La fabrication du papier - GrandTerrier

La fabrication du papier

Un article de GrandTerrier.

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Initiateur de l'article : Henri Chauveur, Date de création : mai 2006

Sommaire

1 Evolution des méthodes de fabrication

1.1 Pillaouers et moulins

Lorsque les "pillaouers" faisaient jadis la collecte des vieux chiffons qu'ils troquaient contre des assiettes et des objets en bois, ils n'auraient jamais imaginé que les moulins à papier qu'ils approvisionnaient ainsi pourraient disparaitre un jour pour laisser la place à trois usines qui suffiraient à elles seules pour faire de l'industrie du papier la plus importante du Finistère après celle des conserves.

Autrefois, les moulins à papier du Finistère, dont le plus anciennement connu aurait été celui du Jarjot, dans la région morlaisienne, ne fabriquaient que du papier à chandelle et du papier d'emballage. Un peu plus tard, des papetiers de Vire, en Normandie, avaient créé autour de Morlaix une véritable industrie du papier.

Ce fut ainsi que le Jarjot et le Quefflent, avant de se réunir pour former la rivière de Morlaix, faisaient tourner 45 moulins à papier (dont celui de Glaslan en Pleyber-Christ), sans parler des 10 ou 12 autres disséminés dans la région. Quelques-uns de ces moulins fabriquaient des produits de qualité destinés à l'impression, ainsi que du papier filigrané.

Chacun de ses moulins n'employaient guère qu'une dizaine d'ouvriers qui, nourris aux frais du papetier, gagnaient tout au plus dix sous par jour, tandis que la garçons-papetiers, chargés des besognes inférieures comme le lavage des chiffons et la préparation de la colle, ne recevaient que deux à sis sous ! Il est vrai que la rame de cinq grandes feuilles doubles se vendait de cinq à six sous !

Dans la seconde moitié du XVIIIe siécle, l'industrie du papier, péréclitant autour de Morlaix, s'était répandue dans le Léon et en Cornouaille. En 1811, dans le département du Finistère, 26 papeteries employant environ 300 ouvriers fabriquaient annuellement 36.000 rames de papier de qualités diverses. Mais avec l'implantation des manufactures Bolloré d'Odet dès 1822, puis celle de Cascadec sur l'Isole, et enfin celle de M. de Mauduit créée en 1840 à Combout-en-Quimperlé, les papetiers d'antan vont devoir tous fermer leurs portes.

1.2 La fabrication des "minces"

C'est avec Jean-René Bolloré, ancien mèdecin de la marine et grand voyageur, que débute aux usines d'Odet la fabrication du papier fin, ce qui faisait dire à certains qu'il en avait rapporté le secret des mers de Chine. Après sa mort en 1881, c'est son fils aîné René qui va poursuivre l'aventure du papier à cigarettes.

Dès les années 1890, aidé par ses frères, et plus particulièrement par Léon, René Bolloré met sur pied la fabrication des "minces". Dès lors, la production est exclusivement orientée vers ce type de papier, dont la gamme va de l'ordinaire à l'extra-fin jusqu'au filigrane.

Lors des fêtes du centenaire en 1922, son fils, encore un René, se souvient. "Combien de fois n'ai-je pas entendu raconter par mon oncle Léon, ici présent, toutes les difficultés rencontrées ! Pendant deux ans, l'usine ne put produire une seule feuille de papier, tant était difficile la mise au point de cette nouvelle fabrication : ténacité et persévérance, n'excluant pas l'audace et la décision."

1.3 Etapes de fabrications

Pour remplacer les collectes des "pillaouers", les usines Bolloré faisaient venir des balles en provenance des pays les plus divers d'Amérique et de Russie. Les chiffons étaient ensuite triés et classés par catégories. Ce classement avait pour but :

  1. d'éliminer tout ce qui n'est pas fibre végétale ;
  2. de classer les matières premières propres à la fabrication par nature et par qualité.

Une fois classés, les chiffons sont stérilisés à haute pression dans des boules de fonte appelées "lessiveurs". En principes, à la sortie des lessiveurs, seule reste de la cellulose pure : cette cellulose subit alors, dans des bacs de ciment à circulation unique appelés "piles", trois traitements différents : le défilage, le blanchiment, le raffinage. Ces trois traitements ont pour objectifs :

  1. de laver et de défibrer ;
  2. de blanchir ;
  3. de raffiner, ou plus simplement d'hydrater.

Ainsi traitées, les fibres végétales sont prêtes à former une feuille de papier.

