Blog 20.09.2014
Un article de GrandTerrier.
Les billets récents du Blog de l'actualité du GrandTerrier |
[modifier] Jean-Marie il est malade
« Jean-Marie il est malade, Il lui faut le médecin (bis). Le méd'cin dans sa visite Lui a interdit le vin. Refrain : Moi qu'aimais tant... tant, tant, tant ! Moi qu'aimais tant Jean-Marie (bis) », traditionnel breton
Quel regard portait Jean-Marie Déguignet sur l'alcoolisme dans ses mémoires de paysan bas-breton ?
Était-il lui même atteint de la même dépendance toxicomaniaque que celle observée chez ses contemporains ?
Et comment se démarquait-il par rapport à son ennemi Anatole Le Bras dans la lutte anti-alcoolique ?
À la deuxième question, l'ethnographe Philippe Carrer a déjà répondu ainsi : « Notre héros échappe, dans l'ensemble, au danger toxicomaniaque. Il n'y a guère que pendant la période assez brève où il place des assurances qu'il mentionne une nette surconsommation. »
C'est surtout en tant qu'observateur d'une société rurale du 19e siècle que les écrits du paysan bas-breton sont intéressants. La consommation d'alcool y était bien ancrée que ce soit lors d'évènements comme les élections et les pardons, mais aussi dans la vie familiale et professionnelle.
Au pardon de Kerdévot, il observe une consommation généralisée de boissons fortes : « L'esplanade était entièrement couverte de débits et de longues tentes blanches, lesquelles étaient remplis de gens buvant des camots et demi-camots, c'est-à-dire de l'eau noircie mêlée de la plus mauvaise eau-de-vie ».
Dans sa vie familiale, Jean-Marie Déguignet a été très éprouvé par la chute de sa femme dans une dépression alcoolique dévastatrice. Profitant de sa situation de débitrice de boissons, Maryvonne « était en train de gaspiller stupidement tout l'argent qui nous restait », et favorisait la consommation de ses clients, « toujours fière et glorieuse, et toujours entre deux vins, elle ne faisait pas faute de leur en servir à bon compte ».
Dans sa vie professionnelle d'agent d'assurance, Déguignet avoue une consommation personnelle et collective lors de ses visites en milieu agricole, laquelle consommation semble coutumière : « Nous restâmes longtemps là car le cidre et le café fortement carabiné avaient délié toutes les langues. », « nous ne pourrions jamais retourner au bourg, rapport à la neige et aussi rapport à la boisson que nous n'avions cessé d'ingurgité depuis le matin. »
Si Déguignet est effrayé par les désastres du fléau alcoolique, ce n'est pas pour autant qu'il approuve les anti-alcooliques moralisateurs comme Anatole Le Braz. Ce dernier faisant une conférence sur le sujet à Quimper en 1901, il s'insurge : « Mais que diable a pu dire ce jésuite au sujet de l'alcool qui n'aît pas été dit et redit cent fois par les déments de l'antialcoolisme !». Sa conférence fut une litanie d'anecdotes sur des cas d'alcoolisme contemporains, tout en faisant une allégorie d'une Bretagne mythique : « La Bretagne ne peut aspirer à ce grand rôle ... qu'à une condition ; c'est de dompter dès maintenant, quand elle peut encore en avoir la force et la volonté, ce terrible fléau qui la tue : l'alcoolisme. »
Mais Déguignet cite des extraits des célèbres « Légendes de la Mort en Basse-Bretagne », toute en apportant une contradiction empreinte de lutte de classes ...
En savoir plus : « Déguignet et l'alcoolisme en Bretagne au 19e siècle » et « CARRER Philippe - Ethnopsychiatrie en Bretagne »
Billet du 20.09.2014