1906 - Inventaire au Bourg et à Kerdévot par la gendarmerie - GrandTerrier

1906 - Inventaire au Bourg et à Kerdévot par la gendarmerie

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§ E.D.F.

Sommaire


À la recherche de la plus vieille carte postale gabéricoise (cf. article Cartes postales du Bourg d'Ergué-Gabéric) nous sommes tombés sur une carte qui avait circulé et qui contient un témoignage intéressant sur la période tourmentée de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905-1906

Mars 1906
Mars 1906

1 Introduction

Carte postale affranchie le 2 mars 1906 à 22:30 et relatant une opération d'ouverture de l'église paroissiale par les forces de gendarmerie pour procéder à l'Inventaire des biens de l'église. La carte est remplie par le gendarme Alfred Hettinger et adressée à son épouse Lili basée à Chateaulin.

 

"Impossible de pénétrer dans l'église, tout était barricadé. Les crocheteurs ont du abandonner leurs travaux vu les mauvais traitements des habitants. Il a fallu l'assistance de la troupe, une compagnie du 118e pour Ergué-Gabéric et Notre-Dame de Kerdévote."

2 Document

Marianne lignée
Marianne lignée
Cachet de la poste
Cachet de la poste
Gerdarmerie de Chateaulin
Gerdarmerie de Chateaulin
Nous avons opéré ...
Nous avons opéré ...

3 Transcription

Ma chère et bonne petite Lili.

Contrairement à ce que j'avais [dit] nous n'avons pu rentrer aujourd'hui. Impossible de pénétrer dans l'église, tout était barricadé. Les crocheteurs [1] ont du abandonner leurs travaux vu les mauvais traitements des habitants. Il a fallu l'assistance de la troupe, une compagnie du 118e [2] pour Ergué-Gabéric et Notre-Dame de Kerdévote.

Mille baisers de ton petit Alfred qui pense à toi.

A. Hettinger [3]

Nous comptons rentrer demain matin ; dans le cas contraire je t'expédierai un télégramme.

3660 ERGUÉ GABÉRIE - Vue générale (Environs de Quimper) (endroit à nous avons premièrement opéré à 6 kilomètres de Quimper. Arrivée à 7h du matin. réussite dans nos pérégrinations à 4 h 1/2, d'où départ pour Notre-Dame de Kerdévote à 4 kilomètres de l'endroit précité).

(aujourd'hui je n'ai pu le faire vu l'heure matinale de notre départ à 5h du matin [4]).

4 Commentaires

  1. Un crocheteur est un malfaiteur ou un artisan spécialisé dans l'ouverture des portes. Celui-ci neutralise le système des serrures à l'aide d'outils. [Ref.↑]
  2. Le 118e Régiment d'Infanterie de ligne (ou 118e RI), constitué sous la Révolution, est hébergé à Quimper. Philippe Pétain en sera le lieutenant-colonel en 1907. [Ref.↑]
  3. Hettinger est vraissemblablement un nom originaire de Moselle. [Ref.↑]
  4. On ne saura sans doute jamais ce qu'il devait faire pour son épouse. On peut supposer que le départ à 5h du matin s'est fait de Quimper, lieu de rassemblement des forces, et non de Chateaulin. [Ref.↑]

5 Autres sources

L'affaire est relatée dans les colonnes de la Semaine Religieuse de Quimper et de Léon du vendredi 9 mars 1906 :
« A Ergué-Gabéric, l'église paroissiale et la chapelle de Kerdévot, dont les portes avaient été murées à l'intérieur, ont tenu en échec pendant une journée entière les crocheteurs qui opéraient sous la protection de 40 gendarmes et un bataillon d'infanterie, appelé dans l'après-midi en prévision de troubles. »
« Aucune violence contre les personnes ne s'est produite de la part de la population dont l'attitude, durant ces heures pénibles, a été d'une dignité parfaite ... A citer et à retenir cette parole d'un manifestant : "Nous sommes ici pour voir et pour nous rappeler, le moment venu". »

Autre document, la gwerz en breton rédigée par les opposants gabéricois à l'opération d'inventaire  : La gwerz de l'Inventaire des biens de l'Eglise en 1906 à Ergué-Gabéric (traduction par François Ac'h d'Arkae). Extraits de la gwerz relatant l'intervention des gendarmes :

4. Par ordre de Monsieur le Préfet,
dès la lumière du jour,
l'église devait être encerclée
dans le bourg d'Ergué.

5. Ce qu'ils avaient à faire
s'avérant être un crime,
ils étaient tôt partis
de la ville de Quimper.

6. Les gendarmes
se mirent au pas de charge
devant le manoir du Cleuziou
pour aller plus vite encore.

7. Comme surprend un panier en noisetier,
il était surprenant de les voir
quand ils entrèrent dans le bourg d'Ergué,
tous au galop.

