1943-1946 - Pénurie et distribution des feuilles de tickets de rationnement
Un article de GrandTerrier.
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Jusqu'aux années d'après-guerre, les habitants d'Ergué-Gabéric ont connu les tickets de rationnement qui étaient distribués en mairie dans un but de répartition de l'accès aux biens de consommation. Ci-après, tout d'abord les annonces relevées en 1943 dans les journaux La Dépêche de Brest |
[modifier] Présentation
Alain Le Grand Chaque famille reçoit dès 1941 une carte de rationnement nominative pour les produits textiles, le tabac et l'alimentation. Et ensuite mensuellement, ou plus tard trimestriellement, des feuilles de tickets détachables sont distribuées en mairie. Les tickets n’exonèrent pas les citoyens de payer les produits aux commerçants. La généralisation du système vise à une répartition équitable des produits entre tous, ce rationnement prenant fin courant 1949. Les tickets sont distribués chaque mois pour les denrées alimentaires, essentiellement « pain, viande, matières grasses », et suivant les catégories d'âges et de besoins en nourriture Un jour de distribution spéciale est organisé pour les « bénéficiaires de suralimentation et de régimes », c'est-à-dire les personnes déclarées malades ou handicapées qui peuvent bénéficier de rations supplémentaires. Sinon, hormis ces exceptions, les rations journalières individuelles, sont en moyenne de 250 grammes de pain, 25 grammes de viande, 17 grammes de sucre, 8 grammes de matière grasse et 6 grammes de fromage. Avec un tel rationnement, la nourriture d'un homme ne dépasse pas 1200 calories/jour alors qu'il est généralement admis qu'il en faut 2400. Dans les annonces parues dans le journal Ouest-Eclair Jean Le Reste, ayant vécu son enfance à Ergué-Gabéric et un mandat de maire entre 1983 et 1989, a aujourd'hui un souvenir précis des tickets de rationnement distribués par la mairie pendant et après la guerre : « Ils étaient attribués en fonction de la composition de la famille et on les utilisait chez les commençants. Ma famille faisait ses courses chez Thomas, au bourg. On allait en famille, le samedi soir. Mon père bavardait avec Jean Louis, le menuisier, et ma mère faisait ses provisions, moyennant tickets, avec Catherine qui s'occupait du commerce. Cela se terminait par une boisson chaude ! Lorsque je suis allé au lycée La Tour d'Auvergne, en 1946, les tickets existaient encore. » Son cousin René Le Reste, né en 1936, se souvient également de cette époque et de son enfance gabéricoise : |
« Il me revient cette anecdote, dont j'ai été témoin vers 1944 - 45 chez Quelven à Garsalec que nous appellions "An Ostilidi", bistrot et épicerie, là où ma mère prenait la plupart de son alimentation rationnée avec des tickets J2 J3 [7] à Quimper, a dû amener, en plus du prix imposé, une motte de beurre qu'elle avait achetée à Kervinic, là où mon père était commis. Dure époque comparée à celle de nos jours ou l'on croule sur le trop plein ! En plus de l'alimentation il y avait d'autres tickets de rationnement sur beaucoup de produits manufacturés, par exemple sur les textiles, l'essence ou le tabac. Aussi fallait-il faire appel au système D pour survivre à la pénurie. À ce sujet je me rappelle qu'à St André, dans un des 2 bistrots, le tenancier qui nous coupait aussi les cheveux, avait astucieusement fabriqué une presse en bois pour presser les feuilles de tabac, denrée insuffisante alors pour la consommation masculine. Pénurie aussi sur les pneus de vélo, il fallait quémander un bon à la mairie et justifier de sa nécessité. Et bien d'autres choses encore et cela dura au-delà de la fin de la guerre. »
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[modifier] Originaux
