Monsieur l'Inspecteur,
Je vous prie de recevoir ma démission comme Directrice de l'école privée d'Ergué-Gabéric.
Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur, l'expression de mon profond respect.
Fait à Ergué-Gabéric le 24 juillet 1916. Marie Gourret.
Académie de Rennes. Département du Finistère. Inspection primaire de Quimper. Objet : Ecole privée de filles d'Ergué Gabéric : ouverture illégale.
Quimper, le 21 septembre 1916. L'Inspecteur primaire de Quimper à Monsieur l'Inspecteur d'Académie.
J'ai l'honneur de vous informer que j'ai constaté le 21 courant, à 10 heures du matin, que l'école privée de filles d'Ergué-Gabéric était ouverte et dirigée dans des conditions qui constituent une double infraction à la loi du 30 octobre 1886 [1] :
1° Mlle Rannou Anne Marie m'a été présentée comme remplissant les fonctions de directrice de l'établissement scolaire. Elle est pourvue du Brevet élémentaire et est née le 27 décembre 1895 ; elle n'a donc pas encore 21 ans, ce qui constitue une violation des dispositions de l'article 7 de la loi pré-citée (§ 2).
2° Mlle Marie Gourret, qui exerçait les fonctions de directrice avant les dernières vacances, m'a adressé la lettre ci-jointe, datée du 24 juillet 1916 et reçue le 15 septembre, dans laquelle elle "me prie de recevoir sa démission comme directrice de l'école privée d'Ergué-Gabéric". Aucune nouvelle déclaration de changement de directrice n'ayant été faite, il en résulte que l'école est ouverte conformément aux dispositions des articles 37 et 38 de la loi organique.
§ De plus, Mlle Rannou Anne Marie n'était présente ...
De plus, Mlle Rannou Anne Marie n'était présente dans aucune des classes à mon arrivée. La 1ère classe était dirigée pare Mlle Abhervé-Guéguen, née le 14 juillet 1899 et pourvue, m'a-t-elle déclaré, du brevet élémentaire depuis la dernière session (centre de Quimper) ; elle n'a pu me présenter son diplôme. La 2e classe était confiée, en l'absence de Mlle Rannou, à Mlle Le Joncour Pauline, née le 20 octobre 1899 et pourvue du Brevet élémentaire depuis la dernière session (centre de Quimper) ; le diplôme ne m'a pas été présenté. Mlle Abhervé-Guéguen a donc 17 ans ; Mlle Le Joncour n'en a que 16, mais, en raison des tolérances prévues par la Circulaire ministérielle du 21 septembre 1914, sa présence à la tête d'une classe n'est pas irrégulière, si toutefois elle possède bien le Brevet de capacité, ainsi que Mlle Abhervé-Guéguen (la vérification en peut être faite à l'Inspection académique).
Des explications qui m'ont été fournies par Mlle Rannou et par une religieuse, il résulte que Mlle Gourret n'avait pas formellement manifesté l'intention de ne plus reprendre la direction de l'école, mais, d'autre part, des réticences, des contradictions même que j'ai relevées, me font penser que l'absence de Mlle Gourret à la rentrée des classes, effectuée le 18 courant, n'était pas un fait accidentel et ignoré de Mlle Rannou et de la religieuse qui appuie et corrige ses déclarations. Je ne puis être affirmatif sur ce point qui ne pourrait être élucidé que contradictoirement entre les trois personnes pré-citées.
Quoi qu'il en soit, l'école a été ouverte dans des conditions irrégulières. Mlle Rannou m'a déclaré - et la religieuse a confirmé ses dires - qu'elle prendrait la direction de l'école dès qu'elle aurait 21 ans et qu'elle pourrait régulièrement en faire la déclaration ; d'ici là, elle comptait tenir l'école ouverte. Elle reconnait pourtant que la situation est irrégulière et se déclare disposée à fermer l'établissement jusqu'il soit possible de l'ouvrir conformément aux dispositions légales.
Comme il ne m'appartenait pas de lui sommer un ordre en ce sens, je vous prie de vouloir bien faire appliquer les dispositions légales contenues dans l'article 40 de la loi du 31 octobre 1886 [1] concernant les infractions aux articles 7, 37 et 38 de la loi précitée.
L'inspection primaire, (signature)
Monsieur l'Inspecteur d'académie,
Etant la plus âgée des adjointes de l'école privée d'Ergué-Gabéric, je me permets de vous écrire pour vous donner quelques explications au sujet de l'aventure qui nous est arrivée.
La date de rentrée de nos classes étant fixée au 18 septembre, nous avons ouvert notre école, bien que la directrice Mademoiselle Gourret, fût absente.
Monsieur l'Inspecteur primaire est venu voir l'école et m'a posé sur le retour de la directrice des questions auxquelles je ne savais complètement répondre, car j'ignorais complètement que la Directrice vous avait écrit pour vous donner sa démission.
