef du village : on lui a dit qu'on
 +avait des nouvelles du départ de Huê Fo de Mgr Lefèvre qu'il
 +serait à Tourane le lendemain ou le surlendemain au plus tard.
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-<spoiler id='9911' text="Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...">Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...+<spoiler id='9911' text="Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...">Le 12 juin, à six heures un quart du matin,
 +l'interprète est venu à bord me prévenir que Mgr Lefèvre était arrivé
 +avec deux mandarins qui me faisaient prier de descendre à Tourane. À
 +neuf heures, accompagné de deux officiers, j'entrais dans la
 +pagode, où j'ai trouvé deux nouveaux mandarins en grand costume.
 +Après les cérémonies d'usage, j'ai demandé Mgr Lefèvre ;
 +on m'a répondu qu'il allait venir, et ce n'est qu'après une conversation
 +assez insignifiante de près d'une demi-heure, que
 +Mgr a paru : il a pris le thé avec nous ; les mandarins m'ont
 +demandé un reçu, que j'ai fait en ces termes :
 + 
 +« <i>Le capitaine de vaisseau Fornier-Duplan, commandant la
 +corvette-frégate l'Alcmène, reconnaît avoir reçu des mandarins
 +Nguy-Khoc-Thuân, gouverneur de la province, et Nguyên-Thuong,
 +mandarin de 4e classe, M. Lefèvre, missionnaire français.</i> » Ensuite, Nguyên-Thuong m'a remis une lettre du ministre
 +de la marine cochinchinoise ; m'étant bien assuré qu'elle était à
 +mon adresse, je l'ai ouverte ; le mandarin l'a lue à Monseigneur,
 +qui a eu la complaisance de me la traduire (elle porte le n° 3).
 +Nguyên-Thuong est un des Cochinchinois qui ont été en France
 +vers 1840.
 + 
 +Je lui ai dit que le grand mandarin Li-Wan-Foc m'avait
 +promis de parler à son Roi en faveur des chrétiens et de lui dire
 +ce que l'Empereur de Chine venait d'accorder ; il m'a répondu :
 +« <i>Quatre ou cinq mandarins, au plus, ont le droit de parler au
 +Roi, et ce serait exposer sa tête que de lui proposer une chose
 +contraire aux lois du royaume. Malgré le désir que nous aurions
 +tous de voir les chrétiens libres, je doute qu'aucun de nous ose
 +jamais en parler au Roi.</i> » Cette réponse me fait craindre que
 +votre lettre, qui a été remise au ministre de la marine, n'ait pas
 +été mise sous les yeux du Roi ; aucun des mandarins ne m'a
 +répondu quand je leur en ai parlé.
 + 
 +Je n'ai pu savoir le nom de la frégate américaine dont il est
 +question dans la lettre du ministre (<i>La Constitution</i>, capitaine
 +Perceval), seulement j'ai su qu'on était indigné de sa conduite
 +à Tourane ; elle y avait arrêté des habitants, des bateaux, mais
 +les avait relâchés à son départ.
 + 
 +À huit heures et demie, j'ai pris congé de ces Messieurs ; à
 +neuf heures un quart, Mgr montait à bord de l'<i>Alcmène</i>, et à
 +neuf heures trois quarts nous quittions Tourane, sans avoir plus
 +de malades qu'à notre arrivée.
 + 
 +Jusqu'au 21 nous n'avons eu que de faibles brises du S.-S.-E.
 +à l'E.-S.-E., puis deux jours de calme ; enfin le 23 seulement
 +nous avons pris la mousson de S.-0., qui nous a fait entrer dans
 +la baie, où nous avons mouillé à huit heures un quart du soir,
 +n'y voyant plus et le temps étant par forts grains, pluie et vent,
 +le 25 juin.
 + 
 +Dans la matinée, à dix heures, nous avons eu le malheur de
 +perdre M. Réjou, lieutenant de vaisseau, second de la corvette,
 +par suite d'une fièvre cérébrale dont il était atteint depuis le 11.
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-<spoiler id='9912' text="N° 1. Lettre de M. Chamoison au commandant ...">N° 1. Lettre de M. Chamoison au commandant ...+<spoiler id='9912' text="N° 1. Lettre de M. Chamoison au commandant ...">N° 1. Lettre de M. Chamoison au commandant de la station
 +française, le 1er juin 1845 (reçue le 2) :
 + 
 +« Monsieur le Commandant,
 + 
 +J'ai précédemment essayé de vous écrire, mais je ne l'ai pu
 +à cause des mesures sévères que l'on prit pour empêcher toute
