Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle - GrandTerrier

Jean-Marie Déguignet et la lutte des classes au XIXe siècle

Un article de GrandTerrier.

(Différences entre les versions)
Jump to: navigation, search
Version du 27 décembre ~ kerzu 2021 à 10:14 (modifier)
GdTerrier (Discuter | contributions)

← Différence précédente
Version du 28 décembre ~ kerzu 2021 à 09:52 (modifier) (undo)
GdTerrier (Discuter | contributions)

Différence suivante →
Ligne 3: Ligne 3:
|width=50% valign=top|<br><i>Dans ses mémoires de paysan bas-breton ...</i> » |width=50% valign=top|<br><i>Dans ses mémoires de paysan bas-breton ...</i> »
-Autres lectures : {{Tpg2|:Category:JMD|Espace Déguignet}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale}}{{Tpg|LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue}}{{Tpg|Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du XIXe}}+Autres lectures : {{Tpg2|:Category:JMD|Espace Déguignet}}{{Tpg|Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale}}{{Tpg|LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue}}{{Tpg|Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du XIXe}}
|width=20% valign=top|[[Image:3deguignet.gif|right]] |width=20% valign=top|[[Image:3deguignet.gif|right]]
|}__NOTOC__ |}__NOTOC__
Ligne 10: Ligne 10:
{| width=870 {| width=870
|width=48% valign=top {{jtfy}}| |width=48% valign=top {{jtfy}}|
 +Jean-Marie Déguignet (1834-1905) était en quelque sorte contemporain de Karl Marx (1818-1883), mais dans ses mémoires il n'y a pas une seule évocation du théoricien de la luttes des classes. Sans doute parce que les livres, tracts ou journaux dits marxistes n'étaient pas disponibles dans les bibliothèques publiques quimpéroises où notre paysan bas-breton se forgeait ses opinions politiques.
 +Mais pourtant les idées de Déguignet peuvent s'inscrire dans cette vision du monde, ainsi qu'il écrit en introduction dans la première version de ses cahiers manuscrits : « <i>Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence.</i> »
|width=4% valign=top|&nbsp; |width=4% valign=top|&nbsp;
|width=48% valign=top {{jtfy}}| |width=48% valign=top {{jtfy}}|
- +[[Image:Chèvre.jpg|400px|center|thumb|"El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ" (où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter)]]
|} |}
==Citations== ==Citations==
-Page 29+ 
{| width=870 {| width=870
|width=48% valign=top {{jtfy}}| |width=48% valign=top {{jtfy}}|
-{{Citation}}+<big>Chapitre I de la première édition de la Revue de Paris</big>
 +{{Citation}}
 +J’ai lu dans ces derniers temps beaucoup de vies, de mémoires, de confessions de gens de cour, d’hommes politiques, de grands littérateurs, d’hommes qui ont joué en ce monde des rôles importants ; mais, jamais ailleurs que dans les romans, je n’ai lu de mémoires ou de confessions de pauvres artisans, d’ouvriers, d’hommes de peine, comme on les appelle assez justement, — car c’est eux, en effet, qui sup­portent les plus lourds fardeaux et endurent les plus cruelles misères. Je sais que les artisans et hommes de peine sont dans l’impossibilité d’écrire leur vie, n’ayant ni l’instruction ni le temps nécessaires. Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, — puisque je suis rendu à un loisir forcé, — comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence.
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
|width=4% valign=top {{jtfy}}|&nbsp; |width=4% valign=top {{jtfy}}|&nbsp;
|width=48% valign=top {{jtfy}}| |width=48% valign=top {{jtfy}}|
-Page 138+Page 137 de l'Intégrale des Mémoires, An Here 2001
{{Citation}} {{Citation}}
 +Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « <i>Laec'h ma stag ar c'haor, er red dei puri</i> » <ref>Le proverbe breton sous une forme plus actuelle : « <i>El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ</i> ».</ref> ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). « Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. » Puis il s'en alla. Quelque temps après, comme la fin de l'année approchait, je vins à penser de ce que le maire m'avais dit au sujet de la chèvre et de mon état d'esclavage. Un dimanche soir, je m'était hâté de terminer mon ouvrage et après avoir mis toutes choses en ordre, et voyant que personne ne me surveillait, je courus au galop à travers champs jusque chez le maire. Aussitôt qu'il me vit, il me dit :
 +- Je parie que tu as cassé ta corde.
 +
 +- Pas tout à fait, dis-je, seulement je me suis souvenu de ce que vous m'avez dit l'autre jour.
 +
 +Le maire avait compris, et nous nous arrangeâmes vite, car je n'avais pas du temps à perdre. Au premier janvier, j'irais chez lui, non plus comme vacher, mais comme domestique ordinaire.
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
|} |}
 +
 +==Sources==
 +
 +<gallery caption="Extraits des cahiers">
 +Image:MémoirePaysanBasBreton-RP-829|Revue de Paris
 +Image:Déguignet-Cahier04-p77.jpg|Cahier n° 4 page 77
 +Image:Déguignet-Cahier04-p78.jpg|page 78
 +Image:Déguignet-Cahier04-p79.jpg|page 79
 +</gallery>
 +
 +<br><gallery caption="Cahier n° 9 Mouvement ouvrier'">
 +Image:MouvementOuvrier9-mars2000-000.jpg|couverture
 +Image:MouvementOuvrier9-mars2000-138.jpg|page 138
 +Image:MouvementOuvrier9-mars2000-145.jpg|page 145
 +Image:MouvementOuvrier9-mars2000-146.jpg|page 146
 +Image:Cahier Mouvement Ouvrier n09 mars 2000.pdf|bulletin complet
 +</gallery>

