1957-1959 - Lettres de Josig Huitric, sergent à Saïda en Algérie
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- | Josig est incorporé en mai 1957 dans le 8e RIM (Régiment d'Infanterie Motorisé) et prend, avant la fin de l'année, la direction d'Oran en bateau, puis de Saïda en train. | + | Josig est incorporé en mai 1957 dans le 8e RIM (Régiment d'Infanterie Motorisé) et prend, avant la fin de l'année, la direction d'Oran en bateau, puis de Saïda en train. Il y restera pour une période de plus de 18 mois entrecoupée de quelques perms avec retour au pays : |
- | ... | + | * Il passe très vite son permis de « Half-Track » <ref name=Halftrack>Half Track : véhicule semi-chenillé de l'armée américaine pour le transport de troupe, équipé d'une mitrailleuse Browning et utilisé par l'armée française en Algérie.</ref>, le semi-chenillé de l'armée française. |
+ | * Toutes les semaines il écrit une lettre à sa mère, et quelquefois à ses tantes, dans lesquelles il décrit son quotidien et leur demande des nouvelles du pays, de la famille, de son chien ... | ||
+ | * Début 1959 son régiment est placé sous les ordres du colonel Marcel Bigeard, et dès lors les opérations contre les Fellagas ou Fellous <ref name=Fellaga>Fellaga : pluriel de « <i>fellag</i> », désigne traditionnellement au Maghreb un « bandit de grand chemin ». Il correspond au mot de l'arabe littéral signifiant « pourfendeur » ou « casseur de têtes ». Le mot, qui a un sens péjoratif en arabe, désigne plus précisément, dans le contexte de la guerre d'Algérie, les partisans de l'indépendance de l'Algérie ; soit, de manière globale, les combattants liés au FLN (et, de manière plus précise, les membres de l'ALN) ou au MNA. Le mot était également remplacé, dans l'argot militaire ou colonial, par celui de « <i>fellouze</i> », ou abrégé en « <i>fell</i> » ou « <i>fel</i> ».</ref> s'intensifient. | ||
- | Après sa participation à la bataille d'Alger, Bigeard est revenu le 25 janvier 1959 en Algérie pour prendre le commandement du secteur de Saida en Oranie, où il a sous ses ordres environ 5 000 hommes répartis dans le 8e RIM, le 14e BTA, le 23e RSM, un groupe de DCA, un régiment d'artillerie et deux groupes mobiles de supplétifs. | + | Après sa participation à la bataille d'Alger, Bigeard est en effet revenu le 25 janvier 1959 en Algérie pour prendre le commandement du secteur de Saida en Oranie, où il a sous ses ordres environ 5 000 hommes répartis dans le 8e RIM, le 14e BTA, le 23e RSM, un groupe de DCA, un régiment d'artillerie et deux groupes mobiles de supplétifs. |
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Ayant reçu la lettre à Lisette avec beaucoup plaisir je t'envoie de mes nouvelles qui sont d'ailleurs très bonnes et j'espère qu'avec toi <ref name=Gant>« <i>Tout va bien avec toi</i> » : très beau bretonnisme de type « avec / <i>gant</i> » que ne renierait pas Hervé Lossec !</ref> tout va toujours. | Ayant reçu la lettre à Lisette avec beaucoup plaisir je t'envoie de mes nouvelles qui sont d'ailleurs très bonnes et j'espère qu'avec toi <ref name=Gant>« <i>Tout va bien avec toi</i> » : très beau bretonnisme de type « avec / <i>gant</i> » que ne renierait pas Hervé Lossec !</ref> tout va toujours. | ||
- | Aujourd'hui dimanche je suis chef de poste parce que on a un tour de dimanche et je n'ai grand chose à faire, juste les relèves. Autrement cette semaine j'ai été de patrouille en ville arabe de deux heures du matin à quatre heures et deux fois de quart la nuit. J'ai fini l'auto-école et demain c'est le permis, moi aussi je passe mon permis d'halftrac <ref name=Halftrack>Half Track : véhicule semi-chenillé de l'armée américaine pour le transport de troupe, équipé d'une mitrailleuse Browning et utilisé par l'armée française en Algérie.</ref> ou mon semi-chenillé. | + | Aujourd'hui dimanche je suis chef de poste parce que on a un tour de dimanche et je n'ai grand chose à faire, juste les relèves. Autrement cette semaine j'ai été de patrouille en ville arabe de deux heures du matin à quatre heures et deux fois de quart la nuit. J'ai fini l'auto-école et demain c'est le permis, moi aussi je passe mon permis d'halftrac <ref name=Halftrack>-</ref> ou mon semi-chenillé. |
