Corentine Coïc, la vie à l'école au siècle dernier - GrandTerrier

Corentine Coïc, la vie à l'école au siècle dernier

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Catégorie : Mémoires  
Site : GrandTerrier

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Entretien publié dans le bulletin municipal n° 25 de décembre 2007 :

H i s t o i re > E r g u é - G a b é r i c / m a v i l l e

Entretien avec Corentine Salaün, épouse Coïc, née le 6 décembre 1914.

Corentine était la cinquième d'une famille de 8 enfants. Sa famille habitait la ferme de Kermorvan à Lestonan ...


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Par rapport à l'article initial, quelques commentaires ont été communiqués par les lecteurs et les proches de Corentine (cf notes en bas d'article).


Avant l'école

Avant d'être scolarisée, Corentine savait déjà des prières et compter jusqu'à 99. Elle ne savait pas du tout si c'était 100 ou 200 qui venait après 99. Son père avait eu son certificat d'étude en 1888. Sa mère, originaire de Kervéady à Lestonan, avait pour sa part fréquenté l'école publique de Lestonan pendant 2 ans. Corentine avait hâte d'aller à l'école : on se moquait un peu d'elle car les voisines de son âge y étaient déjà inscrites. Mais Corentine devait s'occuper de ses trois petits frères et soeurs.

À l'école

Elle a commencé l'école après Pâques 1923. Elle y allait à pied. Elle habitait tout près mais connaissait des enfants qui marchaient 1h15 pour arriver à l'école. Elle a fait la route avec son grand frère pendant trois ans, puis ensuite avec sa soeur Anna, lorsque celle-ci a eu 6 ans. La directrice était alors Mme MANACH, originaire de Morlaix. Elle parlait un peu breton.

Corentine ne parlait que le breton en entrant à l'école. Sa première institutrice fut Mme ROLLAND. Il existait une certaine tolérance vis à vis de l'expression en breton pour celles qui commençaient l'école mais « la vache » existait.

Corentine portait pour la classe une blouse faite sur mesure par une couturière. Elle n'avait pas de cartable ni de sac d'école. Elle portait ses affaires sous le bras. Elle avait un parapluie. Elle était chaussée de sabots. Les fillettes enlevaient leurs sabots en entrant en classe. Elles étaient en bas et en chaussons. Elle avait pour matériel une ardoise, un cahier de brouillon. Il fallait acheter les cahiers, les crayons ainsi que les livres sur lesquels on apprenait les leçons. Corentine avait conservé ses cahiers et livres mais ils ont été brûlés lors d'un déménagement [1].

La classe était une grande pièce de 9mx7m, séparée en deux par un rideau. D'un côté du rideau se tenait la petite classe, équivalent de notre CP, où les petites apprennent à lire et de l'autre la grande pour les cours moyens et la préparation au certificat d'études. Il y avait deux institutrices et deux tableaux. En 1926 est venue s'ajouter une classe maternelle.

Le vent entrait sous la porte de la classe. Il n'y avait pas de chauffage, même pas de poêle à bois.

Les élèves balayaient la classe tous les jours. L'une d'elles était nommée pour une semaine pour essuyer le tableau, nettoyer le bureau de la maîtresse.

Les enfants arrivant à l'école saluaient la maîtresse en entrant dans la cour. L'entrée en classe avait lieu à huit heures. Les petites entraient les premières car elles devaient traverser la classe pour se retrouver du bon côté du rideau. La journée de classe commençait par de l'arithmétique.

À la récréation

A l'époque de la rentrée, on faisait souvent des rondes pour intégrer les nouvelles. Les fillettes jouaient aussi à la corde à sauter, aux cartes, à des jeux avec des pions, à cache-cache, à s'attraper. Les maîtresses les incitaient à bouger. Il n'y avait pas de cours de sport, sauf pour le certificat. Quand il faisait froid, les fillettes se prenaient bras dessus/bras dessous et couraient autour de la cour pour se réchauffer les pieds. Les fillettes pouvaient aussi récupérer de l'argile près du lavoir et de la fontaine de la ferme avec laquelle elles modelaient des animaux.

Les punitions

Refaire un devoir mal fait pendant la récréation ou le soir, après la classe ; recopier les corrections du devoir.
La vache, si on parlait breton en récréation.
Au coin : surtout dans les petites classes, pour motif de bavardage ou pour les élèves trop remuantes.
Giffle : pour les élèves qui trichaient.
Tirer les oreilles.
Les garçons avaient des coups de règles sur les mains.

Le travail à la maison

Le soir, Corentine faisait ses devoirs dans la salle commune chez elle.

Les jours de congés

Il y n'y avait pas école le jeudi ni le dimanche. Le jeudi, il y avait catéchisme à l'Hôtel (lieu-dit à Pen Carn Lestonan), avec l'abbé LE GALL de 9h à 10h30. Ce cours se faisait en breton ; à la maison, chacun avait son livre de catéchisme, hérité des aînés car le programme ne changeait pas.