8. L'adjudant de la troupe,
c'est lui, je crois, qui mit
cinq hommes auprès de chaque échalier,
le sabre au clair.

9. Avant qu'ils n'arrivent au village
on entendait une corne appeler,
ainsi que la voix triste des cloches
Pour donner l'alerte (faire connaître).

10. Des gens de foi, de coeur,
comme poussés par un vent de folie,
pour déclarer (affirmer) leur religion,
allèrent d'un seul coup dans l'église.

11."Si vis pacem, para bellum"
Aussitôt les portes furent fermées.
C'étaient là les paroles de Samson
quand il combattit les Philistins.

12. Les femmes de Kerfrez et de Lezergué
auraient été enchaînées entre elles
et conduites ensuite à Quimper,
s'il n'y avait eu l'ordre du capitaine.

13. Elles avaient essayé d'entrer dans le cimetière
pour porter secours aux autres
après qu'ils aient été encerclés
sur ordre des mécréants.

14. Il tombait pas mal de pluie
quand arriva le contrôleur
avec deux hommes vilainement habillés
et aussi un commissaire.

15. Deux cantonniers étaient présents
pour servir de témoins,
par ordre du gouvernement,
Avec la peur de perdre leurs places.

16. C'est pas la peine de faire le difficile
pour faire un tel métier ;
ils doivent faire abstinence :
six réaux par jour, c'est maigre.

17. Alors avec le contrôleur en tête
comme d'une bande de gens désavoués
ils allèrent exposer leur loi
à côté de la porte du porche.

18. Bonjour, dit le contrôleur,
je demande que la porte soit ouverte.
Je suis venu de Quimper
pour faire l'inventaire.

59. Dès que furent sonnées les huit heures,
commencèrent les coups
contre la porte de la sainte église,
malgré les pleurs.

60. Je demande à genoux :
Oh ! quand j'y pense, quelle chose étrange,
je ne verrai plus pareil crime :
briser les portes de notre église.

61. Sans respect pour les morts,
nos quelques gendarmes,
qui voulaient fanfaronner,
montèrent sur les tombes.

62. Alors il y eut une bousculade,
avec un grand nombre de gens,
qui les obligea à descendre
sans bruit comme s'ils étaient muets.

63. Après que fut brisée la porte
par les gars du contrôleur,
ils pensaient avoir accès,
mais immédiatement il y avait un mur.

64. Quand ils eurent enfoncé le mur,
ils se prenaient pour des aigles (champions),
mais l'affaire n'était pas finie :
après, il y avait des poutres de bois.

65. Quand sonna midi au bourg,
on les entendait demander de l'eau ;
tout de suite était parti un messager
demander de l'aide à Quimper.

66. Aussitôt le Préfet Collignon
qui attendait des nouvelles toute la matinée,
donna l'ordre d'envoyer un bataillon
et le Commandant Quentin.

67. Quand arrivèrent les soldats
avec leurs munitions,
et deux jours de nourriture avec eux,
et, je crois bien, des cartouches.

68. Ils étaient plus de quatre cent,
dont quelques uns de la paroisse ;
presque tous, quand ils pensaient à leur pays,
avaient de la tristesse sur le visage.

69. Un tambour avait pris place pour faire les trois sommations ;
le commissaire avait demandé
d'ouvrir au nom de la loi.

70. Aussitôt, en tant que porte-parole,
le conseiller général
monta sur un mur
pour implorer et supplier.

71. Au nom des chrétiens du canton,
dit Monsieur Servigny,
je déclare du fond du coeur,
braves gens, il est temps d'arrêter.

72. Il était aimé des honnêtes gens,
et ses paroles étaient écoutées ;
et même Monsieur le Recteur
avait pitié des soldats.

73. La paix avait été signée
tard dans la soirée ;
ensuite, l'inventaire fut fait
aussi à Kerdévot et à Saint-Guénolé.



Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : Décembre 2008    Dernière modification : 16.10.2010    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]