Blog 29.11.2014 - GrandTerrier

Blog 29.11.2014

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[modifier] Complément d'enquête en 1908

« Jeter la soutane aux orties », exp. : renoncer, abandonner par inconstance au départ, signifie abandonner scandaleusement l'état monacal, puis par extension, abandonner l'état ecclésiastique, par extension encore abandonner par inconstance ; source : dictionnaire en ligne Reverso.

Présentée brièvement sur le site Internet Quimper.Bzh dans la rubrique Mémoires des Archives Départementales de Quimper, cette pièce publiée cette semaine sur GrandTerrier est extraite des comptes rendus d’enquête du commissaire Judic et constitue un véritable morceau d'anthologie.

On y découvre les détails d'une affaire de mœurs qui, s'il ne s'agissait pas d'un religieux, n'aurait peut-être pas constitué un délit d'outrage public: « Le mardi 21 avril, dans l'après-midi le sieur Sergent, Frère des Écoles Chrétiennes, est allé se promener dans la commune d'Ergué-Gabéric en compagnie de la jeune Pxxx Jeanne, âgée de 16 ans ... Ils se couchèrent l'un près de l'autre dans un champ. Le bon Frère dégrafa le corsage de la jeune fille, lui retira son corset pour être plus à l'aise et se mit en devoir de l'embrasser. Ce qui se passa ensuite, on le devine. »

Les frères des écoles chrétiennes ou lasalliens formaient un institut religieux laïc de vie consacrée, de droit pontifical, fondé à Reims en 1680 par saint Jean-Baptiste de La Salle, et voué à l'enseignement et à la formation des jeunes, en particulier des plus défavorisés. Bien qu'ayant formulé les vœux traditionnels de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, les Frères n'avaient pas le statut de prêtres, mais portaient néanmoins une soutane noire non boutonnée avec un large rabat blanc, et ils étaient familièrement surnommés les « Frères quatre bras » à cause de leur grand manteau à manches flottantes.

Le lendemain, un des trois vicaires de la paroisse d'Ergué-Gabéric alla rencontrer le témoin principal de l'affaire, à savoir le charron et débitant de boisson Yaouanc, et lui déclara qu'il « s'agissait certainement d'un civil déguisé en Frère ». Avec sans doute l'intention de supprimer les preuves, le vicaire récupéra un des objets subtilisés par les témoins avant la fuite des amoureux, le chapeau du frère. Les autres pièces à conviction furent conservées pour l'enquête : « le parapluie du Frère, le chapeau, le corset, le tour de cou et le parapluie de la jeune fille ». Et cette dernière avoua les faits lorsqu'elle fut interrogée par le commissaire Judic.

Le commissaire Pierre Judic était une véritable personnalité connue de tous les quimpérois de cette période 1906-1922, comme le montre les nombreuses coupures de presse locale relatant ses enquêtes. Il était de toutes les affaires en région cornouaillaise, accompagnant les forces de l'ordre lors des opérations d'inventaire des biens de l'Église, interrogeant tous les accusés et témoins, et parlant même couramment la langue bretonne, ce qui lui était bien utile pour comprendre les dessous de certains faits divers.

Que devint le frère Sergent ? Sans doute fut-il muté loin du lieu de ses méfaits, ou alors il préféra « jeter sa soutane aux orties » ...

En savoir plus : « 1908 - Un scandale clérical à Ergué-Gabéric dévoilé par le commissaire Judic » Billet du 29.11.2014