 +communication avec les gens de la frégate ; je ne sais si je serai
 +plus heureux cette fois. J'ai appris hier que vous étiez entré au
 +port de Tourane. Puissiez-vous obtenir, Monsieur le Commandant,
 +un plein succès dans l'entreprise que votre cœur généreux
 +vous a fait entreprendre. Mgr Lefèvre est en ce moment dans
 +les prisons de la capitale : Je pense que le Roi lui accordera assez
 +aisément la liberté. J'ai entendu dire que M. l'Ambassadeur de
 +France auprès de.l'Empereur de Chine, et M. le commandant
 +Cécille, voulaient saisir cette occasion pour donner une leçon
 +au Roi et, je le présume, nous obtenir, et à tous les missionnaires
 +qui viendront par la suite, la liberté de demeurer dans ce
 +royaume et d'y prêcher librement la religion, sans qu'aucun
 +mandarin ait le droit de nous vexer d'aucune manière. Ainsi
 +nous pourrons exercer notre ministère d'une manière très utile
 +auprès des chrétiens et auprès des infidèles, parce que la crainte
 +de se compromettre avec la France tiendra tout le monde dans
 +le respect. On pourrait menacer le Roi de la guerre, <i>ipso facto</i>,
 +dans le cas où il oserait arrêter un missionnaire, et lui faire
 +entendre que l'on arrêterait ses navires qui vont faire le commerce
 +à Canton, Singapoor et Batavia. Cette dernière menace
 +serait de nature à l'effrayer grandement et à le rendre un peu
 +plus traitable. Il serait bien désirable qu'il y ait un consul à
 +Tourane un missionnaire pourrait d'abord remplir ces fonctions ;
 +on pourrait aussi exiger l'exécution du traité conclu entre
 +Louis XVI et le grand-père du roi actuel.
 + 
 +J'ai écrit par une autre voie : puissent ces quelques lignes
 +vous parvenir ; j'attends des nouvelles de Mgr Lefèvre. J'ai
 +envoyé des courriers à la capitale, mais ils ne sont pas encore
 +de retour. Mgr le vicaire apostolique me charge de vous offrir
 +son profond respect ; il sera on ne peut plus reconnaissant des
 +services que vous aurez la bonté de rendre à son vicariat. Si
 +M. l'Ambassadeur et M. le commandant Cécille sont à bord, je
 +prie ces Messieurs de vouloir bien agréer mon sincère respect
 +et ma vive reconnaissance.
 + 
 +Veuillez agréer, ainsi que Messieurs les officiers de la frégate,
 +les sentiments de respect et de reconnaissance avec lesquels
 +j'ai l'honneur d'être votre très humble et dévoué serviteur.
 + 
 +« J. CHAMAISON. »
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-<spoiler id='9913' text="N° 2. Lettre de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis ...">N° 2. Lettre de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis ...+<spoiler id='9913' text="N° 2. Lettre de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis ...">N° 2. Lettre de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis
 +et coadjuteur de Cochinchine, adressée au Commandant de la corvette
 +française, le le'' avril 1845 (reçue le 2 juin) :
 + 
 +Monsieur,
 + 
 +Ministre de la religion et disposé à tout souffrir pour elle, je
 +suis loin de me plaindre de mon sort, mais je dois vous informer
 +des vexations exercées contre moi, afin que vous puissiez juger
 +de la position des missionnaires français dans le royaume annamite,
 +connaître les mauvais traitements auxquels ils sont exposés
 +et voir comment il convient que vous agissiez à notre égard.
 + 
 +Placé à l'extrémité méridionale du royaume, j'y remplissais
 +en secret les fonctions de mon ministère. Les mandarins, ayant
 +eu connaissance de la présence d'un Européen en ces lieux,
 +envoyèrent une troupe de soldats pour se saisir de ma personne ;
 +ma maison fut livrée au pillage et plusieurs de mes gens si
 +cruellement frappés que l'un d'eux en mourut quelques jours
 +après. Emprisonné au chef-lieu de la province, j'attendis là les
 +ordres du Roi. Ils portaient que je devais être chargé de fers et
 +conduit à la ville royale. Je passe sous silence les incommodités