Jeudi j'ai vu Louis Léonus, je faisais l'auto-école et il m'a reconnu et bien je te le dis qu'il était fier de me voir car depuis qu'il est parti il n'a vu personne du pays. Il allait en perm, et bien je te le dis que j'avais envie d'aller avec lui. | Jeudi j'ai vu Louis Léonus, je faisais l'auto-école et il m'a reconnu et bien je te le dis qu'il était fier de me voir car depuis qu'il est parti il n'a vu personne du pays. Il allait en perm, et bien je te le dis que j'avais envie d'aller avec lui. | ||
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Le gars Mevel du Rouillen je n'ai toujours pas pu le voir, nous y allons plus de ce côté, mais lui vient à Saïda, alors tu pourras dire à ses parents que si il a envie de me voir il n'a que pousser jusqu'à l'escadron. | Le gars Mevel du Rouillen je n'ai toujours pas pu le voir, nous y allons plus de ce côté, mais lui vient à Saïda, alors tu pourras dire à ses parents que si il a envie de me voir il n'a que pousser jusqu'à l'escadron. | ||
- | Autrement nous faisons toujours des opérations et des escortes, avant hier nous avons tués une dizaine de Fellous <ref name=Fellaga>Fellaga : pluriel de « <i>fellag</i> », désigne traditionnellement au Maghreb un « bandit de grand chemin ». Il correspond au mot de l'arabe littéral signifiant « pourfendeur » ou « casseur de têtes ». Le mot, qui a un sens péjoratif en arabe, désigne plus précisément, dans le contexte de la guerre d'Algérie, les partisans de l'indépendance de l'Algérie ; soit, de manière globale, les combattants liés au FLN (et, de manière plus précise, les membres de l'ALN) ou au MNA. Le mot était également remplacé, dans l'argot militaire ou colonial, par celui de « <i>fellouze</i> », ou abrégé en « <i>fell</i> » ou « <i>fel</i> ».</ref> dont le fameux chef qui avait tué mon chef de section. Hier j'ai touché ma solde, alors je vais t'emmener un mandat ces jours-ci. Alors tu laisses tomber complètement les poules, peut-être vaut-il mieux comme ça car il y avait beaucoup de bouleau et peu de rendement, des lapins tu as toujours beaucoup, bientôt il va être de mettre des pommes de terre. Je vais te laisser pour aujourd'hui et bien affectueusement, à toutes. | + | Autrement nous faisons toujours des opérations et des escortes, avant hier nous avons tués une dizaine de Fellous <ref name=Fellaga>-</ref> dont le fameux chef qui avait tué mon chef de section. Hier j'ai touché ma solde, alors je vais t'emmener un mandat ces jours-ci. Alors tu laisses tomber complètement les poules, peut-être vaut-il mieux comme ça car il y avait beaucoup de bouleau et peu de rendement, des lapins tu as toujours beaucoup, bientôt il va être de mettre des pommes de terre. Je vais te laisser pour aujourd'hui et bien affectueusement, à toutes. |
Jos | Jos |
Version du 13 avril ~ ebrel 2012 à 19:15
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Les lettres envoyées par Josig Huitric de Pen-Carn-Lestonan, à sa famille, essentiellement sa mère, alors qu'il est « en opérations de sécurité » à Saïda (Algérie) pour le « maintien de l'ordre en Afrique du Nord ». |
Autres lectures : « L'ancien patronage des Paotred à l'Hotel » ¤ « Le commerce de Pen-Carn » ¤ « Bals et spectacles à la salle Nédélec au Bourg » ¤
1 Introduction
