Blog 23.02.2019 - GrandTerrier

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[modifier] Aliénation de chapelles tréviales

Billet du 23.02.2019 - « L'an troisième de la République française une et indivisible, le huit floréal neuf heures du matin, ... avons procédé à l'adjudication définitive indiquée à ce jour des biens nationaux dont la publication a été faite conformément au décret. »

Les propriétés de l'Église qui ont été saisies, nationalisées et vendues lors de la Révolution française forment, au même titre que les biens nobles expropriés, les biens nationaux. Ces derniers ont été vendus à des propriétaires privés pour résoudre la crise financière concomitante à la Révolution, mais les édifices religieux, hormis les ruines, seront très vite restitués à la commune.

À Ergué-Gabéric, il y a lieu de distinguer d'une part les chapelles tréviales et d'autre part les biens religieux de la fabrique au niveau paroissial, à savoir église et presbytère. Les chapelles tréviales étaient des biens de l'église au service d'une sub-division de la paroisse, bien qu'ayant dépendu auparavant de seigneuries locales ou distantes (Quistinic ou Landévennec).

Les chapelles d'Ergué-Gabéric, au nombre de six, sont chacune localisées dans une « trève » distincte, c'est-à-dire une succursale de paroisse, subdivision rendue nécessaire par l'éloignement du lieu de culte paroissial au bourg. La plus grande est celle de Kerdévot, ensuite les deux chapelles opérationnelles de St-Guénolé et St-André, et enfin les trois édifices en ruine de Ste-Appoline, St-Joachim et St-Gildas.

Les documents disponibles sont d'une part des procès-verbaux d'expertise et d'estimation, datés des 5 à 10 brumaire de l'an 3 (soit en octobre 1794), et d'autre part les minutes de ventes aux enchères datées du 8 floréal de l'an 3 (soit en avril 1795).

Dans le document d'expertise de Kerdévot, la formule décrivant les lieux comme « dépendant du ci-devant fief de Quistinic en Edern » semble étrange au premier abord. Certes au 16e siècle plusieurs mouvances d'Ergué-Gabéric dépendaient de ce domaine de Quistinic/Chataigneraie, notamment Squividan, Le Lec, Tréodet. Mais les prééminences premières et supérieures de la chapelle de Kerdévot sont réputées être elliantaises par les seigneurs de Tréanna et de Botbodern. Néanmoins l'idée d'une dépendance de Quistinic pourrait être défendue si l'on accepte que le blason central de la maitresse-vitre est celui des Liziart, apparentés aux Liziart de Trohanet et aux seigneurs de Quistinic.

La chapelle de Saint-Guénolé est dite située « au grand Quéllennec dépendante de la ci-devant abbaye de Landévennec et sans dépendances, ni issues ». Elle est effectivement dédiée au premier abbé de Landévennec, et dans des aveux datés de 1647 et 1656, les terres du Guelennec sont déclarées en chefrente avec « foi et hommage » et dîme au seigneur abbé de Landévennec et la fontaine et la chapelle de « Monsieur Sainct guenolle » y sont mentionnées. Par contre on ne trouve pas de mention de la chapelle dans les chartes du cartulaires de Landévennec.

 

1. Kerdévot 2. Saint-Guénolé 3. Saint-Joachim 4. Saint-André 5. Ste-Appoline 6. Saint-Gildas
Estimations 800 l 400 l 120 l 100 l 80 l 70 l
Ventes 6000 l 630 l 125 l 395 l 85 l 75 l
Acquéreurs Jérôme Crédou Alain Rannou Laurent Le Corre Pierre-J Crédou Marie-M Merpaut Alain Rannou
Origine Quistinic Landéven-nec Lezergué Lamarche Lamarche Pennarun
Dimensions 22 m x 13 x 6 16 m x 9 x 4 16 m x 9 x 4 11 m x 6 x 5 17 m x 5 x 2,6 14 m x 5 x 2,6
Suites Restituée Restituée Privée Démolie Démolie Démolie

Quant aux quatre autres chapelles elles sont sur des « terreins » des seigneurs locaux, les La Marche de Lezergué - La Marche Père pour Saint-André et Fils pour Saint-Joachim et Sainte-Appoline - et les Geslin de Pennarun pour la chapelle de Saint-Gildas. Toutes ces chapelles sont soit en ruine, soit « en mauvaise réparation ».

Pour les prix estimés et d'adjudication, il y a un gros écart entre ceux de la chapelle de Kerdévot (800/6000 livres), Saint-Guénolé (400/630) et les autres autour de cent livres. On constate quand même que la chapelle de Saint-André, classée 4e, a été sous-estimée au départ, car ses enchères atteignent plus de 3 fois la valeur de Saint-Joachim, classée 3e au moment des estimations.

Les acquéreurs qui emportent les enchères de ces chapelles sont tous gabéricois, à l'exception de Marie-Madeleine Merpaut, négociante quimpéroise, qui a acquis la chapelle de Sainte-Appoline en même temps que le manoir voisin du Cleuyou. Les adjudicataires d'Ergué-Gabéricois sont trois agriculteurs et Laurent Le Corre, aubergiste au bourg.

Les chapelles seront restituées à la commune au moment du Concorcat en 1804, sauf celle de Saint-André et les édifices en ruine qui resteront privées. Au moment de la restitution de Kerdévot les langues vont se délier : face aux réticences de Jérome Crédou pour se séparer de son acquisition, il sera fait état de la réalité de son rôle de prête-nom et de l'organisation d'une grande quête des paroissiens pour récolter 6000 livres et protéger le lieu-saint d'une privatisation. Cela se passera plus sereinement pour Saint-Guénolé, mais par contre les pierres des chapelles en ruine seront utilisées ou vendues pour d'autres constructions.

* * *

Prochainement sur GrandTerrier, on s'intéressera aux autres « biens nationaux », c'est-à-dire aux biens de la fabrique (presbytère, église), ainsi qu'aux manoirs et mouvances nobles.

En savoir plus : « 1794-1809 - Aliénation des biens du clergé mis à disposition de la Nation », « 1794-1795 - Estimation et vente de la chapelle de Kerdévot » + docs équivalents des 5 autres chapelles tréviales.