Transcriptions Annonces mai 1943, Dépêche de Brest
Annonce juin 1943, Ouest-Eclair
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Coupures de presse
Fond Alain Le Grand Lieu de conservation :
Usage, droit d'image :
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[modifier] Annotations
- La Dépêche de Brest est lancée le 18 novembre 1886 avec des moyens très limités et succède à l’Union Républicaine du Finistère créée 10 ans plus tôt. Quotidien, il sera même biquotidien durant des périodes d’actualité forte, comme lors de la première guerre mondiale, avec une édition du matin et une édition du soir. Installé rue Jean Macé à Brest (à l’époque rue de la rampe), à l’emplacement des locaux actuels du Télégramme, La Dépêche de Brest poursuivit son évolution jusqu’au 17 août 1944. Ce jour là, en application de la nouvelle réglementation de la Libération, les biens de la Dépêche furent mis sous séquestre. L’ensemble du matériel est alors loué au Télégramme, nouveau titre autorisé par le Comité régional de l’information. [Ref.↑ 1,0 1,1]
- L'Ouest-Éclair est un ancien quotidien régional français, créé par deux Bretons chrétiens d'une sensibilité républicaine et sociale, l'abbé Félix Trochu, prêtre en Ille-et-Vilaine, et Emmanuel Desgrées du Lou, natif de Vannes, commissaire de la Marine, puis avocat. Les ventes décollent après la Première Guerre mondiale et, en 1930, le patron embauche son gendre, Paul Hutin, un Lorrain de 42 ans qui deviendra son gendre. Le journal rayonnait, à ses débuts, sur cinq régions, la Bretagne, la Normandie, l'Anjou, le Maine et le Poitou, comme Journal républicain du matin. En 1940, Paul Hutin, militant antinazi comme sa femme, souhaite que L'Ouest-Eclair ne paraisse pas sous le joug allemand et s'engage dans la Résistance. L'Ouest-Éclair sera interdit à la Libération pour acte de collaboration. Paul Hutin revient à Rennes, à peine libérée, le 4 août 1944 pour créer le Ouest-France. [Ref.↑ 2,0 2,1]
- Alain Le Grand (1918-1992) : officier de police, inspecteur divisionnaire des Renseignements Généraux, spécialiste de l'histoire de la Bretagne. En décembre 1981, il écrit avec Georges-Michel Thomas le livre « Le Finistère dans la guerre, 1939-1945 » en 2 tomes. [Ref.↑]
- Document conservé dans le fond Alain Le Grand des Archives Départementales du Finistère sous la cote 208 J 84. [Ref.↑]
- Les catégories de tickets de rationnement en fonction des types de bénéficiaires : A - Adultes de moins de 70 ans ne se livrant pas à des travaux de force. C - Cultivateurs de 12 ans et sans limite d’âge se livrant personnellement aux travaux agricoles. E - Enfants des deux sexes âges de moins de trois ans. J1 -Jeunes des deux sexes âges de trois a 6 ans révolus. J2 - Jeunes des deux sexes âges de 6 à 12 ans révolus. J3 - Jeunes de 13 à 21 ans, ainsi que les femmes enceintes. V - Vieillards de plus de 70 ans dont les occupations ne peuvent autoriser un classement en catégorie C. T - Travailleurs se livrant a des travaux pénibles nécessitant une grande dépense de force musculaire. [Ref.↑ 5,0 5,1]
- Termaji, "An termaji" : signifie en breton, le ménestrel, le batelier, mais aussi le forain car le terme vient d’une modification du terme français « lanterne magique » qui est l’ancêtre du cinéma. En effet les forains, durant les pardons et les foires bretonnes, projetaient des images grâce à une lanterne magique. Le terme a été banalisé pour désigner les gens du voyage. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- St-Rémy, rue du Parc, était un grand magasin de vêtements, concurrent à l'époque Vêtements Sigrand alors rue Kéréon pas loin de la cathédrale. [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Août 2017 Dernière modification : 31.03.2023 Avancement : [Développé] |