Il me semble que ma bonne foi est évidente, car je n'aurais jamais osé ouvrir l'école si j'avais su que la Directrice était démissionnaire. Je ne pouvais pas espérer un instant que la chose eût passé inaperçue, et je n'aurais pas été de gaîté de cœur me mettre dans un mauvais cas, sans aucun profit pour moi ni pour l'école.
Dès que nous avons connu ce que la Directrice avait fait, nous avons fermé l'école.
J'ai tenu, Monsieur l'Inspecteur, à vous présenter justification de ma conduite. Agréez, s'il vous plait, Monsieur l'Inspecteur, l'assurance de mon profond respect. Anne Rannou, Institutrice privée. Ergué-Gabéric, ce 21.9.16, soir.
Académie de Rennes. Département du Finistère. Inspection primaire de Quimper. Objet : Ecole privée d'Ergué-Gabéric. Ouverture illégale.
Quimper, le 29 septembre 1916. L'Inspecteur primaire de Quimper à Monsieur l'Inspecteur d'Académie.
J'ai l'honneur de vous retourner la lettre dans laquelle Mlle Rannou, institutrice privée à Ergué Gabéric, essaie de justifier sa conduite et vous avise que l'école, illégalement ouverte, a été fermée.
J'ai constaté aujourd'hui même qu'il n'y avait pas d'élèves dans les deux classes ; d'autre part, Mlle Rannou m'a affirmé que les pensionnaires ont été rendues à leurs familles. Cette fois, les prescriptions légales sont donc respectées.
§ Mais il n'en reste pas moins ...
Mais il n'en reste pas moins qu'elles ont été sérieusement violées car les explications fournies par Mlle Rannou, dans le but d'établir sa bonne foi, ne sauraient être retenues. En effet, Mlle Gourret, l'ancienne directrice de m'école, est partie en fin juillet en emportant tout ce qui lui appartenait, et je le tiens de Mlle Rannou elle-même ; à défaut de déclaration formelle, ce départ était bien significatif. Au surplus, pendant les 2 mois de vacances qui ont suivi, il était facile de tirer l'affaire au clair et d'être ainsi fixé sur les intentions de Mlle Gourret. Enfin, la directrice étant absente le jour de la rentrée, l'école ne devait pas être ouverte avant d'avoir su, d'une façon précise, les causes de cette absence.
Je ne trouve donc aucune excuse valable à la conduite de Mlle Rannou ou de ceux qui l'ont dirigée. Ma conviction est qu'on savait que Mlle Gourret ne reviendrait pas et qu'on a essayé illégalement de passer outre, espérant atteindre ainsi sans encombre la date assez rapprochée (le 27 décembre prochain) à laquelle Mlle Rannou, ayant 21 ans, aurait pu faire la déclaration de changement de direction.
Toutefois, l'école ayant été fermée dès que j'en ai constaté l'ouverture illégale, je ne m'oppose pas à ce que l'affaire soit classée si, en raison des circonstances actuelles, vous estimez, d'accord avec Monsieur le Préfet, qu'il n'y a pas lieu de porter devant le tribunal correctionnel le délit qu'il fait l'objet de mon rapport du 21 courant.
L'Inspecteur primaire, (signature)
Commune d'Ergué-Gabéric. Département du Finistère. Enseignement primaire.
Devant Nous, Maire d'Ergué-Gabéric département du Finistère, s'est présentée ce jour 29 septembre mil neuf cent seize, Mademoiselle Amélie Le Berre née à Pouldergat département du Finistère le 6 mars 1890, laquelle nous a déclaré, en conformité des dispositions de l'article 37 de la loi du 30 Octobre 1886 [1] , avoir l'intention de prendre la direction d'une École primaire privée spéciale aux filles en remplacement de Mademoiselle Marie Gourret.
En foi de quoi nous avons délivré à Melle Amélie Le Berre récépissé de la présente déclaration ainsi que les trois copies prescrites par article 158 du décret du 18 janvier 1887.
En Mairie d'Ergué-Gabéric les jour, mois et an que dessus. Le registre est signé. L'Institutrice déclarante, signée : Le Berre. Pour Copie conforme : Le Maire, L. Le Roux. Récépissé du 30 septembre 1916.
Inspection académique du Finistère. Récépissé de déclaration d'ouverture d'école privée.
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Académie de Rennes. Département du Finistère. Inspection Primaire de Quimper. Objet : Ecole privée de filles d'Ergué-Gabéric. Changement de direction.
Quimper, le 8 octobre 1916. L'Inspecteur primaire de Quimper à Monsieur l'Inspecteur de l'Académie de Rennes en résidence à Quimper.
J'ai l'honneur ...
Mairie d'Ergué-Gabéric.
Le dossier de déclaration d'ouverture d'école privée va être retiré. Le maire prend l'engagement que des travaux ...
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67 enfants à l'école publique. 107 à l'école privée.
Monsieur l'Inspecteur d'Académie
J'ai l'honneur de vous informer ...
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