 


Le dimanche, il fallait d'abord se rendre à la messe à Odet, à huit heures. Puis on rentrait préparer le repas et déjeuner. Corentine aidait sa mère. A 14h, il y avait de nouveau catéchisme. En dehors de ces temps consacrés à la religion, Corentine aidait aux travaux de la ferme.

Les institutrices

Corentine a connu Mme MANACH, directrice, Mme ROLLAND et Mlle DREAU, institutrices. Avant les années 20, les instituteurs de Lestonan n'avaient pas bonne réputation. Au moins l'un d'eux avait eu des problèmes d'alcoolisme.

Les instituteurs de Lestonan ont formé une cellule communiste sur la commune.

Mme MANAC'H était sévère et exigeait beaucoup de travail personnel. Elle séparait les élèves pour ne pas qu'elles trichent. Elle a suivi son mari à Troyes et a été remplacée par sa soeur, Mme LAZOU.

Mme LAZOU a ouvert une section spéciale pour 3 fillettes qui avaient eu leur certificat d'études afin de les préparer à l'examen d'entrée en 5ème. Une seule a poursuivi ses études à l'école ménagère de Quimperlé. Mme LAZOU a passé 30 ans dans cette école. Elle faisait de la politique (elle a été la première femme inscrite sur une liste à Ergué-Gabéric, liste du parti communiste, 1947). Elle a été emprisonnée à Rennes pendant l'occupation. Son mari a été tué lors de la 2ème Guerre Mondiale. Sa fille a suivi des études de médecine.

Le certificat d'études

Corentine a eu son certificat d'études au bout de 3 années d'école.

Le changement de division (c'est-à-dire le passage en classe supérieure) se fait avant la fin de l'année scolaire, après que les grandes ont passé leur certificat. A ce moment-là, on est déjà dans la classe supérieure, les grandes s'occupent des plus petites, notamment celles qui ont passé leur certificat prennent en main celles qui le présenteront l'année prochaine. C'est ainsi avec une grande, Jeanne LE GALL, que Corentine a appris les grands chiffres.

L'année du certificat, il y avait étude (payante) après la classe, plein de devoirs à faire à la maison, de leçons à apprendre, dont instruction civique et sciences. L'institutrice qui a préparé Corentine au certificat était Mme MANAC'H.

Le jour du certificat

Nicolas ADEN de Briec, de la famille de Louis BARRE alors conseiller municipal à Ergué- Gabéric a affrété et prêté son char à banc. Le départ a eu lieu de l'école à 6h30. Le voyage a duré 1h jusqu'à l'école Louis Pasteur à Quimper. Corentine portait le costume breton.

Il y a d'abord eu une épreuve d'arithmétique puis une d'histoire ou géographie. Elle se rappelle encore de l'épreuve de récitation : elle a récité le Moulin d'Alphonse DAUDET. Pour l'épreuve de chant, elle a interprété le Printemps.

Sept filles sur 8 l'ont obtenu cette année-là (1926) : 2 filles de 14 ans, 2 de 13 ans et 4 âgées de 12 ans. L'une d'elles a eu une mention. Les filles de l'école du bourg ne sont même pas allées à l'oral. Corentine était la benjamine de cette promotion. Elle a reçu des félicitations et a été présentée à l'inspecteur.

Les vacances

Les vacances d'été duraient du 31 juillet au 1er octobre.

Celles de Toussaint duraient 2 jours, celles de Noël, 15 jours, celles de Pâques, 15 jours. Pendant ces vacances, Corentine aidait ses parents.

Après l'école

La maîtresse aurait voulu que Corentine continue. Mais elle a quitté l'école à 12 ans et demi, non sans déception. Henriette STERVINOU a continué jusqu'au brevet supérieur. Ses frères et soeurs plus jeunes ont fréquenté, eux, l'école privée, construite en 1928 et 29. Corentine n'a pas tellement hésité à choisir son métier : les employées gagnaient peu à l'époque, elle n'était pas attirée par le métier d'institutrice [2]et se disait que dans les fermes il y avait toujours du travail. C'est donc cette voie-là qu'elle a choisie.


Notes :

  1. Elle avait en effet gardé ses cahiers et ses livres d'école, mais seuls les livres ont été brûlés lors du réaménagement à Pennarun, les cahiers sont conservés dans la famille. [Ref.↑]
  2. Il se trouve qu'elle rêvait d'être professeur. Etant reçue au lycée Brizeux, elle a touché son rêve du doigt, mais ses parents ont préféré qu'elle reste les aider à la ferme. Cela a été pour elle une immense déception à tel point qu'elle en parle chaque fois que ses proches vont la voir, plus de 80 ans après. [Ref.↑]


Thème de l'article : Mémoires de nos anciens gabéricois.

Date de création : décembre 2007 (Bulletin Votre Ville n° 25)    Dernière modification : 26.08.2015    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]