Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle
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- | * Page 137, juste avant de changer son statut de vacher à celui de domestique, Déguignet donne une belle image animalière des relations entre un patron et ses esclaves : « <i>Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « Laec'h ma stag ar c'haor, er red dei puri » <ref name="ArStag">Le proverbe breton sous une forme plus académique : « <i>El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ</i> ».</ref> ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). « Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. »</i> ». | + | [[Image:Right.gif]][[Image:Space.jpg]]Page 137, juste avant de changer son statut de vacher à celui de domestique, Déguignet donne une belle image animalière des relations entre un patron et ses esclaves : « <i>Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ» <ref name="ArStag">Version orale du proverbe breton donnée par Déguignet : « <i>Laec'h ma stag ar c'haor, er red dei puri</i> ».</ref> ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). « Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. »</i> ». |
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<br>Page 137 de l'Intégrale des Mémoires, An Here 2001, cahier n° 4 | <br>Page 137 de l'Intégrale des Mémoires, An Here 2001, cahier n° 4 | ||
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- | Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « <i>Laec'h ma stag ar c'haor, er red dei puri</i> » <ref name="ArStag">-</ref> ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). « Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. » Puis il s'en alla. Quelque temps après, comme la fin de l'année approchait, je vins à penser de ce que le maire m'avais dit au sujet de la chèvre et de mon état d'esclavage. Un dimanche soir, je m'était hâté de terminer mon ouvrage et après avoir mis toutes choses en ordre, et voyant que personne ne me surveillait, je courus au galop à travers champs jusque chez le maire. Aussitôt qu'il me vit, il me dit : | + | Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « <i>El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ</i> » <ref name="ArStag">-</ref> ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). « Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. » Puis il s'en alla. Quelque temps après, comme la fin de l'année approchait, je vins à penser de ce que le maire m'avais dit au sujet de la chèvre et de mon état d'esclavage. Un dimanche soir, je m'était hâté de terminer mon ouvrage et après avoir mis toutes choses en ordre, et voyant que personne ne me surveillait, je courus au galop à travers champs jusque chez le maire. Aussitôt qu'il me vit, il me dit : |
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- | <br><big>Si vis pacem para bellum ...</big> | + | <br><big>Le tzar de toutes les Russies ...</big> |
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- | « <i>Si vis pacem para bellum</i> », dit le proverbe. Si vous voulez la paix, préparez-vous pour la guerre. Mais je crois qu'en ce moment ... | + | « <i>Si vis pacem para bellum</i> », dit le proverbe. Si vous voulez la paix, préparez-vous pour la guerre. Mais je crois qu'en ce moment on est en train de donner un rude démenti à ce vieux proverbe. Car jamais les puissances ne se sont préparées pour la guerre comme elles le font depuis plusieurs années, et ces formidables préparatifs aboutissent non à la paix, mais bien à la guerre. Et quelle guerre ! <i>Ah ma doué béniguet !</i> Guerre qui menace de devenir une conflagration générale de toutes les nations du globe. Et l'auteur de cette guerre est justement cet empereur théo-autocrate de toutes les Russies qui proposa, il y a quelques années, le désarmement général. Ben entendu ce César russe affirme que ce n'est pas lui qui a voulu la guerre, mais bien son collègue nippon, quoique celui-ci affirme de son côté que c'est le tzar qui lui déclare la guerre : mais ce sont là des boniments qui se débitent au début de toutes les guerres ; on sait que qu'en vaut l'aune. Mais ce qui est certain, c'est que la guerre est déclarée entre l'autocrate du nord et l'autocrate du pays du soleil levant <ref>Guerre russo-japonaise (1904-1905) : conflit résultant de la lutte pour le partage de la Manchourie et de la Corée.</ref>. |
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Version du 29 décembre ~ kerzu 2021 à 21:31
Dans ses mémoires de paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet exprime assez régulièrement des convictions qu'on pourrait qualifier de marxistes. »
Extraction de certains passages de ses cahiers : première version éditée dans la Revue de Paris en 1905, et nouveaux cahiers publiés en 1998 et en 2001. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue » ¤ « Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du XIXe » ¤ |
Présentation
Jean-Marie Déguignet (1834-1905) était en quelque sorte contemporain de Karl Marx (1818-1883), mais dans ses mémoires il n'y a pas une seule évocation du théoricien de la luttes des classes. Sans doute parce que les livres, tracts ou journaux dits marxistes n'étaient pas disponibles dans les bibliothèques publiques quimpéroises où notre paysan bas-breton se forgeait ses opinions politiques. Mais pourtant les idées de Déguignet peuvent s'inscrire dans cette vision du monde, ainsi qu'il écrit en introduction dans la première version de ses cahiers manuscrits : « Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence. » Dans la deuxième des cahiers, publiée en 2001 sous forme d'Intégrale des Mémoires, c'est un florilège de déclarations et d'explications sur ces classes sociales qui s'affrontent bien inutilement : Page 137, juste avant de changer son statut de vacher à celui de domestique, Déguignet donne une belle image animalière des relations entre un patron et ses esclaves : « Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ» |
Citations
Appartenant à cette classe ...
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Du socialisme ...
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Sources
Extraits des cahiers | |||||
Cahier n° 9 Mouvement ouvrier' | |||||
Annotations
- Version orale du proverbe breton donnée par Déguignet : « Laec'h ma stag ar c'haor, er red dei puri ». [Ref.↑ 1,0 1,1]
- Jay Gould, né Jason Gould, le 27 mai 1836 à Roxbury dans l'État de New York, et mort le 2 décembre 1892 à New York, est un homme d'affaires américain qui contribua à l’essor des chemins de fer aux États-Unis. Source Wikipedia. [Ref.↑]
- « Tonnerre de Brest » : expression populaire brestoise aujourd'hui connue grâce au personnage du capitaine Haddock dans « Les aventures de Tintin ». En fait, bien avant Hergé, la formule était déjà populaire grâce aux romans d'Ernest Capetan (1826-1868) dans lesquels les répliques du personnage du gabier Mahurec étaient souvent assorties d'un « Tonnerre de Brest ». À noter que l'origine du tonnerre de Brest a plusieurs explications possibles : était-ce le tir d'une batterie située sur l'île d'Ouessant en face du goulet de Brest pour donner l'alerte en cas de sortie de la flotte anglaise, ou alors le gros canon qui signalait l'évasion de forçats du bagne de Brest, ou la canonnade qui informait les habitants des manœuvres importantes de gros navires dans la rade, ou enfin le simple coup de canon qui annonçait chaque jour l'ouverture et la fermeture des portes de l'arsenal à 6 heures et à 19 heures aux pieds du château de Brest ? [Ref.↑]
- La papeterie d'Odet a été créée en 1822 par Nicolas Le Marié. C'est un Bolloré, Jean-René ancien chirurgien, qui prend sa succession en 1862-63. De 1881 à 1904 son fils René-Guillaume est aux commandes de l'entreprise qui comptait 110 ouvriers en 1860. [Ref.↑]
- Guerre russo-japonaise (1904-1905) : conflit résultant de la lutte pour le partage de la Manchourie et de la Corée. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Décembre 2021 Dernière modification : 29.12.2021 Avancement : [Développé] |