 +d'un voyage de 300 lieues, sur un sol brûlant, avec des barbares
 +pour conducteurs. Le Roi a appris mon arrivée à la capitale avec
 +indifférence, et il semble disposé à me laisser gémir sous le
 +poids de mes chaînes dans une dure captivité, jusqu'à ce qu'on
 +vienne m'en tirer. Ce jeune monarque n'a point porté de nouveaux
 +édits contre nous, mais il laisse subsister les anciens, qui
 +sont d'une sévérité extrême.
 + 
 +Ce que je viens de vous exposer en peu de mots, M. le
 +Commandant, suffit pour vous faire connaître une partie des
 +maux que j'ai eu à endurer depuis cinq mois de captivité. Je
 +vous laisse à examiner ce qu'il convient de faire pour m'en
 +délivrer et pour que les missionnaires de ce royaume ne soient
 +plus en butte aux mêmes vexations. L'honneur du nom français
 +a baissé dans l'opinion des peuples de ce pays, depuis qu'ils
 +voient qu'on peut impunément mettre un Français à mort ou le
 +retenir captif. Il est vrai que nous ne sommes point envoyés ici
 +par le Gouvernement français, mais dans ces contrées on ne sait
 +pas faire cette distinction. D'ailleurs, les commerçants, auxquels
 +le Gouvernement accorde partout une protection si généreuse,
 +ne sont pas plus que nous ses envoyés, pourquoi serions-nous
 +moins considérés et moins protégés qu'eux ?
 + 
 +Il me semble, Monsieur le Commandant, que vous suivrez
 +les intentions du Roi et du Gouvernement français, et que vous
 +remplirez un devoir de votre charge en exigeant du Roi de
 +Cochinchine mon élargissement, avec liberté entière pour moi
 +et pour tous les missionnaires français qui se trouvent dans
 +l'étendue du royaume d'y exercer publiquement les fonctions de
 +notre charge, sans être inquiétés de quelque manière que ce soit.
 +En 1843, un capitaine de frégate obtint la délivrance de cinq
 +missionnaires retenus ici prisonniers ; j'ai la confiance, Monsieur,
 +que vous obtiendrez non seulement ma délivrance, mais pour
 +nous tous une liberté pleine et entière. Les Anglais ont obtenu
 +des concessions bien plus amples du Gouvernement chinois.
 + 
 +En attendant de vous cet important service, je vous prie
 +d'agréer, Monsieur le Commandant, l'assurance de la haute considération
 +avec laquelle j'ai l'honneur d'être
 + 
 +Dom. LEFEVRE, Évêque d'Isauropolis et coadjuteur de Cochinchine.
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-<spoiler id='9914' text="N° 3. Traduction de la lettre adressée par le mandarin ...">N° 3. Traduction de la lettre adressée par le mandarin ...+<spoiler id='9914' text="N° 3. Traduction de la lettre adressée par le mandarin ...">N° 3. Traduction de la lettre adressée par le mandarin,
 +ministre de la marine au royaume d'Annam :
 + 
 +Pour remettre à M. Duplan, capitaine de navire de
 +guerre français, qui l'ouvrira.
 + 
 +Le mandarin, ministre de la marine du royaume d'Annam,
 +d'après le rapport du préfet, des provinces de Quang-Nam et
 +Quang-Nghai, a rendu compte au Roi que, dernièrement, il est
 +arrivé dans le port de Tourane un navire de guerre français,
 +commandé par M. Duplan. Ce commandant a remis respectueusement
 +une lettre de son royaume, exposant que l'une des années
 +précédentes, un envoyé de France, le capitaine Lévéque, a humblement
 +demandé la mise en liberté de cinq prêtres français
 +condamnés par les lois : il a obtenu que ceux-ci fussent libérés
 +et qu'ils pussent revoir leur patrie, et cette grâce l'a rempli de
 +reconnaissance et de joie ; si, depuis lors, il est encore quelque
 +Français qui, sans le savoir, ait violé les lois, on demande respectueusement
 +que celui-ci obtienne son pardon et soit mis en liberté.
 + 
 +Après avoir examiné cette lettre et en avoir trouvé les termes
 +respectueux, le mandarin a bien voulu intercéder auprès du Roi
 +et faire connaître les ordres qu'il a reçus :
 + 
 +« <i>Moi, le Roi, dans ma bienveillance et ma clémence envers
 +les étrangers, dans ma vertu et dans ma bonté, j'exauce la
