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[modifier] Les tyrans du manoir de Lezergué

Billet du 26.06.2021 - Souvenirs de jeunesse de 1848 au vieux château de Lezergué en Ergué-Gabéric, cahiers manuscrits formant l'intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton, édition An Here, 2001, et illustrations de la BD de Christophe Babonneau et de Stéphane Betbeder.

Jean-Marie Déguinet a 14 ans lorsque ses parents s'installent dans une petite maison de journalier agricole, un penn-ti jouxtant le manoir de Lezergué : « En ce temps-là, nous quittâmes enfin le Guelenec pour aller demeurer près du bourg, au grand château de Lez-Ergué ».

Le logement n'y est pas pour autant gratuit : « Le propriétaire de ce château faisait payer ces petits pen-ty par un certain nombre de journées de travail, tant pendant les semailles et tant pendant la moisson. ».

Le propriétaire-paysan du château est un dénommé Christophe Crédou (1797-1873), un patriarche tyrannique  : « On ne l'appelait que l'homme noir : Christoc'h Du. Et il était en effet noir partout dans sa figure comme dans l'âme, s'il en avait une. Celui-là aurait bien fait comme l'ancien seigneur de ce château, s'il en avait eu le droit. » (sa fille épousant le premier des Nédelec de Lezergué).

Le souvenir des seigneurs locaux, ceux qui ont construit le manoir, est toujours vivace en 1848 : « Le dernier seigneur de ce château qui s'appelait De La Marche, était, disait-on, le plus terrible et le plus cruel de tant de terribles et cruels seigneurs que les pauvres Bretons ont connu ». Les derniers seigneurs de La Marche sont déclarés émigrés à la Révolution, le père (celui qui fit reconstruire le château vers 1770) sur l'île Jersey, le fils cadet en Guadeloupe, le fils ainé François Louis Armand étant décédè le 10 février 1774 à Lezergué.

C'est sans doute les exploits de ce dernier qui sont évoqués par Déguignet : « Au milieu de la messe, il entrait avec son cheval, et ordonnait au curé de communier la bête, puis faisait le tour de l'église en faisant piaffer son cheval sur les malheureux prosternés qui ne pouvaient bouger ni rien dire. Il entretenait chez lui une quantité considérable de pigeons, qui ravageaient toutes les semences et les moissons des environs, sans que personne puisse se plaindre sous peine d'être pendu immédiatement. Enfin, à force d'en faire, il finit lui-même par se casser le cou en tombant du deuxième étage du château dans le premier. »

L'église mentionnée du domaine noble est la chapelle Saint-Joachim, aujourd'hui disparue et élevée vers 1650 par Guy Autret, le précédent occupant de Lezergué :

 

« Il y avait auprès de là les ruines d'une vieille église où ce seigneur faisait célébrer la messe tous les dimanches, à laquelle tous les paysans d'alentour étaient tenus d'assister sous peine de mort ».

Un autre souvenir d'enfance de Déguignet est le gibet : « On montrait encore l'endroit où il faisait pendre ses manants par haine, par colère ou par plaisir. ». Ce n'est pas une légende, car ces « fourches patibulaires à deux piliers de la montagne de Lestonan » ont vraiment existé au XVe siècle quand les seigneurs locaux avaient « droit de haute basse et moyenne justice ».

Et enfin la légende du fameux trésor de Lezergué : « Et ce trésor, tout le monde savait qu'il existait, mais personne ne savait au juste où il était. Les uns disaient qu'il était sous l'escalier du château, d'autres pensaient qu'il devait être au fond de l'étang [...] ; d’autres disaient enfin qu'il devait être sous le pigeonnier, une énorme rotonde toute bâtie en pierres de taille, qui serait restée debout jusqu'à la fin du monde si on ne l'avait pas démolie.  ».

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Le jeune Jean-Marie Déguignet au château de Lezergué en 1848 »