Bien que l'expression « guerre d'Algérie » ait eu cours dans le langage courant, les termes officiellement autorisés par l'administration française étaient « opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord » (cf. ci-dessus l'attestation du ministère des anciens combattants). L'expression « guerre d'Algérie » n'a été reconnue en France que le 18 octobre 1999 sous le gouvernement de Jacques Chirac Jusqu'à récemment les témoignages des soldats français envoyés là-bas pour « le maintien de l"ordre » ont été relativement rares. Était-ce de la pudeur, de la honte ou simplement la peur de ne pas être compris ? En 2012, le cinquantenaire du cessez-le-feu et de l'indépendance de l'Algérie est une occasion de publier quelques souvenirs d'appelés réservistes gabéricois. Et pour commencer les lettres expédiés de Saïda (ville de l'Algérie du nord-ouest, à 800 mètres d'altitude) par un jeune homme né à Ergué-Gabéric en 1937, Josig Huitric dont la mère tenait le commerce de Pen-Carn-Lestonan. |
Josig est incorporé en mai 1957 dans le 8e RIM (Régiment d'Infanterie Motorisé) et prend, avant la fin de l'année, la direction d'Oran en bateau, puis de Saïda en train. Il y restera pour une période de plus de 18 mois entrecoupée de quelques perms avec retour au pays :
Après sa participation à la bataille d'Alger, Bigeard est en effet revenu le 25 janvier 1959 en Algérie pour prendre le commandement du secteur de Saida en Oranie, où il a sous ses ordres environ 5 000 hommes répartis dans le 8e RIM, le 14e BTA, le 23e RSM, un groupe de DCA, un régiment d'artillerie et deux groupes mobiles de supplétifs. |
2 Photos souvenirs
Album-photo | |||||
3 Transcriptions
Saïda le 15-12-57
Saïda le 1-3-58
Saïda le 8-12-58
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Saïda le 18-12-1958
Saïda le 11-2-1959
Saïda le 26 juin 1959
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4 Documents
Les lettres de Josig | |||||
5 Annotations
- Loi relative à la substitution, à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », consultable sur www.senat.fr. [Ref.↑]
- Half Track : véhicule semi-chenillé de l'armée américaine pour le transport de troupe, équipé d'une mitrailleuse Browning et utilisé par l'armée française en Algérie. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2]
- Fellaga : pluriel de « fellag », désigne traditionnellement au Maghreb un « bandit de grand chemin ». Il correspond au mot de l'arabe littéral signifiant « pourfendeur » ou « casseur de têtes ». Le mot, qui a un sens péjoratif en arabe, désigne plus précisément, dans le contexte de la guerre d'Algérie, les partisans de l'indépendance de l'Algérie ; soit, de manière globale, les combattants liés au FLN (et, de manière plus précise, les membres de l'ALN) ou au MNA. Le mot était également remplacé, dans l'argot militaire ou colonial, par celui de « fellouze », ou abrégé en « fell » ou « fel ». [Ref.↑ 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5]
- « Tout va bien avec toi » : très beau bretonnisme de type « avec / gant » que ne renierait pas Hervé Lossec ! [Ref.↑ 4,0 4,1]
- Le North American T-6 Texan ou T-6 était un avion d'entraînement le plus largement répandu dans l'histoire et connu comme "le fabricant de pilote" en raison de son rôle important de préparation des pilotes pour le combat. En mars 1956, la France passe commande aux U.S.A. d'une première tranche de 150 N.A.T-6G qui seront livrés à Bordeaux par porte-avions puis équipés de blindage, d'armement et de radio. Étant le mieux adapté de tous les avions légers le T-6 va devenir l'avion standard des escadrilles légères d'appui (E. A. L. A.) en Algérie. De 1956 à 1959 près de 700 T6 G seront ainsi commandés. [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Août 2011 Dernière modification : 13.04.2012 Avancement : [Développé] |