 +demande, et je daigne rendre le décret suivant :
 + 
 +On ira dans la prison du prêtre français qui a été condamné,
 +l'évêque coadjuteur Dominique ; on le délivrera de ses chaînes,
 +on lui ouvrira les portes de sa prison, pour qu'il puisse revoir
 +sa patrie.
 + 
 +Respectez ce premier ordre, et respectez profondément
 +l'ordre qui va suivre :
 + 
 +L'évêque coadjuteur Dominique sera conduit à Tourane, par
 +une personne nommée à cet effet, et remis au mandarin du
 +lieu. Celui-ci le mettra en liberté, pour qu'il revoie sa patrie.
 +On devra s'entendre pour fixer le jour de son départ, et il
 +conviendra de faire reconnaître que cet individu a été reçu à
 +bord du navire pour retourner dans ses foyers.
 + 
 +La loi de notre royaume est digne, claire, juste, clémente,
 +grande. Dans l'une des années précédentes, cinq Français : Berneux,
 +Charrier, Gally, Miche, Duclos, sont arrivés dans ce pays
 +contrairement aux lois. Un capitaine de navire, envoyé de
 +France, est venu supplier respectueusement pour eux, et il a
 +obtenu le bienfait d'une ordonnance qui a mis en liberté les
 +coupables.
 + 
 +Voici qu'une seconde fois, un Français s'est glissé furtivement
 +parmi le peuple des villes et des campagnes, a voulu tromper
 +les ignorants et a violé les lois. D'après les lois du royaume,
 +ce crime est sans pardon ; mais comme cet étranger ignorait nos
 +décrets, nous avons bien voulu, dans notre clémence, suspendre
 +encore le châtiment.
 + 
 +Dernièrement, il y a un navire de guerre (La Constitution)
 +du royaume des États-Unis, commandé par le capitaine Perce'val,
 +qui est venu au port de Tourane, demander humblement du
 +bois et de l'eau. De plus, il a demandé qu'on délivrât le prêtre
 +français Lefèvre. Mais ce prêtre est sujet du royaume de France,
 +tandis que le navire appartenait à une autre nation, et il n'est
 +pas convenable qu'on demande un sujet qui n'est pas le sien.
 +En outre, ces étrangers ont gêné les embarcations du pays et se
 +sont comportés, en plusieurs circonstances, contrairement aux
 +lois et à toute modération. Le mandarin du pays nous a demandé
 +de punir ces infractions ; mais comme ces étrangers venaient
 +pour la première fois et ne connaissaient pas les lois du royaume,
 +nous avons bien voulu ne pas les poursuivre ; nous les avons
 +seulement chassés immédiatement.
 + 
 +Le capitaine du navire de guerre français arrivé en second lieu,
 +a apporté respectueusement une lettre de son royaume ; il est
 +venu supplier d'abord qu'on l'examinât : cette demande était
 +juste, on l'a accordée et on a chargé le mandarin de transmettre
 +les ordres du Roi.
 + 
 +Moi, le Roi, j'accorde la demande, et par ce décret bienveillant
 +je rends la liberté au coupable pour qu'il retourne dans son
 +pays. II faut qu'il aille auprès de son souverain pour lui faire
 +connaître la justice de nos procédés. Il faut aussi dire aux habitants
 +de ce royaume, s'il y en avait qui voulussent venir faire
 +ici le commerce, de ne mouiller que dans le port de Tourane.
 +D'après la loi, faire le commerce, vendre, voilà ce qui est permis ;
 +mais on ne peut venir de Macao pour se rendre dans toutes les
 +provinces, se répandre parmi le peuple, le tromper, violer les
 +lois. Le mandarin devrait alors recourir aux pénalités sévères du
 +royaume, et il serait difficile, une autre fois, d'intercéder pour le
 +coupable et d'obtenir le bienfait qui leur pardonne.
 + 
 +Il convient de faire connaître le décret écrit à droite, au
 +capitaine du navire de guerre français, M. Duplan.
 + 
 +Le 1<sup>er</sup> jour du 5e mois' de la 5" année du règne de Thiêu-Tri.</i> »
 + 
 +NOTA. Un Chinois m'a dit que dans cette lettre Thiêu-Tri
 +se donne le titre qui ne convient qu'à l'Empereur de la Chine et
 +qu'il ne donne au Roi des Français que celui qui convient à un
 +petit chef souverain.
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Version du 23 juin ~ mezheven 2016 à 20:27

Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
  Image:Bullorange.gif [Développé]
§ E.D.F.

Un fait historique observé par deux marins, le chirurgien breton Jean-René Bolloré et le commandant Fornier-Duplan, tous deux sur la corvette à voiles l'Alcmène, en campagne militaire dans un royaume qui allait ensuite devenir un protectorat français après une période de guerre.

Le breton note avec émerveillement tout ce qu'il voit, les protagonistes de la libération, et également les lieux sacrés environnants : « la plus belle de toutes les pagodes ... une petite chapelle consacrée à une déesse, ... on ne pouvait mieux la comparer qu'à la Ste Vierge qu'on voit dans nos campagnes bretonnes, parée et habillée dans une belle niche, les jours de pardons ».

Autres lectures : « BOLLORÉ Jean-René - Voyages en Chine et autres lieux‎ » ¤ « Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur » ¤ 

1 Présentation

Le journal de bord du commandant de l'Alcmène a été publié en 1907-1908 dans les tomes 29 et 30 du Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort. Celui du chirurgien Bolloré a été publié par son arrière petit-fils Gwenn-Aël aux éditions de la Société Finistérienne d'Histoire et d'Archéologie.

 


2 Transcriptions

Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher

Journal du chirurgien J.R. Bolloré

VOYAGES EN CHINE ET AUTRES LIEUX

Le vendredi 16, nous appareillons à 5 h 1/4 du matin, avec des paquets à ne décacheter qu'à une certaine distance en mer. Mais nous savions déjà à Tourane, en Cochinchine. Monseigneur Le Fèvre, évêque coadjuteur, était dans les prisons de Hue-Fo, depuis octobre 44, et avait demandé à l'Amiral et à l'Ambassadeur français secours et assistance. M. Cécille donna à notre commandant une lettre cachetée pour l'Empereur de la Cochinchine, avec l'ordre de ne séjourner à Tourane que 10 jours au plus.

§ La frégate ne devait quitter Singapour que le 14 mai ...

§ Le 2 juin, un Cochinois chrétien remet ... deux lettres ...

§ La baie de Tourane ... est belle et grande ...

§ Tout le monde sait qu'un missionnaire ... en 1787 ...

§ Migues-Man est mort en février 1841, et c'est son fils Thien-Tri ...

§ La pagode était triste et pauvre : quelques tables ...

§ À 5 h du matin, ... débarquions au pied des rochers de marbre ...

§ En effet, le 12, à 6 h du matin ... l'arrivée du prisonnier français ...

 

Journal du commandant Fornier-Duplan

V. Mission de l'Alcmène en Annam - De Singapore à Tourane - Remise d'une lettre adressée au Roi de Cochinchine ; pourparlers avec les mandarins - Mgr Lefèvre remis au commandant Fornier-Duplan - Lettres de missionnaires français - Départ de Tourane ...

Le 16 mai 1845, nous avons appareillé à cinq heures et demie du matin, laissant la Cléopâtre et la Victorieuse au mouillage. Pour cette campagne, que nous fîmes en Annam, je transcrirai le rapport que que j'en ai remis à l'amiral à mon arrivée à Manille ; j'y joindrai deux lettres assez curieuses, que j'ai reçues en Cochinchine :

« À M. l'amiral Cécille, commandant la station des mers d'Indo-Chine. Amiral. J'ai l'honneur de vous transmettre le rapport suivant, de la campagne de l'Alcmène en Cochinchine.

§ Vous nous avez vus appareiller de Singapour, le 16 mai ...

§ Le 2 juin, j'ai reçu, par le canot des provisions ... les 2 lettres ...

§ Le 12 juin, ... me prévenir que Mgr Lefère était arrivé ...

§ N° 1. Lettre de M. Chamoison au commandant ...

§ N° 2. Lettre de Mgr Lefèvre, évêque d'Isauropolis ...

§ N° 3. Traduction de la lettre adressée par le mandarin ...


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  1. Pavillon jaune, g.s.m. : terme de marine, on hisse le pavillon jaunede demande de libre pratique pour signifier son arrivée en attendant d'avoir effectué les formalités réglementaires. Les formalités d'entrée dans le pays ("clearance in" comme disent les anglo-saxons) n'ayant pas encore été faites, le bâteau est supposé recevoir la visite de la Douane, de la police maritime, du capitaine de port, de l'immigration, des services sanitaires etc... [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 1,0 1,1]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : Juin 2016    Dernière modification : 23.06.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]