Version du 28 décembre ~ kerzu 2021 à 09:52

Image:Espacedeguignetter.jpg
Dans ses mémoires de paysan bas-breton ... »

Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « LAVASSEUR Yolande - Une parution inattendue » ¤ « Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du XIXe » ¤ 

Présentation

Jean-Marie Déguignet (1834-1905) était en quelque sorte contemporain de Karl Marx (1818-1883), mais dans ses mémoires il n'y a pas une seule évocation du théoricien de la luttes des classes. Sans doute parce que les livres, tracts ou journaux dits marxistes n'étaient pas disponibles dans les bibliothèques publiques quimpéroises où notre paysan bas-breton se forgeait ses opinions politiques.

Mais pourtant les idées de Déguignet peuvent s'inscrire dans cette vision du monde, ainsi qu'il écrit en introduction dans la première version de ses cahiers manuscrits : « Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence. »

 
"El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ" (où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter)
"El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ" (où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter)


Citations

Chapitre I de la première édition de la Revue de Paris

J’ai lu dans ces derniers temps beaucoup de vies, de mémoires, de confessions de gens de cour, d’hommes politiques, de grands littérateurs, d’hommes qui ont joué en ce monde des rôles importants ; mais, jamais ailleurs que dans les romans, je n’ai lu de mémoires ou de confessions de pauvres artisans, d’ouvriers, d’hommes de peine, comme on les appelle assez justement, — car c’est eux, en effet, qui sup­portent les plus lourds fardeaux et endurent les plus cruelles misères. Je sais que les artisans et hommes de peine sont dans l’impossibilité d’écrire leur vie, n’ayant ni l’instruction ni le temps nécessaires. Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, — puisque je suis rendu à un loisir forcé, — comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence.

 

Page 137 de l'Intégrale des Mémoires, An Here 2001

Un jour, le maire me demanda si je me plaisais dans cet état de vacher qui était, il est vrai, un véritable esclavage. Je ne pouvais jamais bouger de là, ni dimanche ni fête ; je lui avais répondu par le proverbe breton : « Laec'h ma stag ar c'haor, er red dei puri » [1] ("où la chèvre est attachée, elle est obligée de brouter"). « Quelquefois, dit-il, la chèvre casse sa corde et va brouter plus loin. » Puis il s'en alla. Quelque temps après, comme la fin de l'année approchait, je vins à penser de ce que le maire m'avais dit au sujet de la chèvre et de mon état d'esclavage. Un dimanche soir, je m'était hâté de terminer mon ouvrage et après avoir mis toutes choses en ordre, et voyant que personne ne me surveillait, je courus au galop à travers champs jusque chez le maire. Aussitôt qu'il me vit, il me dit :

- Je parie que tu as cassé ta corde.

- Pas tout à fait, dis-je, seulement je me suis souvenu de ce que vous m'avez dit l'autre jour.

Le maire avait compris, et nous nous arrangeâmes vite, car je n'avais pas du temps à perdre. Au premier janvier, j'irais chez lui, non plus comme vacher, mais comme domestique ordinaire.


Sources



Annotations

  1. Le proverbe breton sous une forme plus actuelle : « El lec'h m'emañ stag ar c'havr eo ret dezhi peuriñ ». [Ref.↑]




Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Décembre 2021    Dernière modification : 28.12.2021    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]