Jean-Marie Déguignet, enfant, soigné à l'hospice - GrandTerrier

Jean-Marie Déguignet, enfant, soigné à l'hospice

Un article de GrandTerrier.

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Autre lecture : « Les séjours de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper‎ » ¤ 

(Intégrale, Déguignet, manuscrits, page 3.18)

Et deux jours après, ma mère me conduisait à l’hospice de Quimper.

A l’entrée de cet hospice [1] [2], il y avait un calvaire, et ma mère me montra un grand Christ dont la main gauche était fermé sur le clou. Elle me dit que cette main s’était fermée une nuit qu’une personne très riche avait envoyé dans le tourniquet un enfant. Elle s’agenouilla, et me fit s’agenouiller auprès d’elle, sur la marche du calvaire pour réciter un Pater et [un] Ave, puis me conduisit au bureau d’entrée. Aussitôt nous fumes séparés. Ma mère s’en alla en pleurant et moi aussi, je suivais la sœur en pleurant [3], qui me conduisait dans une grande salle, pleine de monde, les uns dans leur lit, les autres assis à côté. Tous me regardaient comme une curiosité nouvelle. Car dans les lits de douleurs et d’ennui, un nouvel arrivant est toujours un événement. On me montra mon lit, le seul vide qu’il y avait dans la salle et dont le voisin, un pauvre breton comme moi, me dit que le précédant occupant de ce lit, était enterré le jour même. On me donna des effets d’hospice qu’il fallait mettre de suite. La sœur voyait bien que je n’étais pas malade de cœur me donna un peu de soupe le soir, avec les autres.

Le lendemain matin, quand le médecin vint, et quand il vit ma tête, il ordonna de me couper les cheveux et d’enlever cette espèce de plaque formée par le pus qui couvrait la blessure. Cela fait, le médecin revint et après avoir considéré et palpé la blessure, il prit une espèce de crayon à bout blanc, et commença à piquer tout le pourtour de la plaie : il me semblait que c’était un fer rouge qui me piquait. Après son départ, je demandais à mon voisin ce que c’était que ce crayon ; il me dit que c’était une pierre de l’enfer, eur men eus ann ifern [4], [c’est] pour ça qu’elle brûlait en effet ; cependant je n’avais rien dit ; car alors comme durant toute ma vie, j’étais dur à la souffrance. J’ai souvent pleuré en voyant souffrir les autres, mais pour mes propres souffrances, jamais ! Le Dieu des souffrances cependant, s’il y en a un, sait que j’en ai eu ma part.

Notes :

  1. Hôpital civil de Quimper : depuis 1801, il se trouvait a l’emplacement du vieux séminaire, aujourd’hui rue Etienne Gourmelen. En 1824, le Conseil général y créa en plus, un hôpital psychiatrique. Sa capacité était de 170 lits. Cf. HAUDEBOURG (Guy), Mendiants et vagabonds en Bretagne au XIXe siècle, Rennes, P.U.R.,1998, p. 115. [Ref.↑]
  2. Note additionnelle GrandTerrier : L'hôpital civil de Quimper, au départ situé dans l'ancien couvent Saint-Antoine de Mesgloaguen, fut déplacé en 1801 sur la colline de Creac'h Euzen dans les locaux du vieux séminaire (devenu en 1793 hôpital militaire). En 1824, le Conseil général y créa en plus, un hôpital psychiatrique. L'adresse de l'établissement était le 1, rue de l'Hospice. On l'appelait également l'asile Saint-Athanase. Au cours du 20e siècle il sera encore étendu et rebaptisé Hôpital psychiatrique Gourmelen, tout à côté de l'ancien hôpital Laënnec (lequel sera transféré à Ergué-Armel en 1981). [Ref.↑]
  3. Les soins aux malades étaient assurés par les Filles du Saint-Esprit. [Ref.↑]
  4. « Ur maen eus an ifern ». [Ref.↑]