Fouilles militaires à Tébessa-Tbessa, JMD 1863 - GrandTerrier

Fouilles militaires à Tébessa-Tbessa, JMD 1863

Un article de GrandTerrier.

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(Intégrale, Déguignet, manuscrits, p. 8.68-8.70).

C'est en ce temps-là, et pendant qu'on séjournait aux environs de cette ville romaine que le général eut l'idée - ou qu'elle lui fut donné par quelque archéologue amateur - de nous faire fouiller un large monticule couvert de bois et de broussailles qui se trouvait à peu de distance de la ville, au bord de la voie romaine. On ne tarda pas à voir que ce monticule renfermait les ruines d'un palais magnifique car nous y trouvâmes de nombreuses colonnes de marbre, des statues brisées et quantité de belles mosaïques. Quand l'artiste disciplinaire se trouvait de travail avec moi, nous échangions là-bas des réflexions, en fouillant ces ruines. En artiste, mon ami pouvait admirer ces travaux des esclaves romains ; car, c'était là des œuvres des esclaves. Et maintenant, c'était encore en esclaves que nous travaillions pour découvrir à nos chefs ces belles œuvres exécutées par nos confrères romains, il y a deux mille ans. Ceux là, travaillaient sous le fouet et nous sous les cris, les injures, les insultes, et les menaces de salle de police, de prison et de bagne. Les coups de fouet guérissaient vite, les flétrissures de bagne, de compagnies de discipline, et autres tortures infligées aux esclaves modernes ne guérissent jamais. Nous ne parlions pas fort car le camarade avait peur d'attirer quelques observations baroques[1] et grossières de la part des galonnés, auxquels il n'aurait pu s'empêcher de répondre. Je suppose bien que les esclaves anciens devaient avoir le droit de gémir et de se plaindre sous les coups de fouet. Sous les coups d'injures, d'insultes et de menaces autrement terribles que les coups de fouet, les esclaves modernes doivent se taire sous peine de doubler, de tripler et de quintupler la punition. Ce que nous cherchions surtout après ces débris de colonnes, de statues et de mosaïques, c'était quelques inscriptions grecques ou romaines. Mon camarade voulait savoir si ce magnifique palais avait appartenu comme l'on disait, au fameux et immonde Caracalla[2] ainsi que semble indiquer du reste une des portes de la ville, en face même de ces ruines qui portait encore le nom de ce monstre. Mais d'inscription point. Les Vandales, ces iconoclastes qui voulaient anéantir partout les traces des peuples civilisés, avaient sans doute détruits ces inscriptions. Mais ces destructeurs ne purent abattre les aqueducs, les grandes murailles, ni détruire les immenses voies romaines. Un autre peuple civilisé a passé là depuis, le Maure, mais n'a laissé aucune trace de son passage et si la civilisation française venait à disparaître, ses traces disparaîtraient aussi en peu de temps ; mais les traces des Romains subsisteront toujours.

Notes :

  1. Baroque : lecture peu sure. [Ref.↑]
  2. Caracalla : empereur romain de 198 à 217. Les archives du génie confirment l’organisation de fouilles par l’armée française à Tbessa où plusieurs monuments sont attribués à Caracalla (SHAT, Archives du Génie, 1 H 878-886 et 1 H 179-181). [Ref.↑]