Alors, étendue d'eau et ainsi liquéfiée, la pâté arrive sur une machine. Le papier se forme sous l'influence d'un branlement qui actionne la première partie de la machine, appelée "partie humide". Il n'y a plus alors qu'à retirer l'eau pour obtenir une feuille homogène. La dessication de la feuille s'obtient par quatre procédés successifs :

  1. par capillarité ;
  2. par succion ;
  3. par pression ;
  4. par passage sur des cylindres chauds.

Le papier ainsi formé est enroulé sur des mandrins, tranché en bobines et éventuellement façonné en carnets de papier à cigarettes.

2 Machines et techniques

2.1 Piles de défibrage

Le défibrage du tissu s'effectue suivant deux procédés qui se sont succédés dans le temps: le plus ancien est celui de la pile à maillets, inventée par les italiens au XIIIe siècle.

C'est une immense cuve en pierre dans laquelle vient frapper plusieurs maillets munis de clous. Une roue immense (six mètres de diamètre), au moulin de la Rouzique, fournit avec -le mouvement impulsé par l'eau, l'énergie nécessaire à la batterie de maillets qui défibrent le chiffon qui se transforme en pâte.

L'opération de défibrage à l'aide de la pile à maillets dure de 30 à 40 heures. Il était par conséquent difficile pour un moulin ne possédant que 4 à 5 piles, de produire beaucoup de pâte, donc beaucoup de papier.

La pile hollandaise inventée à la fin du XVIIe siècle permet de raffiner du chiffon en une dizaine d'heures environ.

C'est une grande cuve ovale dont la partie principale est un cylindre de fonte muni de lames transversales qui déchiquettent les tissus. La pâte obtenue, égouttée, lissée, blanchie est portée dans une pile à ouvrer. La concentration de la pâte est déterminée en fonction du grammage voulu, c'est à dire du poids du papier au centimètre carré.


2.2 Machines à cylindres

Voici les premières machines à cylindre installées à l'usine Bolloré d'Odet.



3 ANNEXES

3.1 Télégramme, © 2005 : "L'âge d'or des chiffonniers"

Dans les familles paysannes du centre de la Bretagne, au sol aride, le ramassage des chiffons procurait un revenu d'appoint. La paroisse de La Feuillée constituait même, en quelque sorte, la capitale du chiffon.

La langue bretonne les désigne sous le nom de pilhaouer. On les appelle pilhotour dans la région de Vannes et pillotou dans le pays gallo. Maints contes et complaintes illustrent leur mémoire. Durant trois siècles, les chiffonniers ont arpenté nos routes. Souvent assimilés aux mendiants, les chiffonniers ne reçoivent pas toujours bon accueil dans les maisons. Avec leur sac sur le dos, ils inspirent la méfiance des femmes seules et terrorisent les enfants.

Dans une chanson composée en 1836, où il conte en breton sur un air de gavotte les doléances de l'infortunée Marivonnig, épouse d'un pilhaouer ivrogne et nauséabond que l'Ankou (la mort) tarde à venir chercher, le recteur de Loqueffret a, du reste, parfaitement illustré cet aspect négatif.

Matière première de la pâte à papier, les chiffons n'en représentent pas moins un secteur important de l'économie bretonne en ces temps anciens.

De La Roche-Derrien à Vannes en passant par La Trinité-Porhoët et les monts d'Arrée, depuis plus de deux cents ans, on les voit passer régulièrement ces chineurs, à mi-chemin entre les gueux et les commerçants ambulants. « Des chiffons pour le chiffonnier ! », claironnent-ils à tue-tête de leur charrette ou carrément à cheval. Si leur image est peu reluisante, le métier en revanche nourrit bien son homme. La Bretagne compte alors 66 moulins à papier essentiellement localisés au nord d'une ligne allant de Plouay à Fougères.

Des hommes pleins de feu

Au pied de la montagne, la paroisse de La Feuillée, où vivote une population miséreuse sur une terre ingrate, constitue en quelque sorte la capitale du chiffon. Comment cette bourgade de la Bretagne profonde, éloignée des villes, est-elle parvenue à sortir de son splendide isolement au point de hisser son « pilhoua mont da bilhoua », au rang de spécialité régionale ? Quelle grâce a donc touché spécifiquement ses pilhaouers, leur permettant de conquérir une célébrité quasi nationale ?

Dans le récit de son « Voyage en Finistère », datant de 1794, le Lorientais Jacques Cambry avance une explication. Selon lui, l'industrie du chiffon a « suppléé l'aridité du sol ». Le caractère imagé et pertinent qu'il dépeint des habitants de La Feuillée aurait en outre développé leur disposition naturelle pour le commerce. L'écrivain s'attendait à voir des rustres, une sorte de « loups des montagnes » confinés dans une ignorance totale. En définitive, il a trouvé des hommes pleins de « vivacité et de feu », s'exprimant plus aisément dans la langue française que la majorité des paysans bretons et « pouvant soutenir le parallèle avec les plus rusés et les plus instruits d'entre eux ». Des hommes courageux de surcroît. Sur les routes dès l'aube, ils « courent à leurs spéculations et ne rentrent chez eux qu'après dix ou quinze jours de route ».

A charge, bien entendu, pour les femmes, de subvenir aux besoins quotidiens.
Face à la concurrence

L'âpreté au gain des pilhaouers les conduit parfois à marcher, sans scrupule, sur les platesbandes de leurs collègues voisins.

Aux personnes qui s'étonnent de voir de nouvelles têtes, ils répondent par des subterfuges ou des faux-fuyants. Doués d'un sens commercial hors du commun pour la région, ces coureurs de grands chemins se distinguent également par leur goût de l'aventure.

Cependant, ils ne sont pas seuls sur le marché. La concurrence vient aussi et surtout de Normandie et de Saintonge (en Charente) où l'offre, semble-t-il, est inférieure à la demande. Quand ils ne font pas l'objet de trocs, les chiffons sont achetés au poids à l'état brut, si l'on peut dire, puis triés et classés en fonction de la qualité. Le haut de gamme est expédié principalement vers Angoulême où se fabrique un papier supérieur. Les moulins à papier bretons se partagent le toutvenant.

A l'approche du XIX e siècle, la consommation annuelle de chiffons dans le Finistère est l'ordre de 230 tonnes. Dans les Côtes-du-Nord, elle atteint le double, la majeure partie se répartissant entre Saint-Brieuc, Plessala, Plouha, Plounévez-Moëdec et Belle-Isle-en-Terre.

Sous des dehors économiques somme toute légitimes se cachent néanmoins des pratiques qui, elles, sont parfaitement illicites. C'est ainsi qu'en 1733, le roi est amené à prendre des mesures interdisant l'entrepôt et la circulation des chiffons au-delà d'une bande de quatre lieues au large des côtes, afin de mettre un terme aux exportations frauduleuses notamment vers la Hollande et l'Angleterre par les ports de Brest, Morlaix, Landerneau et Saint-Brieuc.

Une baisse de la production

Un nouvel édit sera promulgué trente-huit ans plus tard concernant cette fois la construction et le maintien des moulins à papier en dehors de cette zone littorale. Sans plus de succès hélas. La persistance du trafic inquiète particulièrement les industriels au lendemain de la Révolution. Dans une lettre en date du 29 thermidor de l'an 10 (1800), les patrons de moulins de Pleyber-Christ, Plourin, Saint-Thégonnec et Taulé signalent qu'en l'espace de dix ans, la quantité de chiffons en provenance du Finistère a chuté de 70.000 quintaux entraînant du même coup une baisse importante de leur production. Au regard du préjudice causé à l'économie du pays, en 1811 le sous-préfet de Morlaix juge la situation préoccupante .

Aux difficultés d'approvisionnement de chiffons, s'ajoutent les contraintes liées aux nuisances qu'ils génèrent. Intermédiaires entre les pilhaouers et les moulins à papier, les entrepôts, dont toutes les grandes villes sont pourvues, suscitent nombre de récriminations. Exemple à Brest où le voisin d'un magasin de haillons, situé rue de Siam, se plaint des « miasmes dangereux » auxquels sont exposés les habitants du quartier. D'où la nécessité de légiférer en la matière.

En 1815, une ordonnance royale impose aux préfets de procéder à des enquêtes de « commodo » et « incommodo » avant d'autoriser l'implantation d'établissements de ce type classés insalubres. Le problème est que ceux-ci revêtent une importance vitale et constituent de véritables industries.

Enjeu économique et social

Vers le milieu du XIX e siècle, ils emploient une cinquantaine de personnes à Morlaix, près de cent à Brest et plus de trois cents à Saint-Brieuc.

Enjeu économique donc, mais aussi social. Ainsi à Lanfains, près de Quintin, où une notice sur la paroisse établie par le recteur en 1864, mentionne que la classe des chiffonniers compte à elle seule de 700 à 800 hommes. Sitôt après la première communion, les garçons endossent le sac et commencent à battre le pays. En somme une véritable vocation.

Claude Péridy

Copyright © Le Télégramme 